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Belgique

 Résumé historique. ? Pendant la période pré-romaine, aucune organisation scolaire n'exista dans le Belgium, où les tribus celtiques, germaniques, belges vivaient en pleine barbarie. Les Romains ne fondèrent guère d'écoles dans cette région éloignée et pauvre. Il faut arriver à Charlemagne pour trouver des traces d'un commencement d'organisation pédagogique.

L'Eglise chrétienne fonda des écoles confessionnelles dans les villes et les bourgs de quelque importance : petites écoles paroissiales pour le peuple, écoles collégiales, écoles cathédrales, écoles monastiques, universités, pour la préparation à la prêtrise et aux hautes fonctions sociales. Elle institua l'écolâtrie, c'est-à-dire l'inspection des écoles. L'Eglise rencontra très tôt deux concurrents sur le terrain scolaire : le prince et les communes. Ainsi nous voyons au treizième siècle Jean Ier, duc de Brabant, affirmer le droit du prince sur l'écolâtrie (diplôme de 1278), et les communes, devenues puissantes, proclamer le droit de tous de fonder des écoles ; elles en établirent elles-mêmes, malgré les protestations du clergé (Ypres, Bruges, Gand, Bruxelles, Anvers, etc.). Il se forma alors un corps enseignant primaire communal, appartenant à la corporation des gens du métier, vivant du « minerval » des élèves, sur lequel l'écolâtre prélevait une dîme. Le droit de l'Etat et des communes en matière de direction scolaire et la liberté de l'enseignement remontent donc, en Belgique, à l'origine de l'organisation communale.

Jusqu'au quinzième siècle, les jeunes gens qui voulaient étudier les arts, la théologie, la jurisprudence, la médecine, se rendaient aux universités de Paris, de Montpellier, de Bologne, etc. ; en 1420, le duc Jean IV, d'accord avec le pape Martin V, fonda l'université de Louvain, comprenant les facultés des arts (trivium et quadrivium), de théologie, de droit, de médecine.

Au quinzième et au seizième siècle, le pays atteignit un haut degré de prospérité matérielle, artistique, intellectuelle. L'historien italien Guichardin, qui vécut quarante années dans les Pays-Bas, affirme que « tous les habitants savent lire et écrire, et que beaucoup parlent plusieurs langues » (1566). Cornejo, dans son Histoire des guerres en Flandre (1578), déclare que les jeunes filles « lisent, écrivent, allèguent passages de l'Ecriture et disputent de la foi ».

Sous Philippe II commença la décadence. Beaucoup de lettrés, de savants professeurs émigrèrent pour échapper aux persécutions religieuses ; ils allèrent s'établir dans les Pays-Bas septentrionaux, acquis au calvinisme, en Angleterre, en Allemagne. L'enseignement fut livré aux congrégations religieuses. Les Jésuites établirent de nombreux collèges dans les villes. Pendant plus d'un siècle, le pays, ravagé par les guerres, s'appauvrit, se dépeupla, les écoles périclitèrent ; la routine, le verbalisme, la scolastique creuse régnèrent souverainement à l'université et dans les collèges.

Sous Marie-Thérèse, puis sous Joseph II, prince philosophe dont la devise était : « Tout pour le peuple, rien par le peuple », des efforts furent tentés pour relever la nation belge de l'abaissement où l'avait plongée la politique des rois d'Espagne. Les professions artistiques furent rendues libres, l'affiliation aux corporations ne fut plus obligatoire. Une Académie des sciences et belles-lettres fut établie à Bruxelles, la bibliothèque de Bourgogne restaurée et livrée au public (1772), la compagnie des Jésuites supprimée et ses collèges fermés et remplacés par des collèges laïques de l'Etat, les « collèges thérésiens », établis dans les principales villes. Des Roches et son disciple Engels, appelés à Vienne par Joseph II, y furent initiés à la réforme pédagogique par l'abbé Felbiger.

