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Grèce moderne

 (Les deux premières sections de cet article sont la reproduction d'une étude écrite en 1881 par M. G. Chassiotis ; la troisième section donne l'état actuel.) — 1. Historique jusqu'en 1831. — Pendant la longue période qui s'étend depuis la prise de Constantinople par les Turcs jusqu'au commencement du dix-neuvième siècle, l'instruction élémentaire existait à peine au sein des populations grecques, surtout durant les deux premiers siècles de la domination ottomane. Les Turcs avaient établi une loi cruelle, en vertu de laquelle les parents étaient obligés de payer aux conquérants un tribut d'enfants ; aussi cachait-on les enfants aux yeux des tyrans et ne leur donnait-on qu'une instruction domestique des plus rudimentaires. Mais, en plus de cette loi, les autorités et surtout les percepteurs de la « dîme d'enfants » étaient autorisés à enlever tous les enfants chrétiens qui avaient le malheur de se trouver hors du toit paternel. De là double terrorisation. Les enfants n'allaient donc pas à l'école ; celle-ci, faute d'élèves, restait dans la plupart des villes presque toujours fermée. Ailleurs, c'était la nuit, à la clarté de la lune, que les enfants fréquentaient l'école.

On conçoit facilement ce que dut être l'instruction chez les Grecs durant celle longue période de quatre siècles de domination musulmane.

La plupart des établissements scolaires en Grèce étaient des écoles connues sous le nom d'écoles communes (koina scholia), où l'on ne faisait que des études très élémentaires : lecture dans des ouvrages ecclésiastiques, calcul et écriture. Il n'y avait pas d'établissements spéciaux pour l'instruction primaire, qui n'était pas encore distincte de l'enseignement général à cette époque, si ce n'est dans quelques villes seulement ; la campagne était presque entièrement dépourvue d'écoles, ou, s'il en existait, c'était tantôt dans l'enceinte sacrée de l'église qu'un maître, ou plus généralement un prêtre de la paroisse, quelquefois même un artisan, tel qu'un tailleur, un cordonnier, entouré de nombreux élèves, d'après les circonstances et les contrées, faisait retentir les voûtes du sanctuaire d'une lecture faite lentement à haute voix ; tantôt, c'était dans les couvents, si nombreux à cette époque, que la jeunesse hellénique trouvait un asile assuré. Quelques contemporains nous ont conservé le programme des études de ces écoles. Mais il n'y avait pas de classes séparées, ni de leçons particulières. Un seul instituteur donnait l'enseignement à tous les enfants. On enseignait alors : 1° la lecture sur les pinakidia, espèces de tablettes sur lesquelles étaient écrits l'alphabet et les premières leçons d'écriture ; venaient ensuite le psautier de David, les Actes et les Epîtres des Apôtres, le trindion et d'autres livres ecclésiastiques ; 2° l'écriture ; 3° l'arithmétique ; 4° l'epistolarion. Remarquons cependant que le cadre des études n'était pas partout le même ; il variait selon la capacité de l'instituteur. En 1673, La Guilletière, ou plutôt le correspondant de M. Guillet, en rendant compte d'une visite qu'il fit vers cette époque à une école d'Athènes, nous donne de précieux détails sur une sorte de méthode d'enseignement : « Nous trouvâmes, dit-il, une trentaine de jeunes enfants assis sur des bancs et leur régent à leur teste, qui leur montroit à lire. Il se leva et nous lit grande civilité ; la nation n'en est pas avare ; le janissaire le pria de ne point interrompre ses leçons, pour nous en faire voir la méthode, que je trouvai très ingénieuse. Il s'en faut bien que la nostre s'en approche, car le maistre pouvoit faire lire toute sa classe à la fois, sans confusion et d'une manière à tenir toujours chaque écolier attentif à ce que les autres lisoient. Ils avoient à la main chacun un livre semblable, et si, par exemple, il y avoit trente écoliers, il ne leur donnoit à lire que trente mots d'un discours continu, le premier ne lisant que le premier mot, le second que le second et ainsi de suite. Et si chacun lisoit correctement son mot, il leur en faisoit lire encore trente ; mais si quelqu'un venoit à manquer, il es-toit incontinent repris par l'écolier d'après, qui estoit exact à l'observer, et celuy-cy estoit encore observé par le plus proche, chacun se renvoyant le mot jusqu'à ce que les trente mots fussent lus ; de sorte que les trente écoliers estoient toujours en haleine prests à se reprendre, chacun se piquant d'honneur d'estre plus habile que son compagnon ; et la leçon d'un particulier devenoit une leçon commune où il se mes-toit une continuelle émulation. Mais, pour empescher que chaque écolier n'éludast cet ordre en se préparant seulement à son mot particulier, l'ordre des places n'estoit pas fixé pour toujours, et celuy qui, à une leçon, avoit été placé le premier, estoit mis dans un rang différent à une seconde. Voilà comment il ne falloit qu'une leçon pour toute une classe, quelque nombreuse qu'elle fust. Et ce qu'il y avoit encore de commode pour le maîstre, c'est que les écoliers n'estoient pas obligés de venir tour à tour lire auprès de luy, car chacun d'eux estoit le précepteur de son compagnon. »

