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Cours pratique des salles d’asile ou école pape-carpentier

Le Cours pratique des salles d'asile eut pour objet de former des directrices et sous-directrices des salles d'asile. Nous trouvons son berceau rue Neuve-Saint-Paul, n° 12, dans le quartier Saint-Antoine ; la charité privée créa cette école en 1846, sous le nom de Maison d'études pour les salles d'asile, et en fit d'abord tous les frais.

Une femme au coeur ardent, Mme Jules Mallet, dont la vie s'est dépensée en bonnes oeuvres, et un généreux philanthrope, Denys Cochin, voulaient introduire, dans les asiles de Paris, la méthode des Infants' schools ; à leur demande, Mme Millet se rendit en Angleterre pour y étudier la pratique de ces écoles de l'enfance, et recueillir tous les renseignements utiles. Au retour de celle-ci, la Maison d'études fut fondée ; une jeune institutrice dont l'habileté était éprouvée, et qui devait devenir célèbre, Mlle Marie Carpantier (plus tard Mme Pape-Carpantier, fut appelée à diriger le cours normal. M. de Salvandy, neveu de Mme Jules Mallet, était alors ministre de l'instruction publique ; il prit la nouvelle oeuvre sous son patronage ; sa circulaire aux préfets (20 août 1847) indique avec précision le but de l'institution : « S'assurer par une surveillance continue, exercée pendant plusieurs années, du caractère et de l'aptitude de chaque candidate, reconnue préalablement digne, par la pureté de sa vie antérieure, de la mission qu'elle doit remplir, l'éducation de l'enfance ; lui enseigner tout ce qu'elle doit savoir pour la remplir convenablement ; former ainsi des directrices pénétrées de la sainteté de leur tache, et aussi des sujets capables de pourvoir ultérieurement aux besoins de l'inspection, tel est le but qu'on s'est proposé d'atteindre ».

En 1848, la Maison d'études changea de nom et. reçut un caractère public : « Il est intitué, près l'académie de Paris, une Ecole maternelle normale pour l'instruction des fonctionnaires des écoles maternelles, en remplacement de la maison provisoire établie à Paris, rue Neuve-Saint-Paul. 11 s'y fera tous les ans deux cours d'études, chacun de quatre mois, y compris les examens. Une école maternelle sera annexée à l'école normale. » (Arrêté du 28 avril 1848.)

Cet arrêté, qui portait la signature du ministre Hippolyle Carnot, reconnaissait en même temps les salles d'asile comme établissements d'instruction publique, tandis que l'ordonnance du 22 décembre 1837 les avait qualifiés Etablissements charitables.

Ce titre si justifié d'Ecole normale fut remplacé en 1852 par celui de Cours pratique des salles d'asile. Ce changement fut demandé par la Commission de surveillance ; on voulait par cette dénomination préserver l'établissement de la défaveur dont étaient frappées alors les écoles normales.

Plus tard, mieux avisée et sous une autre inspiration, la Commission de surveillance demanda à l'unanimité que le ministre rendît au Cours pratique son premier titre d'Ecole normale (6 octobre 1866).

Enfin, le 19 décembre 1878, au titre de Cours pratique est désormais joint le nom de Mme Pape-Carpantier [qui en 1874 avait été écartée de la direction de l'Ecole par le ministre de Cumont] ; un décret rendu sur le rapport de M. Bardoux, ministre de l'instruction publique, consacre ainsi « la mémoire de l'institutrice renommée qui a dirigé le cours avec une grande compétence pendant vingt-sept ans ». Le Cours pratique des salles d'asile, est-il dit au décret, prendra le nom d'Ecole Pape-Carpantier (Cours pratique des salles d'asile).

A l'origine, en 1847, la maison d'études de la rue Neuve-Saint-Paul était placée sous la surveillance d'un comité de dames choisies dans la Commission supérieure des salles d'asile (cette commission est devenue plus tard le Comité central de patronage des salles d'asiles, 16 mai 1854). En 1848, lorsqu'elle devint Ecole normale, un arrêté ministériel (7 septembre institua une Commission spéciale de surveillance. U) arrêté ultérieur (13 avril 1849) détermina les altributions de cette commission.

Les fonctionnaires de l'Ecole normale étaient à l'origine (arrêté du 28 août 1848) :

1° Une directrice des éludes, chargée spécialement des services relatifs à la direction des écoles maternelles ;

2» Une maîtresse d'instruction scolaire ;

3° Une maîtresse de musique ;

4° Une maîtresse de dessin ;

5° Un économe.

