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Hetzel

 Pierre-Jules Hetzel est né à Chartres, le 15 janvier 1814 ; il est mort au mois de mai 1886. Il était de souche alsacienne, et lui-même, après de brillantes études classiques faites au collège Stanislas, et un cours de droit commencé à Paris, fut étudiant à la Faculté de Strasbourg. On retrouve dans son talent si français, à côté de la verve humoristique et de la franche gaîté gauloise, une nuance de sensibilité rêveuse qui ne dément pas cette origine.

De bonne heure associé au libraire Paulin, il lance de belles publications illustrées dont Gavarni, Tony Johannot, Grandville fournissent les dessins, dont Balzac, George Sand, Alfred de Musset, J. Janin, Stahl fournissent le texte.

Stahl, c'est le pseudonyme littéraire de Hetzel, son collaborateur intime pendant cinquante années.

Engagé dans la politique républicaine, porté au pouvoir par la révolution de 1848, démissionnaire après l'élection du 10 décembre, il soutient, pour ses idées, la lutte du journalisme, est exilé par le gouvernement issu du coup d'Etat de décembre 1851, et se retire en Belgique.

Il y redevient éditeur, publie comme tel une série d'ouvrages ingénieux dont quelques-uns ont fait fortune, mène avec compétence et succès une vive campagne en faveur de la propriété littéraire, dévorée à cette époque par la contrefaçon belge, et atteint de la sorte l'année 1859.

A cette date, les portes de la patrie sont rouvertes sans condition aux bannis de décembre. Après sept ans et demi d'un exil dignement supporté, Hetzel rentre en France : la première période de sa vie se clôt ici. Les titres de ses premiers ouvrages : Nouvelles et seules aventures de Tom Pouce, Voyage où il vous plaira (en collaboration avec Alfred de Musset), Scènes de la vie publique et privée des animaux (plusieurs collaborateurs), L'esprit des femmes et les femmes d'esprit, Pensées de Chamfort (avec une piquante notice), n'annonçaient guère l'écrivain qui va se consacrer à l'éducation de l'enfance. La plupart sont des oeuvres de haute fantaisie et d'inspiration mondaine. Mais déjà la finesse de l'observation trahit la présence du moraliste.

C'est en 1860, à son retour d'exil et comme dans la joie de la patrie retrouvée, que Hetzel réalise un dessein longuement médité et mené à bout avec un rare bonheur et une égale persévérance : il s'agit de renouveler en France la littérature enfantine.

Presque simultanément Hetzel fondait une Bibliothèque et un Magasin d'éducation et de récréation, l'un étant comme le réservoir où s'alimentait l'autre.

Le Magasin, journal illustré et bi-mensuel, eut pour collaborateurs habituels MM. Jules Verne, Jean Macé et Stahl. Stahl se révéla du jour au lendemain moraliste tel que le sujet le réclamait. Le jour où ses facultés d'observation se portèrent sur l'enfant, il y vit tout un monde de défauts à extirper, de vertus à cultiver. C'est à cette tâche qu'il a consacré les vingt-cinq dernières années de sa vie.

Hetzel (ou Stahl, comme on voudra l'appeler) a donc droit au titre d'Ami des enfants, resté sans maître depuis Berquin. Il a droit à prendre rang parmi les éducateurs et les moralistes du premier âge qui ont le mieux compris leur tâche, et nul ne s'étonnera du tribut qui lui est payé à cette place.

Albert Durand