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Cosmographie

Ce mot signifie description de l'univers. La cosmographie a donc en vue le même objet que l'astronomie ; mais c'est la partie purement descriptive de cette science. Nous définirons la cosmographie en disant que c'est l'astronomie descriptive.

Mais la description des phénomènes célestes peut et doit s'entendre de deux manières, selon que l'on envisage les phénomènes apparents, les mouvements que constate la simple observation, ou que l'on considère les mouvements réels, tels que la science est arrivée à les démêler à travers les complications des apparences. L'explication raisonnée de ces deux ordres de phénomènes est le but propre que doit se proposer l'instituteur, eu faisant son cours de cosmographie.

Nous exposerons ici les raisons qui nous semblent militer en faveur de l'introduction de la cosmographie parmi les matières de l'enseignement primaire, élémentaire et supérieur.

La première de ces raisons n'a pas besoin d'être longuement développée. C'est la nécessité, pour toute étude tant soit peu sérieuse de la géographie, de certaines notions très précises de cosmographie. Comment faire comprendre, en effet, à l'élève, la manière de fixer les positions des lieux terrestres en longitude et en latitude, sans qu'il sache quelle est la forme et quelle est la dimension de la terre, pourquoi l'on y distingue des pôles, un axe, un équateur et des parallèles, et, par suite, sans qu'il se rende compte exactement des mouvements de rotation et de translation? Les nuits et les jours, leurs variations, les saisons et les climats n'auraient évidemment pour lui aucun sens, si ce double mouvement lui était inconnu.

Cela est si évident pour tout le monde, qu'il n'est pas un traité de géographie, si élémentaire qu'il soit, qui ne débute par une page ou deux de notions cosmographiques. Malheureusement ces notions sont généralement si peu développées, et quelquefois le sont d'une façon si inexacte, qu'il n'en peut rien rester de précis dans l'esprit de l'élève. La méthode d'exposition de la géographie ayant, du reste, subi un changement complet qui, de synthétique qu'elle était, l'a fait devenir analytique, il y aurait peut-être avantage à réserver la cosmographie pour la fin ou le complément du cours. Ce serait, en tout cas, plus logique.

Que les notions de cosmographie soient considérées dans les écoles comme une introduction au cours de géographie, ou au contraire comme un complément de ce cours, il n'importe. Dans l'un et l'autre cas, ce sont des notions nécessaires, et toute la question est de savoir dans quelle mesure elles devraient ou pourraient être développées : c'est l'instituteur qui sera le meilleur juge de ce qu'il y aura de possible, selon l'intelligence et la culture de ses élèves.

Nous pourrions nous borner aux considérations qui précèdent pour justifier l'introduction de la cosmographie dans le programme de l'enseignement primaire. Mais il est d'autres raisons qui militent en faveur de cette innovation au moins autant que les premières. En effet, des connaissances relatives à notre planète, à ses mouvements, aux mouvements de la lune, aux éclipses de lune et de soleil, ne sont pas moins utiles à chacun de nous que celles qui sont plus spécialement géographiques. Les phénomènes en question sont à tout instant devant nos yeux, et nous affectent, par leurs conséquences météorologiques, au moins autant que ce qui intéresse des régions de la terre et des populations que nous n'aurons le plus souvent jamais occasion de voir, et avec lesquelles nous n'aurons généralement que des relations fort indirectes. Ainsi, au point de vue de l'utilité immédiate et pratique, les notions de cosmographie n'ont pas pour nous une moindre importance que celles de géographie.

Mais si nous nous plaçons à un point de vue plus élevé, si nous envisageons l'importance de la cosmographie au point de vue de la culture générale, de la philosophie, alors l'intérêt de cette science, introduite dans l'instruction populaire, devient considérable. Sous une forme simple, sensible, intelligible, chaque enfant acquiert et, devenu adulte, conserve une idée nette de la demeure où il est fixé. Il apprend la place qu'occupe la terre dans le monde, le rôle subordonné que notre planète joue dans le groupe d'astres qui circulent comme elle autourdu soleil ; il comprend que tous ces corps sont soumis aux mêmes lois, dont la constance et la régularité lui présentent le plus beau spectacle d'ordre et d'harmonie qu'il puisse contempler. Il voit que les mêmes lois régissent d'innombrables autres mondes semblables au nôtre, et que l'unité subsiste avec une variété indéfinie de combinaisons. Il est certain que de telles notions, jointes à celles qui font connaître les phénomènes généraux de la physique terrestre, peu à peu répandues dans les masses populaires, seraient les plus propres à détruire cette multitude de préjugés, les uns ridicules, les autres honteux, et toutes ces superstitions dégradantes, qu'on trouve encore comme des restes de l'ignorance des époques de barbarie.

