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Collèges (sous l’ancien régime)

 Dans le présent article, nous ne voulons que définir brièvement ce qu'on entendit par Collège au moyen âge et dans l'époque qui suivit la Renaissance, jusqu'à la Révolution, en renvoyant pour l'historique à l'article général France.

À l'origine, on appelait collèges les associations formées de gens d'une même profession, ou exerçant le même emploi, ou s'assemblant au même endroit : il y avait dans la civilisation gallo-romaine des collèges de prêtres (ou congrégations), des collèges d'artisans (ou corporations de métier). Lorsque, vers le douzième siècle, à côté des écoles de théologie fondées auprès des cathédrales, il se fut créé d'autres écoles, de dialectique et de logique, indépendantes de la juridiction épiscopale, qui donnèrent naissance aux universités, on construisit des hôtelleries pour les étudiants ; et ce furent ces hôtelleries, ces pensions alimentaires, donnant le vivre et le couvert, les unes à des étudiants pauvres, les autres à des étudiants étrangers, qui reçurent à cette époque le nom de collèges.

Il n'existait pas, au moyen âge, de distinction tranchée entre ce que nous appelons aujourd'hui l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur. Il n'y avait pas non plus une instruction publique, dans le sens large que nous donnons à cette expression : « Il ne s'agissait pas alors d'un intérêt général et universel ; fondés pour préparer des prêtres à l'Eglise, ces établissements (collèges et facultés) ont retenu jusqu'au bout ce caractère primordial, que Lavoisier signalait et critiquait énergiquement en 1791 » (Paul Dupuy). Paris, où se constitua la première université, vit se fonder aussi les premiers collèges : les uns étaient destinés à des élèves (et à des maîtres) de la Faculté de théologie, les autres à des élèves de la Faculté des arts. Le collège de Navarre (1304) réunit pour la première fois des boursiers théologiens, des boursiers artiens, et des commençants ou boursiers grammairiens, et forma ainsi le type de ce qu'on appela plus tard un collège de plein exercice. Dans les siècles suivants, on admit dans quelques collèges des externes à côte des boursiers ; les maîtres furent tenus à résider dans les établissements où ils enseignaient, et petit à petit, par la division des élèves en classes, se constitua l'organisation telle qu'on la voit généralisée, à Paris et dans les principales villes de France, au quinzième siècle. La Renaissance introduisit dans le programme des collèges le grec et la rhétorique, et les humanités y prirent une place prépondérante, tandis que la philosophie scolastique fut rejetée au second rang. Les Jésuites, qui avaient reçu du pape Jules III le droit de conférer les grades universitaires dans leurs collèges, ouvrirent en 1562 à Paris le collège de Clermont : il en résulta une querelle violente entre les nouveau-venus et les maîtres de l'ancienne Université parisienne ; un moment expulsés de France sous Henri IV, les Jésuites rentrèrent en 1614:

sous Louis XIV leur collège de Clermont devint, avec l'approbation du roi, le collège Louis-le-Grand, et leurs méthodes d'enseignement s'introduisirent dans tous les établissements d'instruction publique. Mais dans la seconde moitié du dix-huitième siècle, la puissance de ces triomphateurs allait brusquement s'effondrer : l'ordre des Jésuites fut expulsé de France en 1762, et en 1773 le pape Clément XIV en prononçait l'abolition. Les membres des Parlements, qui avaient vigoureusement lutté contre l'immixtion de la Société de Jésus dans les affaires politiques et contre sa mainmise sur l'éducation des classes dirigeantes essayèrent d'opérer une réforme dans l'enseignement des collèges et des universités : quelques collèges furent confiés à des maîtres laïques, d'autres furent remis à des congrégations enseignantes telles que les religieux de la Doctrine chrétienne et ceux de l'Oratoire. Mais malgré quelques légers changements, dus moins à l'initiative des autorités qu'à l'influence des doctrines philosophiques nouvelles, les collèges restèrent, dans l'ensemble, ce que les avait faits la tradition : et quand la Révolution française voulut réorganiser l'instruction publique, elle trouva nécessaire de faire table rase des institutions anciennes.

Rappelons les jugements des hommes de la Révolution sur les collèges de l'ancien régime.

Lavoisier écrivait, en 1791 : « L'éducation publique, telle qu'elle existe dans presque toute l'Europe, a été instituée dans la vue non de former des citoyens, mais de faire des prêtres, des moines et des théologiens ».

Les auteurs de la pétition présentée le 15 septembre 1793 à la Convention au nom des autorités et du peuple de Paris ont écrit : « Les collèges de Paris, semblables en cela à tous ceux de la République, sont encore voués à la barbarie du moyen âge ; ils sont encore le repaire des préjugés entassés depuis des siècles ; et tel est le vice de leur organisation qu'on en sort avec l'ignorance acquise : pourraient-ils échapper plus longtemps à la faux réformatrice? »

Le décret du 7 ventôse an III, instituant les écoles centrales, dit à l'article 3 du chapitre III : « En conséquence de la présente loi, tous les anciens établissements consacrés a l'instruction publique, sous le nom de collèges, et salariés par la nation, sont et demeurent supprimés dans toute l'étendue de la République. »

Daunou, dans son rapport du 23 vendémiaire an IV, commenta cette condamnation à mort en caractérisant en ces termes l'enseignement qui s'était donné pendant cinq ou six siècles dans les collèges : « Je ne rappellerai point ici les institutions bizarres qui fatiguaient et dépravaient l'enfance, usaient la première jeunesse dans un pénible apprentissage de mots : vain simulacre d'éducation, où la mémoire seule était exercée, où une année faisait à peine connaître un livre de plus, où la raison était insultée avec les formes du raisonnement ; où enfin, rien n'était destiné à développer l'homme, ni même à le commencer. »

Il faut, pour être équitable, enregistrer, après avoir cité ces arrêts sévères, un mot de Robespierre. Dans la discussion de la constitution républicaine, il déclara (18 juin 1793) que « les collèges avaient été des pépinières de républicains ». Lorsque Voltaire eut composé la Mort de César, ce furent les élèves du collège d'Harcourt qui jouèrent (1735) cette tragédie, que l'auteur n'osait pas mettre à la scène. Il est vrai que le même Voltaire a écrit quelque part : « Les Pères ne m'ont appris que des sottises et du latin ».

La loi du 11 floréal an X, qui supprima les écoles centrales créées en l'an III, les remplaça par des lycées, en ajoutant que les communes pourraient établir à leurs frais des « écoles secondaires », où on enseignerait les langues latine et française, les premiers principes de la géographie, de l'histoire et des mathématiques. Le décret impérial du 17 mars 1808 donna à ces écoles secondaires communales le nom de collèges. Lorsque la Restauration eut remis les Dourbons sur le trône, les lycées reçurent le nom de collèges royaux, tandis que les collèges du décret du 17 mars 1808 étaient distingués par le nom de collèges communaux. En 1848, les collèges royaux reprirent le nom de lycées, et les collèges communaux redevinrent des collèges tout court. — Pour l'histoire de l'enseignement secondaire à partir de la première création des lycées en l'an X (1802), et son organisation actuelle, Voir Lycées et Collèges.