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Encrier

La matière, la forme et la place de l'encrier sont fort importantes dans le mobilier scolaire. L'encre est une matière qu'il importe de maintenir fluide et à l'abri d'impuretés ; l'usage, pour les jeunes enfants surtout, doit en être réglé et surveillé. Il est donc nécessaire que l'encrier d'école garde l'encre bien propre, que le nettoyage en soit facile, et que les élèves ne puissent rien y introduire que leur plume.

Autrefois les encriers étaient mobiles ou portatifs.

On a bien longtemps fait usage de cornets de bois ou de corne en forme de poire, dont le couvercle fermait à pas de vis. S'ils ne se brisaient pas, ils se fendillaient assez facilement et laissaient échapper l'encre.

Ensuite sont venus les petits encriers de verre placés au milieu de plaques de liège de forme carrée. Ils avaient sur la table une assiette plus fixe que les cornets, et étaient d'une matière moins glissante. Mais ils n'étaient pas inversables.

Ils ont été remplacés par l'encrier cylindrique en verre cannelé avec ouverture au fond d'un entonnoir. 11 verse difficilement l'encre et la met à l'abri des poussières, mais il peut glisser sur une table inclinée et se briser en tombant sur le parquet. Pour obvier à ce dernier inconvénient, on avait pratiqué à la partie supérieure de la table des trous destinés à recevoir les encriers. Cet encrier à entonnoir est assez difficile à nettoyer ; il y reste toujours quelques gouttes de l'eau employée a le rincer, et, quand il s'y est introduit quelque corps solide, une plume de fer par exemple, on ne peut souvent l'en retirer. C'est ce qui a fait donner la préférence aux petites fioles d'une panse très large et de peu de hauteur.

On a eu aussi, comme encrier portatif, l'encrier de verre en forme de siphon. Il mettait l'encre à l'abri des poussières de l'air ; mais, outre qu'il était d'un prix plus élevé que les précédents, il était difficile à placer sur le plat-bord des tables d'école et se trouvait exposé à être fréquemment renversé.

Un encrier dit magique avait été annoncé comme une invention fort avantageuse aux écoles. 11 pouvait fournir de l'encre pour les besoins de tous les jours pendant plus de cent ans ; il suffisait d'y verser un peu d'eau pour obtenir de la bonne encre. Le succès n'a pas justifié cette réclame, et cet encrier, dont le prix était d'ailleurs peu abordable pour les écoles, est aujourd'bui à peu près abandonné.,

Toutes les formes d'encriers mobiles ont des inconvénients dans l'école. Il ne faut pas laisser aux jeunes enfants le maniement de ce qu'il est facile de briser ou de renverser. Il importe que l'encrier ait une place fixe, à droite de l'élève, et à peu de distance de son cahier. On ne saurait approuver que dans une table à deux places il n'y ait qu'un encrier, car l'un des élèves l'aurait à sa gauche et ne l'atteindrait que difficilement, en portant le bras sur ce qu'il vient d'écrire.

L'encrier fixe n'a d'abord été qu'un petit gobelet de plomb encastré dans la table. On y versait de l'encre qui bientôt s'épaississait de poussières et de détritus de toutes sortes ; l'élève y pouvait plonger tout ce qu'il voulais et il ne s'en faisait pas faute. Rarement on enlevait le dépôt qui s'y trouvait, avant de verser de nouveau de l'encre, de sorte que ce réceptacle était généralement d'une malpropreté honteuse. On a bientôt songé à fermer l'encrier au moyen d'un petit disque de tôle tournant autour d'une vis ; mais l'élève ne fermait pas toujours l'encrier quand il cessait d'écrire, et de plus on lui offrait la tentation ou d'enlever la vis du couvercle ou de le briser. Et il n'y manquait guère, surtout dans les écoles nombreuses où l'oeil du maître ne peut facilement suivre tous les mouvements des élèves. Ajoutons que l'encrier de plomb était facilement perce avec la pointe d'un couteau, ou après des nettoyages un peu sérieux.

M. Bapterosses, de Briare, a imaginé de remplacer cet encrier ouvert aux poussières par un système assez ingénieux. Il place sous le plat-bord de la table et dans toute sa longueur un petit tube à gaz qui est fermé à ses deux extrémités par des bouchons en cuivre. A chaque place d'élève sont percés des trous où se trouvent soudés de petits entonnoirs de cuivre offrant juste la place nécessaire pour le passage du bec de plume. L'élève ne peut donc ni trop enfoncer sa plume, ni prendre trop d'encre, ni répandre son encrier. La difficulté, et elle est réelle, c'est d'introduire l'encre et de nettoyer le tube quand il est encrassé.

La plupart des constructeurs de mobilier scolaire ont gardé la forme du godet de l'encrier fixe, mais ils en ont varié la matière et la capacité. Au plomb, ils ont substitué le fer galvanisé, le verre, la porcelaine, ou la fonte émaillée. Pour la fermeture, au lieu d'un disque tournant, les uns ont employé une plaque glissant clans des rainures, d'autres un couvercle s'ouvrant à charnière sur le diamètre de l'orifice.

M. Cardot, ingénieur à Paris, a réellement innové, et son encrier de porcelaine réalise un progrès sur les autres formes. Le récipient va en se rétrécissant légèrement, et le fond présente une rigole où se dépose la partie épaisse de l'encre, de sorte que la plume, en pénétrant par une ouverture centrale, ne rencontre que de l'encre bien fluide. Le couvercle, en porcelaine comme le récipient, ferme hermétiquement, grâce a un bourrelet de caoutchouc. Le trou percé au centre ne. laisse passer que la plume. On relire l'encrier de la table pour le nettoyer, et cette opération, qui n'est nécessaire qu'une fois par mois, se fait facilement.

Un encrier dit inversable a été imaginé par M. Guérin, et il paraît réunir tous les avantages désirables Il est en porcelaine comme celui de M. Cardot, et peut se fixer à la table au moyen d'un appareil que l'instituteur ouvre avec un tournevis. Dans l'intérieur du récipient, un ressort de montre formant spirale supporte un petit disque de 8 millimètres de diamètre. Ce disque s'applique contre l'ouverture centrale et s'abaisse devant la plume. L'encre est ainsi mise toujours hors du contact de l'air, la plume n'en prend que la quantité suffisante. Le nettoyage de cet encrier s'opère, comme celui de l'encrier de M. Cardot, en enlevant le couvercle. M. Guérin a appliqué ce système aux encriers de bureau ainsi qu'à des encriers portatifs. Rien de plus ingénieux et de plus propre à assurer la propreté ainsi que la conservation de l'encre.

Les personnes qui s'occupent d'éducation ne s'étonneront pas de nous voir nous arrêter avec tant de détails sur un des plus petits objets du matériel scolaire. Elles savent que rien n'est plus important que de donner aux élèves l'habitude de travailler avec soin, de maintenir la propreté sur eux et autour d'eux, enfin de porter partout ce respect du travail intellectuel qui est la marque d'une bonne éducation.

Bonaventure Berger