L'idée d'instituer, dans chaque département, une direction spéciale de l'enseignement primaire, n'est pas nouvelle. Déjà la question fut agitée au sein de la Commission chargée d'examiner le projet d'où est sortie la loi de 1850. Mais au directeur spécial, proposé par MM. Michel et Cochin, la majorité substitua le recteur départemental, dont l'autorité, fort restreinte du reste, s'étendait sur tous les ordres d'enseignement.
En décembre 1870, M. Jules Simon plaça à la tête du service de l'instruction primaire dans le département de la Seine M. l'inspecteur général Gréard, et lui donna le titre de directeur départemental.
Ce titre reparaît, et l'institution se généralise dans le projet de loi (articles 82 et 84) élaboré par la Commission de l'Assemblée nationale de 1871, projet qui ne put être mis en délibération.
Dans la Commission chargée d'examiner la proposition de loi que nous avions déposée le 20 mars 1876 sur le recrutement et le fonctionnement des instituteurs primaires, la nécessité de créer un directeur départemental fut soutenue par M. Marmottan, député de la Seine, qui s'appuyait tout particulièrement sur les premiers résultats qu'avait donnés cette institution à Paris. Mais, « tout en appelant de ses voeux cette modification à la hiérarchie universitaire, la Commission ne s'est pas crue autorisée à la proposer à la Chambre, cette création lui paraissant dépasser les limites du projet de loi dont l'examen lui est confié ». (Rapport de M. Paul Bert, déposé le 18 mai 1877.)
La proposition de loi déposée une première fois par M. le député Barodet le 19 mars 1877, puis, après la dissolution et la réélection de la Chambre, le 1er décembre 1877, admet également (art. 86) la création de cette fonction nouvelle, et la Commission parlementaire l'a consacrée et organisée par les articles 68 à 71 de son projet de loi, articles ainsi conçus:
« ART. 68. — II est institué dans chaque département, en résidence au chef-lieu, un fonctionnaire chargé de diriger, surveiller et administrer l'enseignement primaire.
« Ce fonctionnaire prend le titre de directeur départemental de l'enseignement primaire.
« ART. 69. — Le directeur départemental est nommé par décret, sur la présentation du ministre de l'instruction publique ; il ne peut être révoqué que dans les mêmes formes, après avis du Conseil supérieur de l'instruction publique.
« Il peut être changé de classe ou de résidence, et même suspendu de ses fonctions pour un temps qui ne peut excéder six mois, par arrêté ministériel.
« ART. 70. — Les directeurs départementaux devront être munis du diplôme d'inspecteur primaire et de l'un des diplômes de licencié ès lettres ou ès sciences des facultés de l'Etat.
« Les proviseurs, les professeurs des lycées et des facultés, en exercice depuis plus de cinq ans, seront dispensés de produire le diplôme d'inspecteur primaire.
« Les inspecteurs primaires, en fonctions depuis plus de dix ans, seront dispensés de justifier du diplôme de licencié
« ART. 71. — Les directeurs départementaux sont divisés en trois classes, la classe étant attachée à la personne, et non à la résidence.
« L'avancement d'une classe à l'autre ne peut avoir lieu avant trois ans au moins d'exercice dans la classe inférieure. »
Mais l'institution nouvelle, si elle est acceptée par des hommes appartenant aux opinions politiques les plus différentes, ne réunit cependant pas l'unanimité des suffrages. Nous voulons examiner ici brièvement les motifs qui ont déterminé en sa faveur la Commission parlementaire.
On a compris de tout temps qu'il n'était pas possible de laisser directement au ministre, comme cela existe pour les deux ordres supérieurs d'enseignement, l'administration de l'enseignement primaire. La multiplicité des intérêts en présence, le nombre extraordinaire des fonctionnaires, suffisaient, en dehors de toute idée théorique sur le rôle particulier de cet enseignement, pour faire écarter l'idée d'une centralisation inexécutable. On n'a même jamais pensé, jusqu'à ces derniers temps, à charger de la direction de cet immense service le recteur d'académie : certains de ces fonctionnaires auraient eu sous leurs ordres près de 10 000 instituteurs répartis entre 3000 communes.
D'autre part, les défenseurs les plus absolus de l'autonomie communale ne sont jamais allés jusqu'à prétendre que l'enseignement primaire puisse échapper à toute surveillance et à toute influence du pouvoir central.
