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Cordier (Mathurin)

Humaniste et professeur distingué du seizième siècle, né en Normandie en 1479. «Il consacra sa longue vie à enseigner les enfants, à Paris, à Nevers, à Bordeaux, à Lausanne, à Neuchâtel et à Genève, où il mourut le 8 septembre 1564, à l'âge de quatre-vingt-cinq ans. Il avait les qualités d'un excellent régent, tout occupé de ses devoirs, et aussi soigneux de former ses écoliers à la sagesse qu'à la bonne latinité. « (Notice biographique en tête de l'édition des Colloquia publiée à Neuchâtel en 1819.) Au collège de la Marche, à Paris, il avait été le professeur de Calvin, qui lui témoigna toujours une très grande estime et lui dédia un de ses ouvrages.

Au point de vue pédagogique, Cordier mérite surtout un souvenir à cause d'une tentative de réforme en partie heureuse, en partie chimérique : très frappé des défauts de l'enseignement tel que l'avait fait la scolastique, et que le pratiquaient encore presque tous les collèges dans la première moitié du seizième siècle, il crut trouver le remède dans un mode d'étude qui devait, suivant lui, avoir pour effet de faire apprendre le latin comme une langue vivante, tout en enseignant aux élèves des préceptes de morale et un certain nombre de notions usuelles. Ses Colloquia scholastica contenaient un choix de phrases latines, d'une difficulté graduée, que les élèves apprenaient par coeur et s'adressaient les uns aux autres pour s'exercer à parler latin en classe. Dans les différents postes qu'il occupa, notamment à Neuchâtel, le vieux Cordier appliqua, paraît-il, avec succès sa méthode, qui conserva un grand renom longtemps après lui. Il y a cinquante ans, ses colloques latins étaient encore en usage dans la Suisse française, et on les retrouverait peut-être dans quelques petits collèges.

Cordier est aussi l'auteur d'un petit traité intitulé Le Miroir de la jeunesse. Ce livre est aujourd'hui introuvable, et on n'en connaît l'existence que par la mention qu'en ont faite La Croix du Maine et du Verdier. Voici le passage de La Croix du Maine relatif à cet ouvrage : « Il a écrit en français le Miroir de la jeunesse, imprimé à Poitiers, l'an 1559, pour Pierre et Jean Moines frères. Ce livre a été depuis imprimé à Paris par Jean Ruelle et autres, l'an 1560, sous le nom de Civilité puérile. » Du Verdier, énumérant les ouvrages de Mathurin Cordier, cite « le Miroir de la jeunesse pour la former à bonnes moeurs et civilité de vie, imprimé à Paris, in-16, par Jean Bonnefous ; » il n'indique pas la date de la publication.

Plusieurs bibliographes ont identifié avec le Miroir de la jeunesse un petit livre imprimé à Paris en 1560, et qui jouit d'une certaine célébrité comme rareté typographique ; nous voulons parler de l'ouvrage intitulé : La Civile honnesteté pour les enfants. Avec la manière d'apprendre à bien lire, prononcer et escrire : qu'avons mise au commencement. A Paris, de l'imprimerie de Richard Breton, rue S. Jacques, à l'Escrevisse, 1560. Avec privilège. Cette identification ne repose que sur l'autorité du passage de La Croix du Maine reproduit ci-dessus ; car aucun bibliophile moderne n'ayant vu le Miroir de la jeun esse, il n'a pas été possible de comparer les deux ouvrages et de constater par ce rapprochement si la Civile honnesteté est réellement une reproduction du Miroir. Or, l'interprétation faite du passage de La Croix du Maine nous semble abusive ; il dit, en effet, à propos du Miroir : « Ce livre a été depuis imprimé à Paris par Jean Ruelle et autres, l'an 1560, sous le nom de Civilité puérile ». Pour que les mots et autres pussent s'appliquer avec certitude à l'imprimeur Richard Breton, il faudrait que le titre du livre imprimé par Breton fût la Civilité puérile, et non pas la Civile honnesteté.

Ajoutons un argument décisif. On a cru et répété que la Civile honnesteté ne portait pas de nom d'auteur. Or, en examinant l'exemplaire qui figure dans les vitrines du musée typographique de la Bibliothèque nationale, où il est exposé à titre de spécimen du caractère de civilité, nous avons constaté que l'auteur s'est nommé dans la dédicace, dont voici le début : a très haut et illustre prince et seigneur monseigneur Lienor d'Orléans, duc de Longueville, marquis de Rothelin, comte de Dunois, Neuchâtel, et Tancarville, prince de Chastelaillon, grand chambellan et connes-table heredital de Normandie. C. Calviac, humble salut. » (Suit le texte de l'épître dédicatoire.)

L'auteur de la Civile honnesteté n'est donc pas Mathurin Cordier, mais C. Calviac. En revanche, Cordier conserve sans contestation la paternité du Miroir de la jeunesse : seulement son livre est introuvable, comme le constate Barbier, qui déclare n'avoir jamais pu le voir.