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Conférences pédagogiques

 Les conférences pédagogiques, dont la création remonte à 1837, et qui avaient été abandonnées, ont été réorganisées par l'arrêté du 5 juin 1880 ainsi conçu :

« ARTICLE PREMIER. — Des conférences pédagogiques d'instituteurs et d'institutrices publics sont organisées dans chaque canton par l'autorité académique. Deux ou plusieurs cantons pourront être réunis.

« Le recteur, sur la proposition de l'inspecteur d'académie, pourra décider que la même conférence sera commune aux instituteurs et aux institutrices.

« La présidence appartient de droit à l'inspecteur d'académie, ou, à son défaut, à l'inspecteur primaire. Les membres de la conférence nomment chaque année un vice-président et un secrétaire choisis parmi eux.

« ART. 2. — Il ne sera traité, dans ces conférences, que de matières de pédagogie théorique et pratique.

« ART. 3. — A la dernière réunion de chaque année scolaire, la conférence propose les questions qui pourront être traitées au cours de l'année suivante. La liste de ces questions est arrêtée et publiée, dans le plus bref délai possible, par l'inspecteur d'académie.

« ART. 4. — La présence aux conférences pédagogiques est obligatoire pour tous les instituteurs et institutrices publics titulaires ; elle l'est aussi pour les instituteurs adjoints, toutes les fois que leur présence n'est pas nécessaire à l'école. Des dispenses peuvent être accordées par l'inspecteur d'académie.

« ART. 5. — Les instituteurs et institutrices libres peuvent, sur leur demande, être autorisés par l'inspecteur d'académie à assister aux conférences.

« ART. 6. — Le nombre, la date et le lieu des réunions sont fixés par l'autorité académique.

« ART. 7. — Une copie du procès-verbal de chaque séance est envoyée à l'inspecteur primaire. »

Les instituteurs honoraires sont admis à prendre part, avec voix délibérative, aux conférences pédagogiques dans le canton où ils résident (Arrêté du 18 janvier 1887, art. 132).

Les prescriptions de l'arrêté du 5 juin 1880 ont été complétées par une circulaire en date du 10 août de la même année, où l'objet de l'institution se trouve nettement défini en même temps que sont indiquées les conditions de son fonctionnement.

Nous croyons devoir reproduire la plus grande partie de ces instructions, qui n'ont pas cessé d'être en vigueur :

« Vous n'aurez pas de peine, Monsieur le recteur, à reconnaître dans quel esprit cet arrêté est conçu : il établit expressément l'obligation pour tout instituteur de prendre part aux conférences pédagogiques ; mais il laisse une très grande latitude aux autorités compétentes pour le mode d'organisation. La préoccupation essentielle de l'administration supérieure n'est pas que ces conférences s'établissent sur un plan uniforme, mais qu'elles s'établissent partout dans les conditions les plus propices à leur développement.

« L'important est que notre personnel enseignant échappe à cette influence de l'isolement qui paralyse peu à peu les volontés les plus fermes. Jeunes ou vieux, sortis ou non d'une école normale, nos instituteurs ont besoin de faire effort pour ne pas se laisser gagner par le découragement ou par la routine. Pour les y aider, pour tenir chacun d'eux en haleine, nulle action ne peut être plus efficace que celle du corps tout entier, qui a intérêt à ne laisser faiblir aucun de ses membres. En se rapprochant dans des conférences périodiques, ils n'apprendront pas seulement a discuter en commun les questions de méthode, les points de doctrine, les procédés et les livres, tous les détails de l'organisation scolaire ; ils y trouveront, par surcroît, l'occasion de nouer ensemble de bonnes relations de confraternité, et de multiplier leurs rapports avec leurs chefs hiérarchiques, c'est-à-dire de créer entre eux librement cette communauté d'esprit et cette solidarité professionnelle qui fait la puissance et la dignité d'un corps enseignant.

« C'est pour assurer à ces conférences une action efficace et permanente que le Conseil supérieur a voulu qu'elles ne fussent plus désormais des réunions facultatives et accidentelles de quelques maîtres zélés et désireux de s'instruire ; elles compteront formellement au nombre des devoirs auxquels l'instituteur ne pourra se soustraire sans méconnaître les exigences de sa profession.

« Il est juste, en conséquence, que l'autorité académique recherche avec sollicitude les moyens de concilier cette obligation nouvelle avec les autres devoirs déjà si nombreux de l'instituteur. De là, les diverses prescriptions de l'arrêté relativement au siège de la conférence, au nombre des réunions, au mode de convocation personnelle.

« Les conférences ayant principalement pour but de permettre à tous les instituteurs de participer à des études communes, il faut, avant tout, que les lieux de réunion soient en nombre suffisant pour être à tous d'un accès facile. Le chef-lieu de canton sera le plus souvent le rendez-vous naturel ; quelquefois on devra choisir un point central ou présentant d'autres avantages ; tantôt il y aura lieu de grouper deux ou plusieurs cantons, tantôt, au contraire, d'avoir plusieurs lieux de réunion dans un même canton ; il faut que toute liberté soit laissée à l'autorité locale et à l'administration académique pour trouver le mode de groupement le plus commode et le moins coûteux.

