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Cartographies (exercices)

La confection de cartes par les élèves est un des exercices dont les avantages sont le plus généralement reconnus.

C'est aussi un de ceux qui demandent le plus constamment l'intervention, la direction et la surveillance éclairée du maître ; car s'il est mal fait, il entraîne une perte de temps considérable sans le moindre profit pour l'instruction.

CARTES PLANES. — Les exercices cartographiques comme on les a trop longtemps pratiqués dans l'école primaire pèchent par un double vice : le calque et l'enluminure. Les enfants mettent trop peu de temps à la partie essentielle du travail, et ils en mettent infiniment trop à la partie accessoire ou pour mieux dire superflue. L'utilité de la carte faite par l'élève, c'est de l'obliger à saisir et à reproduire les contours, la situation des montagnes, la direction des cours d'eau, les limites des contrées, l'emplacement des villes. Si on lui permet de les retracer machinalement en quelques minutes à l'aide d'un papier transparent, l'exercice cartographique perd beaucoup de sa valeur. L'enfant qui n a plus besoin de s'appliquer à faire une carte vraie s'appliquera à faire une belle carte ; les heures qu'il eût passées, au grand bénéfice de son instruction, à tâtonner pour rendre de son mieux la forme et les dimensions d'une île, d'une contrée, d'une chaîne de montagnes, il les emploie à faire un mauvais lavis, à dessiner minutieusement les hachures de la montagne, à ombrer le contour des côtes, à encadrer sa carte et à l'enjoliver d'ornements de mauvais goût.

C'est pour remédier à ce mal trop commun qu'on s'est ingénié à chercher à faciliter aux enfants le dessin des cartes ou, comme on dit, la construction des cartes, d'après des procédés graphiques aussi simplifiés que possible. Il va sans dire qu'il ne peut être question de mettre les élèves de nos écoles aux prises avec les difficultés des différents systèmes de projection. On songea d'abord à leur donner un réseau tout préparé de parallèles et de méridiens et à leur faire placer sur le canevas les principaux points de repère. On attribue à un professeur suédois, Sven Agren, la publication (Berlin, 1832) des premiers modèles de cartes scolaires construites d'après ce procédé: ses élèves devaient apprendre par coeur la longitude et la latitude d'un certain nombre de points qui suffisaient à déterminer un tracé général. Karl Ritter, qui approuvait fort ce mode d'enseignement, lui donna par sa recommandation une grande popularité en Allemagne. Plusieurs de ses disciples immédiats s'appliquèrent à perfectionner le procédé de Sven Agren ; l'un deux, Von Cannstein, le modifia essentiellement. Karl Ritter avait coutume, dans ses cours, de dessiner au tableau noir une sorte de croquis ou de tracé schématique représentant les « lignes de relief» du continent ou de la contrée qu'il étudiait. Ces lignes, négligeant systématiquement le détail des contours réels, se trouvaient représenter approximativement une figure géométrique, le plus souvent un triangle, quelquefois un quadrilatère (Asie), un hexagone (France), etc. Von Cannstein généralisa en vue des exercices cartographiques ce mode de réduction à des formes géométriques, ce qui lui permit de diminuer considérablement le nombre des points de repère à retenir par coeur : l'élève, sachant que tel continent a la forme d'un triangle, n'avait plus qu'à partager chaque côté de son triangle en un certain nombre de subdivisions et à se rappeler à peu près à quelle division correspondaient les principaux angles rentrants et saillants (caps et golfes) qui déterminent le mouvement de la ligne côtière.

