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Bibliothèques scolaires

 En 1831, le ministère de l'instruction publique fit composer et distribuer un grand nombre d'ouvrages destinés à répandre jusque dans les moindres hameaux les notions de morale et les premières connaissances usuelles. Diverses circulaires, notamment celles des 2 novembre 1831, 25 juin et 31 décembre 1833, et 13 juin 1832, contiennent des instructions sur ces distributions de volumes.

Le moyen ne réussit pas. Donner des livres ne suffit pas, si l'on ne peut en assurer en même temps la conservation. De 1833 à 1848, le gouvernement distribua par l'entremise des comités supérieurs d'arrondissement pour plus d'un million de volumes. Que sont devenus ces volumes ? En 1850, on n'en trouvait plus trace dans les écoles. La négligence et l'insouciance des maîtres, le manque de surveillance de la part des inspecteurs, l'absence de tout contrôle exercé par l'administration relativement aux mesures prises pour la conservation des ouvrages, tout avait concouru à les faire disparaître.

Le ministre Rouland reprit l'idée qu'avaient eue ses devanciers. Seulement il la compléta et la perfectionna. L'arrêté du 1er juin 1862, par lequel il réorganisa l'institution, est encore actuellement (1908) — sauf quelques modifications résultant de l'application de la loi du 16 juin 1881 relative à la gratuité, et de la nouvelle procédure adoptée pour le choix des livres scolaires — le code des bibliothèques scolaires. Le voici :

« ARTICLE PREMIER. — Il sera établi dans chaque école primaire publique une bibliothèque scolaire.

« ART. 2. — Cette bibliothèque sera placée sous la surveillance de l'instituteur dans une des salles de l'école, dont elle est la propriété.

« Les livres seront rangés dans une armoire-bibliothèque conforme au modèle annexé à la circulaire du 31 mai 1860.

« ART. 3. — La bibliothèque scolaire comprendra:

1° Le dépôt des livres de classe à l'usage de l'école ;

2° Les ouvrages concédés à l'école par le ministre de l'instruction publique ;

3° Les livres donnés par les préfets au moyen de crédits votés par les Conseils généraux ;

4° Les ouvrages donnés par les particuliers ;

5° Les ouvrages acquis au moyen des ressources propres à la bibliothèque (art. 7).

« ART. 4. — Aucune concession de livres ne pourra être faite par le ministre à une bibliothèque scolaire si la commune ne peut justifier :

1° De la possession d'une armoire-bibliothèque ;

2° De l'acquisition des livres de classe en quantité suffisante pour les besoins des élèves gratuits.

« ART. 5. — Les livres de classe seront prêtés aux moments convenables pour les exercices à tous les enfants portés sur la liste des admissions gratuites dressée conformément à l'article 45 de la loi du 15 mars 1850.

« Les livres seront également mis entre les mains des élèves payants dont les parents auront souscrit la cotisation volontaire indiquée à l'article 7 du présent arrêté.

« Les ouvrages mentionnés aux paragraphes 2, 3, 4 et 5 de l'article 3 pourront être prêtés aux familles, lesquelles prendront l'engagement de les rendre en bon état ou d'en restituer la valeur.

« ART. 6. — Aucun des ouvrages mentionnés aux paragraphes 2, 3, 4 et 5 de l'article 3 ne peut être placé dans les bibliothèques scolaires, soit qu'il provienne d'acquisitions, soit qu'il provienne de dons faits par les particuliers, sans l'autorisation de l'inspecteur d'académie.

« L'acquisition des livres de classe sera faite par les instituteurs sur une liste préparée, chaque année, pour toutes les écoles du ressort, par le Conseil académique, et arrêtée par le ministre. Cette liste ne devra comprendre que des ouvrages approuvés par le Conseil supérieur de l'instruction publique.

« ART. 7. — Les ressources de la bibliothèque scolaire se composent :

1° Des fonds spéciaux votés par les conseils municipaux :

2° Des sommes portées au budget pour fourniture de livres aux enfants indigents, et que les conseils municipaux consentiraient à appliquer à la nouvelle fondation ;

3° Du produit des souscriptions, dons ou legs destinés à ladite bibliothèque ;

4° Du produit des remboursements faits par les familles pour pertes ou dégradations de livres prêtés ;

5° D'une cotisation volontaire fournie par les familles des élèves payants, et dont le taux sera fixé chaque année par le Conseil départemental, après avis du conseil municipal.

« ART. 8. — L'instituteur communal tiendra trois registres conformes aux modèles ci-annexés :

1° Catalogue des livres (modèle n° 2) ;

2° Registre des recettes et des dépenses (modèle n° 3) ;

3° Registre d'entrée et de sortie des livres prêtés au dehors de l'école.

« Ces registres, cotés et paraphés par le maire, seront visés par l'inspecteur de l'instruction primaire lors de l'inspection de l'école.

« Ils seront communiqués aux autorités scolaires à toute réquisition.

