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Caisses des écoles

Les caisses des écoles sont destinées à encourager et à faciliter la fréquentation des écoles par des récompenses accordées aux élèves assidus et par des secours donnés aux élèves indigents.

Le premier exemple d'une caisse des écoles organisée sous ce nom avec un caractère bien précis remonte à l'année 1849. A cette époque, quelques compagnies de la garde nationale des quartiers qui forment aujourd'hui le deuxième arrondissement de Paris eurent l'heureuse idée d'encourager l'éducation et l'instruction des enfants pauvres de leur quartier et de constituer par des cotisations un premier fonds au moyen duquel on pût récompenser le travail des élèves et venir en aide à leurs familles.

Treize ans plus tard, une initiative semblable fut prise avec un succès égal dans le dix-neuvième arrondissement.

Des dispositions spéciales introduites par le ministre Victor Duruy dans la loi du 10 avril 1867 généralisèrent l'institution, en lui laissant toutefois son caractère facultatif.

Une circulaire en date du 12 mai de la même année recommandait aux préfets de favoriser la création des caisses des écoles, et en termes saisissants en démontrait la nécessité :

« Il ne suffit pas, en de certains cas, écrivait le ministre, d'ouvrir gratuitement à un enfant la porte de l'école : l'expérience prouve que beaucoup d'enfants qui y sont admis à cette condition se dispensent d'y paraître, ou y paraissent si irrégulièrement qu'ils n'en profitent réellement pas.

« Cela tient à plusieurs causes que la caisse des écoles peut faire disparaître. Le besoin qu'ont les parents des services de leurs enfants : la caisse ne peut-elle pas allouer des secours, à condition de l'envoi régulier des enfants à l'école? Ces enfants manquent de vêtements : ne peut-elle leur en donner? Ils n'ont pas le moyen de se procurer des livres et du papier : ne peut-elle leur en fournir? Ne peut-elle pas récompenser par quelque don les enfants les plus assidus ; accorder des prix en dehors de ceux pour lesquels le Conseil municipal alloue une certaine somme, ou en doubler la valeur ; donner à l'instituteur lui-même soit une gratification, soit les livres dont il aurait besoin pour l'instruction de ses élèves ou la sienne propre ; ou enfin souscrire en son nom à des recueils périodiques qui le tiendraient au courant des méthodes nouvelles et des progrès de la science ? » Dès la fin de l'année 1867, une note du Bulletin administratif du ministère signalait un grand nombre de fondations, notamment dans les départements voisins de Paris et dans ceux de la Lorraine.

Le mouvement en faveur des caisses des écoles se ralentit un peu dans les dernières années de l'Empire ; les événements de 1870 désorganisèrent un grand nombre de ces institutions locales.

En décrétant l'obligation scolaire, le législateur a estimé que l'institution des caisses des écoles en était le corollaire indispensable. Aussi la loi du 28 mars 1882 porte-telle dans son article 17 que « la caisse des écoles instituée par l'article 15 de la loi du 10 avril 1867 sera établie dans toutes les communes ».

Malgré ces prescriptions impératives, il s'en faut qu'une oeuvre aussi utile ait reçu jusqu'ici son complet développement. A diverses reprises, les ministres se sont efforcés de stimuler les bonnes volontés dont le concours est indispensable à la vitalité de l'institution. On doit citer à cet égard, en le rapprochant de la circulaire du 12 mai 1867, le pressant appel adressé par M.R. Poincaré dans sa lettre du 10 juillet 1895 aux membres des délégations cantonales, des caisses des écoles et des commissions scolaires : « Dans beaucoup de cas, en hiver surtout, ce sont simplement les vêtements et les chaussures qui font défaut. Vous interviendrez pour obtenir qu'il en soit délivré par la caisse des écoles, dussiez-vous, pour y parvenir, provoquer une souscription que personne ne vous refusera. Ailleurs, — et les rapports des inspecteurs primaires ne cessent, comme ceux des inspecteurs généraux, de signaler ce fait à peine croyable, — après que l'Etat a payé des millions pour bâtir des écoles et pour assurer le traitement des maîtres, déchargeant ainsi la commune de la presque totalité des grosses dépenses, il existe encore des communes qui rendent inutiles ces énormes sacrifices en refusant d'accorder aux élèves indigents les quelques sous indispensables pour acheter les fournitures scolaires : on voit dans certaines écoles des enfants inoccupés ou suivant de loin péniblement, infructueusement, le travail de leurs camarades, faute d'un livre, d'un cahier ou d'un crayon que la commune refuse ou plutôt néglige indéfiniment de leur fournir, alors qu'elle n'a plus rien d'autre à dépenser pour l'école….