Un arrêté ministériel (8 janvier 1850) supprima l'économat, et chargea la directrice des fonctions d'économe ; mais par une autre décision (1er juillet 1873), et sur la demande de la Commission de surveillance, un agent spécial fut chargé de la tenue de la comptabilité ; un des membres de la Commission fit fonction d'ordonnateur des dépenses.

Il n'existait pas en 1848 d'école annexe. La directrice donnait dans l'École normale un enseignement théorique, dont les élèves allaient suivre l'application dans une salle d'asile de Paris. Cette lacune fut comblée en 1851, lorsque l'Ecole fut transférée rue des Ursulines, où elle se trouve encore au moment où nous écrivons le présent article (1880).

L'arrêté du 13 avril 1849, portant règlement pour la distribution de l'enseignement, le partagea en exercices pratiques et en leçons théoriques :

« Les exercices pratiques auront pour objet de familiariser les élèves surveillantes avec les procédés suivis dans les salles d'asile les mieux dirigées. Ces exercices auront lieu dans un asile spécial dit école pratique, annexé à l'Ecole normale et destiné a recevoir les enfants de l'un et l'autre sexe, dont le nombre sera fixé par la Commission de surveillance.

« Les leçons théoriques auront pour objet : 1° L'instruction morale et religieuse ; 2° l'exposé des procédés qui doivent être suivis dans les salles d'asile ; 3° l'enseignement des notions scolaires applicables aux salles d'asile ; 4° le chant élémentaire ; 5° les éléments du dessin linéaire applicable aux objets les plus usuels ; 6° la connaissance des dispositions règlementaires qui concernent les salles d'asile. »

L'organisation actuelle ne fut réalisée que successivement par les compléments de cours jugés nécessaires ; ainsi, l'établissement du cours de géographie en mai 1857, et l'adjonction de maîtres externes.

Le personnel de l'Ecole se composait, en 1879, outre la directrice et l'aide-économe, de trois maîtresses adjointes résidant dans la maison et enseignant : 1° le français et le calcul ; 2° la géographie avec notions historiques, et la couture ; 3° la musique vocale ; et de deux professeurs externes d'instruction religieuse et de dessin.

La directrice était chargée de la lecture, de l'enseignement pédagogique, des notions d'hygiène applicables à l'enfance ; elle faisait connaître, en outre, les principaux règlements d'enseignement primaire, notamment les règlements des salles d'asile.

L'Ecole, à l'origine, admettait des élèves boursières internes et externes ; jusqu'au mois de juillet 1875, époque de la fusion des deux cours en un seul, le nombre des élèves externes fut relativement assez considérable ; mais l'externat était reconnu comme une source de difficultés pour la discipline et de trouble pour les études ; la Commission de surveillance, sans écarter absolument les externes, décida qu'il fallait se montrer sévère pour leur admission, et les demandes d'externat devinrent très rares et finirent par ne plus se produire.

Il y avait au début, comme en l'a vu, deux cours par an, dont chacun durait quatre mois et devait conduire ses élèves à l'examen du certificat d'aptitude. Un arrêté pris en Conseil supérieur de l'instruction publique avait réglé, le 5 avril 1850, les conditions imposées pour " l'admission à l'Ecole, et fixé le programme de l'examen que devaient subir les aspirantes. Les choses restèrent ainsi jusqu'en 1875 : mais depuis longtemps la faiblesse des épreuves d'admission pour nombre d'aspirantes, et les difficultés croissantes de l'examen pour le certificat d'aptitude, montraient l'insuffisance de la durée de quatre mois assignée au cours. Un grand nombre d'élèves ne pouvaient être présentées à l'examen final ou y échouaient ; elles sollicitaient une seconde bourse pour un deuxième cours, parfois même une troisième. La Commission demanda bien des fois que les deux cours fussent réunis en un seul ; son voeu fut enfin entendu. Un arrêté du 30 juillet 1875 décida qu'il n'y aurait plus qu'un seul cours annuel, d'une durée de huit mois ; le programme de l'examen d'entrée fut revisé, et l'examen devint plus sérieux. Un arrêté d'avril 1878 fixa l'ouverture du cours au 15 octobre et sa terminaison au 15 juin. Il en résulta dans les études une suite et un enchaînement qui n'avaient pas été possibles avec deux cours. L'enseignement théorique s'éleva, et l'on eut le temps de se mieux familiariser avec la méthode et les exercices des salles d'asile ; le succès des élèves aux examens pour le certificat, dans les années qui suivirent, attesta ces deux résultats.

