bannière

i

Imagerie scolaire

Naguère, dans les écoles rares, mal closes, quelquefois malpropres, la seule imagerie consistait en coloriages religieux, contraires au bon sens et au goût, et en cartes de géographie pendues aux parois.

Un ministre de l'instruction publique, Victor Duruy, disait vers la fin du second empire : « Je voudrais que les murailles de nos 70 000 écoles fussent couvertes, du haut en bas, d'images. De l'école elles seraient passées dans la chaumière. »

Des années s'écoulèrent sans que ce voeu parût devoir jamais se réaliser. D'autres ministres y songèrent. Jules Ferry créa en 1879 la Commission de la décoration des écoles ; mais les efforts restèrent vains, si bien que, le 12 mai 1880, le directeur de l'enseignement primaire insistait : « Ne conviendrait-il pas de réformer l'imagerie scolaire et enfantine, d'en tirer tous les services qu'elle peut rendre indirectement à l'instruction populaire? Serait-il impossible de substituer aux grossières enluminures, aux images niaises, aux bons points et aux accessits en papier gaufré, une ou plusieurs séries de récompenses consistant en bonnes gravures de grandeur différente, depuis celle qui servirait de récompense hebdomadaire jusqu'à la grande feuille reproduisant, par exemple, un des chefs-d'oeuvre de la chalcographie du Louvre, qui serait donnée en prix, et qui, soigneusement conservée dans les familles, introduirait dans les plus humbles demeures comme un reflet des musées?. J'ai l'honneur de vous demander de vouloir bien soumettre à une commission spéciale l'étude des diverses questions qui se rapportent à ce qu'on pourrait appeler l'enseignement par l'image dans l'école ou dans la famille. »

Un arrêté du 27 mai 1880 institua cette commission, sous le nom de « Commission de la décoration des écoles et de l'imagerie scolaire ». Ses travaux, qui embrassèrent, non pas seulement l'imagerie proprement dite, mais encore la décoration murale des écoles et lycées, la constitution des petites collections artistiques pour les musées scolaires, et l'emploi des projections lumineuses comme moyen d'enseignement, furent résumés dans un rapport au ministre en date du 11 avril 1881 :

« La première révélation de la beauté qui se fait à l'enfant, dit le rapporteur, Charles Bigot, se fait par les yeux ; c'est toujours par les yeux que nous recevons de la beauté l'impression la plus forte et la plus sûre.

« Cette éducation artistique se donne directement Far l'enseignement du dessin, qui met en oeuvre et oeil et la main, qui habitue à mieux voir et à voir surtout dans tous les objets ce qui est essentiel et caractéristique. Mais l'éducation artistique d'un individu ou d'une race ne se fait pas seulement par l'étude du dessin ; elle ne se fait pas seulement par l'effort imposé à chaque enfant de reproduire des contours, de rendre sensibles des reliefs, de copier de beaux modèles. Elle se fait aussi, et la commission oserait presque dire, elle se fuit surtout par la vue incessante de beaux ouvrages….

« Ce n'est donc pas assez d'enseigner le dessin dans les écoles : il faut encore faire de l'école elle-même un musée, une sorte de sanctuaire où règne la beauté aussi bien que la science et la vertu. Il faut que l'enfant vive entouré de nobles ouvrages qui sans cesse parlent à ses yeux, éveillent sa curiosité, élèvent son âme ; il faut que tout l'y entretienne de formes harmonieuses, l'y enveloppe de joie et de sérénité ; il faut que l'art vienne à lui pour ainsi dire de toutes parts comme l'air ambiant qu'il respire, afin que de ces sources délicieuses, suivant l'expression du poète, chaque jour

La vie et la beauté descendent dans son coeur. »

L'appel aux architectes est à relater : « Nos écoles, le plus souvent, sont de simples maisons, presque toujours disgracieuses, presque toujours mal construites. Ce sont des maçons qui les ont bâties et les bâtissent encore. La Commission voudrait que désormais nos écoles fussent l'ouvrage d'architectes véritables, que tous en les voyant comprissent bien l'importance sociale de l'oeuvre qui s'y fait, que par son aspect même l'école inspirât à l'enfance et le respect et le sentiment de la beauté. »

Enfin le rapporteur, avant de conclure, insiste sur l'importance de la petite imagerie manuelle :

« L'une des voies les plus fécondes qui soient offertes à l'éducation publique pour répandre le culte du beau, ce sont les bons points, distribués chaque semaine aux élèves dont le travail a été satisfaisant ; ce sont aussi les prix et les accessits décernés le jour de la distribution solennelle, à la fin de l'année scolaire. Pourquoi ne distribuerait-on pas de temps en temps désormais, comme prix, des albums d'estampes ; comme accessits, des estampes?