Malgré la défectuosité des méthodes et le cadre restreint des connaissances élémentaires, les élèves étaient obligés d'apprendre quelque chose. Les punitions étaient très sévères. Au-dessus du fauteuil de l'instituteur on voyait suspendue la férule (phalangas), cruel instrument de discipline pour les étourdis et les paresseux ; on infligeait en outre le piquet simple ou aggravé par la génuflexion, par l'obligation de tenir un poids plus ou moins lourd à bras tendus, le crachement sur la figure, la bastonnade.

Lorsqu'en Europe et surtout en France l'instruction populaire fut améliorée par l'introduction de la méthode de Lancaster, les Grecs furent des premiers à l'introduire dans leur enseignement. On considérait alors l'enseignement mutuel comme un bienfait du ciel pour les écoles communales qui ne possédaient pas de ressources suffisantes. En 1817, Georges Cléoboulos de Philippopoli, qui avait fait ses éludes à Paris, devint le promoteur de l'enseignement mutuel chez les Grecs. Il composa des tables de lecture, imprimées à Paris, qui attirèrent l'attention des vulgarisateurs de ce mode d'enseignement en France.

Deux écoles mutuelles, l'une de garçons, l'autre de filles, furent ouvertes à Athènes en 1818 par la « Société des Philomuses » ; d'autres furent fondées à Délos, Saint-Pierre, Patmos, Syros, Tripolitza, Nauplie, et dans quelques villes des provinces grecques de l'Empire ottoman. La méthode lancastrienne fut introduite en 1819 dans les écoles des Iles Ioniennes sous l'inspection de M. Athanase Politis, ainsi que dans celles de Jassy, de Bucharest et d'Odessa et dans les colonies grecques de l'Europe. Mais ces établissements étaient peu nombreux ; la plupart des écoles élémentaires, situées loin des grandes villes et n'ayant à leur tête qu'un maître ignorant, demeuraient dans la même situation.

