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Histoire

 L'histoire à l'école primaire. ? Grâce à la loi qui retient les enfants à l'école jusqu'à la quatorzième année, il va être possible enfin d'enseigner l'histoire à l'école primaire selon une méthode qui tienne compte de l'âge des élèves et suive le progrès de leur force intellectuelle.

Pour classer les conseils qui vont suivre, on supposera qu'il y a trois degrés de l'enseignement historique : le premier pour les enfants de sept à neuf ans, le second pour les enfants de neuf à onze ans, le troisième pour les enfants de onze à treize ans.

Le premier degré. ? La première difficulté de l'enseignement historique est de faire entendre aux élèves que le monde n'a pas toujours été comme ils le voient. Naturellement, ils n'ont aucune idée de l'âge ni des transformations de l'humanité. Si l'on n'y prend garde, ils mettront tous les faits au même plan : il faut donc étendre sous leurs yeux la perspective historique jusqu'au point éloigné où on va les transporter tout à coup, pour les ramener ensuite au temps où ils vivent.

Dès qu'ils ont appris que leur pays s'appelait, il y a deux mille ans, la Gaule, il convient d'ajouter immédiatement que cette Gaule n'était point pareille à notre France, et de leur montrer par des exemples à leur portée qu'un pays, en un temps bien moins long, peut changer du tout au tout. Ils savent ce qu'est un chemin de fer : dites-leur qu'il n'y avait pas de chemin de fer, il y a cent ans ; que la plupart de ces routes qui, par milliers, courent à la surface de notre sol et font communiquer entre eux les plus petits villages, n'existaient pas, et que nos grands-pères, lorsqu'ils allaient, à une lieue de la maison, faire visite à quelque parent ou à quelque ami, s'embourbaient dans les sentiers jusqu'au genou. Ils savent que la terre vaut gros aujourd'hui : dites-leur qu'il y a cent ans une partie du sol était en friche ou en marécages. Ils ont vu des machines à vapeur et ces usines où les ouvriers travaillent par centaines : dites-leur qu'il n'y avait pas de machines à vapeur n'y d'usines. Ajoutez, comme conséquence de tout cela, que l'on travaillait moins qu'aujourd'hui, que l'on était moins bien vêtu, moins bien logé, que le plus grand nombre de nos paysans mangeaient du pain noir en buvant de l'eau. Après avoir montré que ces changements se sont opérés en un siècle, dites-leur qu'en deux mille ans, il y a vingt siècles : voilà l'enfant bien averti qu'il va être transporté dans un autre monde. Certes, il y aurait bien d'autres choses à mettre dans ce parallèle entre le passé et le présent ; mais il faut se garder de l'ambition de tout dire, de tout dire en une fois surtout. Ces quelques traits suffisent pour produire l'effet cherché : donner à l'enfant une première notion des transformations successives.

Comment le diriger dans ce monde inconnu qu'on vient de lui faire entrevoir? On croit trop facilement qu'il ne sert à rien de mettre de la suite dans les choses pour parler à des enfants de sept ans, et qu'il suffit de leur raconter quelques faits et des biographies. Sans doute, on ne se mettra pas en tête l'ambition de faire comprendre à de si jeunes esprits l'enchaînement des faits ; mais pourquoi ne pas montrer au moins cet enchaînement? ne pas découper l'histoire en périodes? ne pas mesurer la longueur des étapes successives? C'est autant de gagné pour l'avenir. Il serait déplorable que l'on vint à dédaigner cette précieuse faculté, la mémoire, qui reçoit et classe les matériaux sur lesquels opérera la raison à son éveil, comme fait la terre au printemps sur les semences qu'elle a détenues presque inertes pendant le sommeil hivernal. Montrez donc, même aux plus petits enfants, par des faits et par des dates, la succession des temps. Ne procédez pas par le pêle-mêle. Tissez fermement la trame sur laquelle vous dessinerez les grands faits et les grandes figures de l'histoire.

Cette trame, c'est la chronologie de l'histoire de France, et la seconde leçon (la première étant la comparaison entre autrefois et aujourd'hui) doit être un sommaire de cent lignes, contenant la liste des grandes périodes de l'histoire de France, marquées par leurs dates extrêmes : l'enfant retiendra cela aussi bien qu'une série de définitions de grammaire et d'arithmétique. Le sommaire appris par coeur, on l'introduira dans l'étude des périodes, en répétant, au début de chacune, la partie du sommaire général qui la concerne.

Arrivons, après ces préliminaires, à l'enseignement proprement dit. Au lieu de construire dès à présent une théorie pédagogique, nous voudrions indiquer la méthode par des exemples pris à des moments différents de l'histoire : d'abord, tout au début.

Le sommaire général aura dit : « La Fiance, notre pays, s'appelait la Gaule, il y a deux mille ans. Cinquante ans avant la naissance de Jésus-Christ, elle fut conquise par les Romains, qui l'ont possédée jusqu'en 475 après Jésus-Christ. C'est pendant ce temps-là que les Gaulois, qui étaient païens, se convertirent au christianisme. »

Pour développer ce sommaire, il faut tout d'abord décrire les Gaulois. Les enfants savent, par ce qui leur a été dit à la première conversation sur l'histoire, que ces hommes qui vivaient, il y a tant et tant d'années, ne ressemblaient pas du tout à ceux qu'ils connaissent. Donnez quelques détails sur la vie des Gaulois, toute voisine encore de la barbarie. Décrivez les huttes sans fenêtres et sans cheminées, la façon gloutonne de manger avec les mains, le vêtement, sous lequel il n'y avait pas de chemise. Dès que l'enfant saura que les vitres, les fourchettes et les chemises n'étaient pas inventées, et même qu'elles ne l'ont été que beaucoup plus tard, il sentira qu'il entre dans un autre monde. Ajoutez l'oisiveté de la vie barbare, l'inhabileté au travail agricole et à l'industrie, l'humeur belliqueuse et les expéditions de guerre. Les enfants comprennent tout ce qui est bataille : si on les laissait faire, ils passeraient leur vie à se prendre aux cheveux et à se jeter des pierres. Cet instinct naturel du recours à la force les fait contemporains des temps où l'homme, voisin de l'état de nature, n'avait d'autre loi que celle du plus fort. Décrivez-leur donc les armes et la façon de combattre des Gaulois. Campez devant eux un de leurs ancêtres, jetant vêtement et bouclier pour combattre nu, provoquant l'ennemi par ses cris, s'enivrant de son courage, mourant plutôt que de reculer d'un pas, et, s'il n'est que blessé, montrant avec orgueil le sang qui décore sa poitrine. Dites pourtant que ce vaillant n'était pas toujours un bon soldat, qu'il avait de l'ardeur, mais point le calme qu'il faut dans les batailles, et que, si l'ennemi lui résistait longtemps, le Gaulois se lassait et lâchait prise. Voilà des traits de moeurs qui peindront les ancêtres. Les expéditions des Gaulois seront une matière à récits : on choisira de préférence le récit de l'expédition du Capitole, parce que l'enfant y rencontrera les Romains, qu'il ne s'étonnera pas de revoir bientôt, agresseurs cette fois et conquérants. De la guerre des Gaules, on dira quelques mots, en jetant toute la lumière sur le personnage de Vercingétorix, qui sera le sujet d'une biographie : car il est un héros national, le héros de la résistance à l'ennemi.

La Gaule conquise entre dans la civilisation romaine ; mais dire à un enfant que la Gaule passe de la barbarie à la civilisation, c'est lui dire des mots. Faites-lui comprendre la chose par des signes extérieurs. Rappelez votre description de la Gaule primitive, et dites ce qu'était une ville romaine, ou seulement qu'il y avait des villes, et de grandes villes ; dessinez ou montrez quelques-uns de ces grands monuments qui subsistent après dix-huit cents ans sur notre sol ; parlez des routes indestructibles bâties par ces Romains ; opposez tout cela aux villages, aux huttes, aux sentiers des Gaulois. Au temps des Gaulois, il n'y avait pas d'écoles ; on n'écrivait pas, on ne lisait pas ; au temps des Romains, il y a partout des écoles en Gaule. L'enfant comprendra la différence. Mais il est à craindre qu'il ne se croie déjà dans les temps modernes. Dites alors un mot de l'esclave, c'est-à-dire de l'homme traité par l'homme comme une bête de somme. Dans un de ces amphithéâtres splendides que vous aurez décrits, placez un combat d hommes contre des lions, ou bien un combat de gladiateurs. Montrez, après avoir introduit le christianisme, les chrétiens livrés aux bêtes, et terminez par le récit d'un martyre.