« Mêmes raisons pour fixer diversement, suivant les habitudes locales, la date des réunions et leur nombre chaque année ; tel canton, telle grande ville peut avoir des réunions mensuelles, tel autre se bornera peut-être actuellement à une ou deux par an.

« Une question plus délicate encore et que vous résoudrez, Monsieur le recteur, d'après vos renseignements particuliers sur les usages locaux et l'esprit de chaque contrée, est l'organisation de conférences soit distinctes, soit communes, pour les instituteurs et les institutrices.

« Actuellement, il existe dans les différentes parties de la France des exemples de l'un et de l'autre système qui réussissent également.

« Je vous ai laissé une liberté absolue d'appréciation et de choix. Il vous appartiendra, Monsieur le recteur, d'appliquer à chaque département, à chaque circonscription, s'il le faut, le mode de réunion qui aura le plus de chance d'être bien accueilli par le personnel placé sous vos ordres.

« L'arrêté appelle aux conférences, à titre obligatoire, les instituteurs et institutrices titulaires ; il y admet aussi, dans la mesure ou le permettront les besoins du service, les instituteurs adjoints ; par une réserve qu'il est facile de comprendre, on n'a pas cru devoir étendre cette prescription aux institutrices adjointes, qui ne pourront être admises que par mesure spéciale, à la demande et sous la responsabilité de leurs directrices. Je n'ai pas besoin d'ajouter que tout le personnel enseignant des écoles normales est invité à prendre part aux travaux de la conférence pédagogique du chef-lieu. Quant aux instituteurs et institutrices libres, ils n'auront qu'à exprimer le désir d'y assister pour en obtenir l'autorisation. Je ne vois aucun inconvénient à ce que l'inspecteur d'académie les autorise à prendre part aux discussions ; ils auraient seulement à s'abstenir de voter dans le cas où il s'agirait d'émettre un avis ou un voeu exclusivement relatifs aux écoles publiques.

« Le droit d'accorder des dispenses, non pas collectives, mais individuelles, est conféré aux inspecteurs d'académie qui ont besoin de ce pouvoir pour empêcher une institution essentiellement libérale de prendre, en aucune circonstance, un caractère vexatoire. Vous leur recommanderez, Monsieur le recteur, d'une part, de se refuser absolument à toute demande de dispense qui exempterait en principe une catégorie quelconque d'instituteurs ou d'institutrices, et, d'autre part, d'accorder, aussi largement que possible, les dispenses individuelles que motiveront l'âge, la santé, les difficultés de communication, toute autre circonstance enfin que la résistance systématique.

« Il ne sera traité, dans les conférences, que des matières de pédagogie théorique ou pratique. Les discussions ne sauraient s'égarer sur d'autres sujets, puisque la liste des questions à débattre est dressée par les instituteurs eux-mêmes, et que l'inspecteur d'académie choisit dans cette liste les sujets de chaque session. Il y a donc double raison de croire que les choix seront excellents. Là encore j'ai voulu éviter la recherche de l'uniformité, et je laisse, sous votre direction, aux inspecteurs d'académie, aux présidents et aux membres des conférences, la liberté de régler leurs travaux : les sujets pourront, ou bien être les mêmes pour toutes les conférences cantonales, ou varier de canton à canton, d'arrondissement à arrondissement. L'ordre des matières traitées, le nombre et l'étendue des rapports écrits, les procès-verbaux, la part de l'intervention de l'inspecteur dans les débats, tout le fonctionnement enfin des conférences sera réglé par les conférences elles-mêmes ; c'est la condition indispensable pour que le corps enseignant s'y intéresse et en profite.

« Vous vous ferez seulement rendre compte, Monsieur le recteur, du travail fait chaque année dans chaque circonscription, et je ne doute pas que vos conseils et vos observations ne contribuent à imprimer à cet intéressant mouvement d'idées la plus sage et la plus heureuse direction, tout en lui laissant sa spontanéité.

« Il est désirable que les membres des conférences pédagogiques étudient les sujets scolaires à un point de vue essentiellement pratique. Trop souvent, les questions d'éducation ont servi de thème à de vaines déclamations. Des plans chimériques, des théories ambitieuses et vides ont parfois compromis plutôt qu'avancé le progrès. Il faut que nos instituteurs se persuadent que la pédagogie est une science positive qui s'appuie sur l'expérience. Aussi verrais-je avec plaisir se généraliser l'usage de ces conférences pédagogiques en action qui consistent en une classe réelle faite dans une école par un instituteur, en présence de ses collègues et suivie d'une discussion où chacun apporte des observations prises sur le vif. Mettre en commun le fruit de l'expérience scolaire quotidienne, se communiquer mutuellement les petites découvertes pratiques que chacun a faites dans sa classe, s'éclairer par la discussion non sur de savants systèmes, mais sur les réalités de l'école primaire, c'est bien là le véritable but des conférences et la raison de leur juste popularité. »