Pendant la guerre de l'indépendance, le gouvernement provisoire essaya, malgré tous les malheurs qu'il avait à supporter, d'organiser systématiquement l'enseignement primaire dans les quelques provinces délivrées du joug ottoman ; il s'efforça d'abord d'y introduire partout le mode mutuel. En 1824, dans un rapport de la commission instituée pour organiser l'instruction publique, nous lisons ce qui suit : « Pour l'instruction du pays et son bonheur, trois degrés d'instruction sont nécessaires : l'instruction primaire et populaire, l'instruction secondaire ou classique, et l'instruction supérieure. Mais comme dans les temps malheureux que nous traversons il est impossible d'établir ce large plan d'enseignement, il suffit, pour le présent, d'organiser le premier degré et d'introduire partout la méthode mutuelle, qui est utile, nécessaire même, et qui se donne à peu de frais, tant pour le gouvernement que pour l'élève. Pour atteindre ce but, il faut fonder une école normale mutuelle à Argos, où seront admis et instruits des jeunes gens capables de pouvoir, après avoir complété leurs études, enseigner dans les villages. Par ce moyen, l'école modèle sera comme une grande source d'où découleront les ruisseaux d'enseignement mutuel. » En effet, quelques villages eurent, tout de suite, des écoles mutuelles. En 1825, l'inspecteur de l'instruction publique donne dans son rapport les détails suivants : « A Athènes, il y a deux écoles centrales d'enseignement mutuel ; dans l'île de Tinos, une ; dans l'île d'Andros il y a, dans trois endroits différents, trois écoles d'enseignement mutuel ; il y a une école mutuelle dans l'île de Patmos, ainsi que dans d'autres îles des Cyclades et des Sporades. A Tripolitza, à Astros, Saint-Pierre, Vitina, Dimitzana, Stemnitza et Langadia, il y a également des écoles mutuelles, ainsi qu'à Missolonghi. » Quelques-unes de ces écoles comptaient un grand nombre d'élèves: mais elles manquaient de tout ce qui est nécessaire pour l'application de la méthode, tableaux, ardoises, plumes, crayons et modèles d'écriture. La guerre, qui continuait toujours, ne laissait pas aux écoles le temps nécessaire pour se développer, ni à l'instruction populaire celui de se répandre. En 1828, le premier ministre de l'instruction publique, M. Soutzos, parlant des projets de loi élaborés, déclare « que tous ces projets furent accueillis favorablement par le Corps législatif du gouvernement provisoire, mais que rien de sérieux n a été fait jusqu'à présent ». Mais nous rencontrons de 1828 à '] 830 des mesures plus efficaces prises par le premier président de la Grèce, Jean Capodistrias de Corfou. C'est à lui que sont dus l'organisation et le développement de l'enseignement populaire pendant celle époque de transition. « On essaierait en vain, dit-il, de régénérer un peuple sans l'éducation morale ; et l'espoir de la Grèce est dans l'éducation des enfants. » Il considérait l'enseignement primaire comme la base solide de la régénération du peuple. M. Dutrône, philhellène français, Jean Cockonis et Mustoxidis sont les trois hommes qui ont soutenu par leur intelligence et leurs connaissances les efforts de Capodistrias. Au lieu de l'école normale primaire qu'on avait voulu 'fonder à Argos, ils en installèrent une à Egine, où était alors le siège du gouvernement. Un philhellène distingué, M. Eynard, mit à la disposition de Capodistrias 50 000 francs pour bâtir cette école. On avait traduit le Manuel des écoles élémentaires d'enseignement mutuel de M. Sarazin, professeur du cours spécial d'enseignement mutuel fondé par la ville de Paris.

La sollicitude et les soins paternels avec lesquels le président Capodistrias veillait au développement de l'instruction primaire sont au-dessus de tout éloge. Nous ne citerons ici que quelques lignes extraites d'une circulaire qu'il avait adressée aux instituteurs de la Grèce Je 21 avril 1829 : « Parmi les écoles de l'enseignement mutuel existantes, écrivait-il, celles que nous avons eu la satisfaction d'inspecter nous-même ne nous laissent rien à désirer. Il nous tardait d'en témoigner notre reconnaissance aux citoyens distingués qui ont contribué à leur organisation, aux maîtres qui, au milieu des plus grandes privations, ont su faire prospérer ces établissements, et aux élèves qui nous donnent déjà la mesure de tout ce que la patrie a droit d'attendre d'eux. » En 1830, Egine, d'après l'expression de M. Bétant, renfermait le noyau de tous les établissements scolaires de Grèce.

Vers la même époque, un comité de dames se formait à Egine pour s'occuper de l'éducation des jeunes tilles, qui avait été très négligée durant toute la période de la domination ottomane.

Pour clore l'historique de l'état de l'instruction primaire en Grèce jusqu'à la fondation du royaume actuel, nous ajouterons qu'à l'époque de l'assassinat du président Capodistrias en 1831, il n'y avait en Grèce que 71 écoles primaires avec 6721 élèves.

