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Fontanes

Louis-Marcelin de Fontanes naquit à Niort le 6 mars 1757, et mourut à Paris le 17 mars 1821.

Après avoir fait ses études chez les oratoriens de Niort, Fontanes vint à Paris, où les recommandations de ses anciens maîtres et son mérite personnel ne tardèrent pas à le classer. Une de ses premières relations fut Ducis, à qui il adressa en 1778 une Epître où l'on pouvait voir, sans trop de complaisance, les indices d'un goût délicat joint à une certaine « sensibilité », comme on disait alors. Sa traduction en vers de l'Essai sur l'homme de Pope est de 1783 ; son poème du Verger parut un peu plus tard, et vers 1788 il publiait l'Essai sur l'astronomie, puis une Epître sur l'édit en faveur des non-catholiques, inspirée par l'édit du 28 novembre 1787. Fontanes se souvint que sa famille, autrefois protestante, avait été proscrite après la Révocation, et l'hommage qu'il rendait à Louis XVI était autre chose qu'un acte de courtisan, c'était l'action d'un galant homme. La muse correcte et douce, parfois attristée, de Fontanes, nous écarterait d'ailleurs de notre sujet, si nous voulions la suivre ; nous nous limiterons donc à mentionner encore la Chartreuse et le Jour des Morts, en renvoyant le lecteur à l'édition en deux volumes in-8° publiée en 1837.

Au lendemain de 1789, nous retrouvons Fontanes au Modérateur, journal royaliste dirigé par Suard et dont le titre marque suffisamment les tendances. Peu après, ses articles attiraient sur lui des poursuites auxquelles il se déroba en se réfugiant à Lyon. On l'y eût oublié sans doute, si le spectacle dont il y fut témoin en 1793 ne l'avait conduit à rédiger la pétition célèbre, lue par les délégués lyonnais à la barre de la Convention, qui sollicitait le rappel de Collot d'Herbois. Fontanes, dénoncé, tenta d'abord de gagner la frontière ; mais, la trouvant gardée, il alla demander avec sa femme un asile à une amie qui habitait aux environs de Gonesse.

Le 9 thermidor lui rendit la sécurité ; et en frimaire an IV il était nommé à l'Institut, organisé par le décret du 3 brumaire. En même temps, il reçut une chaire de belles-lettres à l'école centrale des Quatre-Nations. Il ne devait pas jouir longtemps de ce double bénéfice ; sa collaboration au Mémorial inquiétait le Directoire qui, au 18 fructidor, fit rayer son nom des registres de l'Institut et le condamna à la transportation. Fontanes avait des amis bien renseignés, paraît-il, car, pour la seconde fois, il lui fut possible de prévenir l'exécution du mandat d'arrêt ; il passa en Angleterre, où il retrouva Chateaubriand, puis en Allemagne.

Le 18 brumaire lui permit de quitter Hambourg. Il avait écrit au premier consul pour lui demander justice ; celui-ci ne se borna pas à autoriser sa rentrée, il le choisit pour prononcer l'éloge de Washington, qui venait de mourir. Les premières relations de Bonaparte et de Fontanes datent de là. Fontanes, du reste, n'en avait point fini avec sa carrière de journaliste, et il reprit dans le Mercure la défense des intérêts qu'il avait déjà représentés au Modérateur et au Mémorial. Parmi ses collaborateurs, nous remarquons des noms significatifs : Delille, La Harpe ; Joubert, de Bonald et Ambroise Rendu, que nous retrouverons tous les trois dans le Conseil de l'Université ; Chateaubriand, qui lisait à ses collègues de la rédaction les premières épreuves de son Génie du Christianisme.

En pluviôse an X, Fontanes entre au Corps législatif en qualité de député des Deux-Sèvres, et il est nommé président de cette assemblée en 1804. L'empereur, qu'il eut l'occasion de haranguer à plusieurs reprises, et qui lui continuait le bon vouloir du premier consul, le mandait fréquemment soit aux Tuileries, soit à Saint-Cloud.

