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Cormenin (Louis-Marie de la Haye vicomte de)

Cet écrivain qui, sous le nom de Timon, se fit, pendant le règne de Louis-Philippe, une si grande renommée comme pamphlétaire, n'appartient qu'incidemment à la pédagogie ; mais il serait injuste de passer sous silence quelques écrits à l'usage de l'enfance, échappés à sa plume originale, et les efforts qu'il a faits, à certaines époques de sa longue carrière, en faveur d'oeuvres importantes d'instruction et d'éducation.

Cormenin, né à Paris le 6 janvier 1788, mort dans cette même ville le 6 mai 1868, fut successivement auditeur au Conseil d'Etat sous le premier Empire, maître des requêtes à la Restauration, député de l'opposition de 1828 à 1846, membre de l'Assemblée nationale en avril 1848, et. en avril 1849, membre du Conseil d'Etat. Il protesta contre le coup d'Etat de 1851, mais se soumit ensuite au « voeu populaire ». En 1855, un décret impérial le fit entrer à l'Académie des sciences morales.

Ses nombreux pamphlets, relatifs pour la plupart à la liste civile, aux dotations et aux apanages demandés par le roi, ainsi qu'à la querelle des ultramontains et des gallicans, ont eu beaucoup d'éditions. Son Livre des orateurs ou Etudes sur les orateurs parlementaires n'a pas eu moins de succès. D'autre part, de savants ouvrages de droit, dont Cormenin est l'auteur, notamment les Questions de droit administratif, font encore aujourd'hui autorité dans la jurisprudence. Enfin un livre d'économie politique présenté sous une forme populaire : les Entretiens de village, dont une partie avait paru d'abord sous le titre de Dialogues de maître Pierre, a été couronné par l'Académie française.

Tout cela n'est pas, à proprement parler, de notre ressort. Mais Cormenin a publié en 1838 une petite brochure de 12 pages, ayant pour titre Le maître d'école (in-18, chez Pagnerre), dans laquelle, devançant une forme d'enseignement qui n'a obtenu droit de cité que plus tard dans nos écoles primaires françaises, il expose aux enfants, d'une façon familière et vive, les principes généraux de la morale, particulièrement de la morale considérée au point de vue social et patriotique.

Un article fort intéressant du Manuel général de l'instruction primaire (juin 1847) le montre occupé dès 1842 à créer, dans plusieurs départements, des ouvroirs campagnards, destinés aux femmes et aux filles de la campagne, où l'on devait mener de front l'instruction primaire élémentaire et le travail des mains, et d'autre part des veillées-ouvrairs, pour combattre les dangers des veillées, qui « gâtent ou perdent à peu près autant de jeunes filles que les cabarets gâtent et perdent de garçons ». « Qu'y a-t-il à faire, dit Cormenin, pour remédier à l'abus des veillées ordinaires où se pêlent mêlent les filles et les garçons? Il y a, partout où les populations agglomérées en permettent l'essai, à installer d'abord la veillée dans les salles d'école ou de mairie ; à n'en ouvrir la porte qu'aux femmes et aux filles âgées au moins de sept à huit ans, sans aucun mélange d'hommes ; à donner pour surveillants disciplinaires à ces personnes rassemblées le maître d'école et sa femme ; à ne pas laisser inoccupés les doigts de ces femmes, soit parce qu'elles y viendront raccommoder leurs bardes, y filer, y coudre, y tricoter, y marquer, y ourler ; soit parce que le soin diligent des maires peut procurer aux plus pauvres du chanvre à filer, à dévider, ou tout autre ouvrage. Vous procureriez ainsi aux femmes qui en manquent (dans les longues et glaciales soirées de l'automne et de l'hiver) du feu, de la lumière, du travail et de la société. J'insiste sur ce dernier mot, de la société ; car je ne sais pourquoi l'on priverait les pauvres du commerce et du la douceur d'une honnête compagnie dont jouissent les riches. » Et le tout, selon le calcul de Cormenin, coûterait pour une saison 51 francs.

En 1849, à la suite d'un voyage en Italie, Cormenin publia un important mémoire sur les salles d'asile de ce pays, et sur l'institution des salles d'asile en France. Les conclusions de ce mémoire (Manuel général de l'instruction primaire, numéro de juillet 1849) contenaient d'excellents conseils au point de vue de l'administration, de l'hygiène et de l'enseignement.

Charles Defodon