2. De 1831 à 1881. — Le premier roi de Grèce, Othon, bien que fort jeune, a contribué beaucoup à la création d'écoles sous l'inspiration de la Régence allemande. En 1834, il décréta la loi sur l'instruction primaire, oeuvre principalement de M. Meyer, membre de la Régence. Cette loi, imitée de la loi française du 28 juin 1833 et de celle de la Bavière, est encore en grande partie appliquée aujourd'hui (1881). Elle comprend 5 titres et 82 articles. Le principe de l'enseignement obligatoire est proclamé sans aucune restriction par les articles 6 et 7, ainsi conçus : « ART. 6. Tous les enfants depuis cinq ans révolus jusqu'à douze ans révolus, qui habitent une commune ayant une école primaire, doivent en suivre les leçons ; les parents qui n'envoient pas à l'école les enfants de cet âge sont passibles d'une amende de 10 lepta à 50 drachmes pour chaque heure d'absence. Pour les enfants qui s'absentent pendant des semaines ou des mois, la peine est augmentée proportionnellement à la durée de l'absence et devient effective à la fin de leurs études primaires. » — « ART. 7. Sont dispensés de l'art. 6 : 1° les enfants qui suivent les cours dans une autre école ou un pensionnat ; 2° ceux qui font des études suffisantes chez un instituteur particulier, les parents devant donner des garanties convenables ; 3° ceux qui sont considérés comme assez instruits par une commission d'examen. » Malheureusement on n'a pas appliqué rigoureusement ces dispositions de la loi ; on peut même dire qu'elles sont tombées en désuétude. Quant à la gratuité, elle n'est pas absolue. D'après l'art. 24, le conseil municipal fixe à 10 lepta le minimum de la rétribution mensuelle que doivent payer les parents qui peuvent le faire aisément. Il est vrai, de même, qu'on n'applique pas toujours cet article ; mais l'opinion publique réclame la gratuité entière de l'instruction primaire, comme plus utile et plus urgente que celle de l'instruction secondaire et supérieure.

I. Écoles primaires publiques. — La loi de 1834 ne fait aucune distinction des écoles primaires en écoles élémentaires et en écoles supérieures, ni en écoles de filles et écoles de garçons, si ce n'est poulies travaux de couture, de tricot et de broderie. Les matières d'enseignement prévues par cette loi sont le catéchisme, les éléments de la langue grecque, l'écriture, l'arithmétique, le système légal des poids et mesures, le dessin linéaire, le chant. S'il est possible, on doit y ajouter les éléments de la géographie, de l'histoire grecque, et des notions de sciences naturel les. Deux fois par semaine auront lieu des exercices gymnastiques ; de plus l'instituteur doit enseigner pratiquement l'agriculture et la viticulture, et théorique ment la sylviculture, la sériciculture et l'apiculture. Les filles doivent être exercées aux travaux à l'aiguille.

L'enseignement dans les écoles primaires fut organisé, jusqu'en 1842, d'après la méthode lancastrienne et les principes énoncés dans le Manuel de M. Sarazin. A partir de cette époque, quelques améliorations furent réalisées par l’adoption du mode mixte, combinaison du mode mutuel et du mode simultané. Mais depuis 1879, à la suite d'une ordonnance royale du 3 septembre de cette année, on commença à introduire la méthode simultanée par les soins des instituteurs sortis de l'école modèle d'Athènes. Dans plusieurs communes furent fondées des écoles communales sur le plan de l'école d'Athènes, et de grands efforts furent faits pour que les anciens instituteurs fussent mis à même d'enseigner d'après la méthode simultanée.

Dans les premières années qui suivirent la fondation du royaume de Grèce, les écoles primaires furent mixtes pour les garçons et les filles ; il en est encore de même aujourd'hui (1881) dans les communes qui n'ont pas d'écoles distinctes pour les filles. Ce système n'avait attiré dans les écoles, qu'un petit nombre de filles. Une Association des Amis de l'instruction, fondée en 1836, a pris l'initiative de répandre l'instruction des filles ; quelques écoles de filles furent créées ; le gouvernement lui-même condamna, en 1852, le système mixte, et prescrivit aux préfets la fondation d'écoles de filles ; mais celles-ci faisaient encore défaut dans maintes communes en 1880.