Depuis sa création en 1847 jusqu'en 1879, l'Ecole a reçu 1792 élèves, dont 872 ont obtenu à Paris le certificat d'aptitude, et 50 environ, ayant échoué à Paris, se sont présentées avec succès dans les départements. Depuis la fusion des deux cours, 102 élèves sur 132 ont réussi aux examens ; le nombre des échecs a diminué chaque année ; on n'en a compté que deux dans la session de 1879, et encore l'une des ajournées est une Suédoise qui était complètement ignorante du français au commencement du cours. Quatre autres de ses jeunes compagnes, venues comme elle de la Suède, mais déjà habituées à notre langue, ont subi l'examen avec succès.

Ce n'est qu'en 1851, nous l'avons déjà dit, que l'Ecole fut transférée dans le bâtiment de la rue des Ursulines, bâtiment qui, l'année suivante, devint la propriété de l'Etat. D'importants travaux y furent exécutés en 1856, sans pouvoir toutefois donner satisfaction à tous les besoins ; en présence du nombre croissant des élèves, les divers locaux, classes, dortoirs, réfectoire, devenaient d'année en année trop petits. La question d'un nouveau transfert fut souvent agitée. L'année 1873 fut marquée sous ce rapport par une grande amélioration ; sur la demande et le rapport motivé du président, l'Etat fit l'acquisition d'une maison contiguë ; les travaux de réparation et d'appropriation furent commencés en octobre ; au printemps de 1874, le Cours pratique fut enfin installé d'une manière plus conforme à ses besoins. Toutefois, de nouvelles installations eussent encore été nécessaires pour améliorer le service et recevoir un plus grand nombre d'élèves.

Il eût fallu surtout que la salle d'asile annexe, si défectueuse, fût elle-même tout un enseignement, et offrît aux élèves, futures directrices, un type dont le souvenir pût les guider plus tard dans l'exercice de leur profession et dans les avis quelles pourraient avoir à exprimer pour la construction ou les aménagements des asiles.

Si le local laisse tant à désirer sous le rapport de l'installation, un enseignement non moins profitable aux élèves-maîtresses qu'aux enfants en rachète les vices matériels. L'Ecole applique la méthode française (règlement du 22 mars 1855), telle que l'ont voulue les règlements et sur laquelle portent les examens : les chants des enfants, les évolutions en cadence qui les récréent, et donnent satisfaction à leur besoin de mouvement, et surtout la leçon de choses qui met si vivement l'esprit et l'âme des enfants en communication avec l'institutrice, sont d'excellents procédés éducatifs. Elle n'ignore pas toutefois la méthode Froebel ; les élèves ne quittent pas le cours sans en connaître la théorie et les principaux exercices, ceux des jeux dont l'application est le plus pratique ; l'asile emprunte même à cette méthode quelques exercices, notamment le dessin sur ardoise et les papiers quadrillés. Une commission (arrêté du 29 octobre 1879) étudie un projet de revision de l'organisation de l'enseignement dans les salles d'asile: on voudrait, sans changer en rien la condition d'établissement des asiles, en modifier dans certains cas la direction pédagogique, de manière à diminuer la distance qui sépare l'asile de L'école proprement dite (Circulaire du 30 octobre 1879).

[AD. MOURIER.]

Nous complétons l'article ci-dessus, écrit en 1880 par M. Mourier, le prédécesseur de M. Gréard, en achevant l'histoire de l'Ecole Pape-Carpantier. La circulaire du 30 octobre 1879 annonçait implicitement le décret qui fut rendu le 22 juillet 1882. Désormais, l'Ecole Pape-Carpantier fut destinée à former, non plus des directrices de salles d'asile, mais « des directrices et des professeurs pour les cours normaux d'écoles maternelles, institués dans diverses académies, soit comme établissements indépendants, soit comme annexes de l'école normale». « L'Ecole — ajoutait le décret — est gratuite ; elle se recrute au concours ; elle est entretenue au moyen de bourses fondées par l'Etat, par les départements, par les communes ou par les particuliers. »

Le décret régla les conditions d'âge : « Vingt ans au moins, trente ans au plus » ; les conditions de capacité : « Etre pourvue du certificat d'aptitude à la direction des écoles maternelles, et, en outre, soit du brevet supérieur, soit du brevet élémentaire complété par le certificat d'aptitude pédagogique, et avoir pris l'engagement de se consacrer pendant dix ans à l'enseignement public ».

L'examen comprit deux sortes d'épreuves : 1° Des épreuves écrites éliminatoires, subies au chef lieu du département, sous la présidence de l'inspecteur d'académie, et consistant en une composition sur une matière prise dans le programme des écoles maternelles, et une composition sur une question de méthode appliquée a l'éducation de la première enfance ; 2° Des épreuves orales, consistant en interrogations, lecture expliquée, et correction d'un devoir d'élève-maîtresse.

