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Gutsmuths

Jean-Christophe-Frédéric Gutsmuths, éducateur allemand, né à Quedlinburg (Saxe prussienne), le 9 août 1759, mort à Schnepfenthal (Saxe-Gotha), le 21 mai 1839, peut être considéré comme le créateur de l'enseignement de la gymnastique en Allemagne. Il n'avait pas encore achevé ses études lorsqu'il fut chargé par le médecin Ritter de surveiller l'éducation de ses enfants ; il s'acquitta de sa tâche d'une façon qui révélait en lui de rares qualités pédagogiques, et lorsque, en 1779, il quitta sa ville natale pour aller suivre les cours de l'université de Halle, Ritter lui fit promettre de venir reprendre ensuite ses fonctions de précepteur. Gutsmulhs étudia à Halle la théologie et la pédagogie, puis revint en effet dans la famille Ritter, où il resta encore plusieurs années, jusqu'à la mort du père de ses élèves. Mme Ritter lui ayant déclaré alors que sa situation de fortune ne lui permettait pas de conserver un précepteur, une circonstance imprévue vint ouvrir à Gutsmuths une carrière nouvelle, tout en lui permettant de ne pas se séparer des élèves auxquels il s'était attaché. Salzmann venait de fonder à Schnepfenthal l'institution qui devait promptement devenir si célèbre, et il avait annoncé le dessein de recevoir gratuitement, à titre de premier élève, un enfant bien doué. Son choix tomba sur le jeune Karl Ritter, le futur réformateur de la science géographique, alors âgé de six ans, et que son précepteur Gutsmuths amena à Schnepfenthal, ainsi que son frère aîné. Lorsqu'il eut vu Gutsmuths, Salzmann ne voulut plus se séparer de lui et lui offrit une place de professeur dans son institut : Gutsmuths accepta (1785), et entra à Schnepfenthal pour n'en plus sortir. Il fut chargé entre autres de l'enseignement de la géographie et de celui de la technologie ; mais c'est surtout comme professeur de gymnastique qu'il s'est fait connaître et qu'il a rendu de réels services. L'école des « philanthropinistes », à laquelle appartenait Salzmann, voulait qu'une place fût faite dans l'éducation aux exercices physiques, et l'on avait déjà pu constater dans le Philanthropinum de Dessau les rudiments d'un enseignement de la gymnastique. Gutsmuths eut le mérite de développer ce qui n'existait qu'en germe dans l'institut fondé par Basedow, et de tracer le premier un programme rationnel qui constitua la gymnastique en une discipline spéciale, ayant ses règles, ses principes scientifiques et sa méthode pédagogique. « Lorsque j'arrivai à Schnepfenthal en 1785, raconte Gutsmuths dans un de ses ouvrages, Salzmann me conduisit dans un joli endroit situé à la lisière d'un bois de hêtres, en me disant : « Voici notre place de gymnastique ». Là nous venions tous les jours nous récréer en exécutant cinq exercices élémentaires. Ces exercices, qui ne formaient pas encore un système régulier, venaient de Dessau, où Salzmann avait séjourné. Basedow ou quelque autre avait-il conçu la pensée de remettre en honneur l'éducation physique des Grecs? Je l'ignore. Salzmann me confia bientôt la direction de ces exercices élémentaires. J'en connaissais l'importance. Ce que je pus déterrer des décombres séculaires, des restes historiques de l'antiquité, ce que la réflexion et parfois le hasard vint m offrir, je l?essayai successivement dans nos gaies récréations, le mettant à l'épreuve. Ainsi s'augmentèrent peu à peu les exercices, et se formulèrent les règles, non sans difficulté parfois. Ainsi, après sept années d'essais, put être publié, dans la première édition de ma Gymnastique, le premier travail nouveau sur un sujet presque oublie et sur lequel on ne possédait plus que les indications de l'histoire. » Ce fut en 1795 que parut la Gymnastique de la jeunesse (Gymnastik fur die Jugend), dont Gutsmuths donna une seconde édition en 1804 ; une troisième édition a paru après la mort de l'auteur, en 1847, à Stuttgart. Ce livre a été traduit en français, en anglais et en danois. Dans un autre ouvrage publié à Francfort en 1817 sous le titre de Manuel de gymnastique pour les fils de la patrie, dédié aux princes et au peuple de la Confédération germanique (Turnbuch fur die Söhne des Vaterlandes, den Fürsten und dem Volke des deutschen Bundes gewidmet), l'auteur a traité son sujet plus spécialement au point de vue militaire et patriotique. On a encore de Gutsmuths deux autres écrits relatifs à la gymnastique : l'un est intitulé Jeux pour exercer et récréer le corps et l'esprit de la jeunesse (Spiele zur Uebung und Erholung des Körpers und Geistes für die Jugend), 1796 ; l'autre est un petit Catéchisme de la gymnastique (Katechismus der Turnkunst), 1818.

Il faut mentionner aussi d'autres publications où Gutsmuths fait preuve d'une excellente méthode pédagogique et d'un savoir très étendu. Ce sont un Manuel de géographie (Handbuch der Géographie), Leipzig, 1810 ; une Esquisse de la description de la terre (Abriss der Erdbeschreibung), Leipzig, 1819, livre destiné aux élèves, et une Méthodique de la géographie (Methodik der Géographie), Leipzig, 1835, destinée aux maîtres ; un traité de technologie intitulé Récréations mécaniques pour les jeunes gens et les adultes [Mechanische Nebenbeschäftigungen fur Jünglinge und Männer), Altenburg, 1801 ; et enfin une publication périodique qui parut durant ving années, de 1800 à 1820, sous le titre de Bibliothèque pédagogique (Bibliothek für Pädagogik, Schulwesen und die gesammte pädagogische Literatur Deutschlands.)

Gutsmuths s'était marié en 1797, et il habita depuis cette époque une petite maison de campagne qu'il avait achetée près de Schnepfenthal. « C est là qu'il fallait le voir, dit un biographe, au milieu de sa nombreuse famille, qu'il dirigeait avec une dignité de patriarche ; occupé, aux heures de loisir, à cultiver ses fleurs, à greffer ses arbres fruitiers, à soigner ses abeilles, ou bien assis dans son atelier de tourneur, et mêlant ainsi de diverses façons l'utile et l'agréable. Il allait deux fois par jour à Schnepfenthal, le malin de onze heures à midi pour la leçon de gymnastique, l'après-midi de deux heures à quatre heures pour les leçons qu'il donnait en classe ; en été, il conduisait en outre les élèves au bain de quatre à cinq heures et dirigeait les exercices de natation. » Il ne prit sa retraite qu'en 1837, après cinquante-deux années d'enseignement quotidien, et mourut deux ans plus tard, à l?âge de quatre-vingts ans. La plus tendre amitié n'avait cessé de l'unir à son illustre élève Karl Ritter, devenu professeur à l'université de Berlin. La Société pour l'instruction élémentaire de Paris lui avait décerné en 1815 le titre d'associé étranger.