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Cacographie

 On désigne et l'on a souvent employé dans l'enseignement primaire sous le nom de cacographie une méthode consistant à enseigner la grammaire et l'orthographe au moyen de phrases et de mots écrits incorrectement et qu'on charge l'élève de corriger. On cite quelques exemples très anciens de « cacographies », ? Larousse en mentionne une de 1752 et Littré une autre de Joubert en 1759, ? mais c'est seulement depuis le commencement du dix-neuvième siècle que l'usage de ces exercices s'est généralisé.

Le procès de la cacographie n'est plus à faire ; ses rares partisans ne la défendent plus même que comme un « mal nécessaire », et l'usage s'en détourne décidément à tous les degrés et dans tous les systèmes pédagogiques. Estropier les mots, semer au hasard dans un texte quelconque ce que les imprimeurs appellent des « coquilles », ou bien habituer les enfants avoir toujours écrits au rebours de ce qu'ils devraient être les mots qui présentent une difficulté de forme, de flexion, d'accord ou de régime, c'est compliquer à plaisir la tâche de l'instituteur et celle de l'élève.

Cependant, aujourd'hui que les exercices cacographiques, cacologiques, cacophoniques et autres de même goût ne sont plus à redouter, il est peut-être à propos de remarquer qu'au fond de cette malencontreuse invention il y avait sinon l'idée, du moins le sentiment très juste d'un des besoins les plus réels de l'enseignement primaire. On voulait rompre avec la monotonie de l'exercice grammatical sous la forme de copies de verbes, de dictées et d'analyses sans fin et sans variété. On sentait qu'il faut retourner de vingt manières différentes la phrase à écrire, la règle à appliquer, la difficulté orthographique à résoudre, si l'on veut être sûr que l'enfant y fasse attention et en soit vraiment maître.

Nos modernes livres scolaires sont inspirés de cette tendance à rajeunir et à diversifier l'exercice orthographique ; on peut même dire qu'ils doivent quelque chose à la cacographie. Seulement ils en ont supprimé les inconvénients, en substituant au mot mal écrit le mot non écrit, ou le mot écrit à demi, ou encore, si c'est un verbe, le mot écrit à l'infinitif et placé entre parenthèses. Au lieu d'écrire, par exemple : « Si tu lui désobéi, ta mère te puniras, » comme le ferait la cacographie, on écrit : « Si tu lui désobéi, ta mère te [punir, au futur de l'indicatif) ». De la sorte on garde tout le piquant de l'exercice cacographique, sans faire violence à l'oeil de l'enfant.