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Délégués cantonaux

 La loi du 30 octobre 1886 (articles 9 et 52) a mis au nombre des attributions du Conseil départemental la désignation d'un ou plusieurs délégués résidant dans chaque canton pour surveiller les écoles publiques et privées du canton.

Le Conseil départemental détermine également les écoles particulièrement soumises à la surveillance de chacun d'eux.

Nul ne peut être délégué cantonal s'il n'est Français et âgé de vingt-cinq ans au moins. Aucun chef ou professeur d'un établissement quelconque d'instruction primaire ne peut être délégué cantonal. (Décret du 18 janvier 1887, articles 136 et 137.)

Les délégués sont nommés pour trois ans. Ils sont rééligibles et toujours révocables. Chaque délégué correspond tant avec le Conseil départemental, auquel il doit adresser ses rapports, qu'avec les autorités locales pour tout ce qui regarde l'état et les besoins de l'enseignement primaire dans sa circonscription.

Les fonctions de délégué cantonal sont gratuites, mais les délégués cantonaux jouissent de la franchise postale (sous bandes contresignées) à l'égard du préfet, du sous-préfet, du recteur, de l'inspecteur d'académie, des inspecteurs primaires, et, pour la circonscription cantonale, des maires, des instituteurs et institutrices publics.

Un délégué cantonal peut, lorsqu'il n'est pas membre du Conseil départemental, assister à ses séances avec voix consultative pour les affaires intéressant les écoles de sa circonscription.

Les délégués se réunissent au moins une fois tous les trois mois au chef-lieu de canton, sous la présidence de celui d'entre eux qu'ils désignent, pour convenir des avis à transmettre au Conseil départemental (Loi du 30 octobre 1886, art. 52).

A Paris, les délégués nommés pour chaque arrondissement par le Conseil départemental se réunissent au moins tous les mois sous la présidence du maire ou d'un de ses adjoints par lui désigné (Même loi, art. 53).

Les inéligibilités et les incompatibilités établies par les articles 32, 33 et 34 de la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale sont applicables aux membres des délégations cantonales (Même loi, art. 57).

En conséquence, ne peuvent être nommés délégués cantonaux : 1° les individus privés du droit électoral ; 2° ceux qui sont pourvus d'un conseil judiciaire ; 3° ceux qui sont dispensés de subvenir aux charges communales et ceux qui sont secourus par le bureau de bienfaisance ; 4° les domestiques attachés exclusivement à la personne. Ne peuvent être nommés membres de la délégation cantonale dans le ressort où ils exercent leurs fonctions : 1° les préfets, sous-préfets, secrétaires généraux, conseillers de préfecture ; 2° les commissaires et les agents de police ; 3° les magistrats des cours d'appel et des tribunaux de première instance, à l'exception des juges suppléants auxquels l'instruction n'est pas confiée ; 4° les juges de paix titulaires ; 5° les comptables des deniers communaux et les entrepreneurs de services municipaux ; 6° les instituteurs publics) 7° les employés de préfecture et de sous-préfecture ; 8° les ingénieurs et les conducteurs des ponts et chaussées, chargés du service de la voirie urbaine et vicinale, et les agents voyers ; 9° [les ministres en exercice d'un culte légalement reconnu] (abrogé) ; 10° les agents salariés de la commune, parmi lesquels ne sont pas compris ceux qui, étant fonctionnaires publics ou exerçant une profession indépendante, ne reçoivent une indemnité de la commune qu'à raison des services qu'ils lui rendent dans l'exercice de cette profession.

Les délégués cantonaux n'ont entrée que dans les écoles soumises spécialement par le Conseil départemental à la surveillance de chacun d'eux.

Ils communiquent aux inspecteurs de l'enseignement primaire tous les renseignements utiles qu'ils ont pu recueillir.

Mais leur inspection est réduite à des objets bien déterminés : elle porte, dans les écoles publiques, sur l'état des locaux et du matériel, sur 1 hygiène et la tenue des élèves. Elle ne peut jamais porter sur l'enseignement. (Décret du 18 janvier 1887, articles 138 et 140.)

Les délégués cantonaux peuvent être consultés sur la convenance des locaux que les communes sont obligées de fournir pour la tenue de leurs écoles publiques ; sur la fixation du nombre des écoles à établir dans les communes, et sur l'opportunité de la création d'écoles de hameau ; sur les demandes de création d'emplois d'instituteur adjoint et d'institutrice adjointe (Décret du 18 janvier 1887, art. 139).

D'autre part, le décret du 7 avril 1887 (articles 4 et 21) fait une obligation au préfet de consulter la délégation cantonale lorsqu'il s'agit de la création ou de la suppression d'une école ou d'une classe malgré l'avis défavorable ou l'absence d'avis du conseil municipal. Enfin, les délégués cantonaux sont appelés à faire partie du jury chargé d'examiner les enfants qui reçoivent l'instruction dans la famille (Loi du 28 mars 1882, art. 16).