Une des périodes les plus difficiles est celle qui sera résumée au sommaire général à peu près ainsi : « De l'avènement de Hugues Capet en 987 à 1108, date de l'avènement de Louis le Gros, les rois ne sont guère puissants en France, ils ne commandent que sur une petite partie du pays : le reste appartient à des seigneurs qui se font la guerre entre eux. Louis le Gros essaie de rétablir la paix dans le royaume et d'y faire régner la justice. »

Il est indispensable d'expliquer d'abord que, sous les derniers rois carlovingiens, les ducs et les comtes, que les rois avaient faits gouverneurs des provinces, cessèrent de leur obéir et devinrent ainsi comme des rois ; la France est alors divisée en comtés et duchés, dont chacun est comme une petite France ; dans ces comtés et duchés, il y a des seigneurs qui n'obéissent guère aux comtes et aux ducs, si bien que chacun deux est à peu près maître dans sa seigneurie ; au-dessus de tout cela, le roi, sans forces, et, au-dessous, le peuple, sans protection. Mais comment faire revivre cette société si différente de la nôtre? Comme l'a fait un maître, que nous avons entendu un jour, parlant devant une classe d'enfants de sept ans, dans une école de Paris. Nous reproduisons ici le passage d'un article de la Revue des Deux-Mondes du 15 février 1882, où nous avons raconté cette visite :

« J'arrivai au moment où un jeune maître commençait une leçon sur la féodalité. Il n'entendait pas son métier, car il parlait de l'hérédité des offices et des bénéfices, qui laissait absolument indifférents les enfants de huit ans auxquels il s'adressait. Entre M. Berthereau, le directeur de l'école : il interrompt, et, s'adressant à toute la classe : « Qui est-ce qui a déjà vu ici un château de la féodalité ? » Personne ne répond. Le maître, s'adressant alors à un de ces jeunes habitants du faubourg Saint-Antoine : « Tu n'as donc jamais été à Vincennes? ? Si, monsieur. ? Eh bien ! tu as vu un château du temps de la féodalité ». Voilà le point de départ trouvé dans le présent: « Comment est-il, ce château? » Plusieurs enfants répondent à la fois. Le maître en prend un, le conduit au tableau, obtient un dessin informe qu'il rectifie. Il marque des échancrures dans la muraille. « Qu'est-ce que c'est que cela? » Personne ne le savait. Il définit le créneau. « A quoi cela servait-il? » Il fait deviner que cela servait à la défense. « Avec quoi se battait-on? avec des fusils? » La majorité : « Non, monsieur. ? Avec quoi? » Un jeune savant crie du bout de la classe : « Avec des arcs. ? Qu'est-ce qu'un arc? » Dix voix répondent : « Monsieur, c'est une arbalète ». Le maître sourit et explique lu différence. Puis il dit comme il était difficile de prendre avec des arcs et même avec les machines du temps un château, dont les murailles étaient hautes et larges, et continuant : « Quand vous serez ouvriers, bons ouvriers, que vous voyagerez pour votre travail ou pour votre plaisir, vous rencontrerez des ruines de châteaux ». Il nomme Montlhéry et autres ruines dans le voisinage de Paris. « Dans chacun d'eux il y avait un seigneur. Que faisaient tous ces seigneurs? » Toute la classe répond : « Ils se battaient ». Alors le maître dépeint devant ces enfants, dont pas un ne perd une de ses paroles, la guerre féodale, mettant les chevaliers en selle et les couvrant de leurs armures. « Mais on ne prend pas un château avec des cuirasses et des lances. Alors la guerre ne finissait pas. Et qui est-ce qui souffrait surtout de la guerre? Ceux qui n'avaient pas de châteaux, les paysans qui, dans ce temps-là, travaillaient pour le seigneur. C'est la chaumière des paysans du seigneur voisin qu'on brûlait. « Ah ! tu me brûles mes » chaumières », disait le seigneur attaqué: «je vais te » brûler les tiennes ». Il le faisait, et il brûlait, non seulement les chaumières, mais encore les récoltes. Et qu'arrive-t-il quand on brûle les récoltes? Il y a la lamine. Est-ce qu'on peut vivre sans manger? » Toute la classe : « Non, monsieur. ? Alors, il a bien fallu trouver un remède. » Le voilà qui parle de la trêve de Dieu ; puis il commente : « C'est une singulière loi, par exemple. Comment! On dit à des brigands : « Restez tranquilles du samedi soir au mercredi matin, mais le reste de temps ne vous gênez » pas, battez-vous, brûlez, pillez, tuez! » Ils étaient donc fous, ces gens-là? » Une voix : « Bien sûr. ? Mais non, ils n'étaient pas fous. Ecoutez-moi bien. Il y a ici des paresseux, je fais ce que je puis pour qu'ils travaillent toute la semaine ; mais je serais à moitié content de les voir travailler jusqu'au mercredi. L'Eglise aurait bien voulu qu'on ne se battît pas du tout ; mais, comme elle ne pouvait l'obtenir, elle a essayé de faire rester les seigneurs tranquilles une moitié de la semaine. C'était toujours cela de gagné. Mais l'Eglise n'a pas réussi. Il fallait la force contre la force, et c'est le roi qui a mis tous ces gens à la raison. » Alors le maître explique que les seigneurs n'étaient pas égaux les uns aux autres, qu'il y avait au-dessus du maître de tel château un seigneur plus puissant et plus élevé, habitant dans un autre château. Il donne une idée, presque juste, de l'échelle féodale, et, tout en haut, il place le roi. « Quand des gens se battent entre eux, qui est-ce qui les arrête? » Réponse : « Les sergents de ville. ? Eh bien, le roi était un sergent de ville. Qu'est-ce qu'on fait de ceux qui ont battu et tué quelqu'un? » Réponse : « On les juge. ? Eh bien ! le roi était un juge. Est-ce qu'on peut se passer de gendarmes et de juges? ? Non, monsieur. ? Eh bien! les anciens rois ont été aussi utiles à la France que les gendarmes et les juges. Ils ont fait du mal dans la suite, mais ils ont commencé par faire du bien. Qu'est-ce que je dis: aussi utiles? Bien plus ; car il y avait alors plus de brigands qu'aujourd'hui. C'était des gens féroces que ces seigneurs, n'est-ce pas? » La classe : « Oui, monsieur. ? Et le peuple, mes enfants, valait-il mieux? » Réponse unanime, d'un ton convaincu : « Oui, monsieur. ? Eh bien! non, mes enfants. Quand ils étaient lâchés, les gens du peuple étaient des gens terribles. Ils pillaient, brûlaient, tuaient, eux aussi ; ils tuaient les femmes et les enfants. Pensez qu'ils ne savaient pas ce qui était bien, ni ce qui était mal. On ne leur apprenait pas à lire. »

« Sur ce mot, qui n'est qu'à moitié juste, finit une leçon qui avait duré à peine une demi-heure. »

La leçon avait été écoutée avec une attention profonde. C'est que le maître pratiquait cet art difficile de s'adresser à tous à la fois et de stimuler l'attention de chacun par l'émulation de faire preuve d'intelligence et de savoir. C'est qu'il savait partir d'un point connu pour mener l'enfant dans l'inconnu.

Contrairement a un préjugé répandu, il est plus difficile d'enseigner l'histoire moderne que cette vieille histoire du moyen âge : à mesure qu'on descend le cours des âges, le pittoresque s'efface et les vives couleurs pâlissent. Pourtant, la méthode ne doit pas changer.

Prenons pour exemple la période ainsi résumée dans le sommaire général : « Malheureusement, les rois sont devenus trop puissants ; Louis XIV a commis beaucoup de fautes. Louis XV gouverne très mal. La France cesse d'aimer ses rois, et la Révolution éclate sous Louis XVI, le successeur de Louis XV. »

L'enfant sait déjà par l'histoire des périodes précédentes les grands progrès de l'autorité royale, et qu'il n'y a plus d'autre loi que la volonté des rois à laquelle tout le monde obéit. On lui dira que le règne de Louis XIV a eu des parties bonnes et glorieuses, et, sans le moins du monde entrer dans le détail des faits militaires, on lui racontera quelque grande victoire de Turenne et de Condé, en dessinant à grands traits le personnage de ces hommes de guerre. On parlera des grands ministres et l'on fera connaître par quelques anecdotes Louvois et Colbert. On ajoutera que le roi avait trop d'orgueil, et l'on citera les preuves connues de cet orgueil ; qu'il aimait trop les dépenses, et l'on décrira Versailles, Marly et les fêtes ; qu'il aimait trop la guerre, et l'on terminera par le récit de quelque désastre et le tableau des misères des dernières années.

Mais, de toute l'histoire, la partie la plus difficile à enseigner sera certainement celle qui s ouvre avec la Révolution. Il est impossible de ne pas toucher un peu à des questions d'ordre social et politique : le tout est de le faire si modestement, si simplement, avec tant de précautions, que l'enfant fasse de la politique, comme le bourgeois gentilhomme faisait de la prose, sans le savoir.

Notre sommaire général aura dit que la France, devenue république, change ses anciennes lois pour s'en donner de meilleures ; que l'Europe lui déclare la guerre et qu'elle bat l'Europe. Pour la guerre, rien de mieux, et la seule difficulté sera de faire un choix entre tant d'actions héroïques qui prêteront à des récits, entre tant de grands personnages qui prêteront à des biographies. Mais comment faire comprendre ce changement des lois? ce progrès vers l'égalité et la liberté? Il n'y a pas d'autre moyen que de rechercher dans l'esprit de l'enfant, pour les rendre précises, les notions vagues qu'il possède sur la société contemporaine. Il y voit des inégalités, par exemple, des propriétaires et des fermiers, des maîtres et des serviteurs. Apprenez-lui, s'il ne le sait pas encore, que le serviteur n'est lié au maître que par un acte de sa volonté, et qu'il sert parce qu'il a cru avantageux de servir ; qu'on ne devient le fermier de quelqu'un qu'en vertu d'un contrat librement consenti ; au lieu que, dans l'ancienne société, il y avait des hommes qui étaient, par naissance, des serviteurs, et, par nécessité, demeuraient tels pendant toute leur vie. L'enfant voit d'autres inégalités : des hommes qui commandent, comme l'officier à ses soldats ; dites-lui que l'officier acquiert ce droit de commander par son mérite, et qu'il le perdrait s'il en usait mal, au lieu que, sous l'ancien régime, le roi, les seigneurs naissaient avec ce droit et le gardaient même quand ils en usaient mal. Ces comparaisons, bien développées, montreront aux écoliers le progrès social. Ils savent d'ailleurs que le maître et le serviteur d'aujourd'hui obéissent aux mêmes lois, sont également punis pour les mêmes fautes, ont les mêmes devoirs envers la patrie. Apprenez-leur que les grands d'autrefois échappaient souvent à la sévérité des lois ; que plus on était humble, moins on avait de droits et plus on avait de charges.

