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Classement des élèves

 Classer les élèves d'une école, c'est en composer des groupes susceptibles de recevoir avec fruit les mêmes leçons. Deux écueils sont à éviter dans cette opération délicate : d'une part le fractionnement exagéré, de l'autre l'assemblage d'enfants entre lesquels l'âge et les connaissances acquises laisseraient une trop grande distance.

L'opération du classement dans les écoles à plusieurs classes consiste essentiellement à déterminer l'effectif des trois cours entre lesquels se répartissent les études primaires : cours élémentaire, cours moyen, cours supérieur ; chaque cours pouvant, dans les écoles nombreuses, former à son tour plusieurs divisions.

Une semblable répartition ne saurait se faire au hasard ni à la légère ; elle veut du temps et des soins.

Elle s'effectue ordinairement à la suite d'épreuves très sérieuses qui ont lieu, les unes à la fin de l'année d'études, les autres à la rentrée des classes. Tout élève nouvellement inscrit subit un premier examen, dont se charge le directeur ; mais cet examen, quand les inscriptions atteignent un chiffre élevé, est forcément rapide et superficiel ; il importe presque toujours d'en vérifier les résultats, quand on veut déterminer, avec quelque certitude, le cours et la division où l'élève doit être placé. Mieux vaut alors un essai de huit jours, de quinze jours même, que le maintien immédiat du classement de la première heure, qui, peut-être, condamnerait pendant plusieurs mois à de stériles efforts le maître et l'enfant.

L'idéal serait que rien, dans le cours de l'année, ne vînt troubler ensuite le groupement, que tout enfant poursuivît jusqu'au mois d'août la carrière commencée au mois d'octobre.

L'idéal, ce serait aussi que chaque classe ou division fût suffisamment homogène, c'est-à-dire se composât d'élèves qui, tous ou presque tous, pourraient marcher du même pas, participer aux mêmes exercices et atteindre ensemble le même but.

Malheureusement, il n'en peut être ainsi. Il y a d'abord la part à faire aux retardataires et aux nouveau-venus qui devront prendre place à leur heure dans les cadres. Ensuite, il faut compter avec la poussée qui, dans les écoles des grandes villes, s'exerce continuellement de bas en haut. Pendant que, dans les classes supérieures, il se produit des vides par la retraite prématurée d'un certain nombre d'enfants, les classes inférieures s'emplissent outre mesure, et force est d'opérer des ascensions, sinon continues, du moins à une époque déterminée, par exemple vers Pâques. Toute modification faite dans le courant de l'année à ce classement est consignée sur le registre et signalée à l'inspecteur, qui en apprécie l'opportunité.

La solidité du classement dépend aussi, clans une large mesure, de l'accord du directeur et de ses collaborateurs ; mais, qu'il s'agisse du premier classement ou d'un classement partiel nécessité par les vides que peut produire la retraite prématurée d'un certain nombre d'enfants, il est toujours utile que le directeur intervienne, ne fût-ce que pour donner à cette opération un caractère plus élevé de justice et d'impartialité.

D'après l'arrêté organique du 18 janvier 1887, l'école à une seule classe comprend trois divisions, qui correspondent aux trois cours obligatoires (art. 9) : élémentaire, moyen, supérieur ; dans les écoles à deux classes, deux divisions se trouvent nécessairement réunies sous l'autorité d'un seul maître ; dans l'école à trois classes, divisions et classes se confondent. « Au delà de ce nombre, toujours la même répartition de l'effectif scolaire ; seulement, chaque cours pourra compter plusieurs classes, soit simplement nuancées, soit parfaitement parallèles. »

