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Déplacements

 Le changement de résidence d'une commune à une autre pour nécessité de service est prononcé à l'égard des instituteurs et institutrices titulaires par le préfet, sur la proposition de l'inspecteur d'académie (Loi du 20 octobre 1886, art. 29).

S'il s'agit d'instituteurs stagiaires, l'inspecteur d'académie, ayant seul qualité pour accorder la délégation, est également seul qualifié pour prononcer le déplacement (Décret du 18 janvier 1887, art. 19).

La loi du 30 octobre 1886 ne fait pas expressément mention, tout au moins en ce qui concerne le personnel des écoles primaires élémentaires, des déplacements par mesure disciplinaire.

En fait, cependant, un changement de résidence non sollicité par le fonctionnaire ni justifié par la transformation ou la suppression du poste qu'il occupe a, le plus souvent, le caractère d'une véritable pénalité.

Aussi a-t-il paru équitable d'entourer de sérieuses garanties l'application d'une mesure qui peut dans bien des cas causer un grave préjudice aux maîtres et maîtresses qui en sont l'objet.

Notons, tout d'abord, que la loi du 30 octobre 1886 protège toute une catégorie de fonctionnaires de l'enseignement primaire contre l'arbitraire en pareille matière. En effet, aux termes de l'article 31 de ladite loi, les directeurs et directrices des écoles primaires supé-Heures et écoles manuelles d'apprentissage, ainsi que les professeurs des écoles primaires supérieures, ne peuvent être déplacés par le ministre qu'après avis motivé du Conseil départemental.

Quant aux instituteurs, ils bénéficient comme tous les fonctionnaires civils et militaires des dispositions de l'article 65 de la loi de finances du 22 avril 1905, qui prescrit, en cas de « déplacement d'office », la communication préalable à l'intéressé « de toutes les notes, feuilles signalétiques ou autres documents » qui composent son dossier : Voir Dossiers (Communication des). En outre, la circulaire du 6 avril 1906 a institué, à leur profit, une véritable procédure destinée à prévenir tout abus. Voici les instructions que le ministre a adressées à cette date aux préfets. En raison de leur importance, nous croyons devoir les reproduire in-extenso :

« A plusieurs reprises, le Parlement s'est ému des doléances des instituteurs au sujet du préjudice qui leur est causé par la fréquence et la multiplicité des « déplacements d'office » prononcés par l'administration départementale. Il s'est préoccupe de rechercher les remèdes que comporte une situation digne de toute sa sollicitude ; il lui a paru qu'il était nécessaire de donner des garanties solides à un personnel soucieux de sa dignité professionnelle et que l'inquiétude d'un arbitraire possible, en l'absence d'un recours régulier, prive du calme d'esprit indispensable à l'exercice de ses fonctions.

« En attendant que ces bienveillantes intentions aient le temps de se traduire en un texte législatif, j'ai pensé qu'il était possible, dès à présent, de parer, sans désarmer l'administration, aux plus graves des inconvénients dont se plaignent les instituteurs, et qu'il vous suffira, pour y parvenir, d'appliquer strictement les instructions que j'ai l'honneur de vous adresser.

« Le déplacement d'office, par mesure de disgrâce,

peut être prononcé par le préfet, sur la proposition de l'inspecteur d'académie, pour les motifs suivants :

« Pour insuffisance professionnelle et manquements de conduite graves de l'instituteur ;

« Parce que son maintien dans une commune risquerait de compromettre au regard des familles les intérêts de l'école laïque.

« Toutes les fois que vous jugerez nécessaire un déplacement d'office, vous aurez soin de prévenir par écrit l'intéressé de la mesure que l'on se propose de prendre à son égard en lui faisant connaître les motifs qui vous paraissent exiger son changement. Cinq jours lui seront laissés pour présenter par écrit sa justification ; sur sa demande, et conformément aux prescriptions de l'article 65 de la loi de finances de 1905, communication lui sera donnée des pièces de son dossier.

« Cette communication aura lieu par l'intermédiaire de l'inspecteur d'académie, soit au chef-lieu du département dans les bureaux de l'inspection académique, soit dans le bureau de l'inspecteur primaire de la circonscription, de façon à éviter aux intéressés des déplacements trop lointains. Tout en rappelant que la loi a prévu une communication « personnelle et confidentielle », vous prescrirez que le loisir nécessaire soit laissé aux instituteurs et institutrices pour prendre connaissance complète de leurs dossiers. Il vous sera remis par chaque intéressé un récépissé de cette communication.

« Il est bien entendu que vous ne tiendrez aucun compte des dénonciations qui visent le fonctionnaire, à moins qu'elles ne soient signées : dans ce cas. elles seront jointes au dossier de l'intéressé pour qu'il puisse en prendre connaissance.

