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Comices agricoles

On donne le nom de comices agricoles à des associations de cultivateurs se réunissant périodiquement pour étudier l'ensemble des moyens d'augmenter la production du sol, et pour encourager par des concours les améliorations qui peuvent se produire dans leurs moyens d'action.

Il existe en France un grand nombre de comices agricoles. La plupart sont limités à un canton ou à un arrondissement ; parfois, mais rarement, leur action s'étend sur tout un département. Le plus grand nombre de ces associations embrassent, dans leur programme, l'ensemble des améliorations agricoles ; mais quelques-unes se restreignent à un but déterminé, par exemple la culture de la vigne. Elles ouvrent des concours, font des expositions, et y décernent des médailles et des primes en argent.

Les ressources des comices agricoles sont créées par les cotisations des membres, par des subventions du gouvernement, des conseils généraux ou d'arrondissements, des villes et des communes rurales, et enfin par les libéralités des particuliers. Ces ressources sont très minimes pour quelques comices ; il en est d'autres, au contraire, qui jouissent de revenus relativement considérables.

Les comices agricoles peuvent-ils jouer un rôle au point de vue du développement de l'instruction agricole dans les écoles primaires des communes rurales ? A cette question, on ne peut que répondre affirmativement. L'expérience a consacré, dans plusieurs circonstances, l'efficacité de ce rôle. On ne doit regretter qu'une chose, c'est que les exemples donnés à cet égard par un certain nombre de comices n'aient pas été suivis jusqu'ici sur une plus grande échelle, ce que l'on peut attribuer au défaut d'enseignement agricole suffisant dans nos campagnes.

La règle à suivre serait très simple. De concert avec l'autorité universitaire, le comice annoncerait, un an ou au moins plusieurs mois à l'avance, qu'une commission d'examen visitera les écoles du canton ou de tel canton de l'arrondissement, afin de juger des résultats obtenus par les instituteurs au point de vue de l'enseignement agricole. Par des interrogations, par des dictées, par des devoirs qui peuvent être préparés à l'avance, la commission se rendra compte des résultats obtenus. Les visites achevées, elle fera son classement et décernera, d'après ce classement, les récompenses promises par le comice.

Ces récompenses pourraient être de deux sortes. Les unes, destinées aux instituteurs, consisteraient en médailles d'argent ou de bronze et en sommes d'argent plus ou moins élevées, suivant les ressources du comice. Les autres, pour les enfants qui auraient le mieux subi les examens, pourraient être des livrets de caisse d'épargne, des livres, et parfois une médaille de bronze pour celui qui aurait obtenu le premier rang. Les comices, avec des dépenses peu considérables, pourraient, par ce moyeu, produire un très grand bien.

Ce qui vient d'être dit des comices pourrait s'appliquer aussi aux sociétés d'agriculture. Celles-ci ont généralement des ressources plus considérables que les comices, leur action pourrait être par suite plus étendue.

Les récompenses à décerner aux instituteurs peuvent ne pas s'appliquer seulement à l'enseignement proprement dit ; elles pourront être étendues, avec le plus grand profit, à la tenue des jardins scolaires, à la conduite et à la taille des arbres fruitiers. Les associations agricoles peuvent jouer, à tous ces points de vue, un rôle très efficace. Dans un certain nombre de départements, ce rôle a été compris ; des encouragements importants y sont distribués chaque année dans les écoles rurales, et les instituteurs se montrent jaloux de récompenses qui augmentent leur légitime influence sur les populations agricoles au milieu desquelles ils sont appelés à vivre.

Si les comices agricoles peuvent exercer sur le développement de l'instruction agricole dans les écoles une action heureuse, les écoles primaires rurales, à leur tour, par leur enseignement, pourraient rendre aux comices un service signalé, en préparant une génération d'agriculteurs instruits qui deviendraient plus tard des membres distingués de ces utiles associa-lions. Il faudrait, pour cela, généraliser dans nos écoles de village, qui ne sont guère fréquentées d'ailleurs que par des enfants de cultivateurs, l'enseignement de l'économie rurale élémentaire. Combien de ces enfants intelligents seraient frappés des vérités qui pourraient leur être ainsi dévoilées sur la profession de leurs parents, exercée sous leurs yeux chaque jour !