La clef de voûte de la rénovation des écoles était la création d'une école normale de l'Etat pour la formation du personnel enseignant et l'élaboration des méthodes. Des Roches inaugura celle de Bruxelles, en 1787, et Engels en eut la direction. Un plan complet d'organisation primaire allait être appliqué, lorsque la révolution brabançonne éclata et fit tomber le gouvernement de Joseph II ; la révolution restaura l'ancien régime.

Après la conquête de la Belgique par les armées de la Révolution française, et sa réunion à la France (décret de la Convention du 9 vendémiaire an IV, 1er octobre 1795), les lois scolaires de la République furent appliquées. Une enquête avait révélé l'état misérable des écoles, la plupart tenues par des maîtres ignares qui enseignaient le respect de l'ancien régime et la haine de la Révolution. Des écoles primaires municipales furent établies dans les communes : l'enseignement devait y être laïque ; la morale républicaine et le civisme, la lecture, l'écriture, le calcul constituaient le programme ; la langue française était imposée même en pays flamand et allemand, à l'exclusion de toute autre ; le quintidi était consacré à des promenades et à des jeux ; un jury paternel jugeait les fautes graves des élèves ; la Déclaration des droits et des devoirs de l'homme et la constitution de l'an III devaient être affichées et enseignées ; l'école était payante (de 75 centimes à 2 francs par mois), sauf pour les indigents ; la municipalité ne devait à l'instituteur qu'un logement ou une indemnité pour lui en tenir lieu. Dans le pays entier, les instituteurs furent persécutés par les partisans de l'ancien régime : leurs écoles étaient peu fréquentées. D'autre part, des mesures de coercition furent prises contre les fonctionnaires publics qui envoyaient leurs enfants aux écoles privées tenues par les ennemis du nouveau régime.

Des écoles centrales pour la classe moyenne furent établies dans les chefs-lieux des départements en remplacement des collèges thérésiens et des écoles des congrégations supprimées ; on y enseignait les langues anciennes et modernes, les mathématiques, les sciences naturelles, l'histoire, la géographie, la législation ; les professeurs avaient un traitement de 5000 francs payé par l'Etat. L'université de Louvain fut supprimée (4 brumaire an IV) et ses biens considérables attribués au Prytanée de Paris, puis à l'école de St-Cyr, et vendus en 1805, sauf quelques-uns. L'enseignement supérieur comprit, à Bruxelles, une école de droit (1804), une faculté des lettres et des sciences annexée à l'école centrale, des écoles de médecine à Anvers et à Bruxelles.

Sous l'Empire, les écoles centrales devinrent des lycées et des collèges ; les maîtres des écoles municipales furent placés sous la direction des préfets, sous la surveillance des évêques et des curés ; le catéchisme de Napoléon fut rendu obligatoire ; les frères des Ecoles chrétiennes, encouragés par le gouvernement, vinrent fonder des écoles dans quelques localités. L'état d'instituteur laïque devint misérable ; il était exercé par des ignorants ; c'était une ressource pour occuper en hiver les loisirs des tailleurs, des badigeonneurs, des sacristains, des cabaretiers, des aubergistes, etc.

Le roi des Pays-Bas (Hollande et Belgique), Guillaume Ier (1814-1830), fit des efforts persévérants et considérables pour développer l'instruction à tous les degrés dans les provinces méridionales de son royaume, c'est-à-dire dans la Belgique et le Luxembourg. La Ligue du Bien public, qui avait été fondée en 1784 à Amsterdam par Jan van Nieuwenhuizen pour provoquer la fondation d'écoles du peuple, l'amélioration des instituteurs, des manuels, des programmes, établit des sections locales en Belgique et aida puissamment le gouvernement dans son oeuvre. La loi scolaire hollandaise du 3 avril 1806 fut appliquée aux provinces méridionales en 1816. L'enseignement devenait un service public dirigé par l'Etat. Les écoles étaient neutres : aucun enseignement dogmatique ne pouvait y être donné. Dans les écoles privées ne pouvaient enseigner que des instituteurs diplômés par l'Etat. La langue néerlandaise fut imposée dans les écoles de la région flamande, y compris Bruxelles. Le mode simultané fut appliqué, les méthodes de Pestalozzi recommandées. Une école normale néerlandaise fut établie à Lierre (province d'Anvers) et des cours normaux annexés aux écoles modèles dans les villes principales (Bruxelles, Liège, Namur).