Les dispositions règlementaires qui visent spécialement la mission d'inspection confiée aux délégués cantonaux ont été commentées dans deux circulaires ministérielles fort importantes, où les intéressés peuvent trouver tous les éclaircissements et les conseils nécessaires à l'accomplissement de leurs fonctions. La première, en date du 25 mars 1887, est adressée aux préfets. Elle a surtout pour objet « de prévenir une confusion d'attributions qui affaiblirait tous les services scolaires sans en fortifier aucun. Il s'agit d'établir clairement les relations qui doivent exister entre le délégué cantonal, l'inspecteur primaire et l'instituteur. »

Entrant dans le détail du rôle dévolu aux délégués cantonaux, les instructions de 1887 le précisent et le définissent de la façon suivante :

« Aujourd'hui l'enseignement primaire a sa loi organique ; il possède un ensemble de programmes dont les grandes lignes sont inscrites dans la loi elle-même et dont le détail a été réglé par les Conseils universitaires légalement charges de ce soin. L'inspection est partout organisée et partout obligée de suivre de très près les règlements spéciaux qui régissent les écoles publiques. 11 est donc moins que jamais nécessaire que le délégué cantonal intervienne dans les programmes, ait le droit de modifier les exercices scolaires, de se prononcer sur telle méthode, tel procédé, tel livre, tel manuel, d'organiser des concours entre écoles ou des compositions entre élèves.

« Le Conseil supérieur n'a rien entendu faire de nouveau en rappelant au délégué cantonal qu'il n'est pas l'inspecteur de l'enseignement primaire : on pourrait plutôt l'appeler l'inspecteur de l'éducation. Le service que la société attend de lui, ce n'est pas de corriger des dictées ou des problèmes, de classer des copies d'élèves ou de mettre à l'épreuve le savoir des maîtres : on l'a chargé d'un office beaucoup moins précis, il est vrai, mais bien autrement délicat et dont l'importance ne peut lui échapper. Il entre dans une classe, lui qui vient du dehors : il est impossible qu'il ne soit pas frappé de certains traits que, peut-être, ni l'instituteur ni l'inspecteur ne remarquent plus. Plus sûrement que personne, il appréciera la tenue des élèves, l'entrain de la classe, l'ardeur ou l'inertie qui s'y trahit, les habitudes d'attention, d'ordre, de ponctualité, l'affection et la confiance que le maître a su inspirer, l'esprit enfin qui règne à l'école et qui se lit partout, sur les visages et dans les cahiers.

« Arme-t-il inopinément? Ce n'est pas en faisant tout suspendre pour ouvrir une sorte de séance d'apparat qu'il se renseignera le mieux ; c'est en demandant aux maîtres de vouloir bien continuer sans rien changer : moins il troublera l'ordre de la classe, mieux il jugera au fond le maître et les élèves. Veut-il prendre part à une interrogation, adresser quelques questions aux élèves? Veut-il examiner les cahiers, les devoirs, les cartes, les dessins? Veut-il, surtout — ce qui est, en matière d'enseignement, le plus grand service qu'il . puisse rendre et la source d'information par excellence qu'il doit consulter — examiner l'ensemble des cahiers de devoirs mensuels, ces cahiers où chaque élève écrit, en quelque sorte à son insu, mois par mois, l'histoire de son éducation, et grâce auxquels on pourra, d'ici à peu d'années, quand on saura s'en servir couramment, avoir sous les yeux, pour ainsi dire, l'image vivante de la classe et le tableau irrécusable de ses progrès? Tout est à sa disposition, et il fera bien de témoigner qu'il s'intéresse à tout dans l'école. Qu'il se souvienne seulement que, s'il doit s'efforcer de tout voir, de tout entendre, de tout observer, ce n'est pas au point de vue technique de l'homme du métier, mais à un point de vue plus général, celui de la famille et de la société. Que nos instituteurs eux-mêmes n'oublient pas que notre enseignement primaire public ne doit pas tendre à s'isoler, à s'enfermer, à se défendre contre l'incessante intervention de la société, contre les critiques, les observations, le contrôle du dehors. Aussi, bien loin de vouloir restreindre l'action des délégations cantonales, devons-nous tout faire pour l'encourager et l'étendre. Plus la famille s'intéresse à l'école, plus l'école est sûre de prospérer. L'idéal, en cette matière, ne serait-il pas que l'école fût, pour ainsi dire, ouverte perpétuellement aux regards de la famille, et la famille sans cesse invitée à aider le maître dans sa tâche par un concours effectif et journalier?

