bannière

c

Chili

La république du Chili se trouve à l'extrémité sud-ouest de l'Amérique du Sud. Elle s'étend du 17° 51' (fleuve Sama) au 55°59' (cap Horn) de latitude S., entre le Pérou au nord, la Bolivie et la République Argentine à l'est, et l'Océan Pacifique au sud et à l'ouest. A son territoire continental se rattachent quelques îles adjacentes. Sa superficie est de 756990 kilom. carrés ; sa population est évaluée a 3700000 habitants.

Résumé historique. — Pendant la domination espagnole, depuis 1535 jusqu'à 1814, on pouvait compter aisément dans les villes du Chili les collèges et les écoles, et dans les campagnes il n'existait aucun établissement d'éducation. Les moines s'occupaient parfois d'instruire quelques enfants aux frais des parents, mais ceux-ci attachaient généralement bien peu d'importance à l'instruction et regardaient comme une chose inutile la culture de l'intelligence. Quant aux jeunes filles, on ne leur enseignait que les soins du ménage, et il était bien rare de rencontrer une femme qui sût lire et écrire, même imparfaitement. L'aristocratie de Santiago fréquentait le collège de San Felipe, dont l'enseignement était fort restreint. On accordait aux élèves des diplômes d'avocat, comme on distribue aujourd'hui des bons points aux enfants.

En 1770, il existait un autre collège appelé Carolino, dont la chaire de latin fut occupée par un Français, Antoine Berney. Ce maître formula devant ses élèves ses théories politiques et sociales ; son ambition était de fonder au Chili une république à l'image de la Salente de Fénelon. Berney fut enfermé dans un cachot, à Lima.

Le roi d'Espagne avait interdit, sous des peines très sévères, l'introduction des livres et des journaux. Cette défense avait pour but principal d'éviter que les Américains lussent des livres destinés à leur apprendre que les peuples ont le droit d'être libres et de choisir leurs gouvernants. Ce ne fut que vers la fin du dix-huitième siècle que, malgré la vigilance d'une administration soupçonneuse, les écrits de Voltaire, de Rousseau, de Diderot pénétrèrent au Chili et y apportèrent des idées nouvelles, qui préparèrent la grande révolution de 1810.

Après la guerre de l'indépendance, le gouvernement chilien se préoccupa immédiatement de l'instruction. Il fit venir d'Europe, de la France principalement, des maîtres experts. Parmi les étrangers qui ont figuré ou qui figurent encore en première ligne dans l'enseignement national, nous citerons : Jean-Joseph Dauxion-Lavaysse, auteur d'un ouvrage important sur l'Amérique du Sud ; François Lozier, ingénieur-géographe ; Pierre Chapuis, écrivain et professeur, directeur en 1827 du collège de Santiago ; Claude Gay, botaniste, membre de l'Institut de France, auteur de l'Histoire physique et politique du Chili ; Courcelle-Seneuil, économiste bien connu, membre de l'Institut ; Pissis, géologue et écrivain scientifique, auteur de la Géographie physique du Chili ; Vendel-Heyl. savant professeur de grec ; Domingo Sarmiento, Argentin, auteur d'ouvrages pédagogiques, qui fut président de la République Argentine ; Jules Fariez, fondateur de l'Ecole des arts et métiers de Santiago, auteur d'un ouvrage remarquable, en cinq volumes, intitulé Cours complet de sciences mathématiques et physiques appliquées aux arts industriels ; Henry Ballacey, auteur d'une grammaire française-espagnole ; François Guillou, auteur d'une grammaire française et d'une grammaire espagnole ; René Le Feuvre, agronome, auteur de plusieurs ouvrages, qui fut directeur de l'Ecole d'agriculture ; J. Domeyko, chimiste éminent, qui fut recteur de l'université de Santiago ; Jules Besnard, agronome, auteur de plusieurs ouvrages ; Gaston La-vergne, chimiste et naturaliste, auteur de plusieurs ouvrages scientifiques, qui a été directeur du Centre industriel et agricole de Santiago ; Philibert Germain, savant entomologiste ; Albert Obrecht, astronome, directeur actuel de l'Observatoire de Santiago, sorti premier de l'Ecole polytechnique, auteur de divers ouvrages scientifiques ; Alphonse Noguès, géologue, etc.

