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Brésil

 Le Brésil est le cinquième en étendue parmi les grands pays du globe : seuls la Russie, la Chine, les Etats-Unis et le Canada l'emportent sur lui, et ce dernier pays de cent mille kilomètres carrés seulement. Colonisé par les Portugais, qui y introduisirent de nombreux esclaves noirs, et qui convertirent au christianisme une partie des populations indigènes, il vit arriver en 1807 la famille royale de Portugal, chassée de Lisbonne par l'occupation française. Lorsque le roi Jean VI fut retourné en Europe, le Brésil se déclara indépendant, et proclama empereur Dom Pedro, fils de Jean VI (1822). En 1831 Dom Pedro II remplaça son père ; il régna cinquante-huit ans, et fut chassé en novembre 1889 par une révolution militaire, qui proclama la République.

Déjà sous le régime monarchique, les institutions du Brésil étaient fondées sur le principe d'une large décentralisation ; les vingt provinces de l'empire jouissaient d'une autonomie presque complète ; le territoire de la capitale, Rio de Janeiro, formait un municipe neutre. En 1851, une loi votée par les Chambres invita le gouvernement à organiser l'enseignement supérieur dans tout l'empire, l'enseignement secondaire et l'enseignement primaire dans le municipe neutre (dans les provinces, l'enseignement secondaire et l'enseignement primaire furent laissés à la charge des autorités locales). En exécution de cette loi, le ministre de l'intérieur, Pedreira de Couto Ferraz, promulgua le règlement organique du 17 février 1854, qui devint la base de la législation scolaire brésilienne. La direction centrale de l'instruction publique, formant une des grandes divisions du Ministerio des negocios de imperio, gouverna directement les institutions scolaires de tout degré du municipe neutre, ainsi que les établissements d'enseignement supérieur dans tout l'empire ; dans les provinces, ce fut l'assemblée provinciale qui eut à décider des questions scolaires (sauf en ce qui concerne l'enseignement supérieur) : le président de la province eut, dans son ressort, les attributions d'un ministre de l'instruction publique ; il eut pour auxiliaires des surintendants ou inspecteurs généraux, des comités scolaires de district, et des comités locaux dont firent ordinairement partie deux instituteurs émérites.

Les écoles primaires furent de deux degrés, élémentaire et supérieur. Les écoles élémentaires enseignèrent la religion, la morale, la lecture, l'écriture, les éléments de la grammaire portugaise, de l'arithmétique et du système des poids et mesures, avec la couture en plus dans les écoles de filles. Les écoles du second degré y ajoutèrent la doctrine chrétienne, l'histoire sainte et l'histoire nationale, la géographie, l'arithmétique appliquée et la géométrie, l'histoire naturelle, le dessin, la musique et la gymnastique. Les élèves furent admis à cinq ans à l'école du degré inférieur, à douze ans à celle du degré supérieur. L'instruction fut déclarée gratuite à tous les degrés ; les assemblées provinciales purent inscrire dans la loi le principe de l'obligation, et quelques-unes le firent, mais sans obtenir des résultats sérieux. Lors du recensement de 1872, on évalua ceux qui savaient lire à vingt-trois hommes et à treize femmes sur cent ; on comptait un nègre sur mille connaissant l'alphabet.

Il y avait au Brésil environ deux millions d'esclaves en 1870. Une loi pour l'abolition de l'esclavage, promulguée en 1871, devait en amener la disparition graduelle ; mais les effets en parurent trop lents, et en 1888 la servitude fut complètement abolie par une seconde loi. L'année suivante, la monarchie était remplacée par la république fédérative : les vingt provinces de l'empire devinrent autant d'Etats autonomes ; le municipe neutre de Rio de Janeiro devint le district fédéral ; la nouvelle constitution, calquée sur celle des Etats-Unis, remit le pouvoir législatif fédéral à deux Chambres, la Chambre des députés (un député par 70 000 habitants) et le Sénat (trois sénateurs pour chaque Etat), et le pouvoir exécutif à un président.