Les bâtiments des écoles primaires sont construits à peu près d'après les plans des écoles mutuelles en France. Le mobilier scolaire est resté à peu près le même. On voit encore dans la plupart des écoles, en face de la chaire de l'instituteur, huit ou dix rangées de bancs avec de larges tables.

II. Ecoles primaires libres. — Outre les écoles publiques de garçons et de filles, on trouve dans presque toutes les grandes villes du royaume des écoles du même degré dues à l'initiative privée. Dans ces écoles, l'enseignement, les méthodes, les programmes sont ceux des établissements publics d'instruction primaire. Ces écoles, d'après l'ait. 60 de la loi de 1834, sont placées sous l'inspection des autorités dans les mêmes conditions que les écoles publiques. Il y avait, en 1880, 164 écoles primaires libres de garçons et 112 écoles primaires libres de filles.

L'établissement qui a le plus contribué à l'amélioration de l'enseignement primaire en Grèce est l'école primaire modèle fondée en 1877 à Athènes par le Syllogue pour la propagation des lettres grecques. C'est dans cette école modèle, divisée en six classes, que furent appliqués en premier lieu la méthode intuitive et le mode simultané d'après les principes de la pédagogie moderne.

III. Ecoles normales. — Les articles 65 à 69 de la loi de 1834 traitaient de l'organisation d'une école normale d'instituteurs (didaskalion), qui fut ouverte à Athènes en 1834, aussitôt après la promulgation de la loi. Une école mutuelle modèle y fut annexée. L'école normale comptait 30 boursiers du gouvernement, choisis dans les communes, ainsi que d'autres élèves ; elle fut organisée en 1835 par une circulaire spéciale, et réorganisée en 1856 avec de légères modifications. Bien que la loi de 1834 indiquât dans l'art. 63 la nécessité de la fondation d'une école normale d'insti tutrices, cette disposition est restée inexécutée. Une commission, toutefois, fut instituée en 1855 pour examiner les jeunes filles qui aspiraient à devenir insti tutrices. Mais, en 1861, l'établissement principal de l'Association des Amis de l'instruction, désigné sous le nom d'Arsakion, fut reconnu officiellement par ordonnance royale comme école normale d'institutrices. Les études pédagogiques, malheureusement, n'ont pas été bien dirigées, ni dans l'un, ni dans l'autre établissement ; ni le dessin, ni la musique n'ont été enseignés comme il l'eût fallu : en conséquence, ces deux écoles ont porté peu de fruits. Tandis qu'en Europe on améliorait continuellement les méthodes, en Grèce tout restait dans le même état, qui s'empirait de jour en jour. L'Assemblée nationale de 1863 prononça par une loi la dissolution de l'école normale d'instituteurs et décréta sa réorganisation sur un nouveau plan qui, néanmoins, ne fut mis en pratique que treize ans après. C'est, en effet, en 1878 qu'une loi spéciale mit fin à cette situation fâcheuse. L'école normale d'instituteurs fut rouverte, sous de nouveaux auspices, le 24 septembre 1878. Une école modèle y fut annexée, et organisée d'après le mode simultané. Le programme de l'école normale, qui fut divisée en trois classes, comprit les branches suivantes ; 1° la religion ; 2° la pédagogie ; 3° le grec ancien ; 4° l'histoire ; 5° l'arithmétique et la géométrie ; 6° la physique, la mécanique et l'histoire naturelle ; 7° la chimie ; 8° des connaissances pratiques d'agri culture et d'arboriculture: 9° le dessin et la calligraphie ; 10° la musique vocale et instrumentale ; 11° l'hygiène ; 12° la gymnastique.

En septembre 1880, une autre école normale fut ouverte, avec le même programme, à Tripolitza.