Après la guerre de 1870, les Allemands ont remplacé en partie les Français dans l'enseignement de la jeunesse chilienne. Parmi les professeurs de cette nationalité se sont distingués principalement Lobeck, professeur de grec à l’Institut pédagogique national, à Santiago ; Philippi, savant naturaliste, auteur d'une Histoire naturelle ; Lenz et Schneider, professeurs à l'Institut de Santiago et auteurs d'ouvrages pédagogiques. Les Chiliens qui ont le plus contribué au développement de l'instruction sont : Andres Bello, grammairien célèbre ; Diego Barros Arana, le grand historien chilien ; Miguel Luis Amunategui, historien distingué ; Vargas Fontecilla, grammairien ; Manuel Montt, législateur, qui fut président de la République ; Valentin Letelier, auteur d'ouvrages philosophiques très remarquables, recteur actuel de l'université.

Etat actuel. — Nous donnons les chiffres que fournit la dernière statistique (1907).

Ecoles primaires publiques (ou fiscales). — Il existe au Chili trois catégories d'écoles publiques :

1° Ecoles de garçons : 99 écoles supérieures ; 157 écoles élémentaires urbaines ; 306 écoles élémentaires rurales ; total : 553 ; 2° Ecoles de filles: 121 écoles supérieures ; 157 écoles élémentaires urbaines ; 114 écoles élémentaires rurales ; total : 392 ; 3° Ecoles mixtes : 152 écoles élémentaires urbaines ; 1002 écoles élémentaires rurales ; total : 1154.

Total général : 2099 écoles publiques.

Le personnel enseignant primaire comprend des instituteurs et institutrices, des adjoints et adjointes, sortant de l'école normale, et des intérimaires. En voici le tableau :

Image1

Le total général est de 4484 instituteurs et institutrices.

Le nombre des élèves inscrits est le suivant :

Dans les écoles supérieures de garçons : 16 285 ; dans les écoles élémentaires urbaines de garçons : 13 662 ; dans les écoles élémentaires rurales de garçons : 16 401 ; total : 46 348 ;

Dans les écoles supérieures de filles : 21 451 ; dans les écoles élémentaires urbaines de filles : 16 952 ; dans les écoles élémentaires rurales de filles : 7507 ; total : 45 910 ;

Dans les écoles mixtes urbaines : garçons, 3857 ; filles, 9024 ; dans les écoles mixtes rurales : garçons, 23500 ; filles, 30740 ; total, garçons, 27 357 ; filles, 39 764 ; '

Total des élèves des écoles publiques : garçons, 73 705 ; filles, 85 674.

Les chiffres des dépenses faites dans les établissements fiscaux d'instruction primaire sont les suivants. Frais fixes : 3 893 580 piastres (au cours de 18 pence, ce qui fait environ 1 fr. 87 pour la valeur de la piastre) ; frais variables : 466 697 piastres ; total : 4 360 277 piastres. Autres frais variables: 890843 piastres. Pour la création de nouvelles écoles : 475 875 piastres. Total général : 5 727 115 piastres.

Ecoles primaires privées. — Le nombre des écoles privées est de 521. Le nombre de leurs élèves est le suivant :

Image2

Total général des écoles et des élèves. — Le nombre total des écoles primaires, tant publiques que privées, qui ont fonctionné en 1907 est de 2620, avec 205291 élèves inscrits (101 308 garçons, 103 983 filles).