Il est à propos de dire ici qu'on appelle langue néerlandaise la langue littéraire (parlée ou écrite) qui est en usage dans les Pays-Bas ; l'expression de langue flamande désigne les dialectes parlés en Belgique, dans les Flandres, les provinces d'Anvers et de Limbourg, et la partie septentrionale du Brabant.

Les lycées furent transformés en athénées et les collèges en écoles moyennes : les provinces belges possédèrent 4 athénées, 40 écoles moyennes, avec environ 5000 élèves ; la préparation aux universités étant le but principal, le latin devint l'étude la plus importante.

Trois universités complètes furent établies à Liège, à Gand, à Louvain ; la ville de Bruxelles perdit les facultés de droit, de médecine, dont le régime précédent l'avait dotée: en compensation elle devint le siège de cours publics de lettres, de sciences (espèce d'extension universitaire). Le latin fut la langue d'enseignement dans les universités, même pour l'explication du droit français. La population des universités s'éleva à 1413 étudiants: 502 en droit, 166 en médecine, 182 en sciences, 463 en philosophie et lettres.

Le gouvernement créa à Louvain un Collège philosophique dont la fréquentation fut rendue obligatoire pour les élèves en théologie, ce qui provoqua des protestations énergiques de la part des évêques.

L'application de la loi de 1806 rencontra en Belgique de sérieuses résistances, que Guillaume Ier voulut briser à coups de décrets. Le parti catholique accusait le gouvernement de poursuivre, par la neutralité et la centralisation scolaires, le développement du calvinisme ; d'autres protestaient contre la substitution du néerlandais au français dans les écoles de la région flamande et à Bruxelles ; les Wallons s'insurgeaient contre l'obligation d'apprendre le néerlandais comme seconde langue ; des instituteurs soumis à l'obligation de l'examen de capacité se montraient peu sympathiques au nouveau régime ; le parti libéral, qui défendait les principes de la Révolution française de 1789, voulait la liberté complète de l'enseignement à tous les degrés. Le gouvernement prononça la dissolution des congrégations enseignantes et ferma leurs écoles. Il défendait aux parents d'envoyer leurs enfants à l'étranger pour y faire des études ; ceux qui enfreignaient cette défense ne pouvaient pas être admis aux grades académiques ni aux emplois publics. La plupart des mesures restrictives de la liberté de l'enseignement furent abrogées le 27 mai 1830 ; mais, quatre mois après, la révolution séparait violemment la Belgique de la Hollande.

Malgré ces difficultés, le gouvernement était parvenu en moins de seize années à des résultats étonnants : il avait fait bâtir ou réparer 1146 écoles et maisons d'instituteurs, examiner et breveter 1917 instituteurs et 168 institutrices ; les subsides aux écoles primaires montèrent de 158 000 fr. à 448 000 fr., le nombre des élèves passade 153 000 à 293 000. En 1830, il v avait en Belgique 4046 écoles primaires publiques, avec 293000 élèves (157000 garçons et 136000 filles). Le nombre des illettrés s'abaissa sensiblement ; parmi les personnes âgées de 64 à 71 ans en 1880 et qui avaient eu l'âge scolaire de 1815 à 1830, la statistique relève 43, 8 % d'hommes et 54 % de femmes illettrés ; en comparant ces chiffres à ceux du régime français, on trouve, pour le régime hollandais, 6, 49 % (hommes) et 9, 67 % (femmes) illettrés de moins que sous la période précédente.

