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Campan (Madame)

Henriette Genest (1752-1822), devenue Mme Campan par son mariage avec le valet de chambre du roi, fut d'abord lectrice de Mesdames, filles de Louis XV, puis femme de chambre de Marie-Antoinette, sur laquelle elle a laissé des Mémoires intéressants. Ayant perdu sa fortune à la Révolution, elle fonda à Saint-Germain un pensionnat qui eut un succès considérable. En 1807, Napoléon la nomma directrice de la maison d'éducation d'Ecouen (Légion d'honneur). Elle conserva ce poste jusqu'en 1814 ; au retour des Bourbons, elle tomba en disgrâce.

Mme Campan, qui avait acquis une grande réputation comme éducatrice, a résumé les principes de sa méthode d'enseignement dans un ouvrage remarquable : De l'Education, suivi de Conseils aux jeunes filles, d'un Théâtre pour les jeunes personnes et de Quelques essais de morale.

Ce travail, dédié aux anciennes élèves de Saint-Germain et d'Ecouen devenues mères de famille, est divisé en dix livres.

L'auteur, très méthodique, s'occupe d'abord de la première enfance, et les chapitres qui traitent de cet intéressant sujet constituent un cours d'hygiène auquel — sauf les berceuses — nous ne trouverons rien à retrancher aujourd'hui. Le livre qui suit traite de l'éducation de trois à sept ans. Mme Campan croit à l'efficacité et même à la nécessité d'un plan d'éducation discuté, arrêté d'avance par les parents. On évitera, ainsi ces contradictions et ces hésitations dont les enfants sont témoins. « Ces enfants, dit-elle, vont tout à l'heure porter des jugements : c'est leur père et leur mère qu'ils jugeront d'abord. »

A sept ans, le petit garçon passe aux mains des hommes ; la fille peut être mise en pension (au couvent) ou rester chez sa mère ; de là les deux subdivisions du livre : éducation maternelle, éducation publique. Avec un grand sens, Mme Campan pose ce principe que l'enseignement public n'est tout à fait bon que si chaque maîtresse a un nombre restreint d'élèves : c'est ce qui avait fait en partie son succès à elle. C'est Mme Campan qui eut la première idée des externats, qu'elle appelle des « pensions de jour ».

Une des questions qu'elle traite le plus à fond est celle des châtiments, qui ne doivent être ni disproportionnés à la faute, ni trop souvent répétés, et où la dignité de l'enfant doit toujours être ménagée : « en humiliant un enfant, on risque de l'avilir ». Et Mme Campan énumère les punitions qu'elle employait à Saint-Germain et à Ecouen ; la plupart, qui paraissent vraiment puériles, produisaient tant d'effet, que plusieurs durent être abandonnées.

Le chapitre qui traite des rapports des enfants avec les domestiques se ressent un peu trop, pour notre époque égalitaire, de l'étiquette à laquelle l'ancienne lectrice de Mesdames a été astreinte ; ceux qui concernent l'enseignement de la lecture, de l'écriture, de la danse, ont évidemment vieilli ; certains conseils, tels que celui de passer l'hiver à la ville et l'été à la campagne, pendant toute la durée de l'éducation, ne sont applicables qu'à un petit nombre de familles. Mais l’ouvrage de Mme Campan, pour porter l'empreinte de son temps et de sa société, n'en est pas moins une oeuvre de réel mérite pédagogique.

Une des premières, Mme Campan osait parler sérieusement de l'éducation des femmes. Il ne faut pas oublier que, dans son entourage précisément, nombre des siens se demandaient encore, au commencement du dix-neuvième siècle, s'il était bon de donner de l'instruction aux filles. La réponse de Mme Campan est catégorique : « On verra toujours, dit-elle, que ce sont les plus superficielles, les moins instruites, les plus ennuyées qui se lancent le plus aveuglément dans le tourbillon des plaisirs ».

Bien que le livre, dans son ensemble, ne soit pas un manuel à recommander aujourd'hui dans toutes ses parties, il ne reste pas moins, comme Mme Cam pan le définit très bien, un utile « recueil d'épreuves, d'expériences et de remarques, dont les élèves ont fourni à leur insu le sujet, les principes et les résultats ».

Pauline Kergomard