IV. Institutions complémentaires. — Il n'est fait aucune mention ni dans la loi de 1834, ni dans celle de 1878 sur l'école normale, d'institutions complémentaires de l'instruction primaire publique. Celles-ci ne sont dues qu'à l'initiative privée. Ce sont d'abord les écoles enfantines ou salles d'asile. C'est en 1867 qu'une élève grecque, sortant de l'école de Mme Pape-Carpantier, introduisit en Grèce, presque sans modifications, le système français avec le même programme et la même organisation. La première école enfantine, annexée à l'école normale des institutrices à Athènes, devint le modèle des établissements de ce genre. L'initiative privée créa aussi des écoles dites professionnelles : tels sont l'orphelinat Hadji-Costa pour les garçons et les orphelinats de jeunes filles à Athènes, au Pirée et à Zante. Vers la même époque (1866) furent établis à Athènes des cours d'adultes, des cours d'ouvriers, dus à la « Société des amis du peuple ». En fin, le Syllogue littéraire le « Parnasse », fondé en 1866, entreprit en 1872 la création de cours du soir pour l'éducation et l'instruction des enfants pauvres.

V. Autorités scolaires. — Dans les nomes ou départements, la surveillance des écoles primaires appartient au préfet et aux sous-préfets. De plus, une commission scolaire est instituée, tous les ans, au chef-lieu du département ; elle se compose du préfet, président, du président du tribunal civil, du procureur, d'un prêtre, d'un professeur, et de deux ou quatre citoyens élus par le Conseil départemental. Dans les chefs-lieux des éparchies ou arrondissements, la commission se compose du sous-préfet, du juge de paix, d'un professeur, et de deux ou quatre citoyens élus par le Conseil d arrondissement. Dans les communes, la commission se compose du maire, du prêtre et de deux ou quatre citoyens élus par le conseil municipal. Ces commissions inspectent, encouragent et dirigent les écoles primaires. La commission départementale et celle de l'arrondissement sont obligées non seulement d'inspecter les écoles, mais encore d'en faire examiner la situation par un délégué spécial. Malheureusement cette utile mission n'est pas toujours remplie convenablement. Mais la nomination d'un inspecteur général de l'instruction primaire a eu d'heureux résultats, et, à partir de 1881, l'inspection des écoles primaires a été assurée par l'envoi d'inspecteurs spéciaux dans chaque province, qui font annuellement des rapports sur l'état de l'enseignement.

VI. Personnel enseignant. — Les instituteurs et institutrices sont divisés en trois classes d'après le grade qu'ils reçoivent en sortant de l'école normale. Ceux de la troisième classe sont nommés maîtres dans les écoles élémentaires des villages et des chefs-lieux de communes ; ceux de deuxième classe, dans les écoles primaires des chefs-lieux d'arrondissement et, à défaut d'instituteurs de première classe, dans les écoles primaires des chefs-lieux de département ; enfin, ceux de première classe dans les écoles des chefs-lieux de département. Autrefois, d'après l'art. 16 de la loi de 1834, c'était le ministre de l'instruction publique qui nommait les instituteurs de la première classe, tandis que les préfets nommaient ceux de la deuxième et de la troisième classe avec l'approbation du ministre. Depuis 1861, c'est le ministre qui nomme tout le personnel enseignant.

Les honoraires des instituteurs, d'après la loi de 1834, se composaient : 1° d'un traitement fixe ; 2° du logement fourni gratuitement par la commune ; 3° d'une rétribution versée par les parents en état de payer, et fixée par les conseils municipaux. Les instituteurs des écoles des chefs-lieux de département recevaient, comme traitement fixe, 100 drachmes par mois ; ceux des chefs-lieux d'arrondissement, 90 drachmes ; ceux de la deuxième classe et les maîtres adjoints, 80 drachmes ; et, enfin, ceux de la troisième classe 50 drachmes. Mais ces derniers, dès l'année 1856, reçurent 60 drachmes. La loi de 1878 sur l'école normale augmenta un peu le chiffre de ces traitements, qui étaient en 1880 de 80 drachmes pour les instituteurs de troisième classe, de 100 drachmes pour ceux de deuxième classe, et de 140 drachmes pour ceux de première classe. Les directeurs des écoles primaires d'Athènes, de Syra, de Patras et de Corfou recevaient 180 drachmes.

Le traitement des institutrices est en général un peu inférieur à celui des instituteurs.