La constitution de 1831 proclama la liberté absolue de l'enseignement en ces termes précis : « ART. 17. L'enseignement est libre. Toute mesure préventive est interdite, la répression des délits n'est réglée que par la loi. L'instruction publique donnée aux frais de l'Etat est également réglée par la loi. » Pendant douze années, de 1830 à 1842, l'instruction primaire, et pendant vingt années (jusqu'en 1850) 1 instruction moyenne, restèrent sans organisation légale. Ce fut la période consacrée à la destruction de l'oeuvre édifiée en matière scolaire par le gouvernement de Guillaume Ier. La décadence fut rapide : le recrutement des élèves pour les universités devint difficile, tant le niveau des études moyennes baissait: les écoles primaires déclinaient, de nouveau elles étaient livrées à des maîtres sans préparation, l'école normale de Lierre et les cours normaux ayant été supprimés.

L'opinion publique réclamait une loi organique sur l'instruction primaire. M. Nothomb présenta un projet qui fut voté le 23 septembre 1842 par les deux partis (il y eut trois abstentions libérales). Le but de la loi était « de conserver intact le caractère religieux du peuple ». La loi fut donc confessionnelle : la morale et la religion, déclarées inséparables, constituèrent le cours principal, obligatoire pour tous les élèves et placé sous la direction exclusive du clergé ; l'inspection ecclésiastique fut créée pour compléter l'inspection permanente des écoles publiques par le clergé local ; non seulement les livres de religion et de morale, mais encore les livres de lecture, devaient être approuvés par l'autorité ecclésiastique ; les parents ne pouvaient pas exempter leurs enfants du cours de religion (seuls les dissidents protestants ou juifs pouvaient être dispensés s'il n'existait pas dans la localité d'école de leur confession) ; l'atmosphère de l'école devait être religieuse. Les écoles normales étaient confessionnelles, la direction de celles de l'Etat fut confiée à des prêtres ; des écoles normales épiscopales et congréganistes furent agréées et eurent le droit de conférer des diplômes légaux. L'instituteur communal ne pouvait pas s'abstenir de donner le cours de religion et de morale. La commune devait fonder ou maintenir au moins une école, dont elle avait la direction, sous le double contrôle du gouvernement, qui surveillait par l'intermédiaire d'inspecteurs cantonaux et d'inspecteurs provinciaux, et de l'Eglise, qui dirigeait l'instruction religieuse dans les écoles publiques. La commune pouvait adopter des écoles privées, et dans ce cas être dispensée de fonder ou de maintenir des écoles communales. Le programme comprit : la religion et la morale, la lecture, l'écriture, les éléments du calcul, le système métrique, et, suivant les besoins des localités, les éléments de la langue française, de la langue flamande (ou néerlandaise) et de la langue allemande (dans quelques communes sur la frontière orientale).

Une commission centrale nommée par le ministre de l'intérieur dressait annuellement la liste des livres et des manuels qui pouvaient être employés dans les écoles publiques. Les livres de lecture devaient avoir l'approbation épiscopale.

La commune payait les frais de l'instruction primaire, la province et l'Etat intervenaient par des subsides pour combler le déficit. L'instruction ne fut ni obligatoire ni gratuite ; les indigents seuls obtenaient la gratuité. Le traitement des instituteurs fut fixé au minimum de 200 francs l'an, somme complétée par le casuel. La loi du 16 mai 1875 porta le minimum à 1000 francs. Ce ne fut qu'en 1875 qu'une loi assimila les instituteurs communaux aux fonctionnaires de l'Etat au point de vue de la pension personnelle de retraite, ainsi que de la pension des veuves et des orphelins.

En 1845, le ministre de Theux aggrava les dispositions confessionnelles de la loi, en rendant obligatoires les prescriptions d'une circulaire de l'épiscopat : « l'instituteur doit conduire ses élèves à la messe, remplir ses devoirs religieux, fréquenter les offices, donner en classe, deux fois par jour, les leçons de religion, etc. » ; les cours d'adultes devaient être soumis à la loi de 1842. Les communes libérales refusèrent de reconnaître la légalité de cette circulaire et de l'appliquer.