« L'école positiviste d'Auguste Comte a pris une part considérable dans la révolution qui renversa l'empire. La doctrine avait fait de grands progrès, surtout dans les instituts militaires, et c'est à la ferveur de quelques positivistes engagés dans le mouvement révolutionnaire que doivent être attribués plusieurs décrets promulgués pendant les premières semaines de la République : séparation de l'Eglise et de l'Etat, institution de la fête nationale du 14 juillet coïncidant avec celle de la France, adoption des devises Ordre et Progrès sur les drapeaux, Salut et Fraternité dans les correspondances officielles. Toutefois cette vaine figuration ne changea rien aux moeurs politiques. Les pouvoirs donnés au président ont rapidement mené le gouvernement à l'exercice de la dictature. D'ailleurs, dès ses débuts, le pouvoir issu de la révolution fut une autocratie militaire. Depuis la fin de l'empire, le pays a été gouverné par des soldats. » (Elisée Reclus.) Reclus écrivait en 1893. Il convient d'ajouter qu'à partir de 1894 la présidence a été occupée par des hommes d'Etat éclairés.

L'auteur que nous venons de citer s'exprime en ces termes au sujet de l'état de l'instruction dans les Etats-Unis du Brésil : « Les progrès de l'instruction publique n'ont pu être rapides en un pays dont les travailleurs étaient encore en grande majorité esclaves il y a moins d'une génération. Le manque de statistiques scolaires dans la plupart des Etats de la République témoigne du peu d'empressement qu'on apporte à la diffusion de l'enseignement, et celles que font publier les assemblées locales dans les Etats les plus avancés prouvent qu'une grande partie de la jeunesse reste encore en dehors des écoles. En 1892, on estimait que plus des trois quarts de la population, hommes et femmes, blancs, caboclos (fils d'Indiens) et noirs, ignoraient encore les premiers rudiments. En laissant de côté les enfants en bas âge, on constate que le nombre des Brésiliens sachant lire n'égale pas encore la moitié des habitants. »

Un grand mouvement d'immigration européenne s'est produit dans les vingt dernières années ; les immigrants sont surtout des Allemands et des Italiens. Cet apport de population blanche, qui a donné un grand essor à l'industrie sur quelques points du pays, contribuera sans doute à rendre un peu moins lents les progrès de l'instruction.

La population du Brésil est évaluée à une vingtaine de millions d'habitants. Les Etats les plus peuplés sont ceux de Pernambuco, de Minas Geraes, de Bahia, de Rio de Janeiro (avec son annexe le district fédéral), de Sâo Paulo et de Rio Grande de Sul.

Ainsi qu'il a été dit, l'enseignement supérieur est à la charge du gouvernement central. Il comprend les établissements suivants : une Ecole militaire, une Ecole navale, deux Ecoles de médecine (à Rio de Janeiro et Bahia), deux Ecoles de droit (à Sâo Paulo et à Recife), une Ecole de génie civil (à Rio de Janeiro) et une Ecole des mines (à Ouro Preto). Il y a, outre ces établissements publics, de nombreux établissements privés, qui sont aidés par des subventions des gouvernements des divers Etats, et qui sont placés sur le même pied que les écoles officielles, à la condition de se conformer aux exigences du Code général de l'enseignement supérieur.

L'enseignement secondaire (collèges ou gymnases) est à la charge des gouvernements des divers Etats ; mais, dans le district fédéral, le gouvernement central contribue aux frais de cet enseignement, qui est placé sous sa surveillance.

