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Devoirs scolaires

On nomme ainsi tout travail écrit que l'élève doit exécuter comme suite et comme application d'une leçon exposée ou dirigée par le maître. Cet exercice, dont on a longtemps abusé dans les écoles, doit y être maintenu, parce qu'il offre un moyen de provoquer l'effort personnel des enfants, tout en assurant le contrôle de l'enseignement reçu.

Le choix judicieux des exercices écrits est une des parties essentielles de la préparation de la classe. Un visiteur expérimenté qui feuillette avec attention les cahiers de toute une classe est vite renseigné sur la valeur professionnelle du maître : il voit si le travail est mesuré à l'âge, au développement des facultés de l'élève, au temps employé, de manière à éviter tout surmenage ; il s'assure qu'il y a tout à la fois de l'ordre et de la variété dans la suite des sujets abordés ; il constate que toute besogne mécanique, machinale, a été évitée ; il se préoccupe enfin de la présence et de l'efficacité des corrections.

Toutes les matières du programme peuvent et doivent être l'objet d'exercices écrits. Dans les écoles bien organisées, on a pris l'habitude de dresser, pour chaque cours, le tableau du roulement, par semaine et par jour, des devoirs reconnus indispensables. C'est une bonne précaution qui régularise l'effort de tous.

Avec les plus jeunes élèves, malhabiles encore dans l'emploi de la plume et du cahier, le devoir scolaire se bornera à l'imitation d'un modèle d'écriture tracé au tableau noir et toujours expliqué ; à un exercice d'orthographe ou de français (copie ou dictée, vocabulaire, premiers éléments de grammaire) ; à quelques opérations ou problèmes de calcul ; au tracé d'un dessin.

Au fur et à mesure que les élèves grandissent, on peut leur demander davantage, sans perdre de vue, cependant, qu'il faut que le devoir soit toujours court et à la portée de la moyenne de la classe. La gradation portera de préférence sur la difficulté à vaincre, de manière à solliciter et à obtenir le travail individuel.

Il faut habituer l'enfant à ne compter que sur lui-même. Pour y parvenir, on emploie parfois un procédé spécial, qu'un exemple fera saisir. Deux énoncés de problèmes sont écrits au tableau noir ; après les explications préalables et nécessaires, données pour la classe entière, le maître donne l'un des problèmes à ceux des élèves qui occupent dans la salle une rangée d'ordre impair, tandis que ceux qui sont dans une rangée d'ordre pair résolvent l'autre problème. Chaque enfant se trouve ainsi isolé ; il échappe à la tentation de copier sur ses voisins, qui se livrent à un travail différent. Ce procédé, dit « de la double série », peut être généralisé pour les interrogations écrites portant sur les diverses leçons de la journée scolaire.

La forme du devoir a une très grande importance, si l'on songe à la correction. Le maître ne peut, en effet, s'imposer la tâche de corriger tous les devoirs des élèves, surtout dans les classes nombreuses. La question est ainsi réglée par l'article 4 de l'arrêté du 18 janvier 1887 : « La correction des devoirs et la récitation des leçons ont lieu pendant les heures de classe auxquelles se rapportent ces devoirs et ces leçons. Dans la règle, les devoirs sont corrigés au tableau noir, en même temps que se fait la visite des cahiers. Les rédactions sont corrigées par le maître en dehors de la classe. »

Sauf pour la rédaction, la correction doit donc être collective, chaque élève rectifiant son propre travail ou celui de l'un de ses camarades, après un échange mutuel de cahiers. Le rôle du maître consiste à diriger d'abord, à contrôler ensuite. Cette dernière opération réclame autant de vigilance que la première, afin de soutenir l'application des élèves. Il faut que l'enfant reste persuadé que l'oeil du maître ne sera jamais en défaut. Par le résultat d'ensemble obtenu, le maître est mis à même de constater s'il a été compris et suivi ; il sait ce qu'il lui reste à faire.

Ce mode de correction collective, qu'elle soit personnelle ou mutuelle, n'est possible et réellement profitable que si la forme donnée au devoir s'y prête ; on ne saurait, à cet effet, trop recommander les questions n'appelant que des réponses concises et déterminées ; les tableaux synoptiques, les tracés, les schémas, les croquis où ne figureront que des renseignements précis et en nombre limité. Ajoutons que la tâche de l'élève ne se résume plus ainsi dans un unique effort de mémoire : il lui faut associer des connaissances acquises et, par conséquent, rapprocher des idées, les comparer, juger, agir.

On conçoit, dès lors, quel vaste champ s'ouvre à l'initiative du maître, qui trouvera souvent dans les journaux pédagogiques de précieux éléments de préparation, mais rarement une adaptation parfaite, puisqu'elle varie avec l'auditoire et le milieu.

Si les devoirs sont bien choisis, s'ils « se rattachent toujours à une leçon dont le souvenir est présent à l'esprit de l'enfant », s'ils sont courts, rien ne s'oppose à ce que leur exécution rentre à peu près complètement dans le temps affecté à la journée scolaire. Les devoirs à la maison, dont on a parfois exagéré l'étendue et la portée (d'accord ou non en cela avec les familles), peuvent être, sans réel dommage pour les études, réduits le plus possible. Avec les plus jeunes élèves, il est même désirable qu'ils soient radicalement supprimés. Six heures de classe bien employées permettent d'atteindre le but, qui n'est pas de forcer la nature, mais de la diriger.

Avec les autres, il convient de se tenir dans une très sage mesure. L'école primaire est fréquentée par des enfants dont la famille appartient aux situations sociales les plus diverses : tel trouvera au foyer paternel une table pour écrire, un coin isolé où il pourra travailler en paix, sous la surveillance discrète de parents capables de le guider ; d'autres ne sauront où poser leur cahier et seront constamment troublés par le va-et-vient du ménage, par les cris ou les jeux des frères et soeurs. Au premier reviendront des éloges et des récompenses peu en rapport avec son mince mérite ; aux autres, des reproches et des punitions manquant au moins d'équité.

De plus, l'instituteur qui compterait sur le rendement de travaux exécutés dans des conditions si différentes s'exposerait à voir sa classe perdre à bref délai 1 homogénéité nécessaire à tout enseignement collectif. En voulant faire mieux, il risquerait de faire pis.

A beaucoup de travaux écrits, bien ou mal confectionnés, qu'on ne pourra corriger qu'imparfaitement et avec une hâte souvent fébrile, il est préférable de substituer l'usage régulier de leçons à étudier dans la famille, ainsi qu'un entraînement progressif vers ces lectures personnelles qu'une bibliothèque scolaire appropriée doit alimenter, pour le plus grand profit intellectuel et moral des élèves.

A quelque solution que l'on s'arrête, on n'oubliera jamais que l'école n'a pas seulement à instruire l'enfant, mais à faciliter son développement complet : cette jeune nature, souple mais fragile, toujours en croissance, a besoin de détente, d'activité libre. Laissons à l'élève le temps de jouer, de s'ébattre, de vivre ; ses études n'y perdront rien. ? Voir aussi Exercices scolaires.

Adolphe Dangueuger