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Géologie

La géologie, dont le nom signifie littéralement « science de la terre », a pour but d'étudier la constitution actuelle du sol, de rechercher les causes qui peuvent modifier cette constitution, celles qui l'ont produite, et de refaire ainsi, sur des documents empruntés au globe lui même, l'histoire de sa formation.

Quelle méthode employer pour l'enseignement de cette science?

Minéralogie. — Il est évident que la connaissance des matériaux, ou minéraux, qui entrent dans la composition du sol est nécessaire à tous ceux qui abordent l'étude de la terre ; par conséquent, la minéralogie se trouve à la base même des études géologiques.

Or, l'enseignement de la minéralogie ne peut être vivant que s'il est fait sur des échantillons des minéraux dont il s'agit de déterminer les propriétés et de décrire les caractères. Il est donc indispensable de commencer par récolter dans la région où l'on se trouve des spécimens des minéraux qui s'y rencontrent, afin d'en constituer une collection aussi complète que possible.

Quand nous disons que la collection doit être « complète », nous ne voulons pas dire que tous les minéraux doivent y être représentés ; ce serait dépasser le but, et, au lieu de posséder un instrument d'étude, nous n'aurions réussi qu'à créer un instrument de confusion. On devra se borner à récolter et à exposer les minéraux types, c'est-à-dire ceux qui sont comme la synthèse de chaque groupe de minéraux, sans s'arrêter aux innombrables variétés qu'ont établies dans chaque famille minérale les minéralogistes de profession.

Une fois les types judicieusement choisis, si l'on veut que la collection puisse être fructueusement consultée, il faudra étiqueter chaque échantillon avec le plus grand soin, en indiquant non seulement le nom du minéral, mais encore la famille à laquelle il appartient et la localité où il a été recueilli.

Pétrographie. — Dans la nature, sauf dans quelques cas spéciaux, les minéraux se rencontrent rarement isolés : ils se présentent en masses plus ou moins étendues qu'on nomme des roches. Il faudra donc compléter la collection des minéraux par des échantillons de roches, que l'on aura soin de placer dans le voisinage immédiat des minéraux qui entrent dans leur composition, afin que les élèves fassent ainsi, sans presque y prendre garde, l'analyse de chacune des roches soumises à leur examen.

Disposition des roches dans la nature. — Les matériaux constitutifs de l'écorce terrestre nous sont maintenant connus. La première question qui se pose à présent est la suivante : Comment et dans quel ordre ces minéraux et ces roches sont-ils disposés dans le sol? Une excursion dans quelque carrière ou le long d'une tranchée de route permettra de montrer que beaucoup de ces roches sont disposées en couches successives ou strates. Ces strates sont parfois horizontalement superposées ; mais souvent elles sont inclinées, relevées jusqu'à la verticale, ondulées, plissées ou même fracturées dans divers sens. Ces accidents seront très visibles si l'on se trouve dans une région montagneuse ; mais si, la région étant plate, on ne peut faire observer sur le terrain même ces déformations ou ces fractures des strates, il sera indispensable de faire passer sous les yeux des élèves soit de bons dessins, soit des projections représentant avec fidélité et clarté ces accidents qu'il est impossible de leur faire voir en nature. Il sera donc très utile de se procurer une collection de dessins, de planches murales, de photographies ou, si l'on dispose d'un appareil à projections, de clichés bien choisis, afin de montrer aux élèves tous les aspects que peuvent présenter dans la nature les roches stratifiées.

Après avoir montré des roches stratifiées, on fera remarquer aux élèves, toujours par les mêmes procédés, qu'il existe des roches où il est impossible de reconnaître la moindre trace de stratification, et ce sera une occasion d'établir une première classification des roches en roches stratifiées et en roches qui ne le sont pas.

Recherche des causes actuelles. De la méthode en géologie. — Après avoir ainsi posé les fondations de l'édifice géologique, il faut tenter de le construire. Les élèves, dont la curiosité a été graduellement éveillée, ne manqueront pas, en effet, de demander comment toutes ces roches, stratifiées ou non, ont pris naissance.