Le chiffre de la fréquentation moyenne est le suivant :

Image3

Ecoles normales. — L'enseignement dans les écoles normales d'instituteurs ou d'institutrices embrasse cinq années d'études, avec les branches suivantes : pédagogie théorique et pratique^ instruction religieuse, langue espagnole et histoire littéraire, mathématiques, une langue vivante, histoire naturelle et hygiène, physique et chimie, notions d'histoire universelle, histoire du Chili et de l'Amérique, droit public, géographie et cosmographie, dessin, calligraphie, gymnastique, chant, violon, harmonie et travaux manuels.

Nombre d'écoles normales d'instituteurs : 4 ; professeurs : 67 ; élèves : 537 ; dépenses fixes : 164 727 piastres ; dépenses variables : 201 183 piastres.

Nombre d'écoles normales d'institutrices : 8 ; professeurs : 86 ; élèves : 727 ; dépenses fixes : 149365 piastres ; dépenses variables : 301 117 piastres.

En 1901, l'archevêque de Santiago a fondé un établissement pour former des instituteurs capables de diriger les écoles primaires catholiques. Il y a actuellement 80 élèves dans la section des normaliens et 180 à l'école d'application.

Il existe à Santiago un Institut de sourds-muets et d'aveugles (27 élèves), avec enseignement musical. L'Ecole de sourds-muets du Bon-Pasteur (50 élèves) est spéciale aux filles.

Enseignement secondaire. — Les établissements d'enseignement secondaire comprennent les lycées de première et de seconde classe, et l'Institut pédagogique national.

Le plan d'études des lycées de garçons comprend les branches suivantes : Cours préparatoire (deux ans) : calligraphie, langue espagnole, mathématiques, leçons de choses, géographie et histoire, chant, gymnastique, dessin, instruction religieuse. — Cours a humanités (six ans) : langue espagnole, logique, mathématiques, français, anglais ou allemand, physique et chimie, histoire naturelle, biologie et hygiène, géographie et histoire, dessin, calligraphie, chant et gymnastique. Le latin est facultatif.

L'enseignement religieux n'est pas obligatoire.

Il y a 39 lycées de-garçons (13 de 1re classe, 26 de 2e classe), avec 603 professeurs (449 diplômés, 124 non diplômés) et 10 179 élèves inscrits. Le budget des dépenses est de 2 028 309 piastres.

Sous le rapport de la nationalité, le personnel enseignant se répartit ainsi : Chiliens, 516 ; Allemands, 35 ; Argentin, 1 ; Belge, 1 ; Bolivien, 1 ; Canadien, 1 ; Colombien, 1 ; Espagnols, 2: Français, 10 ; Anglais, 5 ; Irlandais, 2 ; Italiens, 7 ; Nord-Américain, 1 ; Péruvien, 1 ; Suisses, 10 ; Suédois, 3: Uruguayen, 1.

Dans les lycées de filles, l'enseignement, réparti également sur deux années préparatoires et six années d'humanités, comprend les branches suivantes : Instruction religieuse et histoire sainte, espagnol et leçons de choses, français, anglais, mathématiques, sciences naturelles, économie domestique et hygiène du foyer, histoire et géographie, cartonnage, travaux manuels, dessin, chant et gymnastique. L'étude de l'allemand est facultative.

Il y a 23 lycées de filles, avec 51 professeurs hommes (dont 34 diplômés), 250 professeurs femmes (dont 200 diplômées), et 3686 élèves inscrites. Le budget des dépenses est de 787 503 piastres.

Le personnel enseignant, sous le rapport de la nationalité, se répartit ainsi: Femmes : Chiliennes, 196 ; Allemandes. 19 ; Anglaises, 13 ; Françaises, 11 ; Italienne, 1 ; Cubaine, 1 ; Suédoises, 4 ; Argentines, 2 ; Autrichienne, 1 ; Nord-Américaines, 2. — Hommes: Chiliens, 38 ; Allemands, 6 ; Français, 2 ; Espagnol, 1 ; Norvégien, 1 ; Autrichien, 1 ; Equatorien, 1 : Irlandais, 1.

La congrégation des Sacrés-Coeurs a fondé (1848) deux établissements d'enseignement secondaire, l'un à Valparaiso, l'autre à Santiago ; ils sont fréquentés par des élèves appartenant à la haute société. Les jésuites espagnols ont aussi un établissement d'instruction très important à Santiago.