« Je sais bien que, malgré les prescriptions formelles de la loi, il y a encore près de la moitié des communes de France qui ne possèdent pas même une caisse des écoles. Est-ce un obstacle qui doive vous arrêter, messieurs, et ne devez-vous pas, au contraire, saisir l'occasion pour constituer cet auxiliaire précieux de l'école? L'argent manque? Mettez-y seulement votre cotisation, et celle, si minime qu'elle soit, de vos voisins et de vos amis, celle du maire, celle de deux ou trois conseillers municipaux, le produit d'une quête à la mairie à l'occasion d'un mariage, et en voilà assez pour commencer ; vous demanderez au ministère une petite subvention a titre d'encouragement, et elle ne vous sera pas refusée.

« Qui prendra l'initiative de ces créations? Qui fera pénétrer ces idées jusque dans les dernières communes de France, si ce n'est vous, messieurs? Les personnes de bonne volonté, quoi qu'on en dise, ne manquent nulle part en ce pays. Il suffit de leur dire ce qu'on attend d'elles. Combien y en a-t-il qui ignorent jusqu'à l'existence de la caisse des écoles dans leur commune et n'ont jamais pensé à s'y faire inscrire?

« Il en est qui se déclarent partisans des théories les plus avancées en matière d'initiative individuelle ou communale, qui se plaignent de la centralisation administrative, qui admirent de confiance les institutions libérales d'autres pays, et qui ne se doutent pas qu'il y a là, à leur porte, une institution créée en principe depuis trente ans, qui est à la fois la plus simple, la plus libre, la plus humaine et la plus démocratique des conceptions… une sorte d'association mi-publique, mi-privée, s'administrant elle-même, jouissant de la personnalité civile, n'ayant d'autres statuts que ceux qu'elle se donne, où tous les gens de bien qui s'intéressent à l'enfance peuvent apporter leur obole, et, ce qui vaut plus encore, leur affection. »

D'autre part, le crédit inscrit au budget du ministère de l'instruction publique pour subventionner les caisses des écoles a été quelque peu relevé. Jusqu'en 1896, il était de 100000 francs. Depuis lors, il a été porté à 120000 francs. Mais on doit reconnaître que cette somme est tout à fait insuffisante pour venir efficacement en aide aux communes dont la population est peu élevée, et en faveur desquelles les préfets sollicitent des subventions qui les aident à entretenir la caisse des écoles.

Législation. — L'article 15 de la loi du 10 avril 1867, qui a donné l'existence légale aux caisses des écoles, était ainsi conçu :

« Une délibération du conseil municipal, approuvée par le préfet, peut créer, dans toute commune, une caisse des écoles destinée à encourager et à faciliter la fréquentation de l'école par des récompenses aux élèves assidus et par des secours aux élèves indigents.

« Le revenu de la caisse se compose de cotisations volontaires et de subventions de la commune, du département et de l'Etat. Elle peut recevoir, avec l'autorisation des préfets, des dons et des legs.

« Plusieurs communes peuvent être autorisées à se réunir pour la formation et l'entretien de cette caisse.

« Le service de la caisse des écoles est fait gratuitement par le percepteur. »

Ces dispositions ont été complétées par l'article 17 de la loi du 28 mars 1882, portant que « la caisse des écoles instituée par l'article 15 de la loi du 10 avril 1867 sera établie dans toutes les communes ».

Aux termes du même article, la répartition des «secours doit se faire par les soins de la commission scolaire. Mais, en ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement des caisses des écoles, l'administration a toujours laissé la plus grande latitude aux communes. Dès la mise en vigueur de la loi du 12 mai 1867, le ministre insistait sur l'inutilité d'une réglementation trop étroite. « Je ne crois pas, Monsieur le préfet, qu'il y ait lieu de donner à toutes les caisses des écoles la même forme, et de les soumettre aux mêmes règles. Ces établissements, qui devront beaucoup à l'initiative privée, n'ont besoin que d'un règlement de travaux intérieurs dont vous pourrez donner le modèle sans prétendre l'imposer. » (Circulaire du 12 mai 1867.) Ces instructions ont été confirmées par des circulaires postérieures, et c'est à titre de simple indication que le modèle de statuts que nous reproduisons à la fin du présent article a été annexé à la circulaire du 29 mars 1882.

Notons en particulier qu'en raison de la difficulté que présente dans beaucoup de communes l'application du dernier paragraphe de l'article 15 de la loi du 10 avril 1867, le service de la caisse des écoles peut être confié à toute autre personne que le percepteur.