Il serait puéril de vouloir donner une date précise aux premiers entretiens de Napoléon et de Fontanes sur le projet qui devait prendre corps dans la loi du 10 mai 1806. L'empereur méditait un remaniement profond de la loi du 11 floréal an X (1er mai 1802), qu'il jugeait incomplète et mal à sa main. Ce que souhaitait Napoléon, c'était le gouvernement des esprits dans le gouvernement des études, ces deux directions n'en faisant qu'une et celle-là soumise sans écart à son autorité. Une question essentielle l'arrêtait au seuil : à quels instruments aurait-il recours pour façonner son oeuvre et pour la diriger ; son personnel enseignant serait-il ecclésiastique ou laïque? Ce fut sur ce point que portèrent, de 1803 à 1806, ses débats avec Chaptal, Champagny, Lebrun, Portalis et Fontanes. Il fut parlé d'abord de relever et d'étendre, mais en les soumettant, les trois corporations de l'Oratoire, des bénédictins de Saint-Maur et de la Doctrine. Portalis se montra l'adversaire du monopole, et ses principes sont assez connus pour qu'on puisse pressentir son attitude. On sait également les origines de Fontanes et ses sentiments : il devait être favorable à ses anciens maîtres ; le monopole au surplus ne lui répugnait pas, car il le jugeait nécessaire à la reconstruction d'une société trop violemment remuée pour qu'elle n'eût pas besoin d'une contrainte même excessive pour rassembler ses membres épars. Chaptal lui, inclinait pour les corporations ; Champagny, qui lui succéda au ministère de l'intérieur, témoigna des défiances ; Lebrun les partageait. (Voir Napoléon Ier.)

Après les hésitations les plus laborieuses, Napoléon donna enfin son laissez-passer à la loi que le Corps législatif sanctionna le 10 mai 1806. L'Université impériale était chargée exclusivement de l'enseignement et de l'éducation publique. Ses membres devaient contracter des obligations civiles, spéciales et temporaires. C'était le triomphe du monopole, dont Portalis ne voulait pas et que Fontanes acceptait comme une nécessité sociale : c'était en même temps l'éviction des corporations d'autrefois.

Il semble que le maître impeccable ne fut pas, en cette rencontre, parfaitement assuré de l'excellence de son oeuvre, car le décret d'organisation ne fut promulgué que deux ans plus tard, le 17 mars 1808. Le même jour Fontanes était nommé grand-maître.

Nous ne retiendrons du document de 1808 que les dispositions qui se rajustent à ce que nous avons dit, ou qui intéressent particulièrement l'enseignement primaire.

L'article 101 paraîtrait à première vue en contradiction avec la loi, et serait difficilement compris, si l'on oubliait les discussions antagonistes que nous venons de rappeler : « A l?avenir, y est-il dit, les proviseurs et les censeurs des lycées, les principaux et régents de collège, ainsi que les maîtres d'études de ces écoles, seront astreints au célibat et à la vie commune ». Il n'est pas parlé des recteurs, et les professeurs des lycées sont, par exception, autorisés à choisir entre le mariage et le célibat. Il est clair que, si cette disposition singulière avait été mise en pratique, le personnel laïc eût été débordé à bref délai par l'élément ecclésiastique. Y avait-il là un espoir ingénu de conciliation, ou plutôt l'espoir d'une conquête prochaine? nous l?ignorons.

L'article 109 marque une concession dans le même sens : « Les Frères des écoles chrétiennes seront brevetés et encouragés par le grand-maître, qui visera leurs statuts intérieurs, les admettra au serment, leur prescrira un habit particulier et fera surveiller leurs écoles. Les supérieurs de ces congrégations pourront être membres de l'Université. » Les réserves sont expresses ; l'institut des Frères ne forme pas un établissement distinct : il est soumis à la loi commune, c'est-à-dire dépendant de l'Université, et en quelque sorte incorporé.