L'enseignement primaire, dans le district fédéral, est à la charge du municipe de Rio de Janeiro ; il comprend trois catégories d'écoles : les jardins d'enfants et les écoles primaires du premier et du second degré. Les jardins d'enfants sont ouverts aux élèves de quatre à six ans ; outre les jeux, le travail manuel et les exercices physiques, le programme comprend les principes de la morale et les premiers éléments du dessin, de la lecture, de l'écriture et du calcul. Les écoles primaires du premier degré sont divisées en écoles de filles et écoles de garçons ; les élèves y sont admis à partir de l'âge de sept ans ; dans les écoles de filles, l'enseignement est donné par des institutrices, dans les écoles de garçons soit par des instituteurs, soit par des institutrices. A l'école primaire du second degré, le programme comprend : la calligraphie, le portugais, le français, les mathématiques élémentaires, la géographie et l'histoire, principalement du Brésil, les premiers éléments de la physique, de la chimie et de l'histoire naturelle, le dessin, la musique, la gymnastique, le travail manuel. Le gouvernement fédéral entretient, dans la capitale fédérale, un établissement de cet ordre, dont le programme et l'organisation sont destinés à servir de modèle aux écoles du même ordre dans toute la République. Le municipe de Rio de Janeiro entretient aussi une école normale pour la préparation des instituteurs et des institutrices.

En ce qui concerne l'organisation de l'instruction publique dans les divers Etats, nous prenons pour exemple deux des plus prospères et des plus avancés, l'Etat de Sâo Paolo et l'Etat de Rio Grande de Sul.

Etat de Sâo Paulo. — L'Etat de Sâo Paulo compte près de deux millions d'habitants. Une notice officielle, rédigée en vue de l'Exposition universelle de Saint-Louis (1904), et dont les données se rapportent à l'année 1903, fournit sur les écoles de cet Etat les indications suivantes:

L'enseignement primaire a été organisé par les décrets des 27 novembre 1893 et 11 janvier 1898. Il comprend deux degrés : le degré préliminaire et le degré (complémentaire.

Dans toute localité où se trouvent de 20 à 40 enfants d'âge scolaire, une école préliminaire doit être établie ; le nombre des élèves d'une école ne doit pas dépasser 40. Dans toutes les localités où l'on peut compter sur une fréquentation probable de 30 adultes, une école du soir gratuite doit être ouverte. Dans les localités où se trouvent un certain nombre d'écoles préliminaires, six ou davantage, elles doivent être réunies en un groupe où les élèves sont répartis entre les instituteurs de manière à former des classes graduées. Il existe aussi quelques écoles à cinq classes, dites écoles modèles, servant d'écoles d'application pour les écoles normales primaires.

Les écoles du degré complémentaire, ou du second degré, devaient avoir pour but, à l'origine, de développer l'oeuvre commencée à l'école préliminaire ; mais la loi du 3 septembre 1895 les a converties en écoles normales primaires. Elles sont ouvertes aux deux sexes, mais les élèves de chaque sexe reçoivent l'enseignement dans des classes séparées. Le cours d'études est de quatre années ; le programme comprend : le portugais, le français, l'arithmétique, les éléments de l'algèbre, la géométrie, la trigonométrie, des notions de mécanique, les éléments de la physique et de la chimie expérimentale, de l'histoire naturelle, de la géographie ; la géographie et l'industrie du Brésil ; la cosmographie ; les éléments de l'hygiène, ceux de l'économie domestique (pour les jeunes filles), la morale, des notions sur le gouvernement civil ; la calligraphie, le dessin, des exercices militaires, manuels et gymnastiques, adaptés au sexe et à l'âge des élèves.

Le traitement mensuel des instituteurs et des institutrices est, dans les écoles préliminaires, de 300 milreis (le milreis vaut 1 fr. 25) ; dans les groupes, de 350 milreis ; dans les écoles modèles, de 400 milreis, et dans les écoles complémentaires (normales primaires), de 450 milreis. Les directeurs de ces diverses écoles touchent, en plus du traitement des instituteurs, un supplément de 50 milreis.

La statistique de l'enseignement primaire donne pour 1903 les chiffres suivants : écoles préliminaires entretenues par l'Etat: pour les garçons, 1446: pour les filles, 938 ; mixtes, 120 ; nombre des élèves, 15 906 garçons, 14 774 filles ; — écoles préliminaires entretenues par les municipalités : pour les garçons, 406 avec 2967 élèves ; pour les filles, 410 avec 3153 élèves ; .— écoles du soir : pour les adultes hommes, 72 avec 2160 élèves ; — jardins d'enfants : un seul, avec 181 élèves (83 garçons, 98 filles) ; — groupes : 3 pour les garçons, 2 pour les filles, 53 mixtes, avec 39 110 élèves (18 982 garçons, 20 128 filles) ; — écoles modèles (toutes mixtes) : 5, avec 2292 élèves (1098 garçons, 1194 filles) ; — écoles complémentaires ou normales primaires (toutes mixtes) : 6, avec 1251 élèves (512 garçons, 739 filles).