L'article 61 de la loi du 30 octobre 1886 ayant abrogé la loi du 10 avril 1867, on s'était demandé si l'article 15 de cette dernière loi, auquel se réfère l'article 17 de la loi du 28 mars 1882, était encore en vigueur. Consultée au sujet d'un legs fait en faveur d'une caisse des écoles, la Section de l'intérieur du Conseil d'Etat a émis son opinion dans une note (3 décembre 1890) qui a fixé la jurisprudence : La loi du 30 octobre 1886 a abrogé, il est vrai, celle du 10 avril 1867, mais elle n'a pas abrogé celle du 28 mars 1882, laquelle, en rendant obligatoire dans toutes les communes l'établissement de la caisse des écoles, s'est expressément référée à l'article 15 de la loi du 10 avril 1867 et a généralisé l'institution de la caisse des écoles dans les conditions où cette caisse avait été créée et organisée par l'article 15 précité.

Subventions. — Aux termes de l'article 17, paragr. 2, de la loi du 28 mars 1882, dans les communes subventionnées dont le centime n'excède pas 30 francs, la caisse des écoles avait droit à une subvention au moins égale au montant des subventions communales. Cette disposition qui, faute de ressources suffisantes, n'avait d'ailleurs jamais reçu son entière application, a été abrogée par l'article 54 de la loi du 19 juillet 1889. Depuis cette époque, la répartition du crédit inscrit au budget en faveur des caisses des écoles s'effectue sur d'autres bases. Les propositions des préfets, appuyées des justifications et renseignements nécessaires, doivent comprendre les caisses qui ont le plus de titres à un subside, sans distinction entre les communes dont le centime est inférieur ou supérieur à 30 francs. Les encouragements de l'Etat sont ainsi accordés, dans la limite des fonds dont l'administration dispose, non plus en vertu d'un droit pour la commune d'y prétendre, mais en raison de ses sacrifices, de ses besoins et de l'emploi judicieux des ressources spéciales de sa caisse des écoles. (Circulaire du 27 juillet 1889.)

Aux cotisations des membres des caisses des écoles et aux subventions de l'Etat s'ajoutent les redevances payées par les notaires lorsqu'ils sont autorisés à faire usage des salles d'école pour les adjudications (Voir Adjudications).

Fonctionnement. — Les ressources provenant de la caisse des écoles et la subvention de l'Etat inscrite au budget du ministère de l'instruction publique pour venir en aide à ces établissements doivent être affectées en premier lieu à la fourniture gratuite des livres aux élèves indigents (Décret du 29 janvier 1890, art. 8).

Les attributions des caisses des écoles ayant été définies et limitées par l'article 15 de la loi du 10 avril 1867, il n'y a pas lieu de les autoriser à entretenir sur les ressources de leur budget les études surveillées dans les écoles primaires publiques (Avis du Conseil d'Etat du 14 juin 1894). Elles peuvent toutefois affecter une partie de leurs ressources à payer les frais occasionnés aux élèves indigents par la fréquentation des études surveillées. Il s'agit, en ce cas, d'un secours particulier et non d'une libéralité s'appliquant à la totalité des élèves.

Il résulte de divers arrêts du Conseil d'Etat (1903) que les caisses des écoles constituent des établissements publies, et doivent être considérées, non comme des établissements de bienfaisance, mais comme des établissements scolaires annexes. Elles sont placées, en cette qualité, sous la surveillance et le contrôle des préfets. Les statuts des caisses des écoles doivent, par suite, être soumis à l'approbation de l'autorité préfectorale, à qui ii appartient d'en surveiller l'observation.

Une autre conséquence de la nature juridique des caisses des écoles, c'est que, pas plus que les communes, elles ne peuvent subventionner des écoles privées. Cette doctrine a été formellement consacrée par la décision rendue le 22 mai 1903 par le Conseil d'Etat, à propos de la caisse des écoles du VIe arrondissement de Paris : bien que les statuts d'une caisse, régulièrement approuvés antérieurement à la loi du 30 octobre 1886, aient stipulé que les élèves des écoles privées jouiraient des avantages de la caisse comme ceux des écoles publiques, une semblable disposition doit être tenue comme non avenue, étant inconciliable avec le régime établi par la loi de 1886. Pour la même raison, les caisses des écoles n'ont pas qualité pour accepter des libéralités en faveur des élèves des écoles privées : chaque fois donc qu'une libéralité vise à la fois les élèves des écoles publiques et ceux des écoles privées, le maire, au nom des pauvres, et la caisse des écoles, au nom des écoles publiques, doivent accepter, chacun en ce qui le concerne, la part revenant dans la libéralité soit aux enfants des écoles privées, soit aux enfants des écoles publiques. Il y aurait lieu de considérer comme nulle une disposition par laquelle un testateur stipulerait que la caisse des écoles, bénéficiaire d'un legs, ne pourra faire participer aux avantages de la libéralité que les élèves studieux qui rempliraient certaines obligations confessionnelles.

