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Frères

 C'est sous ce nom que sont désignés les membres des congrégations séculières laïques d'hommes, vouées précédemment à l'enseignement, auxquelles le droit d'enseigner a été retiré par les lois du 1er juillet 1901 et du 7 juillet 1904, et dont les établissements seront tous supprimés dans un délai maximum de dix ans à compter de 1904 : Voir Congrégations.

Déjà le décret du 18 août 1792 (Voir Assemblée législative de 1791) avait prononcé la suppression de toutes les congrégations d'hommes et de femmes, tant laïques qu'ecclésiastiques. Quelques-unes se reformèrent sous le Consulat ; le décret du 17 mars 1808 reconnut formellement la congrégation des Frères des Ecoles chrétiennes, en disposant que ces frères seraient brevetés et encouragés par le grand-maître de l'Université ; et à partir de la Restauration on vit de nouveau pulluler en France les communautés religieuses que la Révolution avait détruites. C'est à cette époque que remonte la jurisprudence qui les distinguait en congrégations autorisées ou reconnues, qui avaient reçu du gouvernement une existence légale, et en congrégations non autorisées.

La reconnaissance légale avait été accordée à ces congrégations de communautés sous différentes formes. L'institut des Frères des Ecoles chrétiennes avait une situation particulière, résultant de l'article 109 du décret constitutif de l'Université impériale. Quant aux congrégations fondées à l'époque de la Restauration, le gouvernement n'osa pas, en présence de la loi du 2 janvier 1817 relative aux établissements ecclésiastiques, leur conférer par simple ordonnance royale le droit de recevoir des dons et legs et d'acquérir des immeubles ou des renies : il imagina de reconnaître ces communautés comme de simples associations charitables vouées à l'enseignement ; au lieu de viser la loi du 2 janvier 1817, on visa l'ordonnance du 29 février 1816 relative à l'enseignement primaire. Cette ordonnance, en effet, parlait d'associations religieuses et charitables qui seraient autorisées par le roi, et qui, fournissant des maîtres aux communes, pourraient être soutenues sur les fonds de l'instruction publique. Mais les congrégations ainsi autorisées ne recevaient pas la capacité civile : les autorisations portaient que les dons et legs qui leur étaient faits seraient accepté par l'Université, qui devait les faire jouir de ces libéralités ; l'Université était en quelque sorte la maison mère des associations religieuses enseignantes autorisées ; celles-ci n'étaient qu'une dépendance de l'Université, qui acceptait, leur concours et recevait ce qui leur était donné à la charge de leur en attribuer les avantages. L'institut des Frères des Ecoles chrétiennes, seul, avait une personnalité distincte et recevait directement, avec l'autorisation du gouvernement, les dons qui lui étaient faits. Tel fut le régime appliqué aux congrégations jusqu'à la loi du 15 mars 1850.

Mais cette loi (art. 31) donna au gouvernement le droit de reconnaître comme établissements d'utilité publique les associations, religieuses ou non, vouées à l'enseignement. A partir de 1850, les congrégations qui demandèrent l'autorisation furent donc reconnues non plus comme « associations religieuses ou charitables », mais, aux termes de la loi de 1850, comme « établissements d'utilité publique » ; et elles obtinrent ainsi la personnalité civile, qui sous le régime antérieur à 1850 n'avait pu leur être accordée.

Les congrégations enseignantes séculières laïques d'hommes autorisées étaient, en 1878, au nombre de vingt-trois. Nous en donnons ci-dessous la liste, avec la date de l'autorisation :

1° Frères des Ecoles chrétiennes, dits de Saint-Yon, — décret du 17 mars 1808 ;

2° Frères de l'Instruction chrétienne, dits de Lamennais, à Ploërmel (Morbihan), — autorisés le 1er mai 1822 pour les cinq départements de la Bretagne. Un décret du 9 mai 1876 avait étendu cette autorisation à toute la France ;

3° Frères de la Doctrine chrétienne, dits de Sion-Vaudemon, à Vézelise, puis à Nancy (Meurthe-et-Moselle), — 17 juillet 1822:

4° Frères de l'Instruction chrétienne, à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), — 11 juin 1823 ;

5° Frères de Saint-Antoine, à Paris, — 23 juin 1823 ;

6° Frères de Sainte-Croix, dits de Saint-Joseph, au Mans (Sarthe), — 25 juin 1823 ;