Presque tout le monde s'est trouvé d'accord pour remettre à une autorité départementale la direction de ce service. Et, par diverses raisons d'ordre administratif et financier, cette conception est tellement entrée dans nos moeurs, qu'il est tout à fait exceptionnel de voir un instituteur public changer de département.
Mais à quelle autorité départementale faudra-t-il avoir recours ? Quelle part sera laissée aux influences municipales, quelle aux fonctionnaires politiques? Le représentant de l'Université aura-t-il action sur les autres ordres d'enseignement?
Sans revenir sur les diverses solutions qu'ont reçues en divers temps ces délicats problèmes, et sans faire un historique qui devra trouver sa place ailleurs, rappelons ce qui existe aujourd'hui. Et nous nous adressons ici, persuadé que cet état de choses ne peut longtemps durer, plutôt aux futurs lecteurs qu'aux lecteurs actuels du présent Dictionnaire, à qui ces notions sont familières.
L'administration de l'enseignement primaire est partagée entre le préfet et l'inspecteur d'académie. Le préfet, héritier, de par la loi du 14 juin 1854, des droits du recteur départemental, a la direction du personnel : nominations, changements de résidence, peines disciplinaires. L'inspecteur d'académie., qui, dans ce domaine, n'a que le droit de présentation et de proposition, y règle au contraire souverainement tout ce qui est d'ordre pédagogique. Il a, de plus, un droit d'inspection sur les établissements d'enseignement secondaire et supérieur établis dans le département.
La proposition de la Commission de la Chambre I des députés modifie profondément cet état de choses. D'une part, en effet, le directeur départemental, qui remplacera l'inspecteur d'académie actuel, aura sur l'enseignement primaire autorité complète ; de l'autre, il n'aura plus à s'occuper des deux ordres supérieurs d'enseignement.
Considérons d'abord cette dernière modification.
L'inspecteur d'académie a le droit, aujourd'hui, et le devoir, de pénétrer dans les lycées et collèges du département, d'y assister aux leçons, de donner au recteur son appréciation sur la tenue de l'établissement, au point de vue pédagogique et administratif, et sur le personnel enseignant.
Il en résulte qu'il doit être muni de grades universitaires qui fassent de lui au moins l'égal des professeurs et des proviseurs, et l'autorisent à exercer sur eux ses fonctions de surveillance et de contrôle. Aussi, bien que les lois et décrets n'exigent de lui que le diplôme de licencié ou un stage de dix années ans l'enseignement public ou libre, l'administration, depuis quelques années, a pris pour règle de ne nommer inspecteurs d'académie que des agrégés ou des docteurs ès lettres ou ès sciences.
De là suit que ces fonctions sont à peu près complètement interdites aux représentants de 1 enseignement primaire, aux inspecteurs primaires, aux directeurs d'école normale. Or, précisément la partie la plus importante et la plus absorbante, à coup sûr, des fonctions de l'inspecteur d'académie est relative à l'enseignement primaire. Et l'on écarte de la direction de cet enseignement l'élite de ceux-là mêmes qui ont consacré leur vie à son étude, à sa pratique et à son développement! Il y a là une antinomie qu'on a signalée et blâmée avec raison.
D'un autre côté, les professeurs de lycée, les proviseurs, ont souvent prétendu que, malgré les exigences récentes de l'administration, le personnel des inspecteurs d'académie ne réalise pas toujours les conditions nécessaires pour remplir avec une véritable autorité ses graves et délicates fonctions. On y voit trop souvent, dit-on, ou des professeurs trop jeunes, ou des professeurs fatigués de l'enseignement, qui sont peu capables de contrôler et surtout de critiquer l'enseignement ou l'administration de ceux qui étaient la veille leurs égaux ou leurs supérieurs. Comment pourraient-ils d'ailleurs le faire avec une véritable autorité, étant obligés de s'occuper à la fois de l'enseignement scientifique et de l'enseignement littéraire ? Les professeurs de faculté, qui voient parfois leurs leçons surveillées par ces fonctionnaires, émettent avec plus de force encore des observations du même genre. Aussi beaucoup d'inspecteurs d'académie font-ils tout ce qu'ils peuvent pour réduire à son minimum cette partie de leurs fonctions.
