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Charité (Ecoles de)

Les « écoles de charité » sont une des fondations les plus anciennes et les plus générales du christianisme. Les Constitutions des apôtres, dès le troisième siècle de l'Eglise, confient aux diacres et aux diaconesses le soin de veiller sur les orphelins. Les constitutions de Théodose, celles de Justinien, au sixième siècle, accordent des privilèges aux maisons où l'on recueille les enfants abandonnés. L'hôpital, l'aumônerie, l'hospice, la maison des pauvres, nommée bientôt la maison-Dieu, ne sont pas établis seulement pour le soulagement des voyageurs, des infirmes, des incurables et des vieillards, ils sont aussi le refuge et l'asile des enfants exposés ; c'est là qu'il faut chercher l'origine des écoles dites de charité. Les règles et les constitutions des Bénédictins, des Augustins, du tiers ordre de saint François, imposent aux religieux le devoir d'instruire les enfants, de nourrir ceux qui sont pauvres et délaissés, de « leur distribuer le pain matériel en même temps que le pain de la parole ».

Au douzième siècle, les chevaliers de l'Hôpital du Saint-Esprit s'établissent à Montpellier : on lit dans leur règle ces belles instructions : « Vous aurez dans les hôpitaux un lieu spécial, à couvert, destiné à recevoir les enfants exposés. Si l'enfant reste à la maison, les soeurs en auront soin jusqu'à quatre ans, si c'est un petit garçon, et ensuite on le mêlera aux autres enfants, mais sans leur dire que c'est un enfant exposé. Vous aurez soin de leur donner pour maîtres les plus doctes d'entre vous, qui soient doux et qui les aiment. Si leur malice vous oblige de les châtier, faites-le avec une très grande circonspection ; si vous voyez qu'ils pleurent, pardonnez-leur avec une paternelle et maternelle miséricorde, car il vaut mieux reprendre les enfants que les battre. »

Au douzième et au treizième siècle, les écoles de charité n'ont pas d'existence légale ; elles sont à la charge des communautés, des aumôneries, des hospices ; mais il y a des abus, les fondations pieuses sont détournées de leur destination primitive ; l'hérédité des bénéfices surtout est funeste au patrimoine des pauvres.

Le concile de Vienne (1311) défend de donner les hôpitaux à titre de bénéfices à des clercs séculiers ; il ordonne que l'administration en soit donnée à des laïques, gens de bien, capables et solvables, qui prêteraient serment comme tuteurs, feraient inventaire et rendraient compte tous les ans par-devant les évêques.

A dater de 1476, les maires, les échevins, les procureurs royaux, les bourgeois, sous l'autorité du roi, « vray conservateur du bien des pauvres », et en vertu de ses ordonnances, prennent en main l'administration du temporel des hôpitaux. La condition des écoles de charité s'améliore, leur nombre s'accroît ; nous en trouvons partout dans les cités ouvrières, à Lille, à Reims, à Lyon, dans les montagnes des Cévennes et des Vosges, en Champagne, en Lorraine surtout, et à Paris. Ce ne sont pas seulement les évêques, les familles nobles, les princes qui fondent ces écoles de charité, ce sont des curés, des pasteurs, des bourgeois ; de saintes filles, Alix Leclerc et quatre de ses compagnes à Mattaincourt, les « conductrices de l'enfance » pour la paroisse de Waldersbach, au Ban de la Roche, qui se consacrent, elles et leur petite fortune, à l'instruction des pauvres enfants.

Il semblait naturel que celui qui fondait une école de charité, en affectant à son entretien un revenu suffisant, eût le droit d'en désigner le maître, suivant cet axiome de jurisprudence : « ceux qui paient le gage d'un maître d'école ont le droit de le commettre ». Cependant, en plusieurs diocèses, le scholastique le conteste, il refuse même à un curé le droit de régir les écoles de charité qu'il établit dans le parvis de son église. La matière est délicate, on plaide longtemps le pour et le contre ; enfin, un arrêt du Parlement, 27 mai 1667, est contraire aux prétentions du scholastique. Deux ans après, la lutte recommence à Paris, une transaction intervient ; le chantre reconnaît au curé le droit de gouverner les écoles de charité, d'en nommer et d'en révoquer les maîtres, mais il se réserve le droit de les visiter, une fois par année, en présence dudit curé Il faut lire au Journal des audiences (t. III, p. 350) la discussion savante qui amena l'arrêt du 23 janvier 1680, qui reconnaît aux curés le droit d'instituer des écoles de charité pour les enfants pauvres.

Un demi-siècle plus tard, l'institution s'était assez généralisée pour que le jurisconsulte Pothier pût poser cette règle dans son Gouvernement des paroisses : « S'il n'y a pas d'école de charité dans une paroisse, des particuliers ont le droit d'en ouvrir du consentement du recteur ou de l'évêque ».

Au dix-huitième siècle les registres des paroisses, les comptes administratifs des hôpitaux, les rapports des intendants et surtout les états comprenant, pour chaque évêché, tous les établissements, fondations, revenus de charité, nous fournissent sur ces écoles des renseignements complets et précis.

A Mende, en 1665, l'évêque dote la ville épiscopale de deux écoles de charité, l'une pour les garçons, confiée à des frères, l'autre pour les filles, confiée à des soeurs. A Pithiviers, en 1714, l'évêque d'Orléans envoie un maître pour enseigner gratuitement à lire, à écrire, l'arithmétique et le catéchisme aux enfants pauvres, qui ne fréquentaient pas les écoles de garçons et de filles entretenues par la ville. Il assigne à ce maître 250 livres sur le revenu de l'Hôtel-Dieu et 40 francs sur les octrois.

A Vatan, en 1735, il y a deux soeurs : l'une soigne les malades, l'autre instruit les filles indigentes. A Issoudun, en 1762, outre les institutions bien rentées où l'on reçoit l'enseignement secondaire et primaire, un revenu de 400 francs est destiné à un maître habile, qui donnera gratuitement l'instruction aux enfants pauvres qui lui seront désignés par les échevins. A Vierzon, en 1763, un avocat au parlement de Paris fonde une école gratuite pour les enfants pauvres de la ville et des faubourgs ; ils recevront gratuitement les fournitures de classe, plumes, papier et livres. A Poitiers, des lettres patentes accordées par Louis XIV (févr. 1708) confirment l'établissement des petites écoles commencées par l'évêque, M. de la Poype, avec 1080 livres de rentes, et le Parlement, en enregistrant ces lettres (6 août 1709), ajoute : « Cet établissement est très avantageux pour les habitants de Poitiers qui n'ont pas le moyen de faire apprendre à lire à leurs enfants ; ils les envoient à ces écoles, où il y a des clercs chargés de les instruire dans la religion et de leur apprendre à lire et à écrire ».

En résumé, les écoles de charité, sous l'ancienne monarchie, surtout dans les provinces où elles étaient nombreuses et convenablement dotées, ont fendu de grands services à l'instruction et à l'éducation populaire.

Depuis la Révolution, le nom et la chose ont disparu : la désignation d'école des pauvres, d'école charitable, éveillait d'une part une idée d'indigence et de l'autre une idée d'aumône que notre nouvel état social ne comportait plus.

La loi du 15 mars 1850 n'a pas considéré comme tenant école les personnes qui, dans un but purement charitable, enseignent à lire et à écrire aux enfants, avec l'autorisation du délégué cantonal.

Louis Maggiolo