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Genlis (Mme de)

 Stéphanie-Félicité Ducrest de Saint-Aubin, par son mariage comtesse de Genlis, naquit près d'Autun en Bourgogne le 25 février 1746. L'éducation qu'elle reçut fit d'elle une jeune fille romanesque, disposée à se jeter dans les aventures les plus extravagantes ; tout enfant, elle se promenait vêtue en amour, et plus tard en habits d'homme. Elle acquit de nombreux talents d'agréments : elle dansait à ravir et jouait supérieurement de la harpe. Elle se flattait de joindre à ces avantages des connaissances encyclopédiques : elle composait des romans et des comédies, pratiquait la chirurgie et le jardinage, croyait posséder les langues, l'histoire, les sciences exactes, montait à cheval, raisonnait philosophie, religion et éducation, s'entendait en cuisine et en beaux-arts, et joignait à ce savoir universel une pédantesque manie de régenter et d'enseigner autrui, qui se manifesta dès l'âge de six ans pour ne la quitter qu'à la mort. Sa famille s'étant trouvée ruinée, elle vint à Paris en 1756 avec sa mère, vécut pendant plusieurs années des bienfaits de quelques riches financiers, et à dix-huit ans épousa le comte Brulart de Genlis, qui prit plus tard le titre de marquis de Sillery. Devenue, en 1770, dame d'honneur de la duchesse de Chartres, tandis que son mari était nommé capitaine des gardes du duc (duc d'Orléans à partir de 1785), elle fut chargée de l'éducation des filles de cette princesse, et bientôt après de Celle des trois jeunes princes ses fils. Ce fut à cette époque qu'elle publia ses premiers ouvrages, le Théâtre d'éducation (1779), Adèle et Théodore (1782), les Veillées du château (1784). « La manière dont elle conçut et dirigea l'éducation des enfants d'Orléans, a dit Sainte-Beuve, est extrêmement remarquable, et dénote chez l'institutrice un sens de la réalité plus pratique que ses livres ne sembleraient l'indiquer. Elle les mit sans tarder aux langues vivantes, aux connaissances usuelles, aux choses du corps et de l'esprit, menant le tout concurremment. Par exemple, l'été, à Saint-Leu, chacun de ses élèves avait un petit jardin, qu'ils cultivaient eux-mêmes, et le jardinier qui les dirigeait ne leur parlait qu'allemand. Mais si l'on jardinait en allemand, on dînait en anglais, on soupait en italien ; le français se parlait bien assez dans les intervalles. A la promenade, un pharmacien botaniste suivait les jeunes princes pour leur apprendre les plantes. Un Polonais, dessinateur habile, avait peint pour eux l'histoire sainte, l'histoire ancienne, celle de la Chine et du Japon : tous ces tableaux d'histoire composaient une « lanterne magique » amusante autant qu'instructive. Ne pouvant se priver de son goût pour le théâtre, elle imagina de mettre en action et de leur faire jouer dans le jardin, où les décorations artificielles se combinaient avec la nature, les principales scènes de l'Histoire des voyages de l'abbé Prévost, et en général toute sorte de sujets historiques ou mythologiques. Elle inventa également pour eux toute une série d'exercices gymnastiques alors inconnus : les exercices des poulies, des hottes, les lits de bois, les souliers de plomb. En un mot, dans toute cette partie de sa carrière elle se montra ingénieuse, inventive, pleine de verve et d'à-propos : elle avait rencontré vraiment la plénitude de son emploi et de son génie. »

L'éducation des jeunes d'Orléans était à peine terminée que la Révolution éclata. Mme de Genlis joua un rôle actif dans les intrigues nouées pour faire arriver au trône le père de ses élèves, Philippe-Egalité ; mais ayant quitté la France en 1791, elle se trouva inscrite sur la liste des émigrés et ne put rentrer. Son mari, devenu député à la Convention, monta sur l'échafaud le même jour que les Girondins ; sa fille Paméla (fille naturelle du duc d'Orléans) épousa lord Fitz-Gerald ; quant à elle, elle habita successivement la Suisse et l'Allemagne, jusqu'au moment où Bonaparte lui permit de revenir en France (1801). Nous n'avons pas à raconter ses interminables démêlés avec la plupart des gens de lettres de l'époque, et surtout avec ceux du parti philosophique : il suffira de rappeler que son ardeur à combattre les disciples de Voltaire lui mérita le surnom de mère de l'Eglise, que lui donna M.-J. Chénier. En dépit des épigrammes, la plume infatigable de Mme de Genlis continua pendant trente ans encore à entasser volume sur volume, romans, pièces de théâtre, ouvrages d'éducation, mémoires, pamphlets, etc. ; elle alla jusqu'à refaire l'Emile de Rousseau et le Siècle de Louis XIV de Voltaire. Lorsqu'elle mourut en 1830, plus qu'octogénaire, elle n'avait pas publié moins de quatre-vingts ouvrages.

De tant d'oeuvres diverses, il n'en est pas une qui ait mérité de lui survivre. N'ayant que de la facilité, sans savoir sérieux et sans solidité dans la pensée, Mme de Genlis ne s'est jamais élevée au-dessus du médiocre. On trouve chez elle des inventions bizarres, de l'esprit quelquefois, le plus souvent des redites banales, un babil frivole et un commérage vaniteux. Outre les ouvrages dont nous avons mentionné les titres, on peut citer encore les suivants parmi ses publications relatives à l'éducation : Discours sur la suppression des couvents de religieuses et sur l'éducation publique des femmes, 1790 ; Discours sur l'éducation de M. le dauphin, 1790 ; Leçons d'une gouvernante à ses élèves, ou fragments d'un journal qui a été fait pour l'éducation des enfants de M. d'Orléans, 1791 ; Discours sur l'éducation publique du peuple, 1791 ; Nouvelle méthode d'enseignement pour la première enfance (recueil de dialogues, de contes et de romances), 1800: Projet d'une école rurale pour l'éducation des filles, 1802 ; Les Dimanches, ou Journal de la jeunesse (n'a paru que pendant un an), 1816. Ce dernier recueil a été l'objet d'une critique sévère dans le Journal de la Société pour l'instruction élémentaire.