On dira sans doute, et avec raison, du reste, qu'on ne peut pas faire à l'école primaire un cours d'agriculture. Certes non, on ne peut pas enseigner à l'école primaire l'agriculture comme on le fait dans une ferme-école, dans une école régionale, ou à l'Institut agronomique de Paris, nous le savons ; mais nous n'ignorons pas que les vocations, peuvent commencer à se former chez les enfants à l'école primaire ; si l'on attire leur attention sur les avantages offerts à leur avenir par la profession de leurs parents judicieusement exercée, ils pourront en comprendre toute l'importance, devenir de bons agriculteurs très utiles dans les sociétés agricoles. Ils cultiveront bien les champs, au lieu de les abandonner comme le font chaque jour trop d'enfants, lorsque, instruits à l'école primaire, ils considèrent le métier de laboureur comme un métier peu digne de l'instruction qu'ils ont reçue dans une autre direction.

Qu'il nous soit permis de reproduire ici, à cette occasion, une idée qui fut émise en 1808, à propos de l'enseignement professionnel des cultivateurs, par un naturaliste qui a été l'un des savants les plus illustres des temps modernes. Georges Cuvier, chargé par l'Institut national de faire un rapport sur les progrès des sciences de 1789 à 1808, travail ordonné par le gouvernement le 13 ventôse an X, disait en parlant des sciences naturelles appliquées à l'agriculture : « Ce serait une erreur de croire à l'inutilité de ces semences jetées dans l'esprit des enfants. ; elles serviraient aux jeunes gens qui se proposent d'exercer des professions utiles, en éclairant leur esprit, et en le remplissant d'idées et de faits dont ils pourraient à chaque instant s'aider dans les travaux de leur état ».

Rien n'est plus exact que cette vérité ; les enfants ont plus d'esprit d'observation qu'on ne croit, et les idées justes qui pourraient leur être développées sur la profession de leurs parents cultivateurs leur seraient plus profitables qu'on ne pense généralement. Nous avons pu nous en convaincre par l'expérience de longues années, dans nos rapports avec les populations rurales, les instituteurs primaires et leurs élèves.

Par un enseignement élémentaire de l'agronomie dans les écoles de nos villages, une sympathie naturelle s'établirait partout entre les comices agricoles et l'instruction primaire. Nous avons fréquenté des comices agricoles comme membre de ces associations ; nous avons même pris connaissance des procès-verbaux de leurs séances ; eh bien, on voit généralement que les faits pratiques observés manquent de développements théoriques, pour en bien faire comprendre l'importance. Or, voici comment il serait possible de voir remplir cette lacune dans les travaux des comices. Grâce à l'enseignement donné par des professeurs d'agriculture dans les écoles normales, les élèves de ces écoles, devenus instituteurs, pourront s'occuper avec fruit de l'enseignement élémentaire de l'agronomie dans les écoles des villages. D'autre part, généralement issus de familles d'agriculteurs, les instituteurs primaires ruraux connaîtront des membres des comices agricoles ; ils pourront même faire partie de ces réunions d'agriculteurs praticiens, et concourir, par les lumières spéciales qu'ils auront acquises, à élucider les questions de pratique agricole qui seront discutées.

Ainsi donc, l'avenir nous fait espérer que les comices agricoles, comme les sociétés centrales d'agriculture des départements, et l'instruction primaire dans nos communes rurales, pourront se prêter de plus en plus un mutuel appui. Les progrès de l'agriculture en seront une conséquence toute naturelle d'abord ; d'autre part, la lumière spéciale à l'agriculture, bien produite dans les comices agricoles et par eux répandue dans nos villages, contribuera à y retenir la jeunesse qui les quitte journellement, parce qu'on ne lui a pas fait comprendre tous les avantages que l'exploitation du sol, bien dirigée, offre à leur avenir comme à la prospérité de la patrie.

Richard (du Cantal)