Si ces deux ordres de plaintes sont fondés, il en résulterait que l'inspectorat d'académie, institution mixte et à plusieurs fins, ne satisferait pleinement aucun des intérêts qu'elle a pour but de sauvegarder.
C'est ce qu'a pensé la Commission parlementaire. Elle a jugé que la surveillance de l'enseignement secondaire serait bien plus efficacement exercée par des fonctionnaires qui, méritant plus exactement le titre d'inspecteurs d'académie, seraient fixés au chef-lieu de chaque académie, à la disposition du recteur, et exerceraient dans toute la circonscription académique des inspections incessantes, inopinées, et qui seraient véritablement autorisées, parce qu'il y aurait parmi eux des représentants de l'enseignement littéraire et de l'enseignement scientifique. Ce serait comme une sorte d'inspection générale, mais bien plus fréquente, plus sûre, moins attendue, plus au courant des détails des personnes et du service que l'inspection générale actuelle, et laissant d'ailleurs à l'inspecteur général un rôle plus élevé, un contrôle plus facile et plus complet.
Revenons maintenant à l'enseignement primaire, et au directeur départemental qui s'en occupera exclusivement. Il devra, dit l'art. 68, le diriger, le surveiller et l'administrer ; l'art. 31 du même projet de loi lui attribue la nomination de tout le personnel enseignant, et l'art. 37 lui donne le droit de révocation après avis du Conseil départemental.
C'est donc un chef de service investi d'autorité quasi-plénière, et par suite chargé d'une lourde responsabilité, que nous avons voulu instituer. Il ne sera plus, comme l'est aujourd'hui l'inspecteur d'académie, une sorte de subordonné du préfet, ne pouvant que proposer alors que celui-ci nomme et révoque. Les instituteurs primaires échapperont à l'action toute-puissante, et qui fut si souvent néfaste, d'un fonctionnaire politique qui ne saurait avoir pour le rôle pédagogique et éducateur du maître d'école la considération, le respect qui lui sont dus.
Nous avons montré, dans notre rapport de 1877, les conséquences, dans les temps de réaction, de ce pouvoir donné aux préfets. « Jamais, disions-nous au nom de la Commission, jamais les funestes droits accordés aux préfets ne donnèrent de plus désastreuses conséquences qu'entre les mains de ces fonctionnaires également ennemis de l'instruction et de la République, pour qui un instituteur ne pouvait commettre de plus grand crime que d'être dévoué au gouvernement que, par une étrange raillerie du sort, ils représentaient eux-mêmes, et qui, maîtres pour un jour et défiants du lendemain, frappaient d'autant plus durement les faibles qu'il fallait faire illusion sur leur propre faiblesse. » Et s'il était nécessaire de justifier ici ces sévères paroles, il suffirait de citer deux chiffres, parmi les faits invoqués dans ce rapport. Le nombre des peines disciplinaires dont ont été frappés les instituteurs a quadruplé de 1872, année du gouvernement régulier, à 1874, année d'ordre moral (chiffres exacts : 68 et 244) ; et, spécialement, les révocations ont passé de 8 à 40.
Un pouvoir qui s'est signalé par de tels excès a perdu toute considération et toute force. Du reste, il ne s'était introduit que subrepticement pour ainsi dire, dans notre législation : la grande loi du 15 mars 1850, qui donnait la nomination au conseil municipal et la révocation au recteur départemental, avait été précédée (11 janvier 1850) d'une petite loi (expression du ministre de Parieu), par laquelle le droit de révocation était transmis au préfet ; mais le gouvernement n'avait pu obtenir, malgré sa demande formelle, que ce fonctionnaire nommât les instituteurs. C'est cette petite loi, que l'Assemblée de 1849 ne se résigna à voter que pour une période d'exécution de six mois, véritable époque de terreur et de décimation, qui, singulièrement aggravée, est devenue, grâce au décret du 9 mars 1852 et à la loi du 14 juin 1854, la législation encore en vigueur.
La Commission a proposé d'en finir avec un état de choses universellement condamné, et de transférer au directeur départemental les droits actuels du préfet.