VII. Budget de l'instruction primaire. — Les dépenses de construction et d'entretien des maisons d'école, ainsi que le traitement des instituteurs, sont à la charge des communes, l'Etat venant au secours des communes les plus pauvres par une subvention annuelle. Au début et jusqu'en 1843, les communes, par suite de l'activité du gouvernement du roi Othon, payaient régulièrement les honoraires des instituteurs. Mais, plus tard, la plupart des communes manquèrent à cette obligation. Une loi spéciale, en 1856, ordonna que l'Etat paierait d'avance et recevrait ensuite la contribution des communes.

Les dépenses scolaires pour les écoles primaires se sont élevées, en 1879, à 1612000 drachmes, dont 190000 à la charge de l'Etat et 1 422 000 à celle des communes.

VIII. Population scolaire. — Durant la période de 1831 à 1880, il n'a pas été fait de statistique proprement dite sur cette matière. Il n'y a eu, à ce sujet, que des rapports généraux du ministre de l'instruction publique sur les écoles, rapports adressés au roi ; mais ceux-ci n'étaient ni réguliers, ni convenablement rédigés. Aussi les renseignements que la Grèce a fournis à l'Exposition universelle de 1878 furent-ils sommaires et incomplets. Voici le relevé de ces renseignements :

En 1830 : population générale, 700000 hab. ; nombre des écoles primaires, 71 : nombre des élèves, 6721 ;

En 1855 : population, 998 266 hab. ; 357 écoles de garçons avec 30520 élèves, et 52 écoles de Olles avec 4753 élèves ;

En 1860 : population, 1096810 hab. ; 598 écoles de garçons avec 38427 élèves, et 70 écoles de filles avec 6803 élèves ;

En 1866 : population, 1 325 479 hab. ; 942 écoles de garçons avec 44 102 élèves, et 125 écoles de filles avec 8431 élèves ;

En 1869 : population, 1325479 hab. ; 898 écoles de garçons avec 43 876 élèves, et 133 écoles de filles avec 8824 élèves ;

En 1873 : population, 1437026 hab. ; 989 écoles de garçons avec 63156 élèves, 138 écoles de filles avec 11 405 élèves, et 141 écoles libres avec 3558 élèves ;

En 1879 : population, 1 679775 hab. ; 1035 écoles de garçons avec 67 108 élèves, 137 écoles de filles avec 12340 élèves, 276 écoles libres avec 11092 élèves, 6 écoles professionnelles avec 510 élèves, et 11 cours d'adultes avec 1000 élèves.

En 1870, d'après les renseignements officiels, 65 enfants pour 1000 habitants frequentaient les écoles. On comptait une école primaire de garçons pour 747 habitants. Plusieurs communes avaient plus d'une école de garçons, et en moyenne il y en avait 2, 79 par commune. Il n'en était pas de même pour les écoles de filles: 137 communes seulement en possédaient, 229 en étaient privées. En 1879, le budget de l'instruction primaire représentait 0dr, 90 par habitant et 21dr, 17 pour chaque élève.

[G. CHASSIOTIS.]

3. Etat actuel. — La loi de 1834 a été remaniée par une loi de 1895. Celle-ci a rendu l'instruction primaire gratuite. Elle a divisé les écoles primaires (dimotika scholia) en écoles complètes (pliri) et écoles communes (koina) ; les écoles complètes sont distinguées et écoles de garçons et écoles de filles ; les écoles communes, ou écoles rurales, sont mixtes quant au sexe, et l'enseignement y est donné par des sous-instituteurs.

Dans chaque nome il y a un inspecteur (épithéôrîtîs), ainsi qu'un conseil de surveillance (époptikon symboulion) présidé par l'inspecteur, Le traitement de l'inspecteur est de 240 drachmes par mois. A la tête de la division de l'instruction primaire, au ministère de l'instruction publique, est placé un inspecteur général (genikos épithéôrîtîs tîs dîmotikîs ekpaidefseôs).

Nous empruntons à la statistique annuelle publiée par le ministère des affaires étrangères et de l'instruction publique les indications suivantes, relatives à l'année 1907-1908.