En ce qui concerne l'enseignement primaire, nous avons :

L'article 5, qui place après les facultés, lycées, collèges, institutions et pensions, « les petites écoles, écoles primaires, où Von apprend à lire, écrire, et les premières notions du calcul » ;

L'article 107 : « Il sera pris par l'Université des mesures pour que l'art d'enseigner à lire, à écrire, et les premières notions du calcul dans les écoles primaires ne soit exercé désormais que par des maîtres assez éclairés pour communiquer facilement et sûrement ces premières connaissances nécessaires à tous les hommes » ;

L'article 108 : « A cet effet il sera établi auprès de chaque académie, et dans l'intérieur des collèges ou lycées, une ou plusieurs écoles normales destinées à former des maîtres pour les écoles primaires. On y exposera les méthodes les plus propres à perfectionner l'art de montrer à lire, à écrire et à chiffrer. »

Ces derniers articles nous renseignent sur la somme d'instruction que Napoléon attribuait à ses peuples. Il voulait des sujets soumis, des soldats ; et, comme on le verra tout à l'heure, ce programme était aussi celui de Fontanes.

Quelle qu'ait été d'ailleurs la part du grand-maître dans ces dispositions, son premier soin fut de choisir ses collaborateurs. Au sein du Conseil, dans l'inspection et dans la commission des livres, nous revoyons de Bonald, Joubert, Ambroise Rendu ; et avec eux Philibert Gueneau de Mussy, Villaret, évêque de Casai, de Bausset, ancien évêque d'Alais rentré de l'émigration, l'abbé Emery, supérieur de Saint-Sulpice, des savants que leur renommée ne permettait pas de laisser à l'écart, enfin quelques ecclésiastiques ; sans autre titre que leur expérience éprouvée et leur piété solide, appréciée de Fontanes depuis longtemps. Nous ne trouvons pas trace d'une opposition de l'empereur à toutes ces désignations ; bien plus, nous affirmerons qu'elles correspondaient à ses intentions catégoriques et que plusieurs d'entre elles lui furent soumises sur ses Propres indications. Il lui convenait, en effet, d'appeler Eglise à lui ; les incrédules de toute manière étaient à ses yeux ses pires ennemis ; il se jugeait assez puissant pour maîtriser les excès du zèle religieux ; puis aussi il se persuadait que les membres du clergé qui consentaient à prêter leur concours à l'Université devenaient par ce seul fait ses alliés les plus sûrs ; cette conviction, chez lui, avait spécialement pour point de départ l'article 38 du décret :

« Toutes les écoles de l'Université prendront pour base de leur enseignement :

« 1° Les préceptes de la religion catholique ;

« 2° La fidélité à l'empereur, à la monarchie impériale, dépositaire du bonheur des peuples, et à la dynastie napoléonienne, conservatrice de l'unité de la France et de toutes les idées libérales proclamées par les constitutions ;

« 3° L'obéissance aux statuts du corps enseignant qui ont pour objet l'uniformité de l'instruction et qui tendent à former, pour l'Etat, des citoyens attachés à leur religion, à leur prince, à leur patrie et à leur famille:

« 4° Tous les professeurs de philosophie seront tenus de se conformer aux dispositions de l'édit de 1688, concernant les quatre propositions contenues dans la Déclaration du clergé de France de ladite année. »

Pour se rendre un compte exact de l'importance capitale que Napoléon attachait à l'efficacité de ce der nier paragraphe, on peut se reporter au décret du 2b février 1810 qui déclare loi générale de l'empire ce même édit de 1682 où se trouvent fixées les limites de la puissance ecclésiastique.

Ajoutons, pour dégager Fontanes de tout reproche de surprise dans la désignation des membres ecclésiastiques des conseils de l'Université, que Napoléon, comme nous l'apprend le comte Beugnot dans ses Mémoires, avait le don d'ubiquité. Son contrôle sur l'ensemble et sur les détails, sur les choses et sur les personnes était incessant ; ajoutons encore qu'il se réserva fréquemment la présidence du Conseil de l'Université.

Napoléon voulut que l'Université ouvrît ses portes le 1er janvier 1809. Le 30 du même mois, le grand-maître sollicitait encore des évêques le concours des curés, pour lui adresser des notes détaillées sur les maîtres d'école de leurs paroisses, afin d'être mis à même de leur conférer ou de leur refuser le diplôme. A vrai dire, on n'était prêt en aucun sens, et l'Université compléta ses services d'année en année, au jour le jour. Les écoles de médecine et de droit créées en l'an III et en 1804 ne furent agrégées que le 4 juin 1809 ; le plan d'études des lycées date du 19 septembre 1809 ; le statut des facultés des sciences et des lettres est du 16 février 1810 ; le décret qui détermine le nombre des lycées et des collèges, qui les distribue en classes, qui ramène les écoles secondaires ecclésiastiques dans les villes et contraint leurs élèves à suivre les cours des lycées, qui fixe la juridiction de l'Université et sa discipline, est du 15 novembre 1811.