Telle est la méthode qu'il faut suivre, au premier degré de l'enseignement de l'histoire : prendre autant que possible son point de départ dans le présent ; répéter à tout propos la comparaison entre autrefois et aujourd'hui ; peindre par des signes extérieurs, par des récits, par des biographies, le tout mis en son lieu chronologique et bien fondu dans une exposition simple et continue. Le second degré. ? Au second degré, le maître fera revivre les souvenirs des deux premières années d'enseignement, en y ajoutant des notions et des faits nouveaux. Quant à la méthode, elle restera descriptive, comme au premier degré, mais elle deviendra explicative.

Il ne suffit plus de raconter les faits, de décrire des personnages, il faut expliquer les faits et marquer enchaînement des choses.

L'enfant se rappelle, pour l'avoir appris au premier degré, que les Gaulois ont été vaincus par les Romains ; dites-lui maintenant pourquoi. Vous lui avez fait voir les années précédentes, par des signes extérieurs, en quoi la Gaule diffère de la France ; marquez maintenant les différences intimes et profondes.

Pour cela, prendre son point de départ dans le présent, comme toujours. L'enfant sait bien qu'il vit dans un grand pays, qui a une grande capitale, appelée Paris ; que tous les habitants de ce pays sont unis entre eux par des liens étroits ; qu'il y a une armée de la France, où servent tous les Français ; que des Français ne doivent pas se battre contre d'autres Français. Il est aisé d'opposer à cette France la Gaule, qui n'a pas de capitale, les Gaulois divisés en petits peuples, sans armée nationale, guerroyant les uns contre les autres, incapables de se réunir à temps contre l'étranger ; vaincus à cause de cela, et, après une guerre de huit années, soumis pour quatre siècles aux vainqueurs. Ces vainqueurs romains, que l'on a décrits aussi, au premier degré, par les signes extérieurs, il faut pour ainsi dire les expliquer. Pour cela, représenter l'Italie, divisée comme était la Gaule, au moment où les Romains vinrent attaquer celle-ci ; placer au milieu le petit peuple habitant la cité romaine ; dire qu'il se gouvernait bien, faisait lui-même les lois, et y obéissait, après les avoir faites ; choisissait lui-même ses chefs, les consuls, et, après les avoir choisis, leur obéissait. Donner les exemples connus de la terrible discipline romaine à laquelle les pères sacrifiaient leurs fils ; dire que tous les Romains étaient soldats, bons soldats ; qu'ils exécutaient les ordres sans murmures, supportaient les fatigues sans plaintes, que chacun d'eux aimait sa patrie plus que lui-même et qu'un Romain mourait avec joie pour Rome. C'est assez pour faire comprendre que les Romains devinrent un grand peuple et vainquirent tous leurs ennemis. Et le contraste entre Rome et la Gaule expliquera qu'un si grand pays ait été soumis en si peu d'années.

Au premier degré, l'enfant a seulement appris que la Gaule est restée romaine pendant quatre siècles, et que les Barbares sont survenus, qui les ont remplacés en Gaule. Au second degré, vous lui montrerez la Gaule dans l'empire romain ; vous lui ferez montrer les limites de cet empire sur la carte ; au delà de ces limites, vous placerez les principaux peuples barbares ; puis vous direz d'un mot les causes de l'affaiblissement de l'empire : Rome perdant les vertus par lesquelles elle a conquis le monde, les citoyens cessant de faire les lois et de porter les armes, l'armée recrutée de mercenaires et de barbares, les folies du despotisme impérial : la ruine, qui est la conséquence de tout cela.

Cette explication des faits ne va point sans un commentaire moral. A chaque pas, le maître trouvera des leçons à donner ; il aura plaisir à le faire.

Pour le reste de l'histoire, voici à grands traits le tableau du cours.

Faire voir, par des faits, par des anecdotes que donne à foison Grégoire de Tours, le despotisme d un roi mérovingien comme Chilpéric, par exemple ; expliquer la décadence de la royauté, par les guerres civiles, comme celles de Frédégonde et de Brunehaut, et par les dons d'argent, de terres et de privilèges aux grands du royaume ; ne pas insister sur les détails de la lutte entre la royauté et l'aristocratie naissante ; être très sobre de faits et de noms surtout ; ne donner sous aucun prétexte une liste de rois fainéants, mais personnifier dans un roi fainéant quelconque, innommé au besoin, la décadence de la royauté ; annoncer que d'autres chefs vont venir, mettre en scène Charles Martel, expliquer son oeuvre, l'autorité rétablie, le royaume des Francs réuni sous une main, la chrétienté défendue à Poitiers. Le père est récompensé dans le fils : Pépin le Bref devient roi. Pour lui, quelques mots suffisent : des Carolingiens, c'est Charlemagne qu'il importe le plus de connaître. On a décrit à l'écolier, au premier degré, la personne de Charlemagne, son visage, son vêtement, ses armes, l'emploi d'une de ses journées, sa vie au palais d'Aix-la-Chapelle, l'école palatine. On l'a représenté au milieu des assemblées et à la guerre, chevauchant plusieurs mois de l'année, sous le soleil d'Espagne et d'Italie, ou sous le ciel gris de la Saxe. On a raconté la légende de Roland à Roncevaux. Au second degré, après avoir réveillé ces souvenirs par interrogations, en conversation, en parlant du grand Karl comme de quelqu'un que l'on connaît de vieille date, expliquer l'admirable effort qu'a fait pour gouverner cet empereur pensant à tout, s'occupant de toutes choses, comme un père de famille qui commande pour le bien et qui a charge d'âmes. Puis, après une brève introduction sur l'état de l'Europe, sur la Gaule pacifiée, sur l'Espagne où sont encore les Arabes, sur l'Italie, où le pape est menacé par les Lombards, sur l'Allemagne, encore barbare, sans villes, païenne et couverte de forêts, comme était la Gaule avant la conquête romaine, faire, sans aucun souci des détails ni de l'ordre chronologique, le tableau de ces conquêtes, et montrer la conclusion de cette histoire épique : Charlemagne réunissant la Gaule, l'Allemagne, une partie de l'Espagne et de l'Italie, couronné à Rome, et, après avoir entrepris de faire régner dans le monde l'ordre, la justice et la paix, allant dormir du sommeil éternel dans le caveau d'Aix-la-Chapelle, assis sur un trône de marbre, une croix d'or au cou et l'évangile ouvert devant lui.

Au premier degré, on a décrit par quelques traits l'histoire de la décadence carolingienne, raconté les guerres des fils de Louis le Débonnaire contre leur père, la mort lamentable de l'empereur, les Normands qui arrivent, Fontanet et le serment de Strasbourg. Ici bien expliquer qu'il se fait une séparation de peuples, et qu'en 843 a commencé la vie distincte de la France, de l'Allemagne et de l'Italie, Avertir que la date du traité de Verdun est une très grande date.

Désormais, on s'enferme dans l'histoire de la France. Au premier degré, on a montré la féodalité par des signes extérieurs : le château et le guerrier féodal. Ce qu'il faut expliquer ici, c'est la formation, au milieu du désordre général, de cette quantité de groupes qui choisissent ou subissent un maître placé près d'eux et se taillent des patries de quelques lieues carrées, dans la grande qu'ils ne connaissent plus. Partout la vie locale : plus d'armée nationale, plus d'assemblées générales ; plus d'ennemis communs, tels qu'étaient autrefois le Lombard et l'Arabe ; l'ennemi c'est le voisin. Au-dessus de ce chaos, le roi, dont le pouvoir n'est guère que le souvenir du pouvoir carolingien. Cette explication de la décadence carolingienne est le propre prélude de notre véritable histoire : aussi faut-il prendre garde de la bien donner.

On montrera ensuite l'unification de la France par le progrès continu de l'autorité royale. Voilà des mots abstraits ; aussi ne faut-il pas les prononcer. Tout au plus viendront-ils en conclusion d'un long exposé dont voici le sommaire : Dire comme vivait, au début, le roi capétien, dans ses châteaux et dans les monastères ; décrire sa cour primitive, son conseil, les cérémonies et les fêtes, ses grands vassaux ; mettre, en regard, du roi, un Robert de Normandie, un Eudes de Champagne, un Raymond de Toulouse, un Guillaume d'Aquitaine ; entourer ceux-ci de leurs vassaux-faire voir au-dessous des maîtres du monde la masse de ceux qui peinent, le paysan dans sa cabane et l'artisan dans l'atelier ; raconter leur vie, leurs misères, leurs plaisirs, et la grande lutte pour la liberté ; suivre le progrès sans trêve, dans la mauvaise comme dans la bonne fortune, du pouvoir royal ; dire comment le roi devint le juge de tous, après que Philippe-Auguste eut jugé Jean-sans-Terre, saint Louis cassé en appel un jugement de son frère le comte d'Anjou ; Philippe IV et Charles V confisqué l'Aquitaine par arrêt ; Charles VII et Louis XI frappé les brigands et châtié les rebelles ; comment le roi devint le maître d'une armée à lui appartenant, quand il jugea insuffisant le service de cette armée féodale où le devoir de chacun des vassaux était réglé par un contrat particulier, si bien que nombre d'entre eux devaient au roi un jour de service, et encore dans les limites mêmes de leurs fiefs, de façon qu'ils pussent rentrer à la nuit tombante et coucher dans leur lit ; ce que fut au début l'armée royale où des chevaliers déclassés se rencontraient avec des soldats d'aventure, brigands comme eux, et continuant, après la paix faite, le métier de la guerre contre le paysan, le bourgeois ou le prêtre ; pourquoi il fallut tirer de ces bandes un corps d'élite, que l'on disciplina et qui devint l'armée permanente ; comment le roi, obligé de payer ses soldats et ses serviteurs, ajouta les finances publiques à ses revenus de propriétaire et ouvrit à ses collecteurs les domaines des hauts barons, en même temps qu'il y introduisait les sergents de ses justices ; comment enfin la royauté trouva, au jour précis, pour ces fonctions nouvelles, des organes nouveaux, les cours et conseils de justice, de finances et de politiques, gardiens du trésor sans cesse accru des traditions monarchiques, et qui défendirent l'intégrité des attributions royales envers et contre tous, même contre le roi.

