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Francoeur (Louis-Benjamin)

 Mathématicien français, né à Paris le 6 janvier 1773, mort dans cette ville le 15 décembre 1849. Son père était directeur de l'Opéra et membre de l'Académie de musique. A dix-neuf ans (1792), Francoeur était entré dans l'administration dirigée par son père, en qualité de sous-caissier, La Révolution lui lit perdre cette place ; il s'appliqua alors à l'étude des mathématiques, sous la direction de Monge, et réussit à se faire admettre à l'Ecole polytechnique comme « chef de brigade ». En 1798, il obtint la place de répétiteur d'analyse. Puis il devint successivement professeur de mathématiques à l'école centrale de la rue Saint-Antoine (plus tard le lycée Charlemagne), examinateur à l'Ecole polytechnique, professeur à la faculté des sciences de Paris, et publia divers ouvrages de mathématiques et d'astronomie. Les événements de 1815 lui firent perdre ses places du lycée Charlemagne et de l'Ecole polytechnique. Fran-coeur consacra à la cause de l'instruction populaire les loisirs forcés que lui faisait le gouvernement de la Restauration. Membre fondateur de la Société pour l'enseignement élémentaire, il en devint l'un des secrétaires, et s'appliqua particulièrement à faire pénétrer dans les écoles primaires l'enseignement du dessin. Il créa à cet effet une méthode qui porte son nom, et qui fut appliquée pour la première fois dans l'école fondée à Libourne par le duc Decazes. Publiée en 1819 sous ce titre : Le dessin linéaire d'après la méthode de l'enseignement mutuel, elle contribua puissamment à vulgariser en France la pratique du dessin scolaire.

Les passages ci-dessous du rapport présenté par Francoeur lui-même à la Société pour l'instruction élémentaire le 22 juillet 1818 feront connaître les principes sur lesquels était fondée la méthode de l'éminent mathématicien :

« Le bel art du dessin se divise en plusieurs branches très étendues : mais on l'a limité à la seule partie qui soit à l'usage du peuple, le dessin linéaire.

« La plupart des facultés de l'homme, lorsqu'il veut les exercer, peuvent atteindre à une perfection dont il est difficile de se faire une juste idée. Nos organes peuvent être perfectionnés jusqu'à leur donner une précision presque égale à celle qu'on obtient à l'aide des instruments. C'est pour atteindre ce but que plusieurs membres de cette Société ont été réunis pour préparer un travail sur l'art du dessin linéaire, afin que les principes de l'enseignement mutuel fussent appliqués à ce genre d'instruction. MM. Mirbel, de Lasteyrie, Hachette, Cloquet et moi, avons été chargés de ce soin ; et je dois vous rendre compte de la manière dont nous avons rempli cette intention, et du résultat de cette tentative.

« Les bases dont nous sommes partis sont les suivantes :

« 1° Des figures de géométrie ont été disposées dans l'ordre de la difficulté du tracé, plutôt que selon celui des théorèmes ; ces dessins ont dû servir de modèle ;

« 2° Chaque figure se rapporte à un commandement inscrit sur une tablette à l'usage des moniteurs ;

« 3° Un travail préparé pour le maître est destiné à le mettre à même d'instruire les moniteurs, de lever les difficultés que le tracé présente, et de lui faire comprendre le sens des divers commandements ;

« 4° Enfin, selon le mode de l'enseignement du calcul, on ne suppose au maître, aux moniteurs, ni aux élèves, aucune connaissance du dessin ; et cependant tous, à peu près aussi peu habiles, devaient, arriver à tracer correctement toutes les figures d'ornement usitées dans les arts, s'enseignant mutuellement ce qu'ils ne savent pas eux-mêmes ; et cela sans leçons spéciales, sans préceptes, et par le seul empire de l'exemple et de l'imitation.

« Il est maintenant facile de concevoir les procédés qui ont été employés.