En 1878, il existait 9 écoles normales de l'Etat, dont une seule pour institutrices ; 31 écoles normales privées avaient été agréées, toutes épiscopales ou congréganistes, sauf une seule (Bruxelles) ; le nombre des écoles primaires s'élevait à 4376, avec 527 417 élèves (2073 écoles avec 160 205 élèves en 1843) ; il n'existait plus que 444 écoles adoptées (958 en 1842) et 909 écoles privées (1803 en 1842). La tendance à la communalisation des écoles primaires était manifeste. On comptait 1129 écoles gardiennes, dont les institutrices n'étaient pas diplômées, et 2747 écoles d'adultes.

Les grandes communes avaient complété le programme en y ajoutant le chant, la gymnastique, l'histoire, la géographie, des notions de sciences naturelles, des travaux à l'aiguille (filles).

Les libéraux arrivèrent au pouvoir en 1878 avec un programme de révision de la loi de 1842. La réforme avait été préparée par la Ligue de l'enseignement, fondée en 1864 pour mettre en harmonie les lois scolaires avec les principes de la constitution de 1831 qui prononce la séparation de l'Etat et des Eglises. Cette Ligue avait créé en 1875, à Bruxelles, une école modèle neutre, dans laquelle les méthodes intuitives étaient appliquées, avec un programme d'instruction intégrale et des excursions scolaires. Le Denier des écoles, fondé la même année, aida la Ligue dans sa propagande.

Un ministère de l'instruction publique fut créé (1878), et P. Van Humbéeck en fut le titulaire. En ouvrant les Chambres, le roi prononça un discours dont le passage suivant annonçait la réforme scolaire : « La culture intellectuelle du peuple est plus que jamais au temps présent la source essentielle de sa prospérité. L'enseignement donné aux frais de l'Etat doit être placé sous la direction et sous la surveillance exclusives de l'autorité civile. »

La loi du 1er juillet 1879 fonda l'école laïque et neutre, supprima l?inspection ecclésiastique des écoles publiques, la faculté pour les communes d'adopter des écoles privées, centralisa entre les mains de l'Etat la formation du personnel enseignant ; l'agréation des écoles normales privées disparut ; le gouvernement eut le droit de fixer le nombre des écoles primaires de chaque commune ; le programme des études fut élargi par l'adjonction de l'histoire, de la géographie, du dessin, des formes géométriques, des sciences naturelles, de la gymnastique, de la musique vocale, des travaux à l'aiguille (filles) ; un Conseil de perfectionnement de l'enseignement primaire remplaça la Commission centrale pour l'adoption des manuels, du matériel didactique, etc. Le traitement des sous-instituteurs fut porté à 1000 francs ; celui des instituteurs à 1200 francs avec augmentations quinquennales de 100 francs (jusqu'à 600 francs au maximum) ; les communes pouvaient dépasser à leurs frais le barême de l'Etat ; l'inspection civile fut renforcée ; le nombre des écoles normales de l'Etat fut porté à 27.

Le clergé condamna la loi et les écoles neutres. Ce fut le signal de ce qu'on a appelé la « guerre scolaire ». Les écoles publiques perdirent un certain nombre d'élèves, surtout dans les villages elles petites villes. Des écoles confessionnelles libres furent fondées. En 1880, la Chambre des représentants nomma une commission spéciale « chargée de faire une enquête sur la situation morale et matérielle de l'enseignement primaire en Belgique, sur les résultats de la loi de 1879, sur les moyens employés pour assurer son exécution». M. A. Couvreur présida la commission, qui se rendit dans les diverses régions du pays, entendit un nombre considérable de témoignages établissant que, dans le pays entier, le clergé et le parti catholique avaient mis en oeuvre tous les moyens de pression morale et matérielle pour faire déserter les écoles publiques, organiser la persécution systématique des instituteurs officiels, jeter le discrédit sur les « écoles sans Dieu ».