« Déjà les bons points sont partout des images. L'enfant les rapporte à la maison. La famille entière les examine et se réjouit à regarder l'image, en même temps qu'elle s'instruit à lire la légende qui y est jointe. Souvent l'image est avec un clou accrochée à la muraille blanchie à la chaux : ce n'est pas l'enfant seulement qui profite de cette leçon de goût, c'est la maisonnée tout entière, grands et petits.

« On a vu l'imagerie la plus médiocre entretenir et fortifier des légendes, exercer une action populaire, et même politique. Que n'est-on pas autorisé à espérer, pour la culture intellectuelle du pays, pour son progrès moral, d'une imagerie véritablement artistique introduite dans l'école et de là se répandant dans toutes les familles ! »

Ces principes fixés, la Commission avait, pour achever sa tâche, à examiner les propositions faites par des artistes ou des éditeurs, et relatives soit à la décoration de nos écoles de toute sorte, soit aux tableaux et cartes destinés à trouver leur place sur les murailles, soit à l'imagerie scolaire.

« La Commission s'est trouvée trop souvent dans la nécessité pénible de refuser son approbation aux spécimens qui lui étaient proposés. Tantôt les légendes scientifiques ou historiques renfermaient trop d'erreurs ; plus souvent encore c'était l'exécution artistique qui se trouvait vraiment par trop insuffisante. Les couleurs des cartes ou des tableaux étaient criardes ou brutales ; les compositions empruntées à l'histoire ou à la vie familière, d'un dessin trop incorrect, d'un barbouillage trop hideux. Elle tient à dire aux éditeurs qu'ils se trompent, en appelant, en général, de préférence des artistes médiocres à composer des modèles qu'ils destinent à l'imagerie de nos écoles. Sans doute, les artistes de valeur voudront être payés plus cher ; mais aucun artiste n'a trop de talent pour servir de maître à l'enfant. Elle pense que les éditeurs se trompent aussi en cherchant la complication des couleurs dans la chromolithographie ou la chromotypie ; des teintes plates en petit nombre, franches et choisies avec goût, approcheront plus près de l'art qu'aucun bariolage de couleurs. Les Japonais l'ont bien montré.

« Si la Commission a dû constater l'insuffisance de la plupart des modèles qui lui ont été présentés, elle ne s'effraie pas toutefois de cette insuffisance. Rien ne serait plus injuste que de juger ce qui sera bientôt, d'après ce qui est. L'introduction de l’art dans l'école, sous la forme de l'image, est encore chez nous presque une nouveauté. La Commission est persuadée que le mouvement imprimé ira vite en croissant. Elle invite nos éditeurs classiques à se mettre à l'oeuvre. Elle a confiance dans l'intérêt bien entendu pour stimuler leur zèle. »

Voici le texte des résolutions de la Commission concernant l'imagerie scolaire :

« I. L'imagerie scolaire comprend les estampes ou photographies destinées à être distribuées comme prix, accessits, bonnes notes, bons points ou autres récompenses.

« II. Ces estampes ou photographies pourront être commandées directement ou choisies parmi les spécimens présentés par l'industrie privée.

« III. Une commission spéciale et permanente est chargée d'examiner ces derniers au point de vue des souscriptions dont ils pourront être l'objet de la part du ministère de l'instruction publique. La Commission indiquera aux artistes et aux éditeurs dans quel sens leurs efforts devront être dirigés.

« IV. Chacune des estampes ou photographies adoptées par la Commission pourra être revêtue de la mention : Honorée d'une souscription du ministère de l'instruction publique, à la condition, toutefois, de joindre à cette mention la date à laquelle la souscription aura été accordée.

« Prix et accessits. — 1° Les estampes et photographies destinées aux prix et aux accessits devront reproduire, autant que possible, des oeuvres d'art consacrées par l'admiration générale. On s'attachera, de préférence, aux compositions qui unissent l'intérêt du sujet à la perfection du style ;

« 2° Les prix consisteront en un portefeuille renfermant plusieurs estampes, ou bien en une estampe unique destinée à être encadrée ;

« 3° A côtés des chefs-d'oeuvre de la peinture, on admettra ceux de l'architecture, de la sculpture ou des arts décoratifs. Ces dernières reproductions devront, de préférence, être appropriées aux industries d'arts spécialement représentées dans chaque région:

« 4° Les accessits comprendront des estampes en plus petit nombre ou d'un format plus réduit.

