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Chantre Grand Chantre ou Préchantre

En droit canonique, on appelait de l'un de ces noms le chanoine qui présidait au chant, dans les églises cathédrales et dans les collégiales ; c'était un haut dignitaire du chapitre, désigné le plus souvent par l'évêque, quelquefois par ses collègues. Il était chargé en outre, dans un grand nombre de métropoles, à Paris, à Autun, à Sens, à Châlons, de la direction de l'école cathédrale d'abord, et ensuite de celle de tous les établissements scolaires. C'est en cette qualité de chef des écoles que nous avons à examiner ici son influence et sa juridiction sur les hommes et les choses de l'enseignement. Un manuscrit de 42 pages in-4° (1357), intitulé « Ancien livre du seigneur chantre de l'église de Paris », a été reproduit et considérablement augmenté dans un volume in-18, imprimé le vendredi 6 mai 1672, à Paris, par « l'ordre et autorité de Me Claude Jolly, prêtre, docteur ès-droicts, chantre et chanoine de l'église métropolitaine, collateur, juge et directeur des écoles, et par les soins de Martin Sonnet, prestre, chanoine et promoteur des petites écoles ». Ce petit livre, aussi curieux que rare, nous initie à la vie intime des écoles parisiennes ; on y trouve les noms et qualités des chantres de Paris depuis 1067, les formules ordinaires et anciennes des lettres de permission conférées aux instituteurs ; les arrêts du Parlement qui confirment les droits et prérogatives des chantres ; les extraits des registres des synodes qui, à Paris, le 6 mai de chaque année, réunissent, sous la présidence du chantre, en sa maison du cloître, tous les maîtres et maîtresses de la ville et banlieue : 41 maîtres et 21 maîtresses assistaient à l'assemblée du 6 mai 1380 ; on y lisait les statuts et l'on renouvelait, en présence de deux témoins et d'un notaire apostolique, le serment et promesse de les observer fidèlement. Voici quelques extraits de l'avertissement qui se trouve en tête de ce livre : « Vous êtes commis, messieurs et mesdames, et établis par M. le chantre (c'est Martin Sonnet qui parle), non seulement pour enseigner aux enfants à lire, à écrire, l'arithmétique, le calcul tant au jet qu'à la plume, le service, la grammaire, mais aussi le catéchisme., les bonnes moeurs, la pratique des vertus chrétiennes et morales, tant par l'instruction verbale que par vos bons exemples. » Il insiste sur la nécessité de garder avec conscience les règlements et les statuts, d'avoir et d'étudier de bons livres, d'assurer une bonne discipline dans la classe.

« Aimez tendrement les enfants, traitez-les doucement, corrigez-les prudemment, sans passion., défendez-leur de se tirailler, pousser, frapper, jeter des pierres, se dire des injures, de mauvaises paroles, de jurer, de mentir, de dérober., ne leur permettez pas d'aller deux ou plusieurs ensemble aux lieux nécessaires. ; en cas de différends et de procès, portez-les devant M. le chantre, qu'il ne faut jamais interrompre, comme aussi M. le promoteur ni le greffier, lorsqu'il écrit ses sentences. — Continuez à pratiquer tout le bien que vous faites dans vos écoles. M. le chantre a fait choix de vous comme de personnes de mérite, de science, de vertus. Vivez donc conformément à cela. C'est ce que je désire de tout mon coeur, vous promettant que je continueray toujours de vous estimer et honorer et vous assurant que je suis et seray à jamais votre très-humble et très-affectionné serviteur et ami, Martin Sonnet. »

On pourrait citer des textes nombreux, dont quelques-uns vont jusqu'au seizième et au dix-septième siècle, établissant ce droit du chantre « d'adviser avec les officiers de la ville, pourvoir et donner ordre aux escholes» (Cartulaire d'Autun, 1561). Signalons entre autres un règlement de l'archevêque de Sens en 1170 ; un titre de 1389 de l'abbaye de Beze, diocèse de Langres ; le registre de la chartrerie de Paris, 1357, et une foule d'autres ; et même au dix-huitième siècle, dans un registre de procès-verbaux, l'instruction remarquable de l'évêque de Châlons aux curés (1714), leur recommandant encore de s'adresser au chantre de l'église cathédrale pour trouver de bons maîtres et de bonnes maîtresses.

Louis Maggiolo