Si l'on est toujours simple et clair, si l'on fait comprendre par un fait, par une anecdote, chacun des points de l'explication, si l'on s'arrête souvent pour résumer et s'assurer qu'on a été compris, on pourra ainsi apprendre à de tout jeunes Français l'histoire de la France. Il faudra leur montrer aussi que la monarchie est devenue absolue, en faisant l'unité, et que les trois ordres de la nation ont. été vaincus les uns après les autres, pour s'être haïs mutuellement, et pour avoir combattu tantôt église et tiers-état contre noblesse, tantôt noblesse et tiers-état contre clergé, tantôt noblesse et clergé contre tiers-état, toujours sous le commandement du roi, de sorte que chacun des ordres a imité le cheval qui voulait se venger du cerf et s'est asservi par sa victoire. Dès lors, il reste à suivre la marche fatale d'un pouvoir qui perd toute mesure en devenant absolu, exploite le royaume à outrance, prodigue l'argent et le sang des sujets, laisse tomber à dessein l'obscurité sur les vieilles lois et les vieilles coutumes, et, ne sachant plus d'où il est venu ni où il va, ne trouve rien à répondre quand la raison publique enfin éveillée lui demande des comptes que la force révolutionnaire finit par lui arracher.

Encore une fois, il faudrait sous les mots montrer les faits et mettre en action l'histoire, comme on fait pour la morale. On enseignera par la même méthode l'histoire des guerres et des relations extérieures, laissant tomber quantité de menus faits et de noms de batailles, mais peignant la guerre avec ses aspects multiples : sauvage et brutale au temps mérovingien ; sauvage, mais grande et civilisatrice au temps carolingien ; devenue le droit de chacun au temps féodal, pour n'être plus ensuite qu'un droit du roi. On décrira quelques combats bien choisis ; on mettra aux prises les casques et les turbans, les chevaliers de France et les milices de Flandre et d'Angleterre. On fera comprendre la puissance de ce grand personnage historique, le canon. On racontera l'histoire du métier militaire, jusqu'au jour où il y a eu un devoir militaire et où la guerre, de monarchique qu'elle était, est devenue nationale et plus terrible, car elle peut aujourd'hui décider même de la vie d'un peuple.

Au sortir du second degré, l'enfant saura les faits essentiels de l'histoire de la France qui, pour la seconde fois, auront passé sous ses yeux, et, de plus ; il en comprendra la suite et l'enchaînement.

Le troisième degré. ? Dans les deux dernières années d'enseignement historique, le maître fera revoir une dernière fois l'histoire de la France, en insistant sur la formation de la patrie française, sur le développement des institutions et sur la période contemporaine. La nouveauté sera d'encadrer notre histoire de la France dans celle du monde : 1° en esquissant à très grands traits, dans une introduction, l'histoire de l'Orient, de la Grèce et de Rome: 2° en plaçant, après chaque période de notre histoire, un résumé de celle des principaux peuples.

En entreprenant cette nouvelle tâche, le maître devra se dire que toute tentative d'érudition ou de développement aboutirait au chaos.

Commencer l'histoire orientale par une description de l'Asie, très courte, destinée seulement à marquer sur ce continent la place des peuples ; énumérer les races historiques ; expliquer en quelques minutes les caractères de la civilisation chinoise, et les causes de son isolement ; dire que deux grandes races se partagent l'histoire : la race indo-européenne et la race sémitique ; décrire la civilisation indienne, très sobrement, en caractérisant cette vie étrange et en montrant les monuments de cette civilisation ; donner un chapitre à Babylone et à Ninive ; un autre à l'Egypte, un autre à la Phénicie, un autre au peuple d'Israël ; dans chacun, trois ou quatre dates, trois ou quatre noms ; aucune énumération de rois ni de dynasties ; arriver au plus vite à ce confluent de l'histoire d'Orient, qui est l'empire des Perses. De toute cette première période, il suffit que le jeune écolier emporte, avec quelques noms et quelques dates, la notion de la vie orientale, de ce despotisme pompeux et sacré, de ces sociétés à degrés fixes, de ces dieux monstrueux, de ces monuments énormes et de ces grandes ruines. Voici venir l'Europe avec la Grèce : description physique de ce pays fait pour la vie, à la fois distincte et commune, de plusieurs peuples ; énumération es principaux peuples et des grandes villes ; idée générale de la civilisation hellénique ; expansion de la race grecque par les colonies : tout cela très bref, et, tout de suite, Sparte et Lycurgue, Athènes et Solon ; le grand duel des guerres médiques et la victoire sur l'Orient ; aussitôt après la victoire, la décadence après la corruption des moeurs et la guerre intestine du Péloponnèse ; Philippe, Alexandre et la conquête de la Grèce et de l'Orient. Sur la décomposition de cet empire, presque rien, si ce n'est ce qui est capable de faire comprendre que divisé, corrompu et comme épuisé dans chacune de ses parties, il est voué à là ruine et à la conquête. Mais vous ne quitterez pas l'histoire de la Grèce sans avoir dit que ce pays a trouvé toutes les formes de la vie politique et pratiqué la liberté, en cela supérieur à l'Orient ; qu'il a connu toutes les formes de la pensée. Vous nommerez Homère et la poésie épique ; Eschyle, Sophocle, Euripide et la tragédie ; Aristophane et la comédie ; Démosthène et l'éloquence ; Socrate, Platon, Aristote et la philosophie, en expliquant qu'elle est une libre recherche sur les origines du monde, et sur la nature de l'homme. Vous parlerez de Phidias, de Zeuxis et d'Apelles, et vous marquerez dans le monde la place de la civilisation hellénique, en disant que nous, les modernes, nous avons imité et nous imitons encore, sans jamais les avoir surpassés et en les égalant rarement, ces grands maîtres en poésie, en art et en philosophie, qui ont été nos éducateurs, après avoir été ceux des Romains, ces vainqueurs de la Grèce.

Une description encore, celle de l'Italie, est le préambule obligé de l'histoire romaine. On ne s'embarrassera pas dans les difficiles questions d'origine. Il faut arriver, après quelques mots sur les rois, à la République ; décrire la vie dans la famille romaine, sur le forum et à l'armée ; définir le patricien et le plébéien, exposer à très grands traits la conquête de légalité ; énumérer rapidement les grandes conquêtes ; puis expliquer, par la corruption de la constitution primitive et la décadence des moeurs, César et Auguste.

Ici finit la troisième période de l'histoire antérieure. Première période : histoire des peuples orientaux aboutissant à l'empire des Perses. Seconde période :

histoire de la Grèce, qui absorbe l'empire des Perses et se déverse pour ainsi dire dans l'histoire de Rome. Troisième période : histoire de Rome jusqu'à l'empire.

Ce qui précède est une introduction, au bout de laquelle l'élève retrouvera l'histoire de notre pays.

Dès lors, encadrer l'histoire de la France dans l'histoire du monde, c'est, après chacune de nos périodes, résumer en peu de mots l'histoire environnante.

Nous supposons le cours d'histoire de France, au troisième degré, divisé en cinq périodes : 1° les Gaulois et les Francs ; 2° la France féodale, des premiers Capétiens à Louis XI ; 3° la France monarchique, de Louis XI à Henri IV ; 4° la France monarchique, de Henri IV à 1789 ; 5° la France de 1789 à 1875.

On se gardera bien de mêler l'histoire extérieure à l'histoire intérieure ; cela créerait la confusion. A la fin de chacune des périodes, on placera le résumé de l'histoire des principaux peuples, en arrêtant le regard sur ceux dont les destinées sont ou seront mêlées aux nôtres. On répétera ce qu'il faudra de notre histoire intérieure, afin de montrer les relations de la France avec l'étranger.

1° Pour la première période, « Gaulois et Francs », qui va jusqu'en 987, dire qu'au temps où la Gaule, l'Espagne, l'Italie et une petite partie des Iles Britanniques étaient soumises à Rome, la Germanie ou l'Allemagne, la Scandinavie et toute la région russe étaient barbares et indépendantes. Rappeler que de cette Germanie sont venus des Barbares qui se sont établis : Ostrogoths et Lombards, en Italie, Visigoths dans la Gaule méridionale et l'Espagne, Francs dans le nord de la Gaule ; que les Francs Mérovingiens ont pris la plus grande place dans le monde, et qu'ils ont commencé à conquérir l'Allemagne ; mais que, le royaume des Francs étant tombé en décadence, la Gaule se divise et l'Allemagne se détache, pendant que l'Europe se trouve prise à revers par les Arabes, dont on résumera brièvement l'histoire et dont on décrira les moeurs. Rappeler la formation, puis la décadence de l'empire carolingien, et, une fois arrivé à la séparation des peuples, montrer comment, la France et l'Italie étant morcelées et affaiblies par ce morcellement, l'Allemagne, où commandent des princes puissants, Henri et Otton, devient le pays le plus considérable de l'Europe. Roi d'Allemagne, maître de l'Italie, prétendant avoir des droits comme empereur au gouvernement du monde, Otton est un bien grand prince, si on le compare à nos derniers rois carolingiens et aux premiers Capétiens.