« Mais pour s'aider il faut, avant tout, éviter de se contredire ; et, pour cela, il faut que chacun comprenne bien son rôle et s'y maintienne, résistant scrupuleusement à la tentation d'accroître son prestige et d'accaparer une part d'autorité qui ne lui est pas dévolue. La « surveillance » confiée aux délégués du Conseil départemental et 1' « inspection » confiée aux inspecteurs spéciaux nommés par le ministre ne sont pas, ne doivent pas être une seule et même chose. Voulons-nous que les visites des diverses autorités scolaires fassent du bien et ne fassent que du bien? Appliquons-nous à écarter toute chance de conflit entre les autorités, toute occasion de désarroi dans la marche de l'école, tout motif d'inquiétude ou de froissement pour l'instituteur.

« Comme tous ceux qui se sont occupés d'enseignement, les délégués cantonaux savent bien que le véritable ressort de l'école, ce n'est pas le règlement, , le programme, le livre, ce n'est pas même l'inspection ou la surveillance administrative, c'est un homme, c'est l'instituteur.

« Et, pour qu'il remplisse joyeusement sa tâche, il lui faut, avant tout, le sentiment de sa liberté, de sa responsabilité, de son initiative. Un peu d'inspection aide et stimule ; trop d'inspection paralyse. C'est assez d'un supérieur hiérarchique à qui l'instituteur doit compte de tous les détails de sa vie professionnelle ; il ne faudrait pas que toutes les autres autorités instituées par la loi, préfet, maire, conseillers et délégués, se transformassent, à ses yeux, en autant d'inspecteurs primaires.

« C'est cette méprise que le Conseil supérieur a voulu prévenir. Conformément à une tradition constante, il n'a entendu limiter l'autorité du délégué cantonal que dans les questions qui touchent aux méthodes d'enseignement et à la marche règlementaire des exercices de chaque classe. Vous n'aurez aucune peine, j'en suis sûr, Monsieur le préfet, à expliquer, soit au Conseil-départemental, soit à MM. les délégués cantonaux, les dispositions règlementaires qui ne sont destinées qu'à affermir, bien loin de la diminuer en quoi que ce soit, la mission de confiance qu'ils veulent bien accepter, comme représentants de la société auprès de l'école, et comme patrons de l'école auprès de la société. »

De ces instructions, aussi complètes et aussi précises que le comporte la matière, il convient de rapprocher, comme nous l'avons dit plus haut, une autre circulaire, celle du 10 juillet 1895, éloquent appel adressé directement par le ministre aux membres des délégations cantonales, des caisses des écoles et des commissions scolaires au sujet des services que ces divers comités peuvent rendre pour l'instruction des enfants et l'instruction des adultes. Ne pouvant reproduire ici in-extenso les développements donnés par le ministre à cette idée, que les institutions scolaires créées par les lois ne peuvent vivre et prospérer qu'avec le concours de Bonnes volontés agissantes, et qu'un trait d'union est nécessaire entre l'école, la famille et la société, nous nous bornerons à citer le passage où le caractère général de la mission confiée à la délégation cantonale se trouve rappelé :

« Délégués cantonaux, vous portez avant tout votre sollicitude sur les besoins matériels de l'école, dont vous êtes les avocats devant les autorités scolaires et municipales. Vous réclamez en sa faveur le concours des communes. Mais vous avez, d'autre part, sur l'école elle-même une légitime influence.

« Sans doute, vous ne devez pas aspirer à faire double emploi avec l'inspecteur primaire, encore moins à lui faire concurrence en matière d'études, ou à contrôler ses conseils pédagogiques. Aujourd'hui que les programmes de l'école sont arrêtés avec une entière précision par les autorités que la loi a chargées de ce soin, il ne vous appartient pas de vous ingérer dans la répartition des matières d'enseignement, dans l'appréciation des méthodes, des livres, des matériels en usage : ce serait organiser l'anarchie que de placer à chaque instant l'instituteur entre deux chefs dont l'avis pourrait différer.

« Mais que de services il vous est possible de rendre à l'instituteur et à l'inspecteur primaire en ce qui concerne l'éducation! Un bon délégué cantonal, c'est peut-être le témoin le mieux placé pour suivre les effets de l'école sur l'écolier, car il les suit hors de la classe, il constate si les enfants ont pris à l'école et gardent dans la vie quotidienne les habitudes d'ordre, de politesse, de respect, de travail, si les leçons de morale qu'ils reçoivent sont restées à la surface ou ont pénétré ; il peut remarquer tel point où leur éducation laisse a désirer, recueillir les observations ou les plaintes des familles, ou au contraire témoigner de leur satisfaction. Il peut parler aux enfants et il peut parler d'eux non en professeur, mais en père de famille, en ami de leurs parents. »