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Forme

Pestalozzi avait fait de la forme l'un des termes de sa triade pédagogique : le nombre, la forme et le mot, fondement de tout son système d'éducation élémentaire. Laissons le expliquer lui-même ses vues à ce sujet :

« Pendant longtemps, dit-il, mes idées sur les éléments de l'instruction étaient restées confuses. Je n'étais pas encore parvenu à déterminer sûrement les éléments premiers qui devaient être le point de départ de la série de mes vues sur l'éducation, ou plutôt de la forme de développement que la nature même de l'homme permettrait de lui assigner. Enfin, la pensée me vint tout à coup que la source de nos connaissances se trouve dans le nombre, la forme et le mot, et il me sembla qu'une lumière toute nouvelle m'éclairait dans mes recherches. Il faut que l'art de l'enseignement prenne pour règle invariable de son organisation de s'appuyer sur cette triple base et d'arriver à ce triple résultat :

« 1° Apprendre à l'enfant à se représenter chacun des objets qu'on lui donne à connaître comme une unité, c'est-à-dire comme séparé de ceux avec lesquels il paraît associé ;

« 2° Lui apprendre à distinguer la forme de chaque objet, c'est-à-dire ses dimensions et ses proportions ;

« 3° Le familiariser, aussitôt que possible, avec l'ensemble des mots et des noms de tous les objets qui lui sont connus.

« Tout notre savoir prend sa source dans trois facultés élémentaires :

« 1° La faculté d'émettre des sons, d'où vient l'aptitude au langage ; « 2° La faculté de perception indéterminée, purement sensible, d'où vient la connaissance de toutes les formes ;

« 3° La faculté de perception déterminée, et non plus simplement sensible, d'où il convient de faire dériver la connaissance de l'unité et, avec elle, l'aptitude à compter et à calculer. »

L'enseignement élémentaire de la forme, tel que l'entend Pestalozzi, comprend l'art de mesurer, le dessin, et l'écriture. Un manuel rédigé sous les yeux de Pestalozzi par un de ses disciples, Buss, et intitulé ABC de l'intuition, donne les règles méthodiques de cet enseignement de l'art de mesurer, qui se résument ainsi : Prendre le carré pour unité de mesure ; faire connaître à l'enfant, d'abord les lignes droites, puis les lignes obliques, les angles, les triangles, les quadrilatères, le cercle, les ovales, et toutes leurs divisions, en commençant par employer ces différentes formes simplement comme instrument de mesure ; le familiariser avec les rapports de leurs parties entre elles et leurs relations avec les autres figures ; lui faire copier chacune de ces figures et en designer exactement les proportions. L'élève doit arriver ainsi peu à peu à apprécier du premier coup d'oeil, et pour ainsi dire d'instinct, tous les rapports de forme. L'étude du dessin, qui n'est qu'une application de l'art de mesurer, vient ensuite. Puis, lorsque l'enfant sait mesurer et dessiner, il apprend à écrire. (Comment Gertrude instruit ses enfants, 6e et 7e lettres, traduction de M. le Dr Darin.)

Froebel fut conduit de son côté, par ses études de cristallographie, à attribuer une haute importance aux formes géométriques, auxquelles il attache même une signification mystique. Aussi les dons au moyen desquels il veut faire jouer l'enfant sont-ils, non des jouets ordinaires, mais des sphères et des cubes ; et les exercices auxquels les élèves des jardins d enfants sont initiés et qu'ils exécutent au moyen des bâtonnets, des bandes de papier, de l'ardoise, du papier quadrillé, ont-ils pour but, non la reproduction d'objets usuels ou d'êtres animés, mais de combinaisons de formes géométriques.

Quelle que puisse être la valeur réelle de ces conceptions théoriques, il faut reconnaître qu'à l'école primaire il y a avantage à familiariser les élèves avec les formes géométriques élémentaires et avec quelques-unes de leurs propriétés, par la simple intuition, bien avant le moment où il est possible de présenter à leur intelligence des démonstrations abstraites. L'enseignement de la géométrie comprendrait donc deux degrés : l'un élémentaire, purement intuitif, et qui s'attacherait à faire observer les formes ; l'autre supérieur, plus scientifique, où les élèves apprendraient la démonstration et l'enchaînement des théorèmes. L'enseignement élémentaire dont nous parlons porte en Allemagne le nom parfaitement approprié de Formenlehre, en Hollande celui de Vormleer.