« C'est seulement quand vous serez en possession de ces renseignements et après enquête, s'ils sont contradictoires, que, d'accord avec l'inspecteur d'académie, vous vous prononcerez dans un large esprit d'équité et de bienveillance, avec le double souci de concilier l'intérêt particulier de l'instituteur et les intérêts généraux dont vous avez la charge.

« Si l'instituteur se trouve lésé par la mesure que vous aurez prise, la faculté lui reste ouverte d'un recours au ministre de l'instruction publique. Vous lui donnerez les moyens pratiques d'en user. Ce recours n'aura pas le caractère suspensif. Vous me le transmettrez le plus rapidement possible en y joignant tous les documents qui seront de nature à m éclairer sur l'affaire.

« Vous devez prévoir que l'instituteur, après avoir transmis régulièrement par écrit ses explications, croira, s'il est membre d'une association amicale d'instituteurs de son département, devoir charger le bureau de cette association d'intervenir auprès de vous pour présenter plus efficacement sa défense. Plusieurs de vos collègues m'ont demandé, dans ce cas, la ligne de conduite à suivre.

« Les associations d'instituteurs ont une existence légale ; vous ne devez ni les ignorer, ni négliger le parti que vous pouvez tirer de cette organisation. Il ne s'agit pas de créer un rouage administratif nouveau, de permettre, entre l'autorité et le fonctionnaire, l'interposition d'un pouvoir non prévu par la loi et qui prétende s'imposer. Il s'agit plus simplement de rendre l'autorité accessible à tous ceux qui ont besoin de recourir à elle et qui le font avec le sentiment de déférence que vous êtes en droit d'attendre ; il s'agit surtout de mettre à profit une source précieuse d'informations, qui pourra confirmer ou rectifier votre opinion, et servir à la manifestation de la vérité et de la justice. C'est dans ces sentiments que vous accueillerez les délégués de l'association, que vous vous entretiendrez avec eux, et que vous parviendrez souvent à dissiper les malentendus que des points de vue très différents peuvent faire naître entre les fonctionnaires et l'administration.

« Dans le même ordre d'idées, j'attacherais un grand prix à ce que, toutes les fois qu'il vous paraît que la situation d'un instituteur ou d'une institutrice risque de devenir difficile dans une commune, vous mettiez l'inspecteur d'académie au courant des renseignements que vous avez recueillis et que vous l'invitiez à s'entretenir de la question avec les intéressés. Cette intervention, qui n'aura aucun caractère officiel et où les instituteurs verront seulement la preuve de l'intérêt vigilant qu'on leur porte, permettra de leur donner d'utiles conseils, et aussi de recevoir d'eux des éclaircissements qui vous mettront à même d'apprécier justement les faits. Vous pourrez ainsi prévenir des conflits regrettables, en même temps que cette manière d'agir fortifiera certainement la confiance du personnel à l'égard de ses chefs.

« J'appelle enfin votre attention toute particulière sur le préjudice grave qui résulte, pour le personnel, du retard apporté trop souvent à la publication du mouvement. Le moment le plus opportun pour y procéder est la fin de l'année scolaire, c'est-à-dire le commencement du mois, d'août C'est celui que vous choisirez. Il importe que dans les huit jours qui suivront l'ouverture des vacances, au plus tard, les instituteurs et les institutrices qui doivent être déplacés soient fixés avec précision sur le poste qui leur est attribué. Ils auront ainsi tout le temps nécessaire pour s'informer des avantages et des inconvénients de la résidence que vous leur avez assignée, pour solliciter les permutations possibles, pour s'installer sans hâte et en ménageant leurs modestes ressources, pour faire connaissance avec un milieu nouveau et préparer la rentrée scolaire. D'autre part, les études des enfants ne seront pas interrompues et troublées par un changement de maîtres en cours d'année. « J'ai lieu de croire, Monsieur le préfet, que, si mes instructions sont suivies point par point et dans l'esprit de sincère sympathie pour les instituteurs qui les a inspirées, vous donnerez dès maintenant satisfaction à la plupart des voeux dont mon administration a été saisie ; et vous calmerez les légitimes inquiétudes qu'a fait naître dans le personnel l'irritante question du déplacement d'office. »

Il est à remarquer qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne vise les déplacements des directeurs et professeurs d'écoles normales. On doit en conclure que le ministre a le droit de déplacer ces fonctionnaires sans autre formalité que la communication préalable de leurs dossiers dans les conditions prévues par l'article 65 de la loi de finances du 22 avril 1905.