L'Institut pédagogique national a pour objet de former des professeurs de l'enseignement secondaire. Il se divise en deux sections: 1° humanités supérieures ; 2° sciences. La section d'humanités comprend trois cours : 1° langue espagnole et latin ; 2° français, anglais et allemand ; 3° histoire et géographie. La section des sciences comprend deux cours : 1° mathématiques ; 2° sciences physiques. Le nombre des professeurs est de 11, celui des élèves inscrits de 288. Les appointements des professeurs s'élèvent au total de 54 933 piastres.

Enseignement supérieur et enseignement spécial. — L'université du Chili a été instituée en 1843. Son premier recteur fut le grand écrivain Andrés Bello, né a Caracas, mais considéré comme Chilien. L'université se compose de cinq facultés : théologie ; droit et sciences politiques ; médecine et pharmacie ; sciences physiques et mathématiques ; philosophie, humanités et beaux-arts. Le nombre des professeurs est de 58, plus 53 adjoints ; il y a 878 étudiants et 200 auditeurs.

Il existe, en outre, une université catholique avec 68 professeurs et 335 étudiants.

Pour l'enseignement technique, industriel et commercial, il existe les établissements suivants :

Un Institut agricole, avec 68 élèves, et 5 écoles pratiques d'agriculture ;

Deux écoles des mines, avec 112 élèves ;

Un Institut commercial, avec 302 élèves ;

Trois écoles techniques : l'une à Iquique, centre de l'exploitation du nitrate de soude, avec 70 élèves ; la seconde à Vallenar, avec 76 élèves ; la troisième à Valparaiso, avec 223 élèves ;

L'Ecole des arts et métiers de Santiago, avec 565 élèves internes, 100 externes ;

L'Ecole industrielle de Chillan et diverses écoles industrielles (du soir) subventionnées par la Société del Fomento fabril ; des écoles de dessin, etc. ;

Des écoles professionnelles pour les jeunes filles, au nombre de 22, réparties dans les principales villes, avec 2959 élèves.

L'Ecole militaire a 118 élèves ; l'Académie militaire (pour le perfectionnement des connaissances acquises à l'Ecole militaire), 24. Il existe, en outre, une Ecole d'application d'ingénieurs militaires, une Ecole pratique de cavalerie, une Ecole de vétérinaires, etc.

L'Ecole navale a 131 élèves ; elle est complétée par une Ecole d'artillerie et de torpilleurs, une Ecole nautique de pilotes, etc.

L'Ecole des beaux-arts a 137 élèves (57 hommes, 80 femmes), le Conservatoire national de musique, 421 (152 hommes, 269 femmes).

Santiago possède l'observatoire astronomique, fondé en 1852 ; la bibliothèque nationale, fondée en 1813 (123 000 volumes, 5700 manuscrits) ; la bibliothèque de l'Institut pédagogique national (45 000 volumes) ; chaque chef-lieu de province possède, en outre, une bibliothèque. Il existe à Valparaiso, outre la bibliothèque publique (33 000 volumes), un important musée d'histoire naturelle et d'ethnologie. Le président actuel de la République, M. Pedro Mont, a déclaré dans son message au Parlement de 1907 que l'éducation publique doit être la préoccupation constante des gouvernements progressistes, et que, sur 700 000 enfants en âge d'être instruits, d'après la statistique, 235 000 seulement fréquentent les établissements d'instruction publics ou privés. Il a présenté un projet pour bâtir des écoles primaires, distribuées dans toutes les communes de la République, capables de contenir 150 000 élèves de plus, et divers établissements d'enseignement secondaire, spécial et supérieur. Il a surtout appuyé sur la nécessité de fonder des établissements techniques. En 1907, 41 écoles primaires ont été ouvertes dans différentes communes, et la direction en a été confiée exclusivement à des maîtres sortant des écoles normales.

Eugène Chouteau