7° Frères de l'Instruction chrétienne du Saint-Esprit, dits de Saint-Gabriel, à Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée), — 17 septembre 1823 et 3 mars 1853 ;

8° Frères de Saint-Joseph, à Saint-Fuscien (Somme), — 3 décembre 1823 ;

9° Frères de l'Instruction chrétienne, dits du Sacré-Coeur, au Paradis-lès-le-Puy (Haute-Loire), 10 mars 1825 et 29 novembre 1829 ;

10° Frères de la Société de Marie, ou Marianistes, à Bordeaux, transférée à Paris le 18 août 1860, — 16 novembre 1825 ;

11° Frères de Saint-Viateur, aux Ternes (Cantal), — 10 janvier 1830 ;

12° Frères de Saint-Viateur, à Vourles (Rhône), — 10 juin 1830 ;

13° Petits Frères de Marie, à Notre Dame de l'Hermitage (Loire), — 21 juin 1851, et à Saint-Genis-Laval (Rhône) — 12 novembre 1868 ;

14° Frères de Notre-Dame de Bon-Secours, à Oran (Algérie), — 16 avril 1853 ;

15° Frères de Saint-Joseph, à Oullins (Rhône), — 6 mai 1853 ;

lb0 Frères de Saint-François d'Assise, à Saint-Antoine-des-Bois (Charente-Inférieure), — 4 mai 1854 ;

17° Frères de la Croix de Jésus, à Menestruel (Ain), — 4 mai 1854 ;

18° Frères de Saint-François-Régis, à la Roche-Arnaud, près le Puy (Haute-Loire), — 19 août 1856 ;

19° Frères des Ecoles chrétiennes de la Miséricorde, à Montebourg (Manche), — 4 septembre 1856 ;

20° Frères de la Sainte-Famille, à Belley (Ain), — 10 janvier 1874 ;

21° Frères du Saint-Esprit et du Saint-Coeur de Marie, à Paris, — 20 février 1874 ;

22° Association des Frères laïques de la congrégation de la Mission, dite de Saint-Lazare, à Paris, — 28 janvier 1875 ;

23° Association de Notre-Dame d'Afrique, branche laïque de la congrégation ecclésiastique dite des Pères-Blancs, à Alger, — 31 août 1878.

Nous consacrons des articles particuliers à sept de ces congrégations.

Sur les vingt-trois congrégations enseignantes d'hommes autorisées, deux, les Frères de Saint-Antoine à Paris (n° 5) et les Frères de Notre-Dame du Bon-Secours, à Oran (n° 14), ont disparu après 1878, et ne figurent plus dans l'Annuaire ecclésiastique de 1901. Une autre, les Frères de Saint-Joseph, à Oullins, a été supprimée par décret du 25 septembre 1888 à la suite de désordres. Les Frères de l'Instruction chrétienne à Saint-Paul-Trois-Châteaux (n0 4) se sont fondus dans la congrégation des Petits Frères de Marie (n° 13) ; les Frères de Saint-Viateur aux Ternes (n° 11) se sont fondus dans la congrégation des Frères de Saint-Viateur de Vourles (n° 12). Enfin les Frères de Saint-François d'Assise à Saint-Antoine-des-Bois (n0 16) ont également cessé d'avoir une existence indépendante, et se sont fondus, sous le nom de colonie agricole de Saint-Antoine, dans la congrégation non autorisée des Pères Salésiens de Dom Bosco. Des vingttrois congrégations de la liste ci-dessus, il n'en restait donc plus, au moment du vote de la loi du 1er juillet 1901 sur les associations, que dix-sept.

La loi du 1er juillet 1901 a décidé, par son article 13, qu'aucune congrégation religieuse ne pourrait se former sans une autorisation donnée par une loi ; par son article 14, elle a interdit l'enseignement aux membres des congrégations religieuses non autorisées ; enfin, son article 16 porte que toute congrégation formée sans autorisation sera déclarée illicite, et que ceux qui en auront fait partie seront punis de l’amende et de la prison. Les Frères des Ecoles chrétiennes, reconnus par le décret du 17 mars 1808, constitutif de l'Université impériale, décret qui a tenu lieu de la loi promise par la loi du 10 mai 1806, se trouvaient en règle. Mais les autres congrégations enseignantes laïques précédemment autorisées (il en restait seize), ne devant pas leur reconnaissance à un acte législatif, ont dû, dans le délai de trois mois, faire les diligences nécessaires pour se conformer aux prescriptions de la loi de 1901. Treize d'entre elles — celles qui, dans l'énumération ci-dessus, figurent sous les nos 2, 3, 6, 7, 8, 9, 10, 12, 13, 17, 18, 19, 20, ont sollicité l'autorisation : la Chambre, statuant sur leurs demandes, leur a refusé l'autorisation législative (1903), et, par mesure surérogatoire, l'autorisation administrative dont elles avaient précédemment joui leur a été retirée par décret du 9 avril 1903.