« Bonnes notes et bons points. — Dans le choix des bonnes notes et des bons points, on tiendra compte principalement des besoins de l'enseignement et de l'éducation. »

Cette sorte de codification se heurta à la résistance des éditeurs qui ne voyaient que leurs profits, et, il faut bien le dire, à l'indifférence du corps enseignant. L'exposition d'imagerie scolaire qui eut lieu en 1881 au Trocadéro n'eut aucune suite immédiate.

Cependant, un Comité permanent, chargé d'examiner les spécimens présentés, avait été institué, selon le voeu de la Commission, par arrêté ministériel du 1er juillet 1881.Il se composait alors de sept membres, sous la présidence du statuaire Eugène Guillaume, de l'Institut. Mais l'abondance et la variété des sujets ayant fait sentir la nécessité d'un plus grand nombre de juges compétents, un nouvel arrêté du 18 juillet 1882 reconstitua ce Comité, qui se compose actuellement de dix neuf membres.

C'est alors que l'industrie privée, sollicitée par ces juges, essaya de réaliser les voeux émis. Quelques-unes de ces tentatives sont à citer.

En 1896, la maison Larousse publie les estampes de E. Moreau Nélaton, Le Vin, Le Bois, Le Blé, Le Trousseau, série augmentée depuis, mais qui n'a pas rencontré la faveur publique.

En 1898, l'imprimeur Charles Verneau produit quatre affiches en couleurs d'Hélène Dufau, qui seront plus tard recommandées de préférence à la scolarité d'âge moyen et aux écoles normales. Elles illustrent les préceptes : Aidons-nous mutuellement, Aimez vos parents, Mieux fait courage que force, Pas de moisson sans culture.

Enfin, quoique dans un autre esprit, qui ne visait pas tout d'abord à la décoration de l'école, un autre imprimeur, frère du précédent, Eugène Verneau, commence les séries de Henri Rivière, Les Aspects de la nature, Les Paysages parisiens, La Féerie des heures, que suivront Au Vent de Noroit, Le Beau Pays de Bretagne ; actuellement près de cinquante estampes d'un choix parfait, unanimement louées par la critique et dont le nombre s'accroît chaque jour.

Le 24 septembre 1899, une circulaire de M. Georges Leygues, ministre de l'instruction publique, essaie de stimuler l'indifférence où sont retombés les membres du personnel enseignant. On distribue les paysages en couleur de Hugo d'Alesi, et un inspecteur général, M. Foncin, attache son nom à une série du même genre avec des notices géographiques.

En 1900, l'Association générale de la Tresse de l'enseignement, réunie en congrès à Paris, décide un Congrès spécial pour y traiter de l'Imagerie scolaire (ou plutôt de l'Art à l'école). Celui-ci a lieu en juin 1904 au Cercle de la Librairie à Paris, et discute les propositions suivantes :

1° Comment la décoration, l'illustration, le leçon du maître peuvent-elles contribuer au développement du beau ?

2° La décoration doit-elle être permanente ou mobile ?

Pour résumer la discussion à laquelle la première question donna lieu, l'assemblée adopta les résolutions ci-dessous :

« I. — L'éducation par l'image doit tendre, dès le début, au développement chez l'enfant des facultés d'observation et du sentiment.

« II. — La décoration et l'imagerie scolaires doivent donc tenir compte de l'état de développement de l'enfant et être appropriées à son âge et à ses facultés.

« III. — Il convient avant tout de mettre sous les yeux des enfants des oeuvres originales d'une exécution sincère et simple.

« IV. — La reproduction exacte des chefs-d'oeuvre consacrés de l'art peut graduellement contribuer à l'éducation de la jeunesse. »

Sur la deuxième question, du caractère permanent ou mobile de la décoration, l'assemblée parut être unanime pour recommander la décoration mobile, et formula ainsi son opinion :

« Les cartes, tableaux d'enseignement servant aux leçons du maître, sont des instruments d'instruction et ne doivent pas être confondus avec les oeuvres artistiques de décoration scolaire.

« Le système de décoration mobile est souvent préférable avec alternance et interruption de façon que l'oeil de l'enfant se repose, que son attention renaisse, que son désir s'éveille et que son émotion se renouvelle, »

Il fut ensuite question des cahiers et des livres.

« Pour les livres, dit le Congrès, il convient de distinguer entre l'illustration documentaire et l'illustration originale.

« La première doit être d'une exactitude rigoureuse par rapport au texte auquel elle s'applique ; il est nécessaire, de plus, qu'elle soit présentée aux yeux de l'enfant dans une harmonie de disposition qui soit elle-même une leçon de goût.