Il n'est pas inutile ici de faire un peu de philosophie, et de montrer combien, dans la recherche des causes, est féconde la méthode qui consiste à relier les phénomènes les uns aux autres, à les expliquer par l'hypothèse. L'élude de la géologie nous fournit précisément un exemple surprenant de la fécondité de la méthode hypothétique, car la géologie n'a réellement cessé d'être empirique et n'est devenue vraiment scientifique, elle n'a commencé à faire de véritables et rapides progrès, que le jour où Ch. Lyell a formulé (1838) l'hypothèse dite des causes actuelles, qui a jeté sur le passé mystérieux de la terre une éclatante lumière. On peut énoncer ainsi cette hypothèse : Les forces qui agissaient autrefois à la surface du globe et dans ses profondeurs sont les mêmes que celles qui agissent aujourd'hui, et les phénomènes auxquels ces forces ont donné lieu aux époques anciennes sont les mêmes que ceux qui se passent actuellement sous nos yeux sous l'influence de ces mêmes forces.

Si donc nous voulons comprendre comment s'est formée l'écorce de notre globe, si nous voulons nous rendre un compte exact de la façon dont ont pris naissance les roches stratifiées, si nous désirons savoir comment sont apparues des roches non stratifiées, nous avons à étudier les phénomènes dont notre terre est actuellement le théâtre et à déterminer les causes qui les produisent. Voulons-nous, par exemple, être renseignés sur l'origine des basaltes d'Auvergne? Nous chercherons si, à l'époque actuelle, des roches analogues ne se forment pas sur quelque point du globe, et nous en conclurons que les basaltes du Plateau central se sont constitués dans des conditions semblables.

L'hypothèse de Lyell étant admise, l'élude des phénomènes actuels nous sera donc un guide sûr lorsque nous voudrons jeter la sonde dans le passé lointain de l'histoire du globe ; c'est cette étude qui nous permettra de déchiffrer les énigmes restées si longtemps indéchiffrables même aux esprits les plus élevés.

5° Stratigraphie. — Les causes actuelles et les phénomènes auxquels elles donnent lieu étant connus, l'analogie nous permettra de classer les roches en deux catégories : celles qui se sont déposées de haut en bas, au sein des eaux, et qui en raison même de leur origine sont stratifiées ; et celles qui ne sont pas stratifiées parce qu'elles sont venues de bas en haut, poussées par les forces souterraines, s'épancher à la surface du sol.

Les premières sont dites sédimentaires ; elles contiennent de nombreux restes d'êtres organisés, animaux ou végétaux, qu'on nomme des fossiles. Les autres, nommées roches éruptives parce que, véritables laves de volcans, elles sont venues à la surface à l'état de fusion ignée, ne renferment naturellement aucun fossile.

La connaissance que nous avons maintenant des conditions dans lesquelles toutes ces roches, stratifiées ou éruptives, se sont formées, va nous permettre d'établir leur âge relatif, et l'ordre chronologique de leur formation. Nous dresserons, en quelque sorte, le catalogue des couches constitutives du sol et des roches éruptives qui les traversent, en appliquant les règles et les lois que l'étude des phénomènes actuels nous aura permis de poser ; en un mol, nous ferons de la stratigraphie. Cette branche de la géologie est nécessairement aride comme un catalogue : pour la rendre intéressante, pour la vivifier, il faudra autant que possible la faire sur le terrain, en multipliant les excursions et en apprenant aux élèves comment et par quels moyens on arrive à établir une carte géologique, comment quelques points de repère, fournis par les carrières ou les travaux de terrassement, suffisent pour faire deviner aux esprits sagaces et avertis tout le sous-sol demeuré invisible.

Paléontologie. — La recherche des fossiles caractéristiques de chaque terrain ne devra pas être négligée, et les élèves prendront un intérêt de premier ordre à découvrir les formes curieuses des animaux ou des végétaux disparus ; ils voudront mieux connaître ces êtres si différents des êtres contemporains, et ce sera le moment de commencer les études paléontologiques.

Jusqu'ici les élèves ont vu défiler sous leurs yeux beaucoup de formes étranges qui ne leur auront servi qu'à établir la chronologie des terrains et des strates, et ils ont conscience que les faunes et les flores des temps passés étaient fort différentes de la faune et de la flore actuelles. Ils savent que chaque faune ou chaque flore correspond à une époque et sert à caractériser cette époque ; mais pourquoi les êtres vivants ont-ils changé dans le cours des âges? C'est là un point encore obscur dans leur esprit, et dont l'éclaircissement a une grande valeur éducative.

