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Hachette

Louis-Christophe-François Hachette, né à Rethel (Ardennes), le 5 mai 1800, mort le 31 juillet 1864, a été le fondateur de la grande maison de librairie qui porte son nom, et où se publie ce Dictionnaire. Louis Hachette ne nous appartient ici que pour la part qu'il a prise au grand mouvement d instruction populaire qui date des dernières années de la Restauration, surtout des premières années du gouvernement de Juillet, et qui, malgré toutes les réactions destinées à l'entraver, ne s'est point arrêté depuis : cette part a été considérable.

En 1819, Louis Hachette était entré à l'Ecole normale supérieure, et il ne songeait guère alors à devenir libraire, lorsque, au moment où il allait terminer avec succès ses études, l'Ecole fut licenciée, en septembre 1822, pour des raisons de politique : les élèves de troisième année avaient acclamé, à la distribution des prix du concours général, le nom libéral de Camille Jordan. Ce fut alors que Louis Hachette, après quelques essais dans l'enseignement privé, acheta, en 1826, un fonds de librairie classique, bien humble et bien peu fourni, d'où devait sortir la grande librairie. Dès le début, il s'était donné cette devise : Sic quo-que docebo, « De cette façon j'enseignerai encore ». Et, en effet, à côté de l'industriel, du marchand, comme il aimait à se nommer, du marchand honnête et habile, doué du génie des grandes entreprises, il y eut toujours chez Louis Hachette non seulement l'homme de savoir et de goût, le scholar, — c'est le nom que lui donnait M. Cuvillier-Fleury, — mais aussi le patriote dévoué à l'instruction et en poursuivant le progrès sous toutes les formes, particulièrement dans ses rapports avec l'éducation des enfants et celle des classes populaires.

Lorsque parut la loi du 28 juin 1833, il en comprit toute la portée : « En 1834, a-t-il écrit dans une des trop rares brochures signées de son nom, l'instruction primaire n'existait pour ainsi dire pas en France : il n'y avait ni maisons d'école, ni maîtres, ni livres. Les maisons d'école ne sortent pas de terre au commandement ; les écoles normales ne s'organisent pas en un jour. Les livres seuls peuvent se produire rapidement. » De concert avec MM. Firmin Didot, Jules Renouard, Pitois-Levrault, Louis Hachette livra au gouvernement, pour les préfectures et sous-préfectures, qui les distribuaient gratuitement dans les écoles, des masses considérables de livres élémentaires, dont plusieurs étaient excellents, et qui sont longtemps restés les seuls classiques de l'école.

Déjà, en 1832, il avait, de concert avec les mêmes éditeurs, fondé le Manuel général de l'instruction primaire, destiné, dans l'origine, à populariser ces nouvelles méthodes et à en enseigner le fonctionnement aux instituteurs. Officielle dans les premières années, cette publication s'affranchit, lorsque l'oeuvre qu'elle propageait eut été assurée, de la tutelle administrative, et, devenue la propriété exclusive de la librairie Hachette, elle conserve aujourd'hui, après une carrière déjà si longue, la trace des premiers efforts de son créateur.

Lorsque s'ouvrirent les premières salles d'asile, Louis Hachette entreprit, en 1835, la plus ancienne publication périodique destinée à l'éducation de la première enfance qui ait paru dans notre pays, l'Ami de l'enfance. Ce journal, qui vécut tant que cet enseignement nouveau eut besoin d'un guide et qui, sous la direction de Mme Pape-Carpantier, puis de Mme Kergomard, rendit tant de services, cessa de paraître en octobre 1896.

Une autre publication périodique, d'un caractère plus général, la Revue de l'instruction publique en France et dans les pays étrangers, avait été créée par Louis Hachette en 1842, en vue de défendre, dans une mesure libérale, la cause universitaire, contre laquelle on préludait déjà, à cette époque, aux attaques passionnées et incessantes qui ont fini par triompher en 1850.

Mais ce n'est pas seulement comme éditeur de livres classiques et de journaux d'enseignement que Louis Hachette a rendu service à l'instruction populaire, c'est aussi et surtout peut-être par cette préoccupation constante qui l'a porté toute sa vie à rechercher les moyens pratiques de répandre le goût de la lecture, nous entendons de la lecture utile et saine, dans toutes les classes et jusqu'aux derniers rangs de la société. Il n'est que juste de voir la marque de cette préoccupation dans les publications les plus connues de sa librairie.

M. Hachette avait accepté diverses fonctions publiques gratuites ; il a rédigé des mémoires et des rapports sur des questions d'assistance publique, de propriété littéraire, de librairie, d'organisation sociale. En somme, peu de vies ont été mieux remplies et consacrées à des travaux plus élevés et plus utiles.

Charles Defodon