« La seconde doit s'inspirer des caractères de sincérité et de simplicité recommandés par la décoration scolaire.

« La couverture des cahiers peut être, distinctement ou conjointement, ornementale et instructive ; lorsqu'elle comporte un sujet d'enseignement, elle doit toujours conserver un caractère artistique. »

Quelques congressistes préconisèrent l'usage par sélection des cartes postales illustrées. Cette, initiative parut susceptible d'être recommandée, et l'assemblée adopta les résolutions suivantes :

«L'usage des cartes postales peut être recommandé, sans exclure cependant l'image scolaire, qui peut être, en même temps qu'un encouragement et un facteur de moralisation, un élément de décoration dans l'école et la famille. Les cartes postales et les images scolaires doivent, autant que possible, comporter une légende explicative.

« Il y a lieu de recommander la pratique suivie par certaines écoles dans lesquelles les élèves réunissent en commun, sur un album et sous la direction de leurs maîtres, les cartes postales de diverses natures qui leur sont adressées individuellement ou qu'ils ont eux-mêmes réunies.

« Le même procédé pourrait être utilement appliqué aux images scolaires et constituerait un petit musée pour l'école. Les albums ainsi formés pourraient être communiqués d'école à école et constituer ainsi une sorte de musée circulant. »

Enfin, résumant les longues discussions auxquelles avait donné lieu cet examen, le Congrès adopta, comme conclusion de principe :

« Il y aurait lieu d'établir, par une collaboration volontaire entre les artistes et les éducateurs, un accord sur le choix des sujets qui peuvent convenir à la décoration et à l'imagerie scolaires. »

L'exposition qui lut ouverte en même temps contenait des Chefs-d'oeuvre de l'art en couleurs (librairie Armand Colin), des images géographiques (librairies Hachette, Delagrave, Belin), des tableaux historiques (Armand Colin), des collections de photographies des musées d'Europe (Buloz), des frises enfantines de M. Barberis, une première série de Henri Rivière (Eugène Verneau), les tableaux intuitifs de G. Moreau (Larousse), les estampes de Moreau-Nélaton (Larousse), les quatre affiches de Mlle Dufau (Charles Verneau).

Mais, à ce moment, pour les estampes de Rivière, on convenait que c'étaient des types d'art véritable, un peu raffinés, sans espoir « qu'ils pussent passer un jour dans le matériel scolaire ». Depuis ce n'est même pas seulement un espoir, c'est une réalité. Je vais dire comment.

En 1905, le ministère de l'instruction publique, se décidant à agir, commande des maquettes d'imagerie scolaire à des peintres. Ces études sont exposées au Musée pédagogique de la rue Gay-Lussac, puis à l'exposition de Liège.

Les sujets s'inspirent de la famille et du terroir, des labeurs humains, des saisons, de la nature.

Dans une campagne défeuillée de la banlieue parisienne, J.-P. Raffaelli conduit un père et son enfant. Sur une grève sableuse, léchée par la mer, une femme ploie sous un ballot de varech : composition de M. Dabadie. M. André Dauchez, deux fois présent, à côté d'une marine bleue où cinglent de fins voiliers, a parcouru les mêmes solitudes où de pauvres gens râtellent et brûlent les algues rejetées par le flot. Ici, de la joie : c'est le dimanche, par Lucien Simon, et, tout proche le village, les gas bretons lancent la boule sur les quilles.

Joyeux aussi, M. Hanicotte met en fête la plage de Volendam, bordée de maisons multicolores. Avec une incontestable habileté scénique, il fait virer une ronde au milieu de femmes assises, d'enfants jouant aux châteaux de sable, de pêcheurs rentrant leurs filets. C'est un amusant coin de Hollande. M. René Ménard, dans une sanguine sobre, montre une mère allaitant, les hommes hissant les blocs pour une construction. M. G. d'Espagnat, en des tons de tapisserie qu'il affectionne, mène deux fillettes à la cueillette des pommes, tandis que M. E. Wéry assoit ses Enfants sages sous un oranger au bord de la Méditerranée bleue.

L'Ecolière lisant, de Henri Martin, est connue. Jules Adler traite une scène familière, La Sortie de l'Ecole, avec les cartables et les petits paniers, sous les yeux des parents attentifs. Enfin, avec M. Ernest Laurent, nous voici au Bon logis, où la maman, près d'une table chargée de gâteaux, de fleurs et de jouets, soigne un nourrisson et dit à la fillette pensive appuyée contre ses genoux : Aimez bien votre maman, car personne ne vous aimera mieux qu'elle.