Toute aspirante admise après concours à l'Ecole de Fontenay put opter pour l'Ecole Pape-Carpantier et y entrer sans nouvel examen.

Le programme d'enseignement de l'Ecole Pape-Carpantier ainsi renouvelée comprit : Un cours de psychologie et de morale appliquées à l'éducation, et un cours d'histoire critique des doctrines pédagogiques portant particulièrement sur l'éducation de la première enfance ; des cours sur les diverses matières enseignées dans les cours normaux des écoles maternelles ; des conférences et des exercices pratiques, tant à l'école même que dans les écoles maternelles et les classes enfantines ; des notions sur la législation et l'administration des écoles maternelles et des classes enfantines.

Par décret du 28 juillet 1882, l'Ecole Pape-Carpantier fut transférée à Sceaux (Seine), dans les bâtiments de l'ancienne sous-préfecture. Elle fut placée, pour tout ce qui concernait les études, sous l'autorité de l'inspecteur général chargé de la direction des éludes à l'Ecole normale supérieure de Fontenay.

En 1885 nouvelles dispositions. Le concours d'entrée à l'Ecole Pape-Carpantier s'adressa désormais à deux séries de candidates : à celles qui sollicitaient leur admission dans cette école ; à celles qui sollicitaient soit une nomination, soit une délégation provisoire comme directrice d'école annexe. On voit ici que l'administration cherchait encore la voie où diriger l'Ecole Pape-Carpantier. « Les aspirantes doivent être pourvues du brevet supérieur et être âgées de vingt ans au moins, de vingt-cinq ans au plus. Il pourra cependant être accordé une dispense d'âge aux institutrices que MM. les recteurs jugeraient particulièrement dignes d'une telle exception. »

L'examen se composa d'épreuves écrites et d'épreuves orales. Les épreuves écrites furent au nombre de deux, savoir : une composition française (lettre, récit, analyse, etc.), une question de pédagogie ayant trait à Ta pratique scolaire (enseignement ou discipline). Les aspirantes qui désiraient, en outre, faire constater leur aptitude à une délégation pour l'enseignement scientifique ou littéraire dans les écoles normales, ou aux fonctions d'économe, étaient invitées à en l'aire la demande d'avance ; et, dans ce cas, elles avaient à subir une troisième épreuve écrite (sur une question de littérature, sur une question de sciences, ou sur une question de comptabilité des écoles normales) et une épreuve orale (mêmes matières).

La liste dressée par le jury devait comprendre trois séries distinctes : 1° aspirantes admises a l'Ecole Pape-Carpantier ; 2° aspirantes jugées aptes à enseigner dans les écoles annexes ; 3° aspirantes jugées aptes à enseigner par délégation à titre provisoire dans les écoles normales.

En même temps les élèves admises à l'Ecole Pape-Carpantier pourraient — durant leur séjour d'une année à l'Ecole — suivre quelques cours de l'Ecole de Fontenay ; elles pourraient ainsi, tout en s'occupant de l'enseignement élémentaire des écoles normales, s'acheminer au professorat de ces écoles.

L'Ecole Pape-Carpantier n'en avait pas encore fini avec les réorganisations. Par arrêté du 10 septembre 1886, elle fut « destinée à former des directrices d'écoles primaires et maternelles annexes » ; elle était transférée à Versailles et placée sous l'autorité du vice-recteur de l'académie de Paris. Elle dut comprendre : 1° Des cours spéciaux ; 2° Des exercices communs avec l'école normale d'institutrices de Versailles et avec l'école annexe. A leur sortie de l'école, les élèves pouvaient recevoir, après examen, un certificat de sortie attestant les aptitudes dont elles auraient fait preuve pour les écoles annexes. Ces tâtonnements de l'administration étaient la conséquence logique du décret du 14 janvier 1884, qui avait affecté les écoles normales d'institutrices à la formation, non seulement du personnel enseignant des écoles primaires, mais aussi du personnel enseignant des écoles enfantines. L'administration en vint à juger que l'Ecole Pape-Carpantier n'avait plus de raison d'être, et elle fut supprimée par décret le 8 janvier 1891. Peut-être les plus fervents partisans de cette suppression la regrettent-ils aujourd'hui, et rêvent-ils de voir l'Ecole Pape-Carpantier reconstituée et orientée vers une direction mieux adaptée aux nécessités de la pédagogie enfantine.

Pauline Kergomard