Nous nous sommes un peu étendu sur ce changement d'attributions, parce qu'il détermine la vraie raison d'être du directeur départemental. Nous ne repoussons pas absolument toute intervention des autorités municipales dans le choix de l'instituteur, et le degré de leur action est matière à controverse ; mais l'autorité prédominante donnée sur son personnel au chef départemental de l'instruction primaire, et sa libération vis-à-vis du fonctionnaire politique, étaient les conditions mêmes de son existence comme chef de service.
Nul doute qu'entre les mains d'un directeur investi par la loi de pouvoirs étendus, dévoué à sa fonction si élevée ; s'y consacrant exclusivement, et pénétré à la fois du sentiment de sa force et de sa responsabilité, l'instruction primaire ne reçoive, dans son personnel et dans ses méthodes, une vigoureuse impulsion. Quand les instituteurs sauront qu'ils sont à la fois sous la protection et sous la surveillance de leur chef naturel, qu'ils sont sévèrement responsables pour leurs devoirs professionnels et ne sont responsables que pour eux, ils reprendront confiance dans la justice de leurs supérieurs, confiance dans l'avenir, confiance en eux-mêmes, et n'auront plus d'autre souci que de se rendre dignes du beau titre qu'ils portent.
Mais pour que la création des directeurs départementaux de l'enseignement primaire amène tous ces enviables résultats, il faut que le choix de ces fonctionnaires soit entouré des plus sérieuses garanties.
Le chef du personnel de beaucoup le plus nombreux dans le département ne pourra lui commander avec assurance, et le protéger avec efficacité, que s'il est, de l'aveu de tous, au niveau de sa haute fonction. Or, il suffit d'énumérer les fonctionnaires publics qui, à côté de lui, sont domiciliés au chef-lieu du département, pour donner une idée de ce qu'il devra être lui-même. Préfet, général, ingénieur, président de tribunal, évêque, directeurs des services financiers, tels seront hiérarchiquement ses similaires, sinon ses égaux. Et il aura, en outre, plus qu'eux tous, si l'on excepte le préfet, à tenir compte des influences locales, à se défendre parfois contre les insistances de personnages politiques, conseillers généraux, députés, sénateurs.
Toutes ces difficultés exigent que le directeur départemental soit non seulement un homme compétent pour tout ce qui touche à l'administration et à la pédagogie, mais un homme d'une instruction solide et étendue, d'une tenue et d'une dignité de vie irréprochables, dont l'autorité personnelle soit au niveau de son autorité légale et qui mérite, pour prendre un mot de Pascal, « les respects naturels à côté des respects d'établissement ».
L'administration prendra de tels hommes là où elle les trouvera, à tous les degrés de la hiérarchie universitaire. Nous connaissons assez le personnel de ce corps admirable pour être certain qu'elle n'aura que l'embarras du choix ; d'autant plus que la situation de directeur départemental sera, à cause de l'indépendance et de l'autorité qu'elle confère, beaucoup plus recherchée que celle d'inspecteur d'académie.
M. Barodet demandait, dans sa proposition de loi, que ces situations fussent exclusivement réservées aux fonctionnaires de l'enseignement primaire. La Commission s'est refusée à adopter un système qui, en outre de ce qu'il présente d'injuste et d'étroit, aurait eu pour conséquence certaine de ruiner l'institution en abaissant son caractère. D'autres voulaient exiger du directeur départemental des grades universitaires élevés qui eussent éloigné de cette fonction tous les représentants de l'enseignement primaire : c'était un excès inverse, qui n'était plus justifié, comme aujourd'hui pour les inspecteurs d'académie, par la surveillance des lycées et facultés.
