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Grammaire

L'étude de la grammaire doit occuper une place des plus importantes dans les programmes des écoles primaires de tous les degrés, car il est naturel que la science qui apprend à parler et à écrire correctement la langue maternelle soit l'objet des constantes préoccupations de l'instituteur.

Remarquons toutefois que le but de l'étude du français à l'école primaire est surtout l'acquisition de notions simples et précises, suffisantes pour permettre à l'élève de comprendre sa langue et de l'écrire de façon irréprochable. La plupart des enfants quittent l'école vers la treizième année : pour ceux-là, la grammaire ne saurait donc jamais être considérée comme une fin, mais seulement comme un moyen de s'éclairer sur le sens des lectures qu'ils pourront faire plus tard, de s'exprimer de façon correcte ou de rédiger convenablement une lettre, un rapport, un mémoire, en un mot les principales manifestations écrites de nos rapports sociaux.

Si tel est, comme nous le pensons, le véritable but de l'enseignement grammatical à l'école primaire, nous devons nous efforcer de trouver les méthodes qui peuvent y conduire rapidement et sûrement. A cet effet, nous devrons rechercher quelles sont dans cet enseignement les notions indispensables à l'acquisition du langage correct, en éliminer celles qui ne seront pour l'adulte que des mots ou des formules sans utilité et qui ne font que charger les programmes sans profit réel ; étudier enfin quelles améliorations on pourrait apporter à la terminologie, aux méthodes et aux programmes pour rendre l'étude de la grammaire plus attrayante, plus pratique et plus féconde.

Un premier point se pose. La terminologie grammaticale est touffue, confuse, hétéroclite ; elle est embarrassée d'une foule de termes peu précis, inutiles ou parasites, dissimulant parfois sous une apparente synonymie des conceptions absolument différentes. C'est là un des écueils, et non des moindres, de notre enseignement grammatical, tout le monde en convient. Aussi n'est-il pas étonnant qu'à la suite d'une série de conférences organisées au Musée pédagogique, en 1906, sur l'enseignement de la grammaire, la plus urgente réforme, sur laquelle tout le monde se trouva d'accord, ait paru être celle de la nomenclature grammaticale. Une commission, composée de grammairiens et de professeurs appartenant aux trois ordres d'enseignement, fut alors nommée avec mission de rechercher quelles simplifications pourraient être apportées à la terminologie. Après deux années d'études, la commission rédigea des conclusions qui furent portées devant le Conseil supérieur de l'instruction publique, et soumises ensuite à une révision. Nous donnerons ici les principales conclusions du rapport définitif rédigé par MM. Brunot et Maquet. Elles contiennent l'énumération des termes qu'il a paru utile de conserver. Par conséquent, si certaines dénominations qui étaient en usage jusqu'ici ne figurent pas dans la liste, c'est qu'elles ont été supprimées par la Commission, soit parce qu'elles faisaient double emploi, soit parce qu'elles répondaient à des idées théoriques aujourd'hui abandonnées. Sur quelques points, la Commission a jugé nécessaire d'employer un mot nouveau pour éviter toute confusion avec des termes anciens de signification douteuse ou peu précise : dans ce cas on trouvera, à côté du terme nouveau, le sens qui y est attaché.

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Nombres des noms : Singulier. ? Pluriel.

Genres des noms ; Masculin. ? Féminin.

N. B. ? 1. C'est une question d'opportunité que de juger à quels élèves il convient de parler du genre neutre dans les noms.

2. On n'exclut pas l'emploi des termes concret et abstrait, dans les études de langue et les explications qui concernent les noms et les adjectifs

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LE VERBE

C'est surtout en ce qui concerne le verbe qu'il était nécessaire d'apporter plus de précision et d'exactitude dans la nomenclature des termes employés. Il a semblé indispensable de séparer nettement deux notions trop souvent confondues dans une seule dénomination : la forme et le sens. C'est ainsi qu'on désignait sous le nom de verbes réfléchis des verbes qui ont la forme pronominale, comme s'emparer, mais dans lesquels l'action ne revient pas sur le sujet.

Pour mieux comprendre le sens de la nomenclature adoptée, il importe de connaître quelques notions préliminaires relatives aux constructions et aux compléments.

