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Elèves (Association d’anciens et d’anciennes)

Ecoles normales, écoles supérieures, écoles élémentaires de filles et de garçons, à l'imitation des lycées et des collèges, des universités, ont fondé, depuis la fin du dix-neuvième siècle, des Associations d'anciens et anciennes élèves dont le nombre va de jour en jour grandissant. Professeurs et instituteurs pratiquaient entre eux la solidarité agissante. Ils avaient leurs associations professionnelles et corporatives, leurs sociétés de secours mutuels, d'aide aux veuves et aux orphelins en cas de décès du chef de famille. La solidarité dont ils savaient justement tirer parti, ils en ont fait bénéficier logiquement leurs élèves et leurs disciples de la veille. Le développement des associations correspond nettement aux progrès qu'ont réalisés dans les consciences l'idée et le senti ment altruistes. C'est un fait historique dont on ne saurait trop signaler l'importance et la nouveauté dans l'évolution de l'école., à tous ses degrés, qui, à l'instruction purement intellectuelle, ajoute l'éducation sociale.

Les Associations d'anciens élèves, désignées généralement sous le nom de Petites Amicales, se proposent un triple objet : la récréation, l'instruction, l'entr'aide.

Elles sont ingénieuses dans l'organisation des fêtes et distractions. Concerts et spectacles, qui, au début, furent d'un goût plutôt douteux et donnèrent dans le comique grossier, sont réglés en nombre de villes et bourgs par des comités qui deviennent scrupuleux sur le choix des morceaux inscrits au programme. Toulouse, Lyon, ouvrent des concours de diction, de chant, individuels et collectifs. Amiens a une troupe, la « Jeune Comédie », dont les acteurs sont fournis par l'élite des « associés » répartis entre les dix-sept Petites A. amiénoises. Parfois, la collaboration de l'école et de la post-école permet la célébration de fêtes comme la Fête civique de la Jeunesse à Lyon (1907, 1908, 1909), qui s'est élargie en une Fête de la Cité tout entière et où les anciens élèves des écoles primaires ont prêté serinent à la Nation et à la République, en une séance digne des plus belles et des plus émouvantes cérémonies imaginées par la Révolution française.

Matinées et soirées ne sont pas, d'ailleurs, les uniques distractions que suscite 1 accord des jeunes associés. Promenades, visites aux musées, aux monuments, voyages en commun, exercices de tir, de gymnastique, sont dus aux Petites A., dont les comités s'emploient à procurer aux sociétaires jeux et récréations adaptés au milieu, à l'âge, aux saisons. La vie locale, grâce à elles, devient moins monotone. Et à mesure qu'elles se développeront davantage, qu'elles prendront, à l'user, plus conscience de leur rôle, elles attacheront les générations nouvelles, par des liens plus étroits, à la « petite patrie ».

Le lendemain de l'école, l'instruction prolongée, trouvent dans les associations des cadres formés et actifs. Les enseignements à côté, ceux qui ne sont pas donnés à l'école : arts d'agrément, escrime, langues vivantes, ont une clientèle qui s'habitue, dans les grandes villes, à se grouper, à payer des maîtres. Les Petites A. parisiennes deviennent des foyers de travail intellectuel. Des organisations modèles sont à citer en province : Association de Soulhac-Tulle (enseignement professionnel à l'atelier) ; — Association de Cognac (enseignement commercial) ; — Associa tions de la Côte-d'Or (cours de greffage, bibliothèques) ;

— Associations du Gers : à Auch, les deux Amicales ont fondé une Université populaire ; à Fleurance, Petite A. de filles, cours de puériculture ; à Lectoure, même cours ; — dans le Nord, le Pas-de-Calais, la Somme, cours d'enseignement ménager organisés par ' les Petites A. féminines, etc.

Dans la Seine-Inférieure, surtout au Havre, soixante et une associations, qui réunissent près de 8000 adhérents, font preuve d'une grande activité. Elles entretiennent des cours variés : langues vivantes, comptabilité, dessin industriel, sténographie, dactylographie, chant, escrime ; à signaler, un cercle d'études pour la langue anglaise. Dans les Petites A. de jeunes filles de la Seine-Inférieure, on a établi des cours de coupe et d'assemblage, de broderie, des cours pratiques de couture et de repassage, un cours de puériculture. Les recettes montent à 25 000 francs. Les dépenses, qui s'élèvent en moyenne à 20 000 francs, sont affectées au paiement des maîtres chargés des cours, à l'achat de livres pour les bibliothèques coopératives, de carabines et de munitions pour les exercices de tir, à l'organisation des fêtes et réunions annuelles.

Mais la tâche la plus importante qu'assument les Associations d'anciens élèves est l'entr'aide entre faibles et humbles, la coopération.