La Commission parlementaire a cru prendre toutes les précautions qu'il est possible de libeller en articles de loi en exigeant, en principe, du futur directeur départemental un diplôme de licencié ès lettres ou ès sciences, gage d'une forte instruction théorique, et un diplôme d'inspecteur primaire, qui prouve ses connaissances en pédagogie et en administration. Mais, à ce principe, nous avons admis deux exceptions (art. 70), qui pourront permettre l'accès d'emblée à cette haute fonction, soit à des professeurs de facultés ou de lycées en exercice depuis plus de cinq ans, soit aux inspecteurs primaires (et il faudra sans doute ajouter aux directeurs d'école normale primaire) en fonctions depuis plus de dix ans. Il ne nous a pas paru possible de préciser, de limiter davantage. Tels sont les motifs qui ont déterminé la Commission à soumettre aux Chambres, en 1879, la proposition de créer des directeurs départementaux de l'enseignement primaire. Nous devons dire qu'elle n'a rencontré qu'une seule objection méritant de fixer son attention. On l'a formulée en ces termes : « Est-il bon de rompre le lien, la connexité, qui existent aujourd'hui dans chaque département entre l'administration de l'enseignement primaire et celle de l'enseignement secondaire? » Présentée ainsi, l'objection est spécieuse, car il ne semble jamais bon, à priori, de rompre les liens existants entre des services en apparence aussi connexes. Mais si l'on retourne la question, et qu'on examine les intérêts des deux services, on s'aperçoit bien vite qu'il y a avantage pour tous les deux à avoir chacun une direction et une surveillance effectives et autorisées. Et l'avantage n'est pas moindre pour l'enseignement secondaire que pour l'enseignement primaire, comme nous avons essayé de le démontrer au cours de cet article.
Depuis l'époque où Paul Bert écrivait l'article ci-dessus, les choses sont restées en l'état : la loi du 30 octobre 1886, qui a réglé tout l'organisme de l'enseignement primaire et qui est toujours en vigueur, a maintenu aux préfets le droit, sous certaines conditions, de nommer, déplacer, révoquer les instituteurs, et remis aux inspecteurs d'académie la direction et la surveillance du personnel primaire pour tout ce qui est d'ordre pédagogique.
Mais, si les idées de Paul Bert n'ont pas abouti, elles ont pourtant laissé des traces. Il voulait, en premier lieu, soustraire les instituteurs « à l'action toute-puissante, et qui fut si souvent néfaste, d'un fonctionnaire politique », et les replacer sous les ordres de leurs chefs hiérarchiques et naturels. C'est une revendication qu'on n'a pas laissé prescrire : dans la presse, dans les congrès, il a été souvent demandé que la nomination des instituteurs fût rendue à l'Université, et des propositions de loi en ce sens ont été, notamment en 1894, soumises à la Chambre.
Quand il songeait à remplacer l'institution mixte et à plusieurs fins des inspecteurs d'académie par une direction spéciale à l'enseignement primaire (et. pour l'enseignement secondaire, par des inspecteurs résidant au chef-lieu de l'académie), Paul Bert avait pour but de rendre la direction des écoles primaires Plus effective, de mieux assurer la surveillance et administration de ce service départemental si important. Il souhaitait en outre que les fonctions d'inspecteur primaire cessassent d'être une impasse, que, pour diriger l'enseignement primaire, des origines primaires ne fussent pas un titre d'exclusion. Sur ces deux points encore, il a été suivi et même de beaucoup dépassé. Dans ces derniers temps, on a mis à instruire le procès de l'inspection académique une vivacité, une âpreté même, dont il était fort éloigné. C'est qu'il s'est produit dans le personnel primaire un mouvement par lequel il tend à se replier sur lui-même. Beaucoup de ses membres réclament l'autonomie pour leur ordre : « Le primaire aux primaires », tel est leur mot de ralliement. Paul Bert voulait que les directions départementales leur fussent accessibles : ils prétendent qu'elles leur soient exclusivement réservées. Dans un Manifeste lancé, le 14 décembre 1905, par l'Association amicale des professeurs des écoles normales de France, entre autres voeux figure le suivant : « Que l'administration de l'enseignement primaire soit organisée de telle sorte que nul ne puisse être appelé à diriger cet enseignement sans y avoir appartenu pendant un temps et dans des conditions à déterminer ». Comme conclusion d'un article publié par le Bulletin de l'Association des inspecteurs primaires et des directeurs d'écoles normales dans son numéro de juillet 1907, on lit ce qui suit : « Nous demandons. que toutes les directions départementales nous soient réservées, soit qu'on les donne sans examen, soit qu'on les mette au concours entre tous les fonctionnaires pourvus du certificat d'aptitude à l'inspection ».
On le voit, les idées de Paul Bert ont été, sinon la cause, du moins le point de départ d'un mouvement qui, à cette heure, paraît s'étendre, et qui, de quelque façon qu'on l'apprécie, a assez d'importance pour attirer et retenir 1 attention.
Maurice Pellisson