D'un projet de loi sur l'enseignement primaire obligatoire, déposé à la Chambre le 24 janvier 1907 par M. A. Briand, alors ministre de l'instruction publique, et d'une proposition de loi ayant le même objet, présentée le 31 décembre 1907 par M. Adrien Pozzi, député, est sorti un projet de loi dû à la Commission de l'enseignement, projet qui, par son article 5, rend obligatoire l'établissement, dans chaque commune, d'une caisse des écoles « destinée à encourager, à aider et à développer l'oeuvre de l'école publique ». Les ressources de la caisse se composeront de cotisations volontaires et de subventions de la commune, du département et de l'Etat ; un crédit sera, chaque année, inscrit obligatoirement au budget communal ; l'Etat accordera à chaque département une allocation annuelle destinée à subventionner des caisses des écoles dans des communes de mille habitants et au-dessous il sera, à cet effet, inscrit un million au budget de l'instruction publique ; le Conseil général, dans chaque département, établira la répartition de l'allocation en tenant compte des ressources des communes et de leur contribution à la caisse des écoles. Plusieurs communes peuvent être autorisées à se réunir pour la formation et l'entretien de la caisse des écoles.

Nous reproduisons ci-après le modèle de statuts qui a été publié en 1882 par le ministère de l'instruction publique :

« MODÈLE DE STATUTS

« D'UNE CAISSE DES ECOLES,

ANNEXE A LA CIRCULAIRE DU 29 MARS 1882.

« CAISSE DES ECOLES D STATUTS.

« ARTICLE PREMIER. — Une caisse des écoles est instituée à ….. en éxecution de l'article 17 de la loi du 28 mars 1882. Elle a pour but de faciliter la fréquentation des classes par des récompenses, sous forme de livres utiles et de livrets de caisse d'épargne, aux élèves les plus appliqués, et par des secours aux élèves indigents et peu aisés, soit en leur donnant les livres et fournitures de classe qu'ils ne pour raient se procurer, soit en leur distribuant des vêtements et des chaussures, et, pendant l'hiver, des aliments chauds.

« ART. 2. — Les ressources de la caisse se composent :

1° Des subventions qu'elle pourra recevoir de la commune, du département et de l'Etat ;

2° Des fondations et souscriptions particulières ;

3° Du produit des dons, legs, quêtes, fêtes de bienfaisance, etc. ;

4° Des dons en nature, tels que livres, objets de papeterie, vêtements, denrées alimentaires.

« ART. 3. — La Société de la caisse des écoles comprend des membres fondateurs et des membres sou scripteurs.

« ART. 4. — Le titre de fondateur de la caisse des écoles sera acquis par un versement minimum de …. francs une fois payés ou de….. annuités de ….. francs chacune.

« ART. 5. — Le titre de souscripteur résultera d'un versement annuel de …. francs au minimum.

« ART.6. — La caisse des écoles est administrée par un comité composé des membres de la commission scolaire locale et de …. autres membres, élus, pour une période de …. ans, par l'assemblée générale des sociétaires, et rééligibles. » « Ce comité, préside par le maire, élit chaque année un vice-président, un secrétaire et un trésorier.

« Il pourra s'adjoindre, en nombre indéterminé, des dames patronnesses.

« ART. 7. — Toutes les fonctions du comité de la caisse des écoles sont essentiellement gratuites.

« ART. 8. — Le comité arrête, chaque année, le budget de dépenses de la caisse des écoles et règle l'emploi des fonds disponibles. Il détermine la somme que le trésorier conservera pour les dépenses présumées de l'année, le surplus devant être placé sur l'Etat, en rentes 3 pour 100 amortissables.

« ART. 9. — Le comité se réunit au moins trois fois par an, savoir : dans le mois qui suit la rentrée des classes, dans celui qui précède Pâques, et dans le mois qui précède l'ouverture des vacances ; il se réunit plus souvent si le président juge nécessaire de le convoquer, ou si cinq de ses membres en font la demande.

« ART. 10. — Le comité aura la faculté de convoquer à ses réunions l'instituteur, l'institutrice et la directrice de l'école maternelle ; mais ces fonctionnaires n'auront que voix consultative.

« ART. 11. — Dans l'intervalle des réunions du comité, les mesures urgentes peuvent être prises, sauf à en référer au comité, lors de sa première séance, par le bureau dudit comité.

« ART. 12. — Aucune dépense ne peut être acquittée par le trésorier qu'en vertu d'un bon signé du président et du secrétaire.

« ART. 13. — Dans une assemblée générale annuelle des sociétaires, il est rendu compte des travaux du comité et de la situation financière de l'oeuvre. Une copie de ce compte-rendu est transmise à M. l'inspecteur d'académie.

« ART. 14. — Aucune modification aux présents statuts ne pourra avoir lieu sans l'approbation de l'autorité préfectorale. »