L'école à sept classes, une pour chaque année de scolarité légale (de six à treize ans), nous offre, en théorie tout au moins, le type de la meilleure répartition des élèves : une classe d'initiation (ou classe préparatoire, ou section enfantine), et deux divisions (1re année, 2° année) pour chacun des trois cours. Si l'on excepte le cas où l'édifice se couronne d'un cours complémentaire, il conviendrait donc de ne pas affecter plus de sept classes à l'école. On approcherait ainsi de l'idéale homogénéité dont nous parlions tout à l'heure. Mais, dans Beaucoup de villes, petites ou grandes, et notamment à Paris, pour s'épargner les frais de construction de nouveaux bâtiments scolaires, on accroît sans cesse l'effectif des écoles. Depuis trop longtemps déjà, on n'y compte plus celles qui dépassent le nombre de sept classes. L'article 13 de l'arrêté organique prescrit en ce cas l'organisation de classes parallèles, pour une même année du même cours. Prescrit-il le parallélisme absolu? Certains éducateurs l'affirment et voient là tout profit pour l'émulation. Après avoir effectué le classement total des élèves à repartir entre deux groupes parallèles (il peut même y en avoir plus de deux), on donnerait à l'une des divisions l'élève qui aurait obtenu le n° 1 et celui qui aurait obtenu le n° 4, à l'autre division appartiendraient le n° 2 (un peu plus faible que le n0 1) et le n0 3 (un peu plus fort que le n0 4), et ainsi de suite. Ce système soulève de graves objections. Si ce classement tient compte, d'une façon plus ou moins exacte, des résultats acquis, il n'enregistre point les aptitudes, qui peuvent, au bout de quelques semaines, placer aux premiers rangs des élèves primitivement peu avancés, et faire rétrograder, au contraire, des élèves laborieux, mais dont les facultés ne se développent pas aussi vite que celles de leurs concurrents. Souvent, des différences notables, quant aux progrès généraux, ne tardent pas à se révéler entre les deux classes, et il n'est pas impossible que le meilleur maître n'obtienne que le moindre résultat. De là des comparaisons injustes qui ont leur écho dans la famille, et parfois, entre élèves, entre instituteurs, d'aigres rivalités, à la place de la saine émulation que l'on croyait produire. Il est permis de concevoir autrement le parallélisme. On peut, grâce au classement initial, répartir d'abord les élèves d'un même cours en trois ou quatre sections : les très bons (traduire : les plus avancés), les bons, les assez bons, etc. Puis, l'on imbrique, pour ainsi dire, ces divers groupes. Un des maîtres avec les très bons et une partie des bons ; un deuxième, le reste des bons et une partie des assez bons ; un troisième, le reste des assez bons et les faibles. En somme, c'est aux moins bons d'une classe et aux meilleurs de la classe suivante que se limite le parallélisme. Comme il subsiste quelques nuances d'une division à l'autre, il n'y a plus matière à de strictes comparaisons ; néanmoins, si les maîtres se valent, il y a des chances pour que, peu à peu, les nuances s'atténuent, que les bons d une des classes s'élèvent au niveau des très bons de la division supérieure, que les assez bons rejoignent les bons, qu'on approche, en somme, du parallélisme absolu, sans l'avoir cherché.

Dans tous les cas, un bon classement exige du discernement et de l'attention. Il est toujours fâcheux de revenir sur un classement fait, pour ramener dans une division inférieure un élève mal classé. Outre le découragement qui peut en résulter pour l'enfant, la famille conçoit avec raison des doutes sur la vigilance de l'instituteur. En général, il ne faut user de cette mesure que comme d'une punition sévère infligée à un élève que son mauvais vouloir ou sa nonchalance habituelle met dans l'impossibilité de suivre les leçons de sa classe. — Les programmes étant conçus de manière à présenter, quoique à des degrés différents, un ensemble complet des connaissances essentielles, l'enfant qui serait obligé de quitter l'école avant d'avoir parcouru la série entière emporte néanmoins un bagage sommaire de notions indispensables. L'instituteur ne peut donc avoir d'hésitation pour la sévérité de sa classification : un élève faible n'a qu'à gagner à redoubler le cours qu'il ne possède pas suffisamment. De même, il ne peut y avoir qu'avantage pour l'école entière à retenir dans les divisions moyennes les enfants d'une intelligence étroite qui, sans profit pour eux-mêmes, entraveraient la marche des autres. Cependant, pour qu'un enfant soit admis à passer à un cours plus élevé, il n'est pas nécessaire qu'il possède imperturbablement toutes les matières du cours précèdent : il suffit que, par le développement de ses facultés et de ses connaissances, il soit en état de suivre avec fruit le cours où il va entrer.

Ainsi, comme le dit excellemment M. Gréard, point de rigueur excessive, mais point de complaisance ni pour les enfants ni pour les familles, dont l'instituteur doit diriger et non suivre aveuglément les voeux.