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Bulgarie

La principauté de Bulgarie a été constituée en 1878 par le traité de Berlin. Une Assemblée nationale vota, en 1879, une constitution remettant le pouvoir exécutif à un prince héréditaire et le pouvoir législatif à une assemblée élue par le suffrage universel. Le prince choisi par les représentants du peuple bulgare fut Alexandre de Battenberg ; sous son règne eut lieu la réunion à la Bulgarie de la province de Boumélie-Orientale. Le prince Alexandre abdiqua en 1886, et fut remplacé l'année suivante par le prince Ferdinand de Saxe-Cobourg. En 1908, l'Assemblée nationale a décidé l'érection de la principauté en royaume.

La superficie du territoire bulgare est de 95 224 kilomètres carrés ; sa population, au recensement de 1900, était de 3 744 283 habitants, dont 3 694 449 Bulgares, 27 682 Turcs, 7544 Grecs, etc. La principauté est divisée en douze départements.

Lors de l'émancipation de la Bulgarie, tout était à créer pour l'instruction publique. La première Assemblée nationale rendit l'instruction primaire obligatoire (art. 78 de la constitution). Un ministère spécial fut créé. En 1881 paraissent les Instructions sur les établissements scolaires, qui organisent l'enseignement primaire et moyen. En 1891 est votée la première grande loi universitaire, encore en vigueur aujourd'hui ; elle transfère à l'Etat la plus grande partie des charges de l'enseignement primaire, qui précédemment pesaient uniquement sur les communes. En 1903 est fondée l'université de Sophia. En 1907, le gouvernement, effrayé des progrès des idées avancées chez les instituteurs et les étudiants, fait voter des lois de réaction sur l'enseignement supérieur et primaire, qui provoquent une grave crise universitaire.

Le ministre, assisté de deux chefs de section (enseignement supérieur et moyen, enseignement primaire), exerce son contrôle sur les gymnases par deux inspecteurs généraux, et sur les écoles primaires et les progymnases par douze inspecteurs départementaux et cinquante inspecteurs d'arrondissement. Il y a en outre, dans chaque département, un Conseil de l'instruction publique formé de fonctionnaires et de professeurs élus par leurs collègues, et, dans chaque commune, un comité scolaire de trois à cinq membres élus au scrutin secret ; c'est le conseil municipal qui fixe le budget scolaire, et propose l'instituteur de son choix à la nomination du ministre.

Enseignement primaire. — L'enseignement primaire est obligatoire et gratuit. Il a pour but de donner une éducation morale et religieuse, de développer physiquement l'enfant, de lui donner les connaissances nécessaires à la vie. L'éducation est donc fondée, depuis les lois de 1907 seulement, sur la religion autant que sur la morale. En fait, les instituteurs ne se soucient pas de cette prescription. Les matières enseignées sont : le catéchisme, la langue bulgare, le calcul, l'enseignement civique, le chant, la gymnastique, les travaux manuels. Pratiquement, le programme n'est appliqué que dans les villes ; dans les villages on se restreint au strict minimum, car l'année scolaire, qui doit durer du 1er septembre au 25 juin, n'y dure en réalité que six mois, ce qui réduit à 24 mois en tout le temps consacré à l'instruction primaire, la durée du cours étant de quatre ans. Aussi a-t-on institué en 1901, avec le concours des communes, des cours complémentaires qui sont très fréquentés. Le mini stère cherche à développer l'activité de l'instituteur en dehors de l'école ; il encourage la création de cours du soir et de cours du dimanche, celle de jardins scolaires (502 jardins en 1905). A noter aussi, depuis quelques années, une tendance des municipalités à se procurer des bâtiments appropriés pour leurs écoles, et un matériel scolaire moderne. On crée, comme à Sophia, des oeuvres de nourriture pour les écoliers pauvres, des salies d'asile (40 salles d'asile en 1904, organisées d'après le système Froebel), des cours pour les enfants anormaux (aveugles et sourds-muets). Malheureusement, l'argent manque souvent pour satisfaire à ce besoin d'innovation et de progrès qui caractérise l'enseignement bulgare.