C'est le lieu de parler de la théorie cataclystienne de Cuvier, d'après laquelle le globe aurait été le théâtre de révolutions universelles et violentes, détruisant les êtres et bouleversant les choses. Il faudra montrer, sur des exemples bien choisis, pourquoi cette théorie cataclystienne a dû être abandonnée et remplacée par la théorie de Lyell, d'après laquelle les modifications, les transformations profondes que le globe a subies sont dues à l'action lente, mais continue et poursuivie pendant des milliers de siècles, des forces naturelles. Les animaux et les plantes ont, eux aussi, subi des modifications lentes ; ils n'ont pas, ainsi que le croyait Cuvier, été créés de toutes pièces dans leur état définitif au début de chaque période, pour être détruits à la fin et remplacés au début de la période suivante par une création nouvelle. On sera ainsi amené à parler de la théorie transformiste, posée par Lamarck et développée par Darwin et ses continuateurs, théorie en vertu de laquelle les êtres ont, depuis l'apparition de la vie à la surface du globe, subi une évolution lente qui les a amenés, peu à peu, progressivement, aux formes que nous observons dans la nature actuelle. C'est cette évolution qui fera l'objet de la sixième partie du cours et qui doit servir de guide dans l'étude des formes disparues. Rien n'est plus intéressant que de suivre, toutes les fois qu'on le peut, la filiation des êtres ; rien n'est plus frappant que de dresser leur arbre généalogique, dans la mesure où cette opération est possible.

La paléontologie doit être, en quelque sorte, le couronnement de la géologie théorique. Elle en est comme la philosophie.

Géologie pratique. — Mais la géologie a ses applications ; le sol fournit en abondance à l'industrie des matériaux précieux : la houille, le marbre, la chaux, la craie, le plâtre, le sel gemme, la pierre à bâtir, la meulière, l'argile, etc. Tous ces objets devront être réunis dans une collection particulière, distincte de la collection géologique où, d ailleurs, ils devront figurer à leur place. On a déjà parlé de ces minéraux utiles en faisant de la stratigraphie. Mais il est bon d'y revenir et de leur consacrer un chapitre spécial, et ce sera l'occasion de démontrer ce que c'est qu'un filon métallique, dans quelles conditions il se forme et quelles sont les régions qui en fournissent. Leur mode de formation, leur âge relatif, l'importance de leurs gisements, les procédés divers d'exploitation grâce auxquels on peut livrer les minéraux à l'industrie, les usages auxquels celle-ci les emploie, doivent être soigneusement signalés. Tout un chapitre d'applications s'ajoute donc à la géologie théorique ; ce n'est ni le moins intéressant, ni le moins instructif. Apprendre aux enfants d'où viennent les matières premières qui servent à fabriquer les poteries, la chaux et le plâtre si employés dans les constructions, les métaux dont l'usage est constant, l'ardoise qui couvre les maisons, le marbre qui orne les habitations, etc., est essentiellement dans le rôle de l'instituteur primaire, et c'est le chapitre pratique dont nous parlons qui mettra l'élève-maître en état de traiter tous ces sujets devant son jeune auditoire et de faire ainsi d'excellentes leçons de choses.

Enfin, il est une question qui intéresse tout particulièrement les habitants des campagnes : c'est celle de l'origine et de la constitution de la terre végétale, dont la composition est si variable. On montrera comment on peut analyser une terre afin de savoir ce qui lui manque, et l'on complétera ces notions nécessaires par l'enseignement des méthodes permettant d'améliorer les terres imparfaites. Grâce à ce paragraphe de transition, la géologie devient ainsi une sorte de préface à l'enseignement agricole.

L’étude de la géologie est donc, par sa partie théorique, éminemment éducative, et elle a, de plus, de telles applications, si nombreuses et si variées, que l'on comprend pourquoi les programmes de 1905 ont commencé à lui faire une part plus large dans l'enseignement des écoles normales.

Pour les programmes de l'enseignement de la géologie dans les écoles primaires supérieures et les écoles normales, Voir l’article Sciences naturelles.

Georges Colomb