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Chaldée, Chaldéens

La Chaldée est le pays qu'arrosent l'Euphrate et le Tigre dans leur cours inférieur. Les premiers habitants civilisés qui occupèrent cette région portaient les noms de Soumirs et d'Akkads, qui désignent, soit deux peuples différents, soit plutôt deux fractions d'une population qu'on s'accorde à regarder comme de race touranienne. Ces Touraniens avaient aussi occupé la région limitrophe, à l'est du Tigre, appelée Elam, dont la ville principale fut Suse. Pendant des siècles, les rois de l’Elam dominèrent sur les rives du Tigre et de l'Euphrate ; mais lorsqu'une tribu sémitique, les Chaldéens, se fut établie dans la Potamie, s'y fut mêlée à la population touranienne, dont elle s'assimila la civilisation, et que Babylone, bâtie sur l'Euphrate, fut devenue une grande cité, l'Elam à son tour devint tributaire de la Babylonie.

Ce sont les Touraniens de l'Elam et de la Potamie qui ont inventé la plus ancienne écriture connue, l'écriture cunéiforme ; ce sont eux qui, les premiers, construisirent des villes. « Ce peuple d'Orient ne nous a pas légué son nom d'une façon précise, mais sa grande oeuvre est là, c'est le fond même de notre civilisation. C'est lui que nous devons regarder comme notre ancêtre spirituel pour les acquisitions du savoir qui se succédèrent dans les campagnes de la Mésopotamie et se transmirent, d'un côté, à la vallée du Nil, et de l'autre aux vallées du Hoang et du Yang-tzé ». (Elisée Reclus.)

Quant aux Chaldéens, de race sémitique, qui adoptèrent l'écriture touranienne, et qui finirent par devenir les maîtres de la Babylonie ils imposèrent peu à peu leur langage à toute la population, tandis que l'idiome touranien des premiers habitants devint une langue sacrée, réservée aux cérémonies religieuses. Agriculteurs, constructeurs, navigateurs, les Chaldéens, continuateurs des Touraniens, réalisèrent de merveilleux progrès ; « et l'on doit certainement dater de cette époque les découvertes fondamentales ou du moins les améliorations majeures qui ont fait passer l'humanité de la barbarie primitive à la civilisation consciente d'elle-même ». Ils furent les premiers astronomes, et leurs observations les amenèrent à établir l'existence d'une période de 22 325 lunaisons au bout de laquelle se produit le retour normal des éclipses dans lé même ordre. « L'éclipse choisie comme point initial d'un de ces cycles nous ramène à 13442 années avant l'an 1900 de l'ère usuelle des chrétiens. L'année était connue des Chaldéens dans sa véritable longueur. ; ils avaient inventé les signes du zodiaque, et l'identité de formes prouve que les observations astronomiques des savants de la Chaldée constituent l'élément primitif de tous les cercles de signes zodiacaux existant dans l'Ancien Monde. Les habitants de la Potamie réglaient les coupures de leur temps par douze et par sept, ainsi qu'en témoignent les mois et les semaines, mais ils connaissaient aussi la division par dix ; on nous a conservé un abaque décimal qui ne comporte que des signes en tout point semblables aux caractères cunéiformes. » (Elisée Reclus.)

Nous ne retracerons pas l'histoire de la Chaldée, qui, après avoir été, à partir du dix-septième siècle avant l'ère chrétienne, successivement tributaire des Egyptiens, puis des Assyriens, reprenant un moment son indépendance pour la reperdre, finit néanmoins, avec l'aide des Mèdes, par s'émanciper. Après la destruction de Ninive, Babylone, sous le règne de Naboukoudouroussour II, domina pendant un siècle sur la Mésopotamie et la Syrie. Elle fut ensuite soumise par les Perses, puis fit partie de l'empire d'Alexandre. Elle subsista jusqu'à la conquête arabe. « La religion et les écritures de la Chaldée tombèrent à peu près vers le même temps que Babylone, sous l'influence du christianisme et des cultes perses d'abord, plus tard sous celle de l'islamisme. L'antique civilisation qui les avait produites resta ignorée jusqu'au milieu du dix-neuvième siècle, et n'a repris son éclat que dans ces dernières années. On commence à comprendre aujourd'hui ce qu'étaient les Chaldéens et combien le monde leur est redevable. C'est d'eux — et en partie des Egyptiens — que viennent l'astronomie, les sciences mathématiques, la médecine, la plupart des sciences et des arts qui ont illustré l'antiquité grecque et romaine. Ils furent, tout compte fait, une des grandes races de l'humanité. »

Gaston Maspéro