Les deux associations enseignantes dites Frères du Saint-Esprit et du Saint-Coeur de Marie (n° 21) et Frères laïques de la congrégation de la Mission ou de Saint-Lazare (n° 22) étaient des branches laïques des deux congrégations ecclésiastiques dites Pères du Saint-Esprit et Pères Lazaristes, reconnues sous la Restauration par une loi (de même que le furent les Missions étrangères et les Sulpiciens). Ces deux congrégations demandèrent, en 1901, pour les établissements formés par leur branche laïque, l'autorisation devenue nécessaire, autorisation qui, pour les établissements fondés par une congrégation religieuse reconnue par une loi, est donnée par un simple décret (art. 13 de la loi du 1er juillet 1901) : cette autorisation a été refusée (décret du 20 novembre 1903).

La congrégation des Pères Planes étant en instance d'autorisation, la question de la continuation de l'existence de l'association de Notre-Dame d'Afrique (n° 23), qui est la branche laïque de cette congrégation ecclésiastique, n'est pas encore tranchée (1909).

Ajoutons que la congrégation ecclésiastique des Salésiens, dans laquelle se sont fondus les Frères de Saint-François d'Assise (n° 16), avait présenté une demande d'autorisation qui a été rejetée par le Sénat en 1903.

La loi du 7 juillet 1904 a achevé la suppression de l'enseignement congréganiste. Elle porte, à l'article 1er : « L'enseignement de tout ordre et de toute nature est interdit eu France aux congrégations. Les congrégations autorisées à titre de congrégations exclusivement enseignantes seront supprimées dans un délai maximum de dix ans. Il en sera de même des congrégations et des établissements qui, bien qu'autorisés en vue de plusieurs objets, étaient, en fait, exclusivement voués à l'enseignement, à la date du 1er janvier 1903. Les congrégations qui ont été autorisées et celles qui demandent à l'être, à la fois pour l'enseignement et pour d'autres objets, ne conservent le bénéfice de cette autorisation que pour les services étrangers à l'enseignement prévus par leurs statuts. » L'article 2 dit que « les noviciats des congrégations exclusivement enseignantes seront dissous de plein droit, à l'exception de ceux qui sont destinés à former le personnel des écoles françaises à l'étranger, dans les colonies et les pays de protectorat ». L'article 3 prévoit la fermeture, dans le même délai de dix ans, de tout établissement relevant d'une congrégation supprimée, et de toute école ou classe annexée à des établissements relevant d'une des congrégations visées par la dernière phrase de l'article 1er, « sauf exception pour les services scolaires uniquement destinés à des enfants hospitalisés, auxquels il serait impossible, pour des motifs de santé ou autres, de fréquenter une école publique ». L'article 6 déclare « abrogées toutes les dispositions des lois, décrets et actes des pouvoirs publics contraires à la présente loi, et notamment l'article 109 du décret du 17 mars 1808 ».

En conséquence de cette loi, les Frères des Ecoles chrétiennes, seule congrégation enseignante qui se trouvât encore autorisée après l'entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 1901, ont cessé d'avoir une existence légale, et leurs écoles devront toutes être fermées dans un délai qui expirera en 1914 : Voir Frères des Ecoles chrétiennes.

Pour les congrégations enseignantes de femmes, Voir Soeurs.

En exécution de l'article 12 de la loi de finances du 29 décembre 1876, le gouvernement dut établir « une statistique de toutes les communautés, congrégations et associations religieuses, quelle que fût leur dénomination, autorisées ou non autorisées, qui existaient en France ». Cette statistique parut à la fin de 1878, M. Bardoux étant ministre des cultes. On y relève les chiffres suivants :

Les 23 congrégations d'hommes vouées à l'enseignement et autorisées dirigeaient 2328 écoles publiques et 768 écoles libres, en tout 3096 établissements ;

Les associations religieuses d'hommes non autorisées étaient au nombre de 385, dont 85 environ se livraient à l'enseignement.