En résumé, pour cette période : formation de l'empire romain ; chute de cet empire, établissement de royaumes barbares parmi lesquels grandit celui des Francs ; extension, puis décadence du royaume mérovingien ; arrivée des Arabes ; formation de l'empire carolingien, puis décadence ; séparation des trois nations ; grandeur de l'Allemagne. Un mot encore, un seul, pour dire que les Iles Britanniques ont été envahies par les Angles et les Saxons, et que ces peuples, à peine entrés en possession, luttent contre les Danois ; que de la Scandinavie, demeurée païenne, part par essaims l'invasion normande ; que l'Europe orientale demeure plongée dans les ténèbres.

2° Pour la seconde période, « De 987 à 1453 », donnez une idée générale de ce qu'est l'Europe au début : France avec ses principautés féodales ; Espagne, où de petits royaumes chrétiens ont commencé la lutte contre les infidèles ; Anglo-Saxons et Danois enfermés dans les Iles Britanniques ; Allemagne et Italie gouvernées par l'empereur. Expliquer que, bien qu'il y ait plusieurs royaumes, les peuples ne sont pas en rivalité et en lutte les uns contre les autres ; il n'y a pas de guerres nationales, comme il y en aura plus tard ; dans chaque Etat, l'Eglise est très puissante ; le chef de l'Eglise, le pape, est partout vénéré, la foi très vive ; toute la civilisation du temps est chrétienne ; les rois croient tenir leur autorité de Dieu, et sont membres de l'Eglise, aussi bien que chefs d'Etat ; l'Europe forme comme une grande communauté chrétienne, dont les chefs sont l'empereur et le pape. Expliquez ainsi que, de toute l'Europe, des milliers d'hommes soient partis pour la Croisade, et que la Croisade ait été la grande action politique et militaire dans cette période de l'histoire du monde. Enumérez les principaux résultats des Croisades, et marquez-en les conséquences pour le développement des nations européennes.

Faites voir ensuite comment cette unité de l'Europe a été détruite : par la grande et terrible guerre intestine entre les deux chefs de la chrétienté, le pape et l'empereur, par la défaite de l'empereur, puis par le schisme, qui a mis le désordre dans l'Eglise et lui a fait perdre l'autorité qu'elle avait sur le monde.

Alors les deux pays, Allemagne et Italie, les deux pouvoirs, Empire et Papauté, qui étaient au premier plan de la scène historique, reculent ; deux grandes puissances modernes, France et Angleterre, apparaissent. Elles sont aux prises depuis le moment où le duc de Normandie a conquis l'Angleterre. L'élève sait déjà l'essentiel sur ces guerres : il ne s'agit que de les résumer, mais il faut aussi lui présenter un tableau de l'histoire intérieure de l'Angleterre, afin de lui montrer comment se sont formées en ce pays les institutions libres, pendant que la monarchie absolue s'organisait en France.

Marquez la situation a la mort de Charles VII : la France victorieuse, devenue le pays le plus puissant de l'Europe ; l'Angleterre, vaincue et commençant la guerre civile des Deux-Roses ; l'Allemagne, plus morcelée en principautés de toutes sortes que la France ne l'a jamais été ; l'Italie, divisée en Etats monarchiques et en Républiques ; l?empereur réduit à son titre ; le Sape n'étant plus qu'un prince italien ; les divisions e la chrétienté, si bien qu'il n'y a plus de Croisades et que les peuples européens, qui ont fait de grandes guerres aux onzième, douzième, treizième siècles pour aller conquérir le tombeau du Christ à Jérusalem, ont laissé prendre Constantinople par les Turcs en 1453. Au début de la période, en 987, il y a une communauté chrétienne et une sorte de politique générale qui a pour devise : Tout pour le Christ. A la fin, chaque pays a ses intérêts, sa vie particulière, et la devise serait : Chacun pour soi.

3° Pour la période qui s'étend « de Louis XI à Henri IV», les grands faits qui doivent être exposés sont ceux-ci :

Au moment où la France, victorieuse des Anglais, ayant achevé son unification avec Louis XI, et sans inquiétude du côté de l'Angleterre qui est en proie à la guerre civile, va répandre ses forces au dehors, une rivale apparaît. Parlez ici de l'unification de l'Espagne. Montrez comment les deux pays, au temps de Charles VIII et de Louis XII, se rencontrent en Italie, qui devient le champ de bataille de l'Europe. Expliquez comment la France n'a pu tenir tête à l'Espagne, à l'Allemagne, à l'Angleterre réunies, car l'Angleterre redevient libre de ses mouvements sous Henri VII et Henri VIII, après la fin de la guerre civile.

Interrompre ce récit des luttes européennes à l'avènement de François Ier, pour raconter l'histoire de la découverte du Nouveau Monde ; montrer le rôle des diverses puissances européennes dans les entreprises maritimes ; le changement des voies commerciales, l'importance prise par les pays que baigne l'Atlantique, le développement du commerce et de la richesse.

Mais voici que de grandes guerres vont remplir le seizième siècle et se prolonger au dix-septième : la formation de l'empire de Charles-Quint et la Réforme en sont les causes principales. Le maître groupera les faits nouveaux autour de ceux qui sont déjà connus. Il rappellera comment s'est formé l'empire de Charles-Quint et comparera les forces de ce prince avec celles de François Ier. Il introduira la Réforme en Allemagne, en Angleterre, dans les pays Scandinaves, en disant les effets qu'elle y a produits. Cela fait, il marquera les deux camps qui se forment en Europe : protestants d'un côté, catholiques de l'autre ; il insistera sur ces divisions de la chrétienté, et placera en regard la puissance toujours croissante des Turcs. Sur cet échiquier, il fera voir la politique de la France, prenant ses alliés partout et tenant tête à Charles-Quint.

Bien marquer ensuite l'importance de l'abdication de Charles-Quint, et de la séparation en deux parties de l'empire de Habsbourg ; mesurer l'énorme puissance qui reste, même après ce partage, à Philippe II.

Cette abdication de Charles-Quint est un grand succès de la politique française ; mais, sous les fils de Henri II, la France, assaillie par les guerres civiles, s'efface. Montrer alors que le grand rôle en Europe est joué par deux personnages, Elizabeth d'Angleterre et Philippe II. Suivre cette lutte au Nouveau Monde, et insister sur ces débuts de la puissance maritime et coloniale de l'Angleterre. Expliquer la naissance d'un autre Etat protestant, qui va devenir aussi une grande puissance maritime, les Provinces-Unies ou la Hollande, qui vient de secouer le joug de Philippe II.

Sous Henri IV, la France, réconciliée avec elle-même par son roi, sort des abîmes. Mais le danger est grand encore. Expliquer l'alliance qui se fait alors entre l'Autriche et l'Espagne et cette sorte de reconstitution de l'empire de Charles-Quint, menaçante pour la France. Expliquer ainsi les alliances de Henri IV, et l'imminence d'une grande guerre,

4° Pour la quatrième période, « de Henri IV à 1789 », après avoir résumé à grands traits l'histoire de la marche ascendante de la puissance française, en marquant les étapes : paix de Westphalie, des Pyrénées, de Nimègue, succession d'Espagne, appeler toute l'attention des élèves sur ce double fait : la décadence, lente d'abord, puis précipitée de l'Espagne, dont il faut expliquer les causes et les conséquences ; la force et la grandeur croissantes de l'Angleterre, après que la série de ses révolutions est close et que la monarchie constitutionnelle s'établit définitivement en 1688.

Au dix-huitième siècle, suivre le progrès constant de l'Angleterre ; raconter la conquête du Canada et celle de l'Inde ; rattacher à cette histoire celle des colonies de 'l'Amérique du Nord, de leur formation, de leur développement, et de leur guerre d'indépendance. Montrer qu'au temps où l'Angleterre devient sans conteste la maîtresse des mers, deux grands Etats nouveaux apparaissent sur le continent : la Prusse, Etat militaire, naissant et croissant au milieu de l'Allemagne pacifique et anarchique ; la Russie, Etat fabriqué par la volonté de quelques personnes avec des éléments barbares et s'étendant sur cette vaste région vague qu'il faudra décrire. Expliquer, en conclusion de cette période, qu'au dix-huitième siècle les grandes puissances des seizième et dix-septième siècles sont, ou bien en pleine et irrémédiable décadence, comme l'Espagne ; ou bien atteintes et réduites, comme l'Autriche, par le progrès de la Prusse et de la Russie, et comme la France par le progrès simultané de l'Angleterre, qui lui enlève les mers, de la Prusse et de la Russie, qui limitent et même annulent son action sur le continent.

5° Quant à la dernière période, il est à peine besoin de dire quels faits réclament l?attention du maître : résumer la part et le rôle des différents Etats dans les guerres de la Révolution et de l'Empire ; faire un tableau de l'Europe en 1815 où se voient nettement les forces respectives ; suivre toujours ce progrès indéfini de l'Angleterre : progrès des institutions libérales, progrès de l'empire maritime ; raconter l'unification de l'Allemagne par la Prusse, celle de l'Italie par le Piémont ; les progrès de la Russie en Asie, la décadence continue de la Turquie. Dépeindre la grande activité commerciale et industrielle de notre temps ; marquer la part qu'y prend chaque Etat.

En conclusion, mesurer la place qu'occupe dans le monde notre patrie, ses forces économiques et militaires, son empire colonial, ses espérances, les dangers qu'elle court et les devoirs qu'imposent à ses enfants la catastrophe de 1870 et le progrès de nos voisins : Anglais, Italiens, Allemands.

