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Conservatoire des arts et métiers.

Le Conservatoire des arts et métiers a un double objet ; il est un musée industriel et un établissement d'instruction. Comme musée, il comprend les collections, la bibliothèque et le dépôt des brevets d'invention ; comme établissement d'instruction, les cours publics et gratuits de sciences appliquées aux arts ; il comprenait en outre, jusqu'en 1874, la petite école. Vaucanson, en mourant (1782), avait légué au gouvernement la collection de machines et d'outils qu'il avait formée, dès l'année 1775, dans l'hôtel de Montagne, rue de Charonne. L'hôtel de Mortagne fut achetée par l'Etat ; Vandermonde, membre de l'Acaémie des sciences, fut nommé conservateur de ce musée industriel, que, de 1785 à 1792, il enrichit de plus de cinq cents machines. C'était l'époque où les manufactures, sans employer encore les moteurs à vapeur, commençaient à introduire quelques perfectionnements dans l'outillage mécanique des fabriques, à l'exemple de l'Angleterre.

En exécution des décrets de la Convention des 12, 15 et 18 août 1793, le ministre de l'intérieur, Paré, nomma trente-six commissaires chargés de designer dans le mobilier national les objets qui pouvaient être utiles ; aux lettres, aux sciences et aux arts. Ces commissaires constituèrent la Commission temporaire des arts, qui, définitivement organisée par le décrêts des 28 frimaire et 18 pluviôse an II, comprenait au nombre de ses membres Molard, Hassenfratz, Vandermonde, Beuvelot.

La Commission s'occupa non seulement des objets d'art, qui furent conservés et distribués entre les musées, mais des machines de l'agriculture et de l'industrie, dont elle réunit une nombreuse collection dans l'hôtel d'Aiguillon, rue de l'Université. La pensée vint de faire de cette collection un musée public, comme l'avait été le musée Vaucanson, et sur la proposition du Comité d'instruction publique fut rendu le décret du 19 vendémiaire an III (10 octobre 1794), portant :

«ARTICLE PREMIER. ? Il sera formé à Paris, sous le nom de Conservatoire des arts et métiers, et sous l'inspection de la Commission d'agriculture et des arts, un dépôt de machines, modèles, outils, dessins, descriptions et livres de tous les genres d'arts et métiers ; l'original des instruments et machines inventés ou perfectionnés sera déposé au Conservatoire.

« ART. 2. ? On y expliquera la construction et l'emploi des outils et machines utiles aux arts et métiers. »

Trois démonstrateurs et un dessinateur devaient être attachés à l'établissement. La Commission exécutive de l'agriculture et des arts était chargée de se concerter avec le Comité des finances pour le choix du local où devait être placé le Conservatoire.

On songea d'abord au palais du Luxembourg, puis au garde-meubles. Ce ne fut qu'en l'an VI que le Conservatoire, par la loi du 22 prairial, obtint la jouissance de l'ancien prieuré de Saint-Martin des Champs. Il en prit possession en germinal an VII ; l'année suivante, les modèles et machines déposés à l'hôtel d'Aiguillon, au Louvre, et à l'hôtel de Mortagne, y furent installés. Les trois démonstrateurs étaient alors J.-B. Leroy, Conté et Molard ; le dessinateur, Beuvelot. En l'an IX, le Conservatoire fut placé sous l'autorité d'un directeur, qui fut Molard. Dès l'an IV, une petite école de dessin appliqué aux arts y avait été établie ; le ministre Champagny en sanctionna l'existence eu 1806. La Restauration plaça à côté du directeur un Conseil de perfectionnement, et en 1819 institua au Conservatoire trois chaires, une de mécanique appliquée aux arts, une de chimie appliquée aux arts, une d'économie industrielle ; une chaire de physique appliquée aux arts fut créée en 1828. En 1839, six nouvelles chaires furent ajoutées à celles-là ; les dix professeurs formèrent seuls le Conseil de perfectionnement, et l'administration de l'établissement fut confiée à l'un d'eux, qui eut le titre de professeur-administrateur (ordonnance du 24 février 1840).

D'autres chaires furent encore ajoutées dans la période suivante. Un décret impérial du 10 décembre 1853 remplaça l'ordonnance de 1840, et servit de base à l'arrêté du 19 janvier 1854 portant règlement du Conservatoire, arrêté qui est encore actuellement en vigueur. Un arrêté du 9 octobre 1883 y a ajouté des dispositions concernant la repourvue des chaires vacantes et la création de chaires nouvelles.

La petite école, qui, dans le principe, avait rendu des services, se conciliait mal avec le haut enseignement, parce qu'il est difficile qu'une même direction embrasse deux objets si différents. Le haut enseignement devait l'emporter ; la petite école fut supprimée en 1874, et le Conservatoire des arts et métiers devint la Sorbonne de l'industrie. « La plupart des chaires du Conservatoire ont été occupées par des savants du plus grand mérite. Il suffira de rappeler que c'est au Conservatoire que Pouillet a évalué pour la première fois la chaleur solaire, et a établi expérimentalement les lois fondamentales des courants électriques ; que Payen a soumis à l'analyse chimique et physiologique la plupart des substances alimentaires et donné les moyens scientifiques de reconnaître leur falsification ; qu'Ed. Becquerel a poursuivi ses essais sur la photographie des couleurs ; que l'illustre Boussingault a préparé les mémorables recherches qui l'ont conduit à renouveler l'agriculture en France. » (Laussedat.) Dès le dix-septième siècle, Descarte!? avait projeté la création d'un établissement qui offrirait, outre des collections « de tous les instruments mécaniques nécessaires ou utiles aux arts », un enseignement destiné aux travailleurs des arts et métiers, et dont les maîtres « devaient être assez habiles pour répondre à toutes les questions des artisans, leur rendre raison de toutes choses, et leur donner du jour pour faire de nouvelles découvertes dans les arts ». C'est ce beau programme que réalise de plus en plus le Conservatoire des arts et métiers.

Depuis que la loi de finances du 13 avril 1900 lui a accordé la personnalité civile, son action s'est étendue par la création successive : 1° d'un laboratoire d'essais en 1900, 2° de l'Office de la propriété industrielle en 1901, 3° d'un Musée de prévention des accidents du travail et d'hygiène industrielle en 1904. Le Conservatoire des arts et métiers comprend donc actuellement :

1° Des cours publics et gratuits divisés en deux groupes : l'un se rapportant aux sciences appliquées aux arts et à l'industrie, l'autre aux sciences économiques ;

2° Un Musée industriel ;

3° Une Bibliothèque ouverte au public le jour et le soir et comprenant plus de 50 000 volumes ;

4° L'Office national de la propriété industrielle, qui centralise tout ce qui concerne les brevets d'invention et les marques de fabrique ;

5° Un Laboratoire d'essais mécaniques, physiques, chimiques et de machines, créé en vue des besoins de l'industrie ;

6° Un Musée de prévention des accidents du travail et d'hygiène industrielle.

La création des services nouveaux n'a pas diminué l'importance de l'enseignement. Le nombre des chaires ou cours a été successivement augmenté. Il est aujourd'hui (1909) de vingt-trois. Il n'était que de dix-neuf au commencement de l'année 1900.