Ces maquettes ont été confiées à l'imprimeur Eugène Verneau, qui a pu réaliser jusqu'ici : La Sortie de l'école, par Jules Adler, Les Petits Hollandais, par Augustin Hanicotte, Les Joueurs de boules, par Lucien Simon. Il y a ajouté, de son cru, Les Enfants aux Tuileries, par Abel Truchet. Des difficultés lithographiques ont interrompu la publication. Mais l'éditeur continue sans arrêt des séries nouvelles de Henri Rivière, introduites, on peut dire imposées, dans les classes par la Société nationale de l'Art à l'école.

Cette association s'est fondée en février 1907, suites principes suivants : « Faire aimer à l'enfant la nature et l'art, rendre l'école attrayante », avec ces moyens d'action : « Embellissement des locaux scolaires, décoration permanente ou mobile de l'école, diffusion de l'imagerie scolaire appropriée à l'âge et aux facultés de l'enfant, et son initiation à la beauté des lignes, des couleurs, des formes, des mouvements et des sons. »

En ce qui concerne plus particulièrement l'imagerie, on peut dire que la société a fait sien le programme intégral voté par la Commission de 1880. Elle a institué une sous-commission d'examen devant laquelle passèrent les produits de plus de trente éditeurs. Comme en 1880, peu trouvèrent grâce à ses yeux. Mais on peut ajouter que, depuis cette fondation, l'imagerie scolaire a pris une orientation nouvelle. La Société émet des voeux en faveur de l'estampe en couleurs, établit ses proportions à l' « échelle » des murailles, la base de ses enseignements, lance des circulaires où elle énumère les sélections issues de ses délibérations. Ne se bornant pas à la théorie, son action immédiate est des plus réelles. Elle parvient à faire reculer les chromolithographies quasi-officielles de Hugo d'Alesi, qui déforment la nature par trop de joliesse et de préciosité, y substitue celles de Henri Rivière qui la font comprendre avec plus de vérité, lutte avec raison contre l'encombrement des murs, l'apposition permanente des tableaux anti-alcooliques et physiologiques, « lesquels ne doivent paraître, pour conserver leur efficacité, qu'au moment de la leçon ».

La direction de l'enseignement primaire du ministère dispose d'un crédit de 3000 francs « pour achats d'images scolaires ». A l'instigation de la Société, ce crédit est porté à 5000 francs, et chaque grande cité vote des fonds à cet usage. La Société fait intercaler un chapitre spécial de « décoration scolaire » dans les catalogues de fournitures gratuites de la Ville de Paris ; le directeur de l'enseignement de la Ville la charge, dès la première année, de répartir, pour une somme assez considérable, dans les écoles que ses commissaires ont visitées, des estampes choisies par elle, et la même action, la même influence s'étendent sur le territoire entier et même aux colonies, par le travail de ses filiales.

Les éditeurs qui s'inspirent et se subordonnent à cette action produisent d'intéressantes choses : Hachette, avec ses Chefs-d'oeuvre des grands maîtres, réduits en couvertures de cahiers ; Larousse avec les Saisons de Grasset, en cahiers également ; Laurens avec un album d'Auriol ; Buloz avec une série nouvelle, Sites et monuments, qui fait suite à l'Histoire de l'Art ; le Touring-Club, qui édite deux Manuels, de l'Arbre et de l'Eau, parfaits de tendances et d'exécution (mais une pancarte moins bonne d'esthétique), Eugène Verneau, avec ses estampes d'Adler, Hanicotte, Lucien Simon, Truchet, Steinlen, qui complètent si heureusement et si diversement le bouquet magnifique de Henri Rivière. La Société en provoquera d'autres, qu'elle étudie chaque jour. Les Congrès nationaux qu'elle tint à Lille en 1908 et à Nancy en 1909, ses cinq expositions de 1907, 1908 1909 à Londres, au Salon d'automne de Paris, à Copenhague et à Nancy, furent des sources de documentation où vinrent puiser même nos voisins. La réforme de l'enseignement du dessin, déjà entreprise par une ardente campagne de M. Quénioux, y fut définitivement résolue sur la base de l'observation directe de la nature, et les nouveaux programmes en surgirent, maintenant appliqués (octobre 1909).

Ne terminons pas ce trop bref exposé français sans citer les réalisations artistiques de l'Allemagne, qui a su comprendre depuis longtemps et fort bien l'imagerie scolaire, et la Belgique où le ministère des sciences et arts publie d'excellentes circulaires sur l'éducation esthétique primaire, la décoration florale des écoles, et édile actuellement une série de vingt estampes en couleurs des Sites et paysages belges, confiée aux meilleurs artistes du pays et d'une exécution très satisfaisante.

Léon Riotor