C'est ainsi que cette histoire des peuples étrangers se réduit à faire connaître les très grandes vicissitudes de l'histoire du monde, en introduisant sur la scène les principaux peuples, en expliquant pourquoi chacun d'eux a eu son heure, d'où sont venus les progrès et les décadences.

L'histoire à l'école normale. ? Mais n'est-ce point une chimère que d'enseigner à des enfants tant de choses et si difficiles? Non, si l'on a de bons maîtres. Tout dépend donc de l'école normale. Il est inutile de donner ici un programme : ce serait répéter ce qui vient d'être dit. On enseignera selon les principes et la méthode qui ont été exposés. Mais le devoir du professeur d'histoire est par-dessus tout d'apprendre aux élèves-maîtres la façon d'enseigner. Après une série de leçons où il aura traité un sujet, il leur fera chercher les diverses manières de l'approprier à un auditoire d'enfants. Il leur fera faire une sorte de traduction, ou, si l'on veut, de transposition de l'histoire en langue enfantine. Nul exercice pédagogique ne sera plus utile, surtout si l'on passe tout de suite à l'application, et si un élève-maître va, de temps à autre, faire une leçon sur le même sujet à chacun des trois degrés de l'enseignement historique, devant les élèves de l'école annexe. Par ce procédé seul, après avoir ainsi tâté l'intelligence des enfants, après avoir discuté ses leçons avec ses camarades sous la direction du professeur, l'instituteur apprendra à graduer son enseignement et à le rendre intelligible.

Le professeur d'histoire ne laissera pas les élèves quitter l'école normale sans résumer en quelques leçons les conseils pédagogiques qu'il leur aura donnés au cours des études.

Surtout il leur dira qu'à l'enseignement historique Encombe le devoir glorieux de faire aimer et de faire comprendre la patrie.

Le patriotisme a besoin d'être cultivé, nous entendons le vrai patriotisme, très rare, hélas ! dans notre pays. Nous avons connu jadis un faux patriotisme, celui de Français fiers de la naturelle beauté de cette France que la nature a parée de tous ses dons, au premier rang desquels est l'intelligence. Pour l'étranger, qu'ils ignoraient, ils n'avaient que du mépris. C'était une vanité frivole et, nous l'avons bien vu, hélas! fragile. Elle s'est effondrée dans nos désastres : chez beaucoup elle a été remplacée par le mépris de soi-même, l'admiration de l'étranger vainqueur, la résignation aux hontes subies, la renonciation même à toute idée de dignité nationale. Ne regrettons pas ce sentiment misérable, qui nous a fait tant de mal, et qui a laissé, en s'évanouissant, ce résidu impur.

Le vrai patriotisme est à la fois un sentiment et la notion d'un devoir. Or, tous les sentiments sont susceptibles d'une culture, et toute notion, d'un enseignement. L'histoire doit cultiver le sentiment et préciser la notion. C'est pourquoi le maître rejettera les conseils de ceux qui prétendent réduire l'enseignement historique à l'étude du dix-huitième siècle et de l'âge contemporain. Il y a dans le passé le plus lointain une poésie qu'il faut verser dans les jeunes âmes pour y fortifier le sentiment patriotique. Faisons-leur aimer nos ancêtres gaulois et les forêts des druides, Charles Martel à Poitiers, Roland à Roncevaux, Godefroi de Bouillon à Jérusalem, Jeanne d'Arc, Bayard, tous nos héros du passé, même enveloppés de légendes ; car c'est un malheur que nos légendes s'oublient, que nous n'ayons plus de contes du foyer, et que, sur tous les points de la France, on entende, pour toute poésie, chanter des refrains orduriers et bêtes, venus de Paris. Un pays comme la France ne peut vivre sans poésie. Et puisque nos poètes, même quand ils sont démocrates, n'écrivent point pour le peuple ; puisque la religion ne sait plus avoir prise sur les âmes ; puisque le paysan n'est plus guère occupé que de la matière et passionné que pour des intérêts, cherchons dans l'âme des enfants l?étincelle divine ; animons cette étincelle de notre souffle, et qu'elle échauffe ces âmes réservées à de grands devoirs.

Les devoirs, il sera d'autant plus aisé de les faire comprendre que l'imagination des élèves, charmée par des peintures et par des récits, rendra leur raison enfantine plus attentive et plus docile. Tout l'enseignement du devoir patriotique se réduit à ceci : expliquer que les hommes qui, depuis des siècles, vivent sur la terre de France, ont fait, par l'action et par la pensée, une certaine oeuvre, à laquelle chaque génération a travaillé ; qu'un lien nous rattache à ceux qui ont vécu, à ceux qui vivront sur cette terre ; que nos ancêtres, c'est nous dans le passé ; que nos descendants, ce sera nous dans l'avenir. Il y a donc une oeuvre française, continue et collective : chaque génération y a sa part, et, dans cette génération, tout individu a la sienne.

Enseignement moral et patriotique : là doit aboutir l'enseignement de l'histoire à l'école primaire. S'il ne doit laisser dans la mémoire que des noms, c'est-à-dire des mots, et des dates, c'est-à-dire des chiffres, autant vaut donner plus de temps à la grammaire et à l'arithmétique, et ne pas dire un mot d'histoire. Rompons avec les habitudes acquises et transmises ; n'enseignons point l'histoire avec le calme qui sied à l'enseignement de la règle des participes. Il s'agit ici de la chair de notre chair et du sang de notre sang. Pour tout dire, si l'écolier n'emporte pas avec lui le vivant souvenir de nos gloires nationales ; s'il ne sait pas que ses ancêtres ont combattu sur mille champs de bataille pour de nobles causes ; s'il n'a pas appris ce qu'il a coûté de sang et d'efforts pour faire l'unité de notre patrie, et dégager ensuite du chaos de nos institutions vieillies les lois sacrées qui nous ont faits libres ; s'il ne devient pas un citoyen pénétré de ses devoirs et un soldat qui aime son drapeau, l'instituteur aura perdu son temps. Voilà ce qu'il faut que dise aux élèves-maîtres le professeur d'histoire à l'école normale comme la conclusion de son enseignement.

[ERNEST LAVISSE.]

Depuis les arrêtés du 3 août 1881 et du 22 juillet 1882, en vigueur au moment où M. Lavisse écrivait, pour la première édition de ce Dictionnaire, l'article reproduit ci-dessus, les programmes d'histoire de l'enseignement primaire élémentaire n'ont pas été sensiblement modifiés.

Des instructions ministérielles ont rappelé à ce sujet que, dans le cours élémentaire, l'enseignement historique était surtout destiné à éveiller la curiosité des enfants, à exercer leur jugement, à développer chez eux « à la fois le sens moral et le sentiment patriotique ». Dans le cours moyen, on doit s'attacher « à faire découvrir aux élèves les causes des événements, à les mettre à même d'en rechercher et d'en apprécier les conséquences ». Enfin, dans le cours supérieur, il s'agit de reprendre toute l'histoire de France, mais en élargissant ses horizons, « en insistant davantage sur les faits extérieurs auxquels la France a participé ou que des esprits un tant soit peu cultivés ne sauraient ignorer ».

Dans l'enseignement primaire supérieur (dont le plan d'études, au moment où parut notre première édition, n'avait pas encore été publié), le programme d'histoire (arrêtés des 21 janvier et 18 août 1893) est réparti sur une période de trois années. La première comprend l'histoire de France, depuis le début du seizième siècle jusqu'en 1789: la deuxième, l'histoire de France de 1789 à la fin du dix-neuvième siècle ; la troisième, l'étude des grandes questions de la politique internationale en Europe dans le courant du dix-neuvième siècle.

« L'histoire, disent les instructions, doit viser à l'intelligence des faits politiques et sociaux. Il importe avant tout de chercher à éveiller l'esprit d'observation et de discussion. Toute récitation doit être proscrite ; la mémoire des élèves ne doit être chargée d'aucune formule apprise par coeur. Rien ne semble plus recommandable que la simplicité familière du langage dans tout exposé et toute explication. L'explication détaillée des institutions sera résolument écartée. Mais il conviendra de faire connaître et apprécier les très grands personnages dont le rôle a été fécond. » Enfin l'emploi des reproductions, gravures et projections lumineuses, qui sont devenues des auxiliaires utiles de l'enseignement à tous les degrés, a sa place marquée dans l'enseignement historique : * Le professeur fera bien de recourir le plus souvent possible à la vision même des choses par l'emploi de l'image sons toutes ses formes. »

La réorganisation des écoles normales d'instituteurs et d institutrices, par le décret et l'arrêté du 4 août 1905, a eu pour conséquence la refonte des programmes d'histoire pour ces écoles et leur répartition sur un nouveau plan (voir ci-après).

Mais si, en histoire, la matière enseignable est restée à peu près la même, on n'en saurait dire autant des méthodes ni de l'esprit.

De copieuses controverses se sont récemment engagées sur les meilleurs moyens d'assurer à l'enseignement historique toute sa valeur éducative. De très vieilles querelles se sont réveillées, les opinions les plus extrêmes se sont fait jour, et l'on a même vu reparaître la théorie de Volney qui éliminait de l'enseignement primaire l'étude de l'histoire sous prétexte que les enfants n'étaient pas assez-mûrs pour la recevoir et ne pouvaient, faute d'expérience et de moyens de contrôle, qu'accepter sur parole tout ce que disaient leurs maîtres.

Enfin, il était inévitable qu'un enseignement qui touche de si près à la vie des peuples subît le contre-coup des grands mouvements d'opinion qui ont troublé ces dernières années. Les agitations de la politique courante ont plus d'une fois franchi le seuil de l'école, et il serait aisé d'en retrouver les traces en parcourant les nombreux manuels destinés depuis une quinzaine d'années à être mis entre les mains des enfants.