« Les élèves dessinent debout, sur un tableau noir, rangés comme dans les demi-cercles de lecture ; ou bien assis sur les bancs, à leurs places, armés de l'ardoise et du crayon.

« Dans le premier cas, ils tracent tour à tour la figure désignée par le moniteur qui la montre sur un tableau modèle ; et l'élève qui a le mieux dessiné prend de suite la place la plus honorable : dans le second cas, sous le commandement que fait le moniteur en lisant sur une tablette les phrases qu'il juge à propos de choisir, l'ardoise se couvre de figures, qui sont ensuite soumises à la correction. Tout se passe donc dans l'ordre et suivant la méthode accoutumée. Le moniteur est dressé d'avance à cet emploi par le maître, qui l'a rendu plus habile que ceux qu'il doit commander.

« La règle et le compas ne sont jamais que dans les mains du moniteur, comme moyen de vérification. Une réglette divisée en centimètres et millimètres, nommée katsch, sert aux corrections des ardoises. Un mètre divisé est le bâton de commandement, et sert à vérifier les figures tracées sur le tableau noir ; un autre mètre fixé en haut de ce tableau sert à régler le coup d'oeil : car toutes les figures que les élèves doivent dessiner sont assujetties à avoir des dimensions que le moniteur fixe à sa volonté.

« Les apprentis dessinateurs sont partagés en quatre classes : les plus faibles tracent les droites, des parallèles, des perpendiculaires, des triangles, etc.

« Dans la seconde classe, on fait des cercles, des polygones réguliers, et les figures planes qui en dépendent.

« Dans la troisième, on imite en perspective quelques corps à trois dimensions, tels que les pyramides, prismes, cylindres, cônes, sphères, etc. ; il faut enfin que les élèves arrivent à tracer des ellipses et a faire à très peu près des angles d'un nombre de degrés donné.

« Dans la quatrième classe, on dessine quelques traits d'architecture, des vases et des ornements de goût. »

Francoeur s'occupa aussi de l'enseignement du chant (il était musicien), et ce fut sur son rapport que la Société pour l'instruction élémentaire adopta la méthode de Wilhem pour les écoles mutuelles. Quand les caisses d'épargne furent fondées sous l'inspiration de Benjamin Delessert, c'est encore lui qui, dans un rapport à la Société, fit ressortir les avantages qu'en pouvaient retirer les instituteurs. Rien d'utile ne se faisait sans son concours. Il contribua à la créai ion des écoles de Courbevoie, de Noisy-le-Grand, de Beaumont-sur-Oise, etc.

Maire de Châtillon, membre de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, de la Société d'agriculture, des Académies de Saint-Pétersbourg, Lisbonne, Edimbourg, Rouen, Lyon, Cambra, Toulouse, etc., Francoeur fut nommé en 1842 membre de l'Académie des sciences.

Depuis 1824, il souffrait d'une maladie du larynx, contre laquelle il lutta longtemps sans renoncer au travail assidu qu'il s'imposait. Mais à partir de 1845 sa santé devint tout à fait mauvaise : atteint d'une maladie de la moelle épinière, il perdit enfin la faculté de travailler, et s'éteignit le 15 décembre 1849, à l'âge de soixante-quatorze ans.

Parmi ses ouvrages scientifiques, il faut citer : le Traité de mécanique élémentaire (1800, cinq éditions), le Cours complet de mathématiques pures (1809, quatre éditions) ; les Eléments de statique (1810, deux éditions) ; l'Uranographie (1812, cinq éditions) ; la Géodésie (1835, deux éditions). Il a en outre collaboré activement au Dictionnaire technologique en trente-deux volumes, publié de 1822 à 1825, à 1' Encyclopédie moderne de Courtin, à la Revue encyclopédique de Jullien (de Paris), etc. On consultera utilement le Discours sur la vie et les travaux de Louis-Benjamin Francoeur, par Jomard, dans le Bulletin de la Société pour l'instruction élémentaire, n° de juin-juillet 1851.