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Classes

 Il y a peu de termes plus usités que le mot classe dans la langue scolaire, et pourtant il y en a peu qui offrent une définition plus indécise. Nous allons essayer de la fixer.

Ecartons d'abord une acception qui, bien que fort usuelle, n'est cependant qu'une acception dérivée, ou plutôt le résultat d'une abréviation : classe, au sens matériel, désignant le local scolaire, simple abréviation pour salle de classe. C'est au mot Salle de classe que nous parlerons des conditions de construction, d'aménagement et d'installation matérielle des locaux servant à faire la classe.

En dehors de ce sens secondaire, que signifie proprement le mot classe ? Il désigne une section de l'école, une réunion d'élèves formant un groupe distinct sous la conduite d'un maître, correspondant à un certain degré d'enseignement au-dessus et au-dessous duquel se trouvent d'autres classes.

Ainsi c'est essentiellement par rapport à l'organisation pédagogique que le mot classe doit être défini. La classe est dans l'organisme scolaire ce qu'est un organe dans le corps, ce qu'est un rouage dans la machine : elle ne forme pas un tout à elle seule, elle vaut par son accord avec les classes qui la précèdent et avec celles qui la suivent.

Ecoles à une classe et à plusieurs classes. — De cette définition même il résulte que nous considérons non comme la règle, mais comme l'exception au point de vue pédagogique, — bien que numériquement ce soit peut-être l'inverse en beaucoup de pays, — l'école à une seule classe.

Dans le cas d'une classe unique, cas motivé par le petit nombre d'élèves et par la pénurie des ressources locales, on peut dire que l'école se divise bien en plusieurs classes, que les élèves se groupent réellement d'après leur âge et leurs connaissances en trois ou quatre degrés, mais que ces degrés s'appellent divisions ou groupes au lieu de s'appeler classes. On a raison de ne pas les nommer classes : car « pour qu'il y ait une classe, il faut qu'il y ait non seulement une réunion d'élèves de même force ou a peu près, mai aussi un maître exclusivement attaché à eux. Les groupes d'enfants instruits en commun avec d'autres par le même maître et dans la même salle forment les divisions de la classe, mais ne doivent jamais, quel qu'en soit le chiffre, être considérés comme formant chacun une classe à part. Toute école n'ayant qu'un maître n'a qu'une classe. » (Annexe à la circulaire du 31 août 1876.)

Ainsi l'école à classe unique est pour ainsi dire l'école en raccourci. C'est l'état embryonnaire de l'école ; elle contient en germe toutes les parties essentielles de l'école, mais on ne verra ces diverses parties acquérir, leur développement et devenir des organes complets que dans l'école à plusieurs classes.

« En bonne pédagogie, il faudrait, à des groupes d'élèves suffisamment différents par l'âge et par le degré d'instruction, des maîtres différents, des locaux distincts, des programmes nettement déterminés : l'école à une classe ne peut réaliser ces conditions ; mais comme elles résultent de la nature même des choses, si cette école ne peut les remplir absolument, elle s'en rapproche le plus possible ; et c'est l'honneur de nos plus humbles instituteurs, des simples maîtres d'école de village ou de hameau, de pouvoir dire que, placés dans la situation la moins propice, ils ont tout à tirer d'eux-mêmes, tout à attendre de leur propre énergie, de leur propre intelligence, s'ils veulent faire d'une école rudimentaire une véritable école : il n'y a qu'un local, il faut agir comme si l'on en avait deux ou trois ; il n y a qu'un maître, il faut qu'il se multiplie et fasse la tâche de trois ; il n'y a que des divisions, il faut les traiter comme des classes, donner à chacune d'elles son programme, son plan d'études, son emploi du temps ; il n'y a que trois heures de classe commune, il faut que chaque groupe d'élèves ait ses trois heures aussi bien remplies que s'il était seul à l'école, que s'il avait le maître à lui tout seul. Aussi, quand un instituteur rural a vraiment su organiser une école à classe unique, il y a entre lui et le maître adjoint de nos écoles urbaines une différence analogue à celle qu'on remarque entre le petit artisan, qui produit pour son compte des objets de fabrication simple et facile, et l'ouvrier des manufactures qui ne sait faire qu'une pièce isolée, toujours la même. Le premier en exécuterait moins bien que le second telle ou telle partie, mais il a une idée plus juste de l'ensemble ; celui-ci excelle dans sa spécialité, mais elle est étroitement limitée ; celui-là se borne à des ouvrages moins finis, mais il est apte à des ouvrages de divers genres, et, s'il a la main moins habile, il a souvent l'esprit plu inventif. »

Dans les écoles à plusieurs classes, il importe de réagir contre un préjugé qui peut, à la longue, produire la mésentente parmi les membres du personnel. Ce préjugé consiste à classer les maîtres comme on répartit les élèves, à supposer toujours plus de valeur aux maîtres des premières classes qu'à ceux des classes inférieures ou moyennes. En fait, s'il s'acquitte bien de sa tâche, l'instituteur chargé d'un cours élémentaire ou moyen, voire de la section enfantine, a autant de mérite que le collègue du cours supérieur ou complémentaire. Il conviendrait aussi que l'enfant et la famille n'établissent, à cet égard, aucune différence entre les maîtres de l'école. C'est une des raisons qui ont inspiré à certains éducateurs l'idée du roulement. On appelle ainsi l'attribution, chaque année, à chaque maître qui compte au moins un an de service, d'une classe différente de celle dont il était précédemment chargé. La plupart des instituteurs peuvent, dès lors, en quelques années, faire l'apprentissage de l'enseignement dans toutes les classes ; en outre, ils s'intéressent plus à une mission plus variée. Mais, à côté de ces avantages, de notables inconvénients apparaissent : tous les ans, quand il change de tâche, le maître est obligé de se livrer à des essais, de tâtonner quelque peu, et l'école tout entière souffre de ce perpétuel recommencement ; l'élève qui reste deux ans de suite dans une même classe se trouve dérouté par les inévitables divergences des procédés de ses deux maîtres: enfin, il est possible qu'en raison d'aptitudes toutes spéciales, après s'être distingué dans un cours élémentaire, on se tire difficilement d'un cours supérieur, et vice versa. Le système du roulement ne doit donc être appliqué qu'avec beaucoup de précautions. Il y a lieu de tenir compte du caractère de chaque maître, de ses qualités et de ses défauts professionnels, et aussi des circonstances: serait-il prudent, par exemple, de charger d'une classe où la discipline est difficile un maître qui manque plus ou moins d'autorité?

Le rôle de la classe dans l'école est un fait tellement capital que, dans la plupart des pays, il sert à déterminer la classification, la hiérarchie et même l'organisation des écoles. Les einklassige Volksschulen des Allemands et des Suisses, les Ungraded Schools des Américains, ne sont jamais confondues ni par les règlements, ni par l'opinion publique, avec les écoles vraiment organisées (gegliederte Volksschulen, Graded Schools).

Pour l'organisation et la hiérarchie des classes, nous renvoyons à l'article Organisation pédagogique.