Tout naturellement, c'est la période contemporaine qui se prête le mieux à ces déformations de l'enseignement historique. Et c'est ce qui justifie la réserve recommandée par les instructions ministérielles à ceux qui sont chargés de cet enseignement dans les écoles normales :

« En ce qui concerne l'histoire immédiatement contemporaine, la tâche du professeur est particulièrement nécessaire et difficile : les passions politiques sont trop voisines des événements, et les institutions n'ont pas encore ce recul qui permet de les bien juger. Pour rester dans la vérité qui convient à tout enseignement comme à toute science, le professeur se rappellera les transformations qu'ont subies dans tous les siècles les jugements portés par les contemporains sur les hommes ou sur les institutions. »

L'enseignement historique souffre donc du malaise général dont souffre l'école elle-même, l'invasion de la politique, le choc en retour des mouvements et des bruits de la place publique. Mais s'il est vrai que, pour bien comprendre le présent, la connaissance du passé est nécessaire, ce serait singulièrement renverser les rôles que de juger le passe avec les idées du présent. L'histoire ne doit être, sous aucun prétexte, aux gages ou à la remorque des partis. Elle les domine, au contraire, et les explique. Elle n'a pas de leçons à en recevoir ; elle ne peut que leur en donner.

[ANDRE BALZ.]

Programmes. ? ECOLES MATERNELLES. ? Section des enfants de cinq à six ans. ? Anecdotes, biographies tirées de l'histoire nationale. Explication d'image?.

ECOLES PRIMAIRES ELEMENTAIRES. ? Section enfantine. ? Anecdotes, biographies tirées de l'histoire nationale. Explication d'images.

Cours élémentaire. ? Récits et entretiens familiers sur les plus grands personnages et les faits principaux de l'histoire nationale jusqu'à la fin de la guerre de Cent ans.

Cours moyen. ? Notions sommaires d'histoire de France, insistant exclusivement sur les faits essentiels depuis la fin du quinzième siècle jusqu'à nos jours.

Exemple de répartition trimestrielle.

1° Dans les écoles à une seule classe :

1er trimestre : De la fin du quinzième siècle à 1715.

2e trimestre : De 1715 à 1815.

3e et 4e trimestres : De 1815 à nos jours, et révision.

2° Dans les écoles ayant deux classes distinctes correspondant aux deux années du cours moyen :

1re année, 1er trimestre : Des origines à 1610.

? 2e et 3e trimestres : De 1610 à 1789.

? 4e trimestre : Révision.

2e année, 1er trimestre : De 1789 à 1804.

? 2e trimestre ; De 1804 à 1848.

? 3e et 4e trimestres : De 1848 à nos jours, et révision depuis 1610.

Cours supérieur. ? Révision méthodique de l'histoire de France ; étude plus approfondie de la période moderne.

Notions très sommaires d'histoire générale : pour l'antiquité, les Juifs, les Grecs, Rome ; pour le moyenâge et les temps modernes, grands événements étudiés surtout dans leurs rapports avec l'histoire de France.

ECOLES SUPERIEURES DE GARÇONS ET DE FILLES. ? Répartition générale des matières. ? Première année. ? Histoire de France depuis le début du seizième siècle jusqu'en 1789. ? Deuxième année. ? Histoire de France depuis 1789 jusqu'à nos jours. ? Troisième année. ? Histoire générale de 1789 à nos jours. Tableau politique et économique du monde contemporain.

(Nous ne reproduisons pas les développements très étendus ? abondante énumération de noms et de faits ? ajoutés, par le programme, à cet énoncé succinct.)

ECOLES NORMALES D'INSTITUTEURS ET D'INSTITUTRICES (arrêté du 4 août 1905). ? Première année (deux heures par semaine). ? La Gaule et la domination romaine. ? Les Barbares. Clovis et la monarchie franque. ? Charlemagne ; l'Empire franc. ? Les Arabes et Mahomet. ? Le régime féodal. ? Les conquêtes normandes. Les croisades. ? Les grands papes du moyen âge et l'essai de gouvernement théocratique. ? La monarchie capétienne. Philippe-Auguste. Les villes. ? Saint Louis ; le treizième siècle. ? Lutte du pouvoir royal, en France, contre la féodalité et la papauté. ? La guerre de Cent ans. ? Louis XI ? Les grandes inventions : boussole, poudre à canon, imprimerie. ? Les grandes découvertes géographiques. ? La Renaissance : l'humanisme. ? La Réforme : les conciles de Constance et de Bâle. Luther, Calvin. ? Rivalité de Charles-Quint et de François Ier. La Réforme en France. La politique de tolérance et Michel de l'Hospital. ? Philippe II. Echec de la politique de domination universelle et théocratique en France, en Angleterre et dans les Pays-Bas. La Ligue. ? Henri IV. Restauration de la France et du pouvoir royal. ? Richelieu : sa politique à l'égard de la noblesse, du clergé, des protestants, et du pouvoir royal ; sa lutte contre la maison d'Autriche. ? La guerre de Trente ans. Wallenstein. Gustave-Adolphe. ? Mazarin. La Fronde. Les traités de Westphalie et des Pyrénées. ? La monarchie absolue. Etats généraux et provinciaux, Parlements, Conseils royaux, intendants. ? La politique religieuse. ? Colbert et Louvois. ? Politique extérieure de Louis XIV, de 1661 à 1688. ? La Révolution d'Angleterre. Cromwell. Guillaume d'Orange et la monarchie constitutionnelle. Politique extérieure de Louis XIV, de 1688 à 1715. ? La Régence de Philippe d'Orléans. Dubois. Fleury. ? Politique extérieure de la France, de 1740 à 1763. Les deux Pitt. ? Expansion coloniale de la France et de l'Angleterre : Dupleix, La Bourdonnais, Montcalm, Clive et Warren Hastings. ? La Prusse : origines. Le Grand Electeur. Frédéric II Luttes contre Marie-Thérèse. ? La Russie : l'oeuvre de Pierre le Grand. Etat social de la Russie. Réformes ; l'Eglise nationale ; le tchin. Catherine II. Partages de la Pologne. La Russie sur la Baltique et la mer Noire. ? Changement dans l'esprit public : Les philosophes ; les encyclopédistes, les économistes ; les salons littéraires. ? Les préliminaires de la Révolution : Expansion des idées françaises en Europe. Louis XVI. Essais de réformes ; Turgot, Necker. Fin de l'ancien régime. ? L'indépendance des Etats-Unis. ? Nota. L'histoire de France sera, à toutes les périodes, complétée par l'étude de l'histoire locale de la région et du département : événements qui s'y sont accomplis ; conséquences locales des grands faits de l'histoire ; moeurs et coutumes du pays ; lieux et monuments historiques.

Deuxième année (deux heures par semaine). ? La Révolution. ? Les Etats généraux : les demandes des cahiers. L'Assemblée nationale constituante. Les grandes journées de la Révolution. ? La Déclaration des droits de l'homme. La souveraineté nationale. La refonte administrative. Fuite et retour du roi. La constitution de 1791. Personnages principaux de la Constituante. ? Assemblée législative : L émigration. La guerre avec l'Europe. Le 10 août. Valmy. ? La Convention : La République. Le procès du roi. Rivalité des Girondins et des Montagnards. Le régime de la Terreur. Les Comités exécutifs. Le Tribunal révolutionnaire. Les commissaires de la Convention aux armées et à l'intérieur. La Vendée. Le 9 thermidor. Fin de la Convention. ? Les grandes réformes de la Convention. ? La lutte contre l'Europe : Les armées révolutionnaires. Carnot. Les conquêtes de la Belgique, de la Hollande, de la frontière du Rhin. Les généraux de la Révolution : Marceau, Hoche, Pichegru, Moreau, etc. Traités de Bâle. La Constitution de l'an III. ? Le Directoire : L'opposition royaliste. L'anarchie gouvernementale. Coups d'Etat alternatifs des assemblées et des directeurs. ? Fin de la guerre : Hoche sur le Rhin et Bonaparte en Italie. Traité de Campo-Formio. La campagne d'Egypte. Retour offensif de la coalition. Masséna en Suisse. Le 18 brumaire.

Le Consulat et l'Empire. ? 1° Le Consulat : La constitution de l'an VIII. Le Concordat. Le Code civil. Marengo et Hohenlinden. La paix de Lunéville et la paix d'Amiens. ? 2° L'Empire : La Grande Armée. Napoléon et l'Angleterre. Le camp de Boulogne. Les coalitions continentales. Austerlitz. Iéna. Friedland. Les traités de Presbourg et de Tilsitt. Le gouvernement impérial. L'Université. ? 3° Le blocus continental. La guerre d'Espagne. Wagram. Traité de Vienne. L'Europe en 1810. ? Campagnes de Russie et d'Allemagne : Soulèvement national. La Bataille des nations. La campagne de France. L'abdication. ? 5° Première Restauration. Les Cent jours. Waterloo. Les traités de 1815.