Il est vrai qu'il ne suffit pas de désirer une telle extension dans les programmes de l'enseignement, il faut encore examiner si elle est possible et pratique. Pour cela, il faut voir si la cosmographie même la plus élémentaire peut être fructueusement enseignée dans les écoles.

On sait qu'elle l'est déjà, si l'on entend par là les bribes de données cosmographiques que l'on trouve dans les plus petits traités et clans les atlas. Tout d'abord, il est bien évident qu'il y aurait lieu de commencer par développer ces notions ; mais il faut pour cela des maîtres. Il faut donc, au préalable, que les instituteurs aient eux-mêmes reçu un enseignement cosmographique sérieux, d'autant plus sérieux qu'ils auront tout d'abord à le réduire, pour leurs élèves, au strict nécessaire, aux éléments. C'est donc aux écoles normales et a leurs professeurs à donner cet enseignement cosmographique et à l'étudier au point de vue pédagogique. Les connaissances nécessaires pour cet enseignement se réduisent, en définitive, outre les notions ordinaires du calcul arithmétique, à la géométrie, notamment à la géométrie de la sphère. Il n'y aurait donc là aucune innovation à introduire, et nous pouvons en dire tout autant des écoles primaires de degré soit élémentaire, soit supérieur, puisque de telles notions d'arithmétique et de géométrie se trouvent dans leurs programmes.

L'exemple, à cet égard, nous est donné par les nations étrangères. Aux Etats-Unis, en Allemagne, des ouvrages très élémentaires de cosmographie ou d'astronomie sont admis dans les écoles, qui ne manquent pas d'y joindre les appareils propres à faire comprendre les divers phénomènes, On s'efforcera de parler aux yeux, de deux manières : 1° toutes les fois que cela est possible, par l'observation directe ; et heureusement les phénomènes de cosmographie accessibles à l'observation sont assez nombreux pour qu'il n'y ait aucune difficulté sérieuse de ce côté ; 2° des appareils très simples, des cartes, des expériences élémentaires faites avec les objets les plus usuels, serviront à passer de l'observation des faits à leur explication mécanique ou cosmologique.

Ces deux modes d'enseignement n'ont qu'un inconvénient, le premier surtout, c'est qu'ils exigent du temps, et que les observations ne peuvent pas évidemment se plier ici aux nécessités des leçons. Il en est qui ne sont qu'accidentelles, comme celles des éclipses, des comètes, etc. ; d'autres qui, pour se succéder, exigent tout le cours d'une année. Mais il est bien évident que ce ne sont point là des raisons d'impossibilité. Un maître intelligent trouvera toujours l'occasion de placer une explication, d'appeler l'attention de ses élèves sur les faits à mesure qu'ils se présenteront à eux, dans le cours naturel des choses.

Quant aux démonstrations rigoureuses, mathématiques, elles seront évidemment ou très rares ou nulles. Mais ce qui ne devra point être laissé dans le vague, ce qu'il faudra définir et faire voir clairement, ce sont les notions premières qui touchent à la géométrie. Les plus simples propriétés de la sphère pourront être démontrées ou du moins montrées, sans qu'il y ait nécessité que l'élève ait suivi, dans tout l'enchaînement de ses propositions, un cours de géométrie. Tous ceux qui connaissent ces matières savent qu'il n'y a pas là de difficulté essentielle ; mais ils savent aussi que plus l'instruction de l'élève sera développée à ce point de vue, plus il sera possible au professeur de pénétrer avant dans les explications, plus le cours qu'il fera pourra être complet et rigoureux.

Enfin, quant à la place que la cosmographie ainsi comprise devra occuper dans les programmes, elle se trouve tout indiquée, nous semble-t-il, par les considérations précédentes. Si ce n'est qu'une introduction ou qu'un complément de la géographie, ce sera un chapitre placé soit au commencement, soit à la fin du ce cours. S'il s'agit d'un cours séparé, plus ou moins complet, la cosmographie viendra immédiatement après les cours d'arithmétique et de géométrie, formant la première partie des notions de physique et d'histoire naturelle que comporte l'enseignement primaire, soit élémentaire, soit supérieur.

Des notions de cosmographie figurent au programme des écoles normales. Pour les indications contenues à ce sujet dans les programmes, voir l'article Astronomie.

Amédée Guillemin