Les constructions. ? On dit qu'un complément est direct, ou construit directement, quand il est placé auprès du verbe sans mot de liaison. Ex. : Le chien veille LA NUIT. L'expression la nuit est ici un complément de temps, construit directement, ou encore un complément direct de temps.

Un complément est indirect, ou construit indirectement, quand il est précédé d'un mot de liaison : préposition, conjonction. Ex. : L'exilé songe A SA PATRIE. Le chien veille PENDANT LA NUIT.

Un attribut peut être construit directement : Il est devenu RICHE, ou indirectement : Il passe POUR RICHE.

Les compléments. ? Par leur forme, les compléments sont directs ou indirects : par leur fonction, ils sont compléments de nom, d'adjectif, de verbe, d'adverbe ; par leur sens, ils sont déterminatifs ou explicatifs. En ce qui concerne le verbe, il y a un complément d'une importance particulière, c'est celui qui désigne l'être sur lequel s'exerce l'action marquée par le verbe. On l'appellera complément d'objet. Ainsi dans cet exemple : Le paysan fauchait SON PRE, le groupe de mots son pré est un complément d'objet (sens), direct (forme), du verbe fauchait (fonction).

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1° Les verbes à sens subjectif, qui marquent une action qui ne sort pas du sujet et qui ne passe pas sur un objet.

Les verbes actifs qui sont dans ce cas s'appellent intransitifs ;

2° Les verbes à sens objectif, exprimant une action qui passe sur un objet.

Les verbes actifs qui sont dans ce cas s'appellent transitifs.

Selon que le complément d'objet du verbe transitif est construit sans ou avec préposition, c'est-à-dire selon que ces verbes ont un complément d'objet direct ou un complément d'objet indirect, on distingue dans les verbes transitifs :

1° Les transitifs directs ; 2° Les transitifs indirects ;

3° Les verbes qui ont le sens objectif mais dont l'action revient sur le sujet.

Les verbes actifs qui sont dans ce dernier cas s'appellent réfléchis. Ils sont directs ou indirects.

On en rapprochera les verbes réciproques.

N. B. ? 1° Un verbe de sens transitif continue à s'appeler transitif quand il est employé dans un sens général, c'est-à-dire quand l'action porte sur un objet qui n'est pas exprimé, et que le verbe n'a pas de complément d'objet.

Ex. : il chante, il mange.

2° Un même verbe peut être, dans certains cas, employé au sens intransitif, et dans d'autres au sens transitif. Le contexte suffit à marquer la différence des deux emplois.

Ex. : Le temps passe.

Cet homme passe son chemin.

LA CONJUGAISON

La voix active, dont dérive la conjugaison des verbes passifs et celle des verbes pronominaux, présente deux types :

1° Verbes du type aimer : Présent en e.

2° Tous les autres verbes : Présent en s.

N. B. ? Malgré leur nombre, les verbes du type finir ne forment qu'un groupe particulier du deuxième type.

MOTS INVARIABLES

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LES COMPLEMENTS

Presque tous les mots peuvent avoir des compléments.

Il y a :

1° DES COMPLEMENTS DU NOM ;

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4° DES COMPLEMENTS DE L'ADVERBE.

Les divers compléments sont de construction directe ou de construction indirecte.

N. B. ? 1° Toutes les appellations compliquées, en usage, sont à rejeter.

2° Il n'est pas nécessaire en toute circonstance de préciser de quel nom le complément doit être appelé.

3° Le terme complément circonstanciel n'a pas de signification bien précise, il sert surtout de cadre grammatical. Dans la pratique, il est préférable de dire simplement : complément de temps, au lieu de : complément circonstanciel de temps. 4° On ne peut limiter le nombre des compléments circonstanciels.

ANALYSE DES PROPOSITIONS On peut se proposer d'analyser, ensemble ou à part :

1° la forme,

2° la construction,

3° la fonction,

4° le sens.

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N. B. ? 1° Les propositions, principales ou subordonnées, peuvent être coordonnées.

2° On ne se prononce pas sur la nécessité de la présence d'un sujet pour constituer une proposition infinitive ou participe.

3° Les propositions compléments, particulièrement les compléments du verbe, jouent divers rôles de complément d'objet, de complément circonstanciel, qu'on pourra distinguer.