Ces lenteurs, si l'on se reporte au temps, ne surprendront personne. On avait une dotation, mais elle était absolument insuffisante ; il fallait trouver en même temps un personnel, des bâtiments, un mobilier, des instruments, des livres, et suffire à tout, puisqu'on était le monopole. Si Napoléon entendait tout soumettre et faire observer étroitement les termes de sa loi, l'Université, à court de ressources, se voyait contrainte de se montrer exigeante, et elle poursuivait avec activité les institutions laïques ou ecclésiastiques qui, sous quelque forme que ce fût, faisaient effort pour se soustraire à ses rétributions et à sa maîtrise. Parmi tant d'actes qui s'étendent jusqu'à 1814 et qui touchent à la comptabilité des établissements, à leurs études et à leur police, il est malaisé de discerner l'initiative personnelle de Fontanes. Son labeur est prouvé : il assistait à tout, il préparait les projets ; mais dans cette préparation il n'était pas seul, et si les décrets de 1808 et de 1811 lui attribuaient une autorité distincte, cette autorité avait pour vis-à-vis celle du Conseil, et au-dessus d'elle celle de l'empereur, nous l'avons dit, partout présente. Les décrets, délibérés en Conseil d'Etat, étaient contresignés par le ministre de l'intérieur: les arrêtés étaient l'oeuvre collective du Conseil de l'Université ; reste un certain nombre de circulaires où Fontanes peut se montrer de sa personne, hors de toute compagnie. Ce sont ces circulaires que nous interrogerons pour y trouver, s'il se peut, la trace des convictions du grand-maître en matière d'éducation et sa politique. Nous citerons textuellement :

« Dieu et l'Empereur, voilà les deux noms qu'il faut graver dans le coeur des enfants. C'est à cette double pensée que doit se rapporter tout le système de l'éducation nationale. » (Circulaire du 15 janvier 1810 aux recteurs.)

« L'Université n'a pas seulement pour objet de former des orateurs et des savants ; avant tout, elle doit à l'Empereur des sujets fidèles et dévoués. La plus belle époque de l'histoire moderne ne laisse rien à envier aux temps héroïques de l'antiquité. » (Circulaire du 4 avril 1811 aux recteurs à l'occasion de la naissance du roi de Rome.)

« Quelle que soit la carrière à laquelle se destinent les élèves confiés à nos soins, c'est pour le service du prince et de l'Etat que nous sommes chargés de les former. Tel est le principe, depuis la première école de campagne jusqu'à la plus haute école de théologie. Ainsi l'on vit autrefois les pieux solitaires de Port-Royal se vouer exclusivement à leurs devoirs et n'employer les ressources de leur génie que pour étendre et enrichir de plus en plus le domaine de l'instruction publique. Que les fonctionnaires de l'Université prennent ces grands hommes, ces hommes vertueux pour modèles. » (15 avril 1812.)

« L'étude de la versification française, trop facile pour les esprits médiocres, et si difficile pour les bons poètes, n'est pour les écoliers de seize à dix-sept ans qu'une dangereuse distraction et un tourment stérile. Il convient de ne point détourner les jeunes gens de leurs occupations sérieuses et solides. » (18 décembre 1812. Interdiction des exercices de poésie française dans les lycées et collèges.)

En négligeant ce dernier trait, assez piquant dans la bouche de Fontanes, nous pensons que les citations qui précèdent peuvent suffire à déterminer les sentiments du grand-maître de l'Université à l'égard de Napoléon, et la direction de ses idées en matière d'enseignement. Son éloge de Port-Royal a également son prix.

