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Corée

De la Corée primitive il reste seulement des traces ; la civilisation barbare des tribus anciennes, et des « trois royaumes » qui ont suivi, a presque disparu devant une culture plus haute venue de la Chine. C'est dans le dernier tiers du quinzième siècle que les apports étrangers, certainement plus anciens, deviennent manifestes ; à cette époque des bonzes, pour la plupart chinois (l'un de ces premiers missionnaires portait un nom sanscrit, mais le nom ne prouve pas absolument pour l'origine de l'homme), vinrent prêcher le bouddhisme et répandre les traductions chinoises des sûtra et autres livres du canon ; la langue et l'écriture chinoises s'introduisirent donc sous l'égide de la religion dans un pays dépourvu d'écriture indigène, et avec elles les classiques chinois, les historiens, les poètes. L'importation des livres chinois, et, par ce canal, de la pensée et des coutumes étrangères, devint une invasion quand l'un des « trois royaumes », le Silla, allié à la Chine des Thang, eut à son profit (668) fait « l'union » de la péninsule ; sous la dynastie suivante, celle de Korye (918-1392). et sous celle qui règne actuellement, les institutions et les moeurs sont de plus en plus exactement calquées sur le modèle chinois, tant pour la vie privée ou intellectuelle, culte domestique, condition de la famille, systèmes philosophiques, formes littéraires, que pour les lois, la justice, l'administration, l'organisation de l'Etat. Le bouddhisme, qui avait amené la civilisation de l'Ouest, fut prédominant à l'époque du Korye et eut encore un grand rôle jusqu'au quinzième siècle ; depuis lors il a été persécuté dans ses biens, dans son clergé: les bonzes sont devenus une classe vile ; leurs ennemis, les lettrés adhérents du confucianisme, ont régenté souvent la cour ; puis, animés d'un esprit sectaire, ils se sont déchirés entre eux, contribuant avec l'invasion étrangère à la ruine du pays. Le désordre régnait partout dans le petit royaume, annulant toutes les forces sociales, toutes les intelligences et les bonnes volontés, quand les rivalités de la Chine, de la Russie et du Japon se dénouèrent au profit de ce dernier (traité de Portsmouth, septembre 1905).

Les concours chinois ont été imités comme les autres institutions, mais sous une forme ancienne, à peu près celle qui existait à l'époque des Thang (618-907) ; ils portent sur les mêmes auteurs qu'en Chine, et depuis le dixième siècle doivent fournir à l'Etat ses mandarins. Mais les habitudes coréennes ont transformé les institutions chinoises, en particulier sur deux points importants. La société est partagée en classes héréditaires ; seule l'aristocratie des yang pan peut arriver aux fonctions ; les examens, à la chinoise, sont ouverts à tous, mais les charges ne sont données qu'aux nobles, et le principe même de-concours est détruit. La langue parlée est le coréen, idiome agglutinant, essentiellement distinct du chinois ; la langue de la haute administration, de la littérature, de la philosophie est le chinois classique plus ou moins correct: le lettré dédaigne le parler indigène et se confine dans un langage mort, appauvri, inadéquat : il est donc, encore plus que son confrère chinois, sevré de la vie réelle, égaré dans les abstractions livresques. Tour les études primaires, il existe quelques ouvrages faciles rédigés en chinois avec traduction coréenne ; il a été l'ait pour les élèves les plus avancés des pseudo-traductions des classiques chinois ; la méthode d'instruction est à peu près la même qu'en Chine, aggravée par le fait que tous les exercices se font dans une langue totalement étrangère et imparfaitement connue. En langue indigène il n'existe guère que des romans, des chansons, des manuels d'astrologie, de médecine à l'usage du bas peuple et des femmes ; le coréen s'écrit au moyen d'un alphabet très simple inventé vers 1443 par le roi Seitchong ; un lettré rougirait d'être vu tenant dans les mains un livre de ce genre. Depuis 1895 environ, le préjugé contre la langue vulgaire est légèrement battu en brèche.

En Corée comme en Chine, ce sont les missionnaires occidentaux qui ont introduit une éducation différente. Les Missions étrangères, au milieu du dix-neuvième siècle, ont formé des séminaristes et leur ont donné une instruction scientifique sérieuse ; leur oeuvre, anéantie par les massacres de 1866, n'a pu être reprise qu'après 1884 ; assez rapidement quelques bons interprètes de français ont été instruits Le vicaire apostolique des Missions étrangères projette présentement une école complète d'instruction moderne, qui s'ouvrira bientôt. En 1896, une école avec un directeur français fut fondée aux frais du gouvernement coréen ; elle compta une moyenne de cent élèves, mais ne survécut pas à l'occupation japonaise.

L'oeuvre pédagogique la plus importante par le nombre des instituts et par les notions, peu approfondies d'ailleurs, qui ont été répandues dans l'esprit des Coréens, est celle des missionnaires américains ; les Missions presbytérienne et méthodiste épiscopale, bien vues du gouvernement, qui ne pardonnait pas facilement aux missionnaires catholiques d'avoir été massacrés par lui, ont ouvert à partir de 1883 une école d'interprètes, un collège secondaire, une école normale, une école médicale, des écoles primaires pour les garçons et pour les filles ; on y enseigne l'anglais, le droit international, l'économie politique, l'histoire, les sciences, etc. Ces établissements paraissent subsister jusqu'à présent, les Japonais n'ayant pas encore eu le loisir de réorganiser l'instruction publique.

Bibliographie : MAURICE COURANT, Bibliographie coréenne, 4 vol. grand in-8, Paris, 1894-1901. ? LE MEME, La Corée (extrait des Guides Madrolle), 1 plaq. in-18, Paris, 1904. ? LE MEME, Eludes sur L'éducation et la colonisation, Bibliothèque internationale de l'enseignement supérieur, vol. X, in-12, Paris, 1904.

Maurice Courant