L'étude de cette nomenclature, qui comprend la totalité des termes nécessaires à l'étude de la grammaire, permet de se faire une idée très nette du sens dans lequel peut et doit être orienté l'enseignement grammatical. Ce qui importe avant tout, c'est que tous les enfants de nos écoles, de nos collèges et de nos lycées, apprennent à désigner une même chose par un même nom ; c'est aussi qu'au lieu d'attacher la première importance à la forme des expressions, comme y conduisaient les exercices d'analyse d'autrefois, l'élève s'habitue avoir dans les termes grammaticaux les supports des idées. Ainsi l'analyse remplira son véritable but. Au lieu de conduire uniquement l'élève à reconnaître quelle est la forme d'une expression, ? ce qui était et est encore nécessaire dans l'enseignement des langues mortes, où l'analyse des formes joue un grand rôle, ? elle lui servira, dans l'enseignement du français, à distinguer les diverses idées d'une phrase, à y découvrir les rapports que ces idées ont entre elles, à observer de quelle manière elles sont présentées, modifiées ou précisées. Ce ne sera plus un enseignement formel et stérile, mais un auxiliaire précieux de l'explication française.

La méthode. ? En ce qui concerne la méthode à employer, il semble bien que l'on ait encore, dans l'ensemble, quelques progrès à réaliser. Pendant longtemps et même à l'époque actuelle, la méthode dogmatique a été en honneur. On apprenait la grammaire comme un catéchisme ; la mémoire jouait le principal rôle, et la réflexion trouvait peu à s'exercer. On faisait apprendre par coeur la règle, appuyée d'un exemple, et on la faisait appliquer sur des phrases détachées, tantôt extraites des bons écrivains, tantôt banales à l'excès. Les tentatives faites à diverses reprises pour réagir contre ces habitudes n'ont pas toujours eu le succès qu'elles méritaient, soit à cause de l'incohérence du vocabulaire grammatical, soit à cause de la difficulté ou de l'impossibilité d'expliquer logiquement certains faits de langage qu'on ne peut que constater. Nous devons cependant nous féliciter, au point de vue pédagogique, de voir, de nos jours, la méthode dogmatique céder peu à peu la place à la méthode expérimentale, qui dégage les faits grammaticaux de l'étude de textes empruntés à nos bons écrivains et convenablement choisis en vue de la leçon. « Cette méthode, dit M. l'inspecteur général Félix Hémon, part d'exemples, d'où les règles se dégagent d'elles-mêmes ; elle appelle l'attention des élèves sur plusieurs phrases où les mêmes faits de langage se reproduisent sous des formes différentes, et les achemine à trouver d'eux-mêmes la conclusion qui s'impose. Voyant la grammaire se faire sous leurs yeux, contribuant à la faire, les élèves s'y intéressent comme à leur oeuvre propre. »

On ne saurait mieux définir, à notre avis, ce que doit être l'enseignement de la grammaire au point de vue pédagogique. Sans doute la mémoire y jouera encore un rôle important, mais là où jadis elle intervenait seule, l'observation, le raisonnement et la réflexion trouveront également à s'exercer, pour le plus grand profit de l'éducation intellectuelle et de la connaissance précise de la langue maternelle.

Divisions de la grammaire. ? Envisagée dans son ensemble, l'étude de la grammaire comprend :

1° L'étude des mots au point de vue de leur forme, ou morphologie ;

2° L'étude des mots au point de vue de leurs rapports, ou syntaxe.

Il n'entre point dans le cadre de ce Dictionnaire de donner tous les détails relatifs à la morphologie. Rappelons seulement que la forme des mots varie : 1° dans les noms, les pronoms, les adjectifs, suivant le genre et le nombre ; 2° dans les verbes, suivant la voix, le mode, le temps, la personne, la conjugaison (verbes en e, comme j'aime, verbes en s, comme Je finis, je reçois, je romps). Certaines espèces de mots ont une forme invariable.

Notre langue offre certaines bizarreries en ce qui concerne la forme des mots, et une campagne réformiste, vigoureusement menée, s'efforce d'établir plus d'uniformité et de simplicité clans l'orthographe à ce point de vue. Nous en parlerons de façon spéciale au mot Orthographe.

De même la syntaxe française offre quelques complications, legs des siècles passés, où la logique perd ses droits. Elle a été, dans ces dernières années, l?objet de quelques simplifications que nous étudierons en détail à l'article Syntaxe.

Pour les programmes officiels de l'enseignement de la grammaire, voir l'article Langue maternelle.

Léon Flot