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Comte (Auguste)

Né à Montpellier en 1798, mort à Paris en 1857. L'illustre fondateur de la philosophie positive n'a pas tenu la promesse qu'il avait faite, aux dernières pages du Cours de philosophie positive (tome VI, p. 778), de composer un traité spécial sur l'éducation, « grand sujet, disait-il, qui n'a pas encore été abordé d'une manière convenablement systématique ». Maison peut retrouver dans ses écrits au moins les linéaments principaux de la construction pédagogique qu'il n'a pas exécutée.

C'est révolution naturelle et spécifique de l'humanité que Comte aurait prise pour guide dans l'éducation individuelle. Le positivisme, c'est-à-dire la négation de toute existence surnaturelle, de toute croyance métaphysique, représente à ses veux le degré suprême de l'évolution de l'humanité ; l'éducation, par conséquent, doit être positive : « Les bons esprits reconnaissent unanimement la nécessité de remplacer notre éducation européenne, encore essentiellement théologique, métaphysique et littéraire, par une éducation positive, conforme à l'esprit de notre époque et adaptée aux besoins de la civilisation moderne ».

L'enseignement de la science, tel sera le fondement de l'éducation positive. Mais cet enseignement ne portera ses fruits qu'à une condition : c'est qu'on sorte enfin de la spécialité exclusive, de l'isolement trop prononcé, qui caractérise encore notre manière de concevoir et de cultiver la science. Le Cours de philosophie positive avait précisément pour but de remédier à l'influence fâcheuse de la spécialisation des recherches, en établissant les rapports et la hiérarchie des sciences, qu'il divisait en deux catégories : l'une formant le domaine de la science concrète, et l'autre celui de la science abstraite.

Dans la seconde catégorie, dont l'ensemble embrassait tous les éléments de la philosophie, il rangeait les différentes connaissances dans l'ordre suivant, d'après le degré de complexité croissant des phénomènes qui forment l'objet de chacune : 1° Mathématique ; 2° Astronomie ; 3° Physique ; 4° Chimie ; 5° Biologie ; 6° Sociologie.

Comte rêvait d'ailleurs une éducation universelle qui fût la même pour tous les hommes. « La première condition essentielle de l'éducation positive, à la fois intellectuelle et morale, doit consister dans sa rigoureuse universalité. » Il se plaint avec vivacité de l'indifférence trop souvent témoignée par les classes dirigeantes à l'endroit de l'instruction du peuple. Ne nous imaginons pourtant pas que Comte soit partisan des dogmes révolutionnaires relatifs à l'égalité de l'instruction. Il sait qu'il y a entre les hommes des différences d'aptitude et de loisir. Il en conclut que l'éducation comportera des degrés, non dans la qualité, si l'on peut s'exprimer ainsi, mais dans la quantité des études et des connaissances. L'éducation sera la même pour tous, dirigée dans le même esprit, mais, selon les cas, elle sera plus ou moins détaillée et approfondie ; elle offrira seulement des variétés d'extension dans un système constamment semblable et identique.

Regrettons qu'Auguste Comte n'ait pas donné de plus amples explications sur la pratique de cette éducation positiviste, à la fois industrielle, esthétique, scientifique et philosophique, où la culture morale correspondrait sans cesse au progrès intellectuel. L'école positiviste ne semble pas s'être attachée à compléter sur ce point l'oeuvre de son fondateur, et à part quelques essais, tels que le livre de M. Ch. Robin (L'instruction et l'éducation, Paris, 1877), elle n'a guère tenté d'organiser la pédagogie positive.

Gabriel Compayré