Les dépenses de l'enseignement primaire ont été, en 1903 : écoles préliminaires de l'Etat, écoles du soir et groupes, 4 090 000 milreis ; écoles municipales, 500 000 milreis ; jardin d'enfants, 41 860 milreis ; écoles modèles, 384 140 milreis ; écoles complémentaires, 290 500 milreis ; subsides à des écoles privées, 318 200 milreis.

L'enseignement secondaire comprend : l'école normale secondaire, de quatre années, ouverte aux deux sexes, mais en classes séparées (286 élèves, 100 garçons, 186 filles) ; l'enseignement y est donné par 16 professeurs et par 7 maîtres ou maîtresses spéciaux ; le diplôme de l'école permet d'enseigner dans les écoles complémentaires et assure la préférence pour la nomination dans les écoles préliminaires ; les deux gymnases, à Sâo Paulo et à Campinas, avec six années d'études (250 élèves, garçons).

L'enseignement supérieur comprend : une Ecole de droit, entretenue par le gouvernement fédéral (440 étudiants), et une Ecole polytechnique, créée en 1894, entretenue par l'Etat de Sâo Paulo (169 étudiants). Il y a en outre quatre écoles professionnelles d'agriculture, dont une de l'Etat (33 élèves) ; les trois autres sont des écoles municipales. (Depuis 1903, il a été créé encore une Ecole de pharmacie et une Ecole de commerce.)

Le traitement des professeurs de l'école normale secondaire est de 500 milreis par mois, celui des maîtres et maîtresses spéciaux de 400 milreis, celui du directeur de 1000 milreis. Les traitements des professeurs de gymnase sont les mêmes que ceux des professeurs de l'école normale. Le traitement d'un professeur de l'Ecole polytechnique est de 700 milreis par mois ; celui d'un professeur de l'Ecole d'agriculture de l'Etat, de 500 milreis par mois.

Les dépenses de l'enseignement secondaire et supérieur ont été, en 1903 : Ecole normale secondaire, 199 280 milreis ; gymnases, 331 200 milreis ; Ecole polytechnique, 562 200 milreis ; Ecoles d'agriculture, 88 400 milreis.

L'autorité supérieure en matière d'instruction publique appartient au président de l'Etat et au secrétaire d'Etat de l'intérieur. Il y a un inspecteur général de l'Etat et des inspecteurs de district. Les écoles des villes sont placées sous le contrôle des autorités municipales.

Aux dépenses déjà énumérées il faut ajouter : Séminaire des orphelins, 92 380 milreis ; école correctionnelle, 77 400 milreis ; inspection, 105 000 milreis ; achat de matériel, 240 000 milreis ; bibliothèque publique, 30 000 milreis ; musée, 69 960 milreis ; pensions de retraite, 332 100 milreis ; bourses à des élèves étudiant la musique et la peinture, 20 000 milreis.

Il y a de nombreux établissements privés : environ 24000 enfants reçoivent l'instruction primaire dans 800 écoles privées ; il existe également des écoles privées donnant l'enseignement secondaire, technique et professionnel, un séminaire épiscopal, etc.

Etat de Rio Grande de Sul. — Un autre Etat, celui de Rio Grande de Sul (un million et demi d'habitants), comptait, en 1903, 961 écoles primaires du premier degré, avec 35 717 élèves, et un certain nombre d'écoles du second degré, avec 1400 élèves ; les principales villes avaient un gymnase pour l'enseignement secondaire, et la capitale, Porto-Alegre, une Ecole de génie civil, une Ecole de médecine, une Ecole de pharmacie et une Ecole de droit.