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Courdin (J)

Cet auteur, qui n'est guère connu que par ses Entretiens patriotiques sur la constitution civile du clergé (Paris et Béziers, 1791, in 8°), a publié en 1792 un autre opuscule intitulé : Observations philosophiques sur la réforme de l'éducation publique, dédiées à MM. les administrateurs du département de l'Hérault (Montpellier, in-8°, 116 p.). On rencontre dans cet ouvrage quelques idées remarquables comme tentative d'application pratique de la méthode naturelle, inspirée par l'Emile. Courdin ramène le problème de l'éducation à ces termes : « Déterminer les moyens de faire naître, dans les Français, des qualités physiques et morales en rapport avec la nouvelle constitution ». Pour atteindre ce but, Courdin n'enseigne pas, il fait découvrir ; même en morale, il substitue l'initiative de l'élève à la prescription du maître: ce n'est pas par un catéchisme de morale qu'il formera les futurs citoyens, c'est « en les environnant d'exemples et d'objets qui les accoutumeront à penser et à sentir patriotiquement ».

Il va si loin dans cette foi à la « méthode de la nature et de l'expérience », qu'il veut faire faire aux enfants l'apprentissage de la vie civique en les organisant comme une sorte de république en miniature : « Elevez cette multitude dans le sein d'une égalité parfaite, ne mettant entre les individus d'autre distinction que celle de la vertu et de la science. Que tous les enfants soient récompensés en argent, selon leur mérite et leurs travaux de corps et d'esprit. Obligez-les d'acheter de leurs gains des choses nécessaires à leur entretien (par exemple leurs habits en tout ou en partie, ou d'autres objets dont ils ne peuvent se passer), de payer les services qu'ils exigeront des domestiques, d'acquitter une contribution pour les dépenses générales de leur gouvernement social. Alors les enfants se trouveront dans une telle position, qu'ils seront punis de leur paresse par les privations qui en seront la suite nécessaire, qu'ils sentiront le besoin de l'application, du travail, de l'économie, de se donner des secours mutuels, de tenir inviolablement leurs engagements, de faire des sacrifices pour le bien commun de tous, d'obéir à la loi, expression de la volonté générale. »

De même dans toutes les parties de l'enseignement, il se préoccupe, non des connaissances à acquérir, mais « de la méthode à suivre pour faire contracter à l'esprit des habitudes productrices des talents ». Ainsi en grammaire, « la pratique de la langue française et non la théorie » ; en matière de sciences, « le nom viendra toujours après l'objet observé et jamais avant ; l'idée viendra du fait et après le fait observé ; et le mot ne viendra jamais avant, mais après l'idée qu'il doit énoncer, conserver et peindre ». C'est ainsi, dit l'auteur, que procédait alors Chaptal dans ses cours de chimie à Montpellier ; il se félicite d'être son disciple. « On a jusqu'ici, dit-il, fait tout au rebours. On commence par de longs discours, de longues explications qui ne fixent guère l'attention des jeunes gens : on ne montre point de choses aux sens ; mais on dit beaucoup de mots, et les élèves les reçoivent, les adoptent, les répètent sans les avoir entendus, et ce n'est pas leur faute. Sans voir la chose représentée, comment attacher une juste valeur aux signes représentants? Ainsi les enfants apprennent à parler sans penser, se font des idées fausses et défectueuses, et ne savent jamais ni penser avec précision, ni raisonner avec justesse. Dans mon système d'éducation, les élèves verront les objets de toutes les sciences, et ils les verront dans tous les objets qui les environnent. C'est sur ces objets et non sur les livres qu'ils étudieront à l'aide de mes leçons. »

De plus, les élèves qui se destinent à des métiers « iront dès l'âge de neuf ans travailler dans l'atelier d'un maître et contracter dès l'enfance des habitudes relatives à la profession qu'ils veulent embrasser ».

Citons encore deux traits qui font honneur à Courdin Il croit à l'avenir de la pédagogie : « La science de l'éducation, qui est encore au berceau, se développera si on laisse un libre essor au génie des instituteurs ». Enfin, plus avancé que beaucoup de ses contemporains, il fait la part aussi large à l'instruction des femmes qu'à celle des hommes : « Pour le développement des facultés morales et intellectuelles, dit-il, je ne connais pas deux méthodes différentes. Cultivez le coeur et l'esprit des filles comme on cultive aujourd'hui leur figure, et la moitié de la vie que les femmes passer)* à la toilette, elles la passeront à penser, à réfléchir, à élever leurs enfants ». ? Mais, sous le nouveau régime, « quels seront les ministres de l'éducation des filles? ? Des hommes mariés et leurs femmes ».