« ART. 9. — L'instituteur conservera et classera, dans un ordre méthodique, les mémoires, quittances, lettres et toutes les pièces de correspondance relatifs à la bibliothèque scolaire.

« ART. 10. — Chaque année, au 31 décembre, l'instituteur dresse, en présence du maire, la situation de la bibliothèque, ainsi que celle de la caisse. Le procès-verbal constatant cette double opération est adressé à l'inspecteur d'académie par l'intermédiaire de l'inspecteur primaire (modèle n° 4).

« ART. 11. — A chaque changement d'instituteur, le procès-verbal de récolement et de situation de la caisse est signé par l'instituteur sortant et son successeur.

« L'instituteur sortant n'est déchargé de toute responsabilité qu'après avoir obtenu de l'inspecteur de l'instruction primaire un certificat constatant que les formalités sus-indiquées ont été remplies et la prise en charge par son successeur.

« ART. 12. — A leur passage dans l'école, les inspecteurs de l'instruction primaire vérifient les divers registres énumérés à l'article 8. Ils s'assurent que l'acquisition des ouvrages a été faite conformément aux prescriptions de l'article 6, et que la bibliothèque ne contient aucun livre donné ou légué dont l'acceptation n'aurait pas été autorisée par l'inspecteur d'académie ; ils contrôlent les recettes et les dépenses, et constatent, s'il y a lieu, les irrégularités.

« ART. 13. — A la fin de chaque année, l'inspecteur d'académie adresse au ministre de l'instruction publique, par l'intermédiaire du recteur, un rapport sur la situation des bibliothèques scolaires. »

En juillet 1862, le ministre institua une commission provisoire, chargée de désigner les ouvrages qui pourraient être achetés aux frais de l'Etat pour être distribués dans les bibliothèques scolaires, et, le 15 juin 1863, il lui donna un caractère définitif par un arrêté ministériel instituant la Commission permanente des bibliothèques scolaires. Elle avait pour président M. Pillet, chef de la division de l'instruction primaire, et pour secrétaire M. Ed. Goepp, alors rédacteur au cabinet du ministre.

Quand V. Duruy arriva au ministère, il voulut donner à l'instruction primaire une nouvelle impulsion. Il créa des cours d'adultes, les encouragea de toutes les façons possibles, et obtint des résultats inespérés grâce aux subventions et aux encouragements donnés aux maîtres et aux élèves. Il comprit que les bibliothèques scolaires étaient le complément naturel et indispensable de ces cours. De fortes sommes furent consacrées à l'achat des volumes, et, à la suite d'une adjudication publique, un intermédiaire fut chargé de procurer aux bibliothèques les ouvrages portés sur te catalogue officiel du ministère, tout reliés et rendus franco à destination pour un prix inférieur au prix de vente de ces mêmes ouvrages.

Le ministre décida aussi (circulaire du 10 juin 1865) que des concessions nouvelles ne seraient faites aux bibliothèques que lorsque ces établissements auraient donné de bons résultats et que les conseils municipaux auraient contribué à leur développement en portant au budget de la commune une allocation pour achat de livres.

La Commission publia un catalogue de livres de lecture désignés au choix des instituteurs pour les bibliothèques scolaires, qui comprenait plus de 2000 ouvrages. Ce catalogue était divisé en quatorze séries, sous les rubriques suivantes : Série A : Ouvrages généraux, grammaires et dictionnaires ; — série B : Morale et Pédagogie ; — série C : Histoire et Biographies ; — série D : Géographie et Voyages ; — série E : Classiques ; — série F : Littérature, Poésie, Romans, Contes et Théâtre ; — série G : Ouvrages destinés aux enfants ; — série H : Economie politique, Législation usuelle et Connaissances utiles ; — série J : Sciences physiques et naturelles ; — série K : Hygiène ; — série L. : Industrie ; — série M: Agriculture, Horticulture, Sylviculture, Pisciculture, etc. ; — série N : Beaux-Arts et Musique.

Dès 1861, le ministre avait fait distribuer aux écoles près de 62 000 volumes, pour une somme de 60000 francs. En 1862, l'administration envoya 60 000 volumes achetés 85 000 fr. ; en 1863, ces chiffres se sont élevés, pour les volumes, à près de 200 000, et pour la dépense à plus de 200 000 fr. Depuis, chaque année, on a continué ces achats et ces distributions.

En 1867, un crédit spécial de 100 000 fr. fut inscrit au budget pour l'oeuvre des bibliothèques scolaires, I et, plus tard, en 1868, ce crédit fut élevé par les Chambres à 120 000 fr. Il était en 1878 de 200000 fr.

[ED. GOEPP.]

La Commission permanente des bibliothèques scolaires continue à examiner tous les livres qui lui sont adressés soit par les auteurs soit par les éditeurs. Les listes des ouvrages adoptés pour les bibliothèques scolaires sont d'abord insérées au Bulletin administratif du ministère de l'instruction publique, puis réunies en une série de Catalogues publiés par les soins de l'administration. Le chiffre du crédit pour 1909 est de 113 000 francs.