Enseignement primaire ou communal (dîmotiki ekpaidefsis). — Les 26 nomes ou départements du royaume comptaient en décembre 1907 un nombre total de 3418 écoles communales, dont 1224 écoles de garçons, 623 écoles de filles, et 1571 écoles communes (koina). Le nombre des élèves inscrits était de 241433, dont 170374 garçons et 71059 tilles ; celui des élèves présents était de 221 481, dont 157 540 garçons et 63941 filles, pour une population totale de 2641962 habitants. Il y avait 2059 instituteurs communaux (dîmodidaskali), 919 institutrices (didaskalissai), et 1358 sous-instituteurs (hypodidaskali). Le nombre des maisons d'école était de 3164, dont 1041 appartenant à l'Etat ou aux communes, et 2123 appartenant à l'Eglise ou à des particuliers. Les dépenses pour les écoles primaires ont été les suivantes : traitements des instituteurs, 3 341 120 drachmes ; traitements des institutrices, 1 321 000 drachmes ; traitements des sous-instituteurs, 1095140 drachmes ; traitements des surveillants (epistati ; le volume officiel traduit ce mot par pions), 97 535 drachmes ; frais de location de maisons d'école, 810760 drachmes ; frais divers, 26443 drachmes ; total 6692098 drachmes (ce total général ne concorde pas rigoureusement avec les totaux partiels ci-dessus ; nous le reproduisons tel que le donne la statistique du ministère).

Il résulte des chiffres portés dans cette statistique qu'au point de vue des traitements, les instituteurs, les institutrices, et les sous-instituteurs (ou sous-institutrices) sont divisés en trois classes, auxquelles sont attachés les traitements mensuels ci-dessous (exprimés en drachmes) :

Instituteurs………..……… 150 120 100

Institutrices………….…… 120 110 100

Sous-instituteurs……………75 65 55

Les traitements sont, en fait, généralement plus élevés que le minimum légal.

Le royaume ne compte qu'une seule école normale (didaskalion) pour les instituteurs, à Athènes, avec 129 élèves inscrits et 16 professeurs. Il y avait pour les institutrices cinq établissements, tous de fondation privée : l'Arsakion d'Athènes, ceux de Larissa, de Corfou et de Patras, et l'école pédagogique primaire de jeunes filles (dîmotikon parthénagôgion) de Syra ; ces cinq établissements comptaient 786 élèves inscrites.

Il Y avait 109 écoles élémentaires privées, avec 6823 élèves (3289 garçons, 3534 filles).

Enseignement secondaire ou moyen (mesi ekpaidefsis). — Il comprend les écoles helléniques (hellinika scholia), au nombre de 314, dont 267 à trois classes, 15 à deux classes, et 32 à une classe, avec un total de 20 517 élèves ; les gymnases (gymnasia), à quatre classes, dont 28 sont entretenus par l'Etat, et 11 sont entretenus par les communes ou par des fondations particulières (ceux-ci reçoivent pour la plupart une subvention de l'Etat), avec un total de 5293 élèves ; les écoles de commerce (empôrikai scholai), dont 4 sont entretenues par l'Etat et 2 par des fondations particulières, avec un total de 315 élèves.

L'enseignement secondaire privé comprenait 23 établissements, soit écoles helléniques, soit gymnases.

Enseignement supérieur (anôtera ekpaidefsis). — Il comprend l'université nationale (ethnikon panépistîmion), à Athènes, et les établissements qui s'y rattachent.

Budget du ministère des affaires ecclésiastiques et de l'instruction publique. — La dépense annuelle du ministère a été la suivante en 1907-1908 : administration centrale, 81 320 drachmes ; dépenses des cultes, 251 116 drachmes ; enseignement supérieur, 690920 drachmes ; service archéologique et musée des beaux-arts, 282497 drachmes ; enseignement moyen, 3 125 988 drachmes, plus 108 460 drachmes de subventions à diverses sociétés (syllogues, hétairies, etc.) ; enseignement élémentaire ou communal, 1252 030 drachmes ; au total 5792331 drachmes.