bannière

b

Bell (André)

 Né en 1753 à Saint-Andrews (Ecosse), mort le 27 janvier 1832. Il était ministre de l'Eglise anglicane ; nommé, en 1789, chapelain du fort Saint-Georges, à Madras, il fut chargé de l'organisation de l'orphelinat militaire. En se promenant un jour dans la campagne, il rencontra des enfants hindous qui étudiaient sous la direction d'un de leurs camarades et écrivaient avec leurs doigts sur le sable. Ces enfants faisaient partie d'une école divisée en un certain nombre de groupes, chacun sous la conduite d'un élève. Cette rencontre fut pour le Dr Bell toute une révélation.

Après un examen attentif, il voulut transporter dans son école le procédé de lecture qu'il venait de voir à l'oeuvre. On dit que ce fut le refus des sous-maîtres de s'y prêter qui lui donna l'idée de charger un petit garçon de huit ans, John Frisken, d'apprendre l'abc à ses camarades. Le succès du jeune « moniteur » lit faire dans les autres classes de l'orphelinat des essais analogues, qui réussirent également. De 1791 à 1796, Bell appliqua et perfectionna son monitorial system.

Revenu en Angleterre en 1797, il voulut en faire connaître les résultats, et publia en anglais: Expériences sur l'éducation faites à l'asile de garçons à Madras, Londres, 1798 ; et Instructions pour la direction des écoles selon le système de Madras, in-12, 1798. Ces deux ouvrages ne se vendirent pas, et Bell, voyant que son système n'était pas accepté, vécut quelques années dans la retraite. Ses idées étaient oubliées, lorsque le bruit se répandit qu'un jeune instituteur, nommé Joseph Lancaster, obtenait des résultats merveilleux dans son école de Southwark par des procédés très analogues, sinon identiques, à ceux du système de Madras. Bell, bientôt informé de l'éclatant succès de Lancaster, réclama la priorité de la découverte. Lancaster, qui dans sa première brochure, en 1803, reconnaissait qu'il devait beaucoup au Dr Bell, n'en prétendait pas moins être l'auteur de l'idée : il n'avait connu, disait-il, les excellents procédés de Bell que lorsque son plan à lui était fort avancé. La querelle s'envenima ; et, comme Lancaster était quaker et Bell anglican, les deux sectes prirent parti pour l'un ou l'autre de ces instituteurs, et chacun fonda des écoles suivant la nouvelle méthode ; l'instruction du plus grand nombre en profita, et le système prit une importance qu'on n'aurait pas soupçonnée. Le débat dura plusieurs années : il est assez difficile de le trancher. En dehors des églises rivales, l'opinion publique est restée, croyons-nous, dans le vrai, en désignant le nouveau système sous le nom de « Méthode de Bell et Lancaster ». L'Eglise anglicane, qui n'avait fait aucune attention aux idées de Bell tant qu'un intérêt confessionnel ne s'y était pas attaché, les soutint avec ardeur et créa en 1811 pour les propager la National Society, rivale de la société protectrice des écoles lancastériennes. Bell fut mis à la tête des écoles anglicanes ainsi établies ; elles différaient peu des écoles lancastériennes, sauf que ces dernières admettaient des élèves de toutes les sectes et faisaient une plus large part aux exercices physiques. Bell fit quelque temps après un grand voyage en Europe pour y propager sa méthode, et aussi pour s'instruire dans celles de Pestalozzi, de Fellenberg, etc. Et, à certains égards, il ne faut pas oublier que Bell avait beaucoup à apprendre. C'est lui qui écrivait dans ses Expériences cette phrase qu'on a souvent citée: « Nous ne devons pas demander que les enfants des pauvres soient instruits d'une manière dispendieuse, ni même qu'ils apprennent à écrire et à chiffrer: il suffit qu'ils sachent lire ». Resté maître de la situation quelques années après, par suite du départ de Lancaster pour l'Amérique (1818), Bell consacra sa fortune à la création d'écoles gratuites pour les enfants pauvres. On estime qu'il ne dépensa pas moins de trois millions pour cette oeuvre de bienfaisance. Il fut enterré dans l'église de Westminster, sépulture réservée aux plus grands personnages de l'Angleterre. Outre les ouvrages déjà cités, on a de lui : Sermon prêché à Lambeth sur l'éducation des pauvres, d'après un meilleur système, in-8° ; Ecole de Madras ou éléments de l'instruction primaire, in-8°.

Sans méconnaître les mérites du Dr Bell, il est permis d'ajouter qu'on aurait tort de le considérer d'une manière absolue comme l'introducteur de l'enseignement mutuel en Europe. Valentin Friedland, dit Trotzendorf, le pratiquait dans tous ses détails, au seizième siècle, dans son école de Goldberg (Silesie). Il était établi à Athènes en 1675 ; Guillet de Saint-Georges en donne une description intéressante dans son livre: Athènes ancienne et moderne, Herbaut le suivait à la Pitié en 1747, et le chevalier Pawlet le faisait prospérer à Paris, sous le règne de Louis XVI ; sans compter que, dans sa partie essentielle, l'emploi d'élèves pour enseigner les autres, il fut pratiqué par Jacqueline Pascal, par Mme de Maintenon, par J.-B. de la Salle, par Oberlin, enfin par Monge à l'Ecole polytechnique en 1795. — Voir Mutuel (Enseignement).