Un autre élève de Ritter, A. Guyot, professeur suisse établi aux Etats-Unis, se rapprocha plus encore de la réalité tout en gardant le bénéfice de cette esquisse géométrique. Au lieu d'une figure arbitrairement simplifiée et par là même inexacte, il tâche de saisir la « forme approchée » du continent, sa forme caractéristique, telle qu'elle résulte de sa structure même : de la sorte, au lieu de réduire l'Afrique ou l'Amérique du sud à un triangle, il leur donne la forme d'un polygone à autant d'angles rentrants et saillants que la côte comporte de caps et de golfes de première importance. Les Américains ont poussé fort loin cette recherche des procédés de dessin cartographique. Chaque auteur a son système de map drawing ; et il faut même convenir que la plupart, à force de vouloir guider l'élève, finissent par lui donner autant à faire pour retenir les artifices de cette construction que s'il avait à dessiner la carie elle-même sans tous ces aide-mémoire.

En France, le frère Alexis publia une collection de Cahiers d'exercices cartographiques qui est naturellement conçue d'après sa méthode particulière d'enseignement, et ne conviendrait pas à ceux qui ne font pas encore usage des courbes hypsométriques. Elle est méthodiquement graduée : les commençants ont à écrire les noms principaux et à colorier les cartes toutes tracées ; les élèves de la classe moyenne, à copier ces cartes à vue ; les plus avancés, à les reproduire de mémoire.

CARTES A FRESQUE. — Quelques-unes de nos écoles normales et même de nos écoles primaires offrent des spécimens de cartes murales dessinées à fresque par le maître avec le concours de ses meilleurs élèves, à peu près comme les grandes cartes de chemins de fer qu'on trouve dans certaines gares. Exercice recommandable, pourvu qu'il n'absorbe pas trop de temps et soit habilement dirigé.

Dès 1832, M. Lamotte, dans le Manuel général (t. Ier, p. 371, Moyens d'utiliser les murs d'une école), conseillait ce genre de cartes et en citait un exemple alors unique à Paris. En 1837 (Manuel général, t. X, p. 152), on en signalait plusieurs autres, et l'on évaluait la dépense à 5 francs pour une carte à l'huile, à 1 ou 2 francs pour une carte en détrempe à la colle (consulter la brochure de Lamotte, La Géographie enseignée par le dessin des cartes).

Cet usage semblait alors devoir se généraliser, mais les difficultés et l'imperfection que présente toujours un tel travail, et surtout la diffusion des cartes imprimées à bon marché, y ont fait renoncer.

CARTES EN RELIEF. — Depuis quelques années, au contraire, la confection des cartes en relief par les élèves d'écoles normales, professionnelles ou même primaires, a pris une certaine extension. Là, encore, il convient d'encourager le bon vouloir des professeurs et le zèle des élèves sans le stimuler inconsidérément. Ce travail ne peut jamais devenir, quoi qu'en disent ses partisans, un exercice scolaire proprement dit ; il ne sera jamais, même à l'école normale, qu'une occupation choisie par quelques amateurs pour passer utilement des heures de loisir. La plus grande difficulté qui s'y présente est de bien déterminer et de bien représenter les courbes de niveau : si l'on ne les exagère pas, si l'on adopte la même échelle pour les hauteurs et pour la planimétrie, le relief est la plupart du temps insensible ; si on les exagère, il devient faux : même en se bornant à la proportion du quadruple pour les hauteurs, on arrive à être obligé de figurer avec une pente manifestement invraisemblable la route sur laquelle on se trouve ou la rivière qu'on voit couler.

Nous aurions voulu cependant donner ici quelques instructions sur la construction de ces deux derniers genres de cartes, mais elles ne pourraient être profitables qu'à la condition d'être extrêmement détaillées et techniques. Nous croyons donc mieux faire en signalant, à ceux qui voudraient approfondir la question et s'y exercer pratiquement, une courte et excellente notice publiée par un maître expérimenté. M. Ch. Leroy, directeur de l'école normale de Charleville : Enseignement de la géographie de la commune ; cartes en relief, cartes murales à fresque (1875, A. Colin). Cf. aussi dans le Bulletin du ministère, 1873, n0 301, la conférence de M. Dufaud, maître adjoint à l'école normale d'Albertville, sur la construction des cartes murales.