Histoire contemporaine. ? 1° et 2° La seconde Restauration : La monarchie constitutionnelle. La Charte. Louis XVIII et Charles X. Les ministres libéraux et les ultra-royalistes. La Congrégation. Villèle ; essai de restauration de l'ancien régime. Révolution de 1830. ? 3° Règne de Louis-Philippe : Le gouvernement parlementaire et les partis. Casimir Perier Guizot, Thiers. Lois sur l'armée, sur l'enseignement, les chemins de fer. Caisses d'épargne. Les lettres et les arts ; le mouvement romantique. ? 4° Nouvelles aspirations politiques et sociales : Principaux systèmes et écoles. La presse. Le mouvement réformiste. La Révolution de 1848. ? 5° L'Europe de 1815 à 1848 : La Sainte-Alliance. Metternich et Alexandre. Système des Congrès. Réaction en Allemagne et intervention en Italie, en Espagne. Démembrement de l'Empire ottoman. La Grèce et Navarin. La révolte de l'Egypte et Méhémet-Ali. Contre-coup des révolutions de 1830 et de 1848 en Belgique, en Espagne, en Italie, en Portugal. L'alliance anglaise. Emancipation des colonies espagnoles d'Amérique. ? 6° Conquête et colonisa lion de l'Algérie ; Abd-el-Kader. Le maréchal Bugeaud. ? 7» Révolution de 1848 : Le régime du suffrage universel. Abolition de l'esclavage dans les colonies françaises. Les Assemblées constituante et législative. L'élection présidentielle. Lois sur l'enseignement et le suffrage. Le coup d'Etat du 2 décembre. ? 8° Le second Empire : Le régime césarien. Transformation économique et traités de commerce. Le canal de Suez. Politique extérieure : La guerre de Crimée et le traité de Paris ; la guerre d'Italie et la formation de l'unité italienne ; le Mexique. L'Empire libéral. ? 9° Formation de l'unité allemande, le Zollverein, la guerre des duchés, la guerre de 1866 : l'Autriche expulsée de la Confédération. La guerre de 1870 : Les armées française et allemande. Reichshoffen. Les batailles sous Metz. Sedan. Chute de l'Empire. Gouvernement de la Défense nationale. Occupation par les Italiens de Rome capitale. ? 10° Le siège de Paris. Proclamation et constitution de l'Empire allemand. La guerre sur la Loire, dans le Nord et l'Est. Gambetta. Chanzy. Faidherbe. Le traité de Francfort. La Commune et le second siège de Paris. ? 11° La troisième République. Le gouvernement de Thiers et du maréchal Mac-Mahon. La constitution de 1875.

Troisième année. ? L Conférences d'histoire (une heure par semaine). ? A. Conférences sur l'antiquité (combiner ces conférences avec les lectures indiquées sur l'antiquité grecque et romaine) : apport de chaque nation dans l'oeuvre de la civilisation. ? 1° L'Egypte ancienne. Le Nil. Le culte des morts. Les monuments. ? 2° L'Assyrie et la Chaldée. Le culte sidéral. ? 3° L'histoire des Hébreux. Monothéisme et messianisme. Les prophètes. La Phénicie. Commerce et découvertes. ? 4° La Grèce héroïque. ? 5° Athènes au temps des guerres médiques. Le siècle de Périclès. ? 6° Alexandre et l'hellénisme. ? 7° La République romaine. ? 8° Conquête de l'Italie et de la Méditerranée. ? 9° Jules César. ? 10° Auguste. ? 11° Les Antonins. ? 12° Le christianisme dans l'Empire. Constantin. ? B. De l'antiquité aux temps modernes. ? 1° La civilisation du moyen âge. ? 2° La civilisation de la Renaissance. ? 3° Le dix-huitième siècle et la Révolution. ? Evolution des idées et des institutions. ? C. Histoire et civilisation contemporaines. ? 1° Transformation de l'Europe contemporaine : les nationalités. L'Empire allemand et le royaume d'Italie depuis 1870. La Triple alliance et la Double alliance. ? 2° La question d'Orient depuis le traité de Paris. La France et l'Angleterre en Egypte. La question des Balkans. La guerre russo-turque. Le traité de Berlin et ses conséquences. Serbie, Bulgarie, Crète. ? 3° L'expansion coloniale : le nouvel empire colonial de la France : Algérie, Tunisie, Indochine, Madagascar, colonies et protectorats, zones d'influence. ? 4° Développement colonial de l'Angleterre : l'Inde et ses dépendances, le Dominion, l'Australie, la Nouvelle-Zélande. L'Egypte. Le partage de l'Afrique. L'Afrique du Sud. ? 5° Développement de la Russie : Transcaucasie, Sibérie, Turkestan. Les grands chemins de fer. Pénétration en Perse et en Mantchourie. Guerre russo-japonaise. Développement du Japon moderne. Ebauche d'un empire colonial allemand. ? 6° Développement des Etats-Unis : Progrès de l'agriculture, du commerce et de l'industrie. La guerre de Sécession. Cuba et les Philippines. La doctrine de Monroë. Intervention des Etats-Unis dans la politique du monde. Les Républiques de l'Amérique du Sud. Le canal de Panama, conséquences économiques. ? 1" Institutions politiques et sociales des peuples modernes. Formes de gouvernement : monarchies absolues et constitutionnelles ; républiques centralisées et fédératives. Systèmes électoraux. Libertés de la presse et d'association. Relations des Eglises et de l'Etat. Lois sur le travail : lois de protection, d'assistance et d'assurances. Organisation militaire. Relations extérieures : diplomatie, congrès, commissions internationales. Traités de paix, d'alliance, de commerce et d'arbitrage. ? On insistera sur les institutions de la France et sur les progrès accomplis depuis 1870 dans le sens libéral et démocratique.

Directions pédagogiques (conférences d'histoire). ? Le programme comprend des conférences sur l'antiquité, des conférences sur le moyen âge et les temps modernes, et des conférences sur l'histoire contemporaine.

Conférences sur l'antiquité. ? Le petit nombre des conférences réservées à l'antiquité montre qu'on n'entend pas faire une étude historique des peuples de l'antiquité, mais seulement mettre en relief à propos de chaque peuple ce que sa vie a eu de plus saillant, de plus curieux, de plus instructif : état social, religieux, organisation politique, développement artistique, expansion intellectuelle, etc. C'est par le moyen des lectures commentées, des gravures, des projections, que ces conférences seront rendues attrayantes et profitables. Le professeur d'histoire s'entendra avec le professeur de littérature pour que la lecture des textes anciens, poèmes homériques, tragédies antiques, discours, annales, etc., coïncide avec les conférences historiques.

Conférences sur le moyen âge, l'histoire moderne et l'histoire contemporaine. ? Le sujet de chaque conférence est indiqué au programme ; on voit, par le texte même, le développement qu'il comporte, mais aussi combien parfois la matière est chargée. Pour qu'une heure de conférence y suffise, il faut que les élèves aient étudié à l'avance les questions que le professeur aura délimitées par un sommaire très précis, et qu'ils aient eu, pour cette étude, l'indication exacte des, références aux manuels, des lectures, etc.

La manière de procéder à la conférence même peut varier : tantôt le professeur interrogera en suivant un plan déterminé, de manière à s'assurer que les élèves connaissent les faits essentiels, et lui-même dégagera ensuite l'organisme ou le mouvement que les élèves n'ont pas su mettre en relief ; ou bien il donnera la parole à deux ou trois élèves qui exposeront successivement les principales parties du sujet, lui-même se réservant de rectifier et de compléter chacun des exposés. Souvent il provoquera les questions des élèves, soit sur des points restés obscurs, soit sur des comparaisons qui éclairent les faits et suggèrent des jugements. De toutes manières, il s'attachera aux résultats suivants :

1° Laisser dans l'esprit des élèves un petit nombre de faits essentiels et bien connus ;

2° Leur donner le sens de la vie des sociétés et des peuples, et de la complexité de cette vie ;

3° Eveiller l'esprit scientifique, qui consiste, dans l'étude de l'histoire, à observer et à rapprocher les faits, à se défier des impressions personnelles comme des déductions logiques, à éviter l'esprit de système et les hypothèses hasardeuses. En ce qui concerne l'histoire immédiatement contemporaine, la tâche du professeur est particulièrement nécessaire et difficile : les passions politiques sont trop voisines des événements, et les institutions n'ont pas encore ce recul qui permet de les bien juger. Pour rester dans la vérité qui convient à tout enseignement comme à toute science, le professeur se rappellera les transformations qu'ont subies, dans tous les siècles, les jugements portés par les contemporains sur les hommes ou sur les institutions.

Ces réserves faites, on comprendra de quelle importance est pour l'éducation civique et générale de l'instituteur la connaissance de la vie contemporaine, si féconde en mouvements et en progrès dans tous les domaines.

II. Exposé d'histoire à l'usage des écoles primaires (vingt-cinq leçons). ? Le professeur choisira dans le programme du cours moyen de l'école primaire les leçons les plus importantes, qu'il fera exposer par les élèves-maîtres [ou élèves-maîtresses]. Parfois le même sujet sera traité successivement en vue du cours supérieur, du cours moyen et du cours élémentaire, l'élève devant choisir ce qu'il faut retrancher, ce sur quoi il faut insister et sous quelle forme il convient de le présenter aux enfants selon leur âge.

L'exposé ne prenant pas plus de quinze minutes, deux sujets pourront d'ordinaire être traités dans chaque leçon ; mais, au début de l'année, le professeur fera bien d'insister sur la correction, montrant comment il eût fallu préparer, choisir les faits, se servir du livre des enfants, faire usage des gravures, des lectures, etc. Le temps consacré à bien indiquer la méthode de travail est du temps gagné pour l'avenir. De même le professeur donnera un assez long temps aux critiques des élèves : il faut que ceux-ci s'exercent à corriger une leçon, à signaler les erreurs, les lacunes, les défauts de l'exposition, et qu'ils s'habituent à le faire brièvement, avec ordre et clarté.

Le professeur dressera au début de l'année, sauf modification, la liste des exposés que feront les élèves : il les choisira de manière à bien mettre en relief le développement de la vie nationale et le progrès des institutions sociales.

A la fin de la troisième année, chaque élève-maître [ou élève-maîtresse] devra avoir constitué une sorte de petite bibliographie des lectures d'histoire qu'il pourra faire à l'école primaire, et une collection d'images, de photographies, de cartes postales bien choisies, qui lui serviront plus tard à illustrer ses leçons.