Elle est pratiquée par le placement, qui fonctionne dans des centaines d'organisations post-scolaires, grâce à des Bulletins insérant offres et demandes d'emplois, des permanences, etc. Parfois des prêts d'honneur sont consentis aux associés. Des dons sont faits, surtout aux anciens élèves appelés sous les drapeaux. Dans la Corrèze, la Petite A. de Brive entretient un pupille au collège, aide les enfants pauvres. Des Petites. A. paient les cotisations de mutualistes scolaires qui sont indigents. Quelques Petites A. ouvrent des Foyers du soldat (Paris : rue Decamp ; Aubervilliers, Montargis, Le Havre), en faisant profiter les militaires, en garnison près de leur siège social, des avantages qu'offre l'Association (jeux, conférences, salles de lecture, bibliothèque, etc.) L'Association de l'école primaire supérieure Turgot peut être citée comme modèle ; elle a même ; une permanence pour le placement.

La coopération s'exerce sous des formes diverses qui vont chaque jour se multipliant.

Il y a lieu de citer, parmi les essais sociaux où se risque l'ingénieuse audace des Petites A., ceux qui ont trait aux constructions, au travail en commun, surtout agricole, forestier.

L'Association des anciens élèves des écoles de Nemours (Seine-et-Marne) a, grâce à des souscriptions consenties par les sociétaires, acquis un terrain, construit une Maison de l'adolescence avec salle de conférence, de théâtre, de réunion, bibliothèque.

Les Petites A. de Lens (Pas-de-Calais), qui comptent 1100 adhérents, ont constitué une Société anonyme à capital variable, émis des actions de 50 francs avec défense d'en avoir plus de dix afin d'éviter toute domination d'argent ; elles ont réuni 120 000 francs et édifié la Maison des Associations. La Maison a un théâtre contenant 1600 places ; la scène a 7 mètres de profondeur, la hauteur du rideau est de 17 mètres. La Maison contient salles de cercle, de cours, bibliothèque.

La coopération s'applique au reboisement en commun des montagnes, les Petites A. servant de centres d'action. Dans l'Ain, les Sociétés forestières, composées d'élèves et anciens élèves (Dortan, Hotonnes, Treffort), font de la sylviculture intensive. Dans l'Ardèche (arrondissement de Tournon), 40 sociétés forestières, comprenant 1200 membres, ont planté près de 50 000 arbres. Dans la Charente (arrondissement de Ruffec), une Petite A. a créé un syndicat agricole, une caisse de crédit mutuel agricole. Elle s'occupe de fonder une caisse d'assurance mutuelle contre la mortalité du bétail. Dans la Corrèze (arrondissement de Tulle), la Société scolaire forestière du Jardin a pour objet le semis et la plantation de pins dans les vastes landes de la commune où elle a son siège ; elle a déjà fait des semis sur 14 hectares. Dans le Doubs, le Jura, les Vosges, Meurthe-et-Moselle, les « Pastorales forestières » se multiplient ; on en nombre déjà 200.

Les Petites A. commencent à prendre conscience des ressources matérielles qui sont en elles, de l'influence qu'elles représentent. Elles se fédèrent par villes (Amiens, Reims, Toulouse) ; par régions (Saint-Etienne, Lyon). Elles ont tenu des congrès à Lyon, Saint-Etienne, Montpellier. Elles s'organisent par académies. Les Petites A. de l'académie de Caen ont fondé une fédération pour les six départements de Normandie ; elles tiennent un congrès au Havre en 1909.

Les Petites A. qui, encouragées, guidées, éclairées sur leurs véritables intérêts, sont autant d'écoles d'apprentissage pour l'éducation sociale en faveur de l'adolescence ouvrière et rurale, ne cessent de grandir en nombre et en force. En 1894-1895, on en comptait 56 ; 622 en 1895-1896 ; 4784 en 1X99-1900.

En 1906-1907 il en existait 6200, dont 4157 de garçons, 2043 de filles ; en 1908-1909. le total s'élève à 6476, dont 1962 de jeunes filles, 4514 de garçons.

Les écoles normales ont également des associations d'anciennes et d'anciens élèves, qui ont surtout pour objet de rapprocher institutrices et instituteurs de l'école où ils ont été formés. La plus ancienne (Nord) date de 1868. Il en existe 63 seulement, car, dans nombre de départements, les associations de normaliennes ou normaliens se sont fondues dans les Amicales d'instituteurs à tendance corporative, pour éviter le paiement de doubles cotisations et une concurrence souvent inévitable. Les collèges et les lycées de garçons et de jeunes filles possèdent aussi leurs associations d'anciens et d'anciennes élèves qui, en 1909, sont au nombre de 285.

Les premières de ces associations ont été fondées sous la monarchie de Juillet. La plus ancienne, celle du lycée Henri IV, date du premier ministère Guizot (1833). Cinquante de ces sociétés sont reconnues d'utilité publique : sur ce point, Louis-le-Grand (1864) a précédé Henri IV (1867). Certaines associations ont des budgets fort importants. Celle de Douai possède près de 200 000 francs ; celle de Henri IV près de 150 000 ; celle de Louis-le-Grand, 130000, etc.

Les associations des lycées et collèges se sont constituées en Union nationale. Elles tiennent des Congrès depuis une dizaine d'années. Elles réclament la nomination de délégués des associations dans les conseils universitaires, surtout au Conseil supérieur de l'instruction publique, où ils représenteraient les familles.

Édouard Petit