Un rapport spécial de M. G. Jottrand, député de Bruxelles, donnait les résultats de l'enquête sur le degré d'instruction des miliciens en 1882 : sur 8917 miliciens examinés (hommes de 20 ans), 2437, soit 27 %, ne savaient pas écrire, 50 % avaient une écriture grossière, 23 % une écriture satisfaisante ; 21 % une orthographe satisfaisante ; 50 % des lettrés ne savaient pas faire une petite addition de nombres entiers ; 15 % seulement savaient les quatre règles de l'arithmétique ; 2, 3 % possédaient l'instruction primaire complète ; 16, 6 % n'avaient qu'une instruction en voie de formation ; sur 100 miliciens flamands, 31 étaient illettrés ; sur 100 de langue française, 23 ; enfin, sur 100 miliciens qui savaient lire, on en trouva 80 qui, depuis leur sortie de l'école primaire, n'avaient lu aucun livre.

Le gouvernement déposa à la Chambre des représentants un projet de loi établissant l'instruction obligatoire. La chute du gouvernement libéral en 1884 en empêcha la discussion.

Le budget de l'instruction primaire de 1882 fut le plus élevé de cette période : 37 118 202 francs. (En 1878, la dépense avait été de 28 413 054 francs, et en 1843 de 2 651 639 francs.)

Les élections de juin 1884 furent favorables au parti catholique. Le ministre de l'intérieur, M. V. Jacobs, présenta un projet de loi dont l'exposé des motifs contenait cette déclaration : « L'Etat doit en matière d'enseignement préparer sa propre destitution ». De cette date jusqu'à l'heure actuelle, la réalisation de ce programme de substitution de l'enseignement confessionnel privé subsidié à l'enseignement public a été poursuivie avec persévérance en plusieurs étapes : la première dura de 1884 à 1895, la deuxième de 1895 à 1908 ; une troisième est annoncée.

La loi de 1884 fut décentralisatrice ; les communes pouvaient être dispensées d'établir ou de maintenir une école publique, elles avaient le droit d'adopter des écoles privées, elles seules déterminaient le nombre des écoles gardiennes et des écoles d'adultes ; cependant, si vingt pères de famille ayant des enfants en âge d'école réclamaient le maintien ou la création d'une école primaire communale pour l'instruction de leurs enfants, cette école devait être maintenue ou fondée. Le programme primaire fut réduit : les sciences naturelles, les formes géométriques, la morale furent supprimées ; cependant les conseils communaux conservèrent le droit d'étendre le programme. La commune fut autorisée à inscrire le cours de religion et de morale au programme des écoles primaires, à le faire donner par le clergé ou par l'instituteur sous la direction du clergé ; les chefs de famille pouvaient dispenser leurs enfants de suivre ce cours. Si au moins vingt pères de famille demandaient la dispense pour leurs enfants, la commune pouvait être obligée d'organiser à leur usage une ou plusieurs classes neutres ; si la commune n'inscrivait pas au programme de l'école le cours de religion (ce lut le cas dans des communes libérales), ou mettait obstacle à ce qu'il fût donné par le ministre du culte, et si au moins vingt pères de famille demandaient cet enseignement pour leurs enfants, le gouvernement pouvait adopter d'office une ou plusieurs écoles privées dont les frais étaient mis à la charge de la commune. Le conseil communal eut le droit de mettre l'instituteur en disponibilité ; celui-ci jouissait alors d'un traitement d'attente temporaire. Les provinces, les communes, les particuliers, eurent le droit de créer des écoles normales que le ministre pouvait agréer.