Les statistiques montrent l'effort consenti par la nation pour son instruction, et les progrès réalisés : en 1888, il y avait 2370 écoles primaires, en 1906 3163 (soit une augmentation du tiers), la plupart nationales, le reste formé d'écoles privées confessionnelles. Le nombre des élèves s'est accru dans des proportions plus considérables encore : en 1888, 125 773 élèves, en 1906 334 779, soit une augmentation de 166 pour 100. L'instruction féminine surtout se développe. En 1888, sur 100 élèves, il n'y avait que 22 filles ; en 1906, il y en avait 45. — Le nombre des lettrés s'est accru dans des proportions prodigieuses en vingt ans : en 1888, 10 % de lettrés (16 % d'hommes et 4% de femmes) ; en 1900, 24 % (36 % d'hommes et 12 % de femmes), soit un accroissement de 128 % (111 % d'hommes et 172 % de femmes). La proportion des illettrés entrant au régiment n'est plus que de 10 % ; sur ce point, la Bulgarie dépasse tous les Etats orientaux, et même quelques Etats occidentaux. A noter aussi la propagande scolaire bulgare en Macédoine, avec 200 écoles, 250 maîtres et une dépense de 450 000 fr. par an.

Le nombre des instituteurs n'a cessé de progresser depuis vingt ans: 3292 en 1888, 7241 en 1906. Ils sont classés en instituteurs provisoires et en instituteurs réguliers. Les instituteurs provisoires doivent avoir fait des études secondaires, et reçoivent 900 fr. par an ; au bout d'un an ils peuvent se présenter à l'examen d'Etat, exclusivement pédagogique, nécessaire pour devenir instituteur régulier. Les instituteurs réguliers ont vu leur situation s'améliorer beaucoup depuis vingt ans, notamment grâce à la loi de 1904 qui charge l'Etat de les payer intégralement : jusqu'alors, un tiers de leurs appointements était fourni par les communes, qui s'acquittaient assez mal de leur dette. Ils sont divisés en trois classes, qui touchent 1140, 1428 et 1680 fr. par an, dans les villes comme dans les campagnes. Leur instruction et leur formation pédagogique sont aussi devenues plus sérieuses. En 1888, 232 sur 3292 avaient une instruction secondaire complète, soit 7 % ; en 1905, il y en avait 6186 sur 7241, soit 87 %. En 1888, 247 instituteurs ne possédaient qu'une instruction primaire ; aujourd'hui il n'y en a qu'un seul. Les écoles pédagogiques chargées de former les instituteurs, qui étaient au nombre de 2 en 1887, sont maintenant au nombre de 5 pour les hommes, avec 853 élèves, et de 4 pour les femmes, avec 2713 élèves. La durée de l'enseignement dans ces écoles, primitivement fixée à un an, vuis à trois ans, est maintenant de quatre ans. Des di-pisions élémentaires sont annexées par la formation des futurs instituteurs. Le programme des cours fait une large place à la culture générale.

Le budget de l'enseignement primaire s'est considérablement accru. En 1887, l'Etat lui consacrait 460 000 francs ; il est vrai de dire qu'à cette époque l'enseignement primaire était presque entièrement à la charge des communes. En 1907, le budget de l'enseignement primaire est de 5 700 000 francs, sans compter les subventions communales.

Enseignement secondaire. — L'enseignement secondaire a fait les mêmes progrès : il y a pour les garçons 11 gymnases de sept classes. Les trois dernières classes comprennent une section classique (latin et grec) et une section des sciences. Les autres matières enseignées sont : l'histoire, la psychologie, les langues vivantes, la religion. Le nombre des élèves a passé de 2280 en 1888 à 8542 en 1906(276 % d'augmentation). Il existe 6 gymnases de filles, organisés comme les gymnases de garçons, sauf certaines modifications du programme, auquel on a adjoint des cours professionnels ; le nombre des élèves est passé de 714 (1886) à 3834 (1906). Il faut ajouter les gymnases incomplets, ou progymnases, de garçons et de filles, sorte d'enseignement primaire supérieur (99 en 1887, avec 5603 élèves ; 199 en 1907, avec 21 772 élèves). — En 1888, 40 % des professeurs avaient reçu, en tout ou en partie, une instruction supérieure ; en 1906, 70 %. — L'Etat, qui dépensait en 1881 200 000 francs pour l'enseignement secondaire, a dépensé, en 1907, 3 620 000 francs, sans compter les dépenses communales pour les progymnases. Une institution originale est celle du médecin-professeur qui est attaché à chaque gymnase et doit s'y consacrer exclusivement.

Enseignement supérieur. — L'université de Sophia, fondée en 1903, troublée en 1907 par une grave crise au cours de laquelle tous ses professeurs furent destitués pour des raisons politiques, puis réintégrés, compte trois facultés (philologie, sciences, droit), avec un millier d'étudiants. — A côté d'elle existe une Ecole des beaux-arts.

Bibliographie. — La Revue scolaire, Sophia, depuis 1896. —La Bulgarie contemporaine (Exposition de Milan), 1906. — Rapport au prince de Bulgarie à l'occasion de son jubilé, 1907.

Stéphane Jolly