En 1814 cependant, une fois l'Empire tombé et Louis XVIII mis sur le trône par les alliés, c'est encore Fontanes qui transmet aux recteurs l'ordonnance du roi du 24 juin maintenant provisoirement l'Université. « Les chefs-d'oeuvre grecs et romains, dit-il, sont dans les mains de la jeunesse, avec les auteurs du grand siècle de Louis XIV, nos maîtres éternels dans l'art d'exprimer et d'écrire. » Puis après avoir parlé de la religion, il ajoute : « Je vous ai souvent recommandé cet objet important, et vous avez fait tout ce que permettaient les circonstances. Il est des époques où les meilleurs motifs peuvent être suspects. On ne peut faire alors tout le bien qu'on désire qu'avec une prudente réserve. Aujourd'hui, rien ne s'oppose à l'exercice public de vos devoirs ; le trône de saint Louis est relevé, sa religion doit régner plus que jamais dans toutes les écoles de France. »

Le 15 octobre 1814, à l'occasion de l'ordonnance du 5 du même mois qui permet l'établissement à la campagne des écoles secondaires ecclésiastiques et qui dispense leurs élèves de suivre les cours des lycées, Fontanes « s'applaudit de voir l'autorité paternelle du roi consacrer des tempéraments qu'il avait lui-même apportés dans l'exécution des mesures prescrites par le décret de 1811 ».

La dernière circulaire connue de Fontanes est du 31 janvier 1815. L'ordonnance du 17 février supprima l'Université, institua le Conseil royal, et le même jour une pension de retraite de 30000 francs était allouée à l'ancien grand-maître.

Sénateur et comte de l'empire, Fontanes fut nommé pair et marquis par Louis XVIII, après les Cent jours.

Classique ; on vient de le voir, catholique de Port-Royal comme Ambroise Rendu, perpétuellement royaliste, tel nous apparaît Fontanes. Etait-il sincère dans son enthousiasme pour Napoléon? Nous n'hésitons pas un moment à l'affirmer, et, si ses circulaires pouvaient paraître suspectes ; nous en appellerions, à cet égard, à sa correspondance privée et à ceux de ses entretiens familiers qui nous ont été conservés. Il ne fut pas le seul à être conquis ; beaucoup d'autres avec lui subirent le charme et, tout compte fait, on peut le placer parmi ceux qui s'approchèrent dé l'astre et s'inclinèrent le moins bas. En 1814 il ne fit pas preuve d'ingratitude, à la façon des politiques et des hommes de guerre qui du jour au lendemain passèrent de l'adoration servile à l'injure ; il glissa dans son passé retrouvé, pour lequel il avait combattu, il se retrouva chez lui.

Comme poète, Fontanes ne compte pas ; son imagination a de la grâce, de l'honnêteté, elle est sans ailes. Fontanes orateur est correct, ordonné, avec toutes les qualités du bien dire, mais sans qu'on aperçoive nulle part aucun de ces traits qui saisissent les coeurs ou qui frappent l'esprit assez fortement pour laisser en lui une impression durable. Il a pour lui le tact et le bon sens.

Un point nous préoccupe chez cet nomme réfléchi, mondain, qui surveille son geste et ses paroles : comment rajuster le poète d'avant 1789, le président du Corps législatif, le grand-maître de l'Université, au journaliste du Modérateur et du Mémorial, à l'auteur de la Pétition des malheureux Lyonnais ? Il y a là, de 1789 à 1797, une période énergique de périls, d'audace, d'oubli de soi qui fait contraste avec les précautions toujours en éveil qui sont le fond même du caractère et du talent de Fontanes.

Nous n'avons pas tout dit.

C'est quelque chose, on l'avouera, dans la fortune d'un homme, que d'avoir été le conseiller écouté de Chateaubriand, l'ami d'un raffiné comme Joubert, sans parler de tant d'autres esprits distingués qui furent les compagnons de Fontanes ou qui lui firent cortège jusqu'à la fin sans se lasser. C'est un signe aussi que d'avoir acquis la bienveillance de Napoléon et de l'avoir gardée, sans s'incliner trop bas, et sans autre tricherie que ces « tempéraments » dont parle la circulaire du 15 octobre 1814 et qui avaient peut-être été autorisés.