En 1884-1885, les communes cléricales supprimèrent 779 écoles primaires ; en 1886, on comptait 891 instituteurs et institutrices mis en disponibilité par suppression d'emploi ; en 1898. il y avait 256 communes dispensées de maintenir une école primaire ; 14 écoles normales de l'Etat sur 27 avaient été supprimées, et 34 écoles normales catholiques étaient agréées ; la ville de Bruxelles reprit à son compte les deux écoles normales, établies dans cette ville, qui avaient été supprimées par le gouvernement ; 4042 écoles primaires sur 4195 avaient inscrit l'enseignement de la religion au programme ; la plupart des écoles privées fondées par le clergé et les congrégations avaient été adoptées. La somme totale dépensée en 1893 pour le service de l'instruction primaire s'éleva à 30 263 533 francs.

La deuxième étape commence, en 1895, par le vote d'une loi nouvelle qui consacre les principes suivants :

a) Les suppressions d'écoles communales doivent être approuvées par arrêté royal ;

b) Les communes peuvent adopter des écoles libres pour dix années ;

c) L'enseignement de la religion et de la morale est rendu obligatoire dans les écoles primaires et les écoles normales ;

d) Le clergé est invité par la commune à donner l'enseignement de la religion et de la morale dans les écoles communales ; il peut se faire remplacer par l'instituteur si celui-ci y consent, et, en cas de refus de ce dernier, par une personne agréée par le conseil communal.

Le cours de religion et de morale est placé sous la surveillance du clergé paroissial et sous l'inspection de délégués des évêques, qui portent le titre d'inspecteurs diocésains et reçoivent un traitement de l'Etat.

Les écoles dont tous les élèves suivent le cours de religion sont confessionnelles : l'enseignement des autres branches doit être mis en harmonie avec celui de la religion et de la morale ; l'école dont au moins un élève est légalement dispensé du cours de religion doit être neutre ; aux élèves dispensés, un cours occasionnel de préceptes de la morale est donné ; dans les écoles normales un cours régulier des préceptes de la morale est organisé pour les élèves dispensés ;

e) Le gouvernement distribue des subsides égale ment aux écoles communales, aux écoles adoptées et aux écoles libres inspectées ; ces dernières ne sont pas obligées d'inscrire l'enseignement religieux au programme, mais en fait elles sont toutes confessionnelles ;

f) Les concours entre les écoles primaires sont supprimés ;

g) Suivant la population des localités, le minimum" de traitement va de 1000 à 2400 francs (instituteurs) et de 1000 à 2200 francs (institutrices), avec augmentations quinquennales successives jusqu'à 600 francs.

L'application des lois de 1884 et de 1895 a produit en vingt-trois années des effets considérables ; l'enseignement public laïque et neutre a été fortement atteint au profit de l'enseignement confessionnel ; l'oeuvre de laïcisation de la loi de 1879 a été détruite en partie, sauf dans les communes qui ont conservé des majorités libérales ou socialistes ; le personnel enseignant est formé en grande majorité par les 38 écoles normales confessionnelles fondées par l'épiscopat et les congrégations religieuses ; il n'existe plus que 13 écoles normales de l'Etat, auxquelles s'ajoutent deux écoles normales communales, celles de Bruxelles ; la province de Hainaut vient de fonder deux écoles normales laïques, l'une à Mons, l'autre à Charleroi (1906).

II. Etat actuel. ? ADMINISTRATION. ? L'enseignement est public ou privé ; l'Etat, les communes, les provinces fondent et diligent les écoles ; tout citoyen, tout étranger, ou des associations, sans autorisation préalable, peuvent fonder des établissements d'instruction, échappant complètement au contrôle des pouvoirs publics.

Des écoles privées peuvent être, à certaines conditions, subventionnées par l'Etat, la province, la commune, et assimilées aux écoles publiques ; au degré primaire, des écoles privées peuvent être adoptées par les communes ; des écoles normales privées peuvent être agréées par l'Etat et délivrer des diplômes (brevets) d'instituteurs, ayant valeur légale ; des collèges libres d'enseignement moyen (secondaire) peuvent aussi être patronnés par l'Etat ; au degré supérieur, des universités fondées par des particuliers peuvent obtenir le droit de délivrer des grades légaux. C'est le régime de la liberté la plus complète. Depuis 1884, le gouvernement a inauguré et largement appliqué le système de l'école privée subsidiée par l'Etat.

L'administration des écoles publiques et des écoles privées subsidiées et assimilées aux écoles publiques n'est pas concentrée dans un ministère spécial ; l'enseignement général, primaire, moyen et supérieur, ressortit au ministère des sciences et des arts ; les écoles de bienfaisance sont dirigées par le ministère de la justice ; les écoles d'agriculture, de sylviculture, d'horticulture, de laiterie, ainsi que les écoles d'art plastique, de musique, sont administrées par le ministère de l'agriculture ; les écoles techniques, industrielles, professionnelles, commerciales, consulaires, par le ministère de l'industrie et du travail ; l'école militaire, les écoles régimentaires, par le ministère de la guerre.

L'administration de l'enseignement général, à la tête de laquelle se trouve le ministre des sciences et des arts (21 000 fr. de traitement), comprend quatre directions générales : celle de l'enseignement supérieur des sciences et des arts, celle de l'enseignement moyen, celle de l'enseignement primaire, et celle des beaux-arts (directeurs généraux 9000 à 12 000 fr., directeurs 7000 à 9600 fr.). Le crédit global pour l'administration s'élève à 561 340 fr. (1908).

Il n'existe pas de Conseil supérieur de l'instruction publique ; chaque degré d'enseignement a un Conseil de perfectionnement indépendant, dont les membres sont nommés par le ministre, et dans lequel le corps enseignant n'est pas représenté par des délégués élus. De même, il n'y a pas d'inspection générale embrassant l'ensemble des écoles, mais des inspecteurs pour chaque degré d'enseignement. Le même système est appliqué dans les autres ministères pour ce qui concerne le service des écoles spéciales. Ce morcellement du service de l'enseignement, cette séparation complète entre les diverses catégories d'écoles, ont eu pour résultat une grande variété dans les principes directeurs, les programmes, les méthodes ; les écoles qui doivent hiérarchiquement se succéder n'ont pas de lien commun, ne se font pas suite sans solution de continuité ; les programmes d'admission ne répondent pas à des programmes de préparation, d'où un manque d'équilibre et d'harmonie dans l'ensemble. L'absence de délégués du corps enseignant dans les Conseils de perfectionnement ne contribue pas à assurer les progrès pédagogiques. A tous les degrés, l'enseignement est livré à l'influence de la politique et de l'administration.

ENSEIGNEMENT PRIMAIRE. ? Organisation générale. ? L'enseignement primaire public (loi de 1895) est un service communal, organisé par la loi, inspecté et subventionné par l'Etat. C'est le système de la décentralisation.

La commune organise et dirige le service des écoles primaires publiques : elle crée ou maintient une ou plusieurs écoles communales, ou bien elle adopte des écoles privées ; elle peut aussi combiner les deux systèmes. Toute commune doit posséder au moins une école publique, qui peut ne se composer que d'une seule classe mixte, à la tête de laquelle se trouve un instituteur ou une institutrice. Le gouvernement peut cependant dispenser une commune de cette obligation, si elle adopte une ou plusieurs écoles privées ou demande et obtient la réunion avec une autre commune pour ce qui concerne le service de l'instruction. Un conseil communal peut supprimer les écoles publiques sauf une, moyennant autorisation par arrêté royal. Le chef de famille domicilié dans cette commune peut réclamer comme un droit l'instruction pour ses enfants de six à quatorze ans dans une école communale ; les étrangers n'ont pas ce droit. La commune dirige les écoles primaires communales, détermine leur nombre, celui des classes et des instituteurs, et nomme ceux-ci. Les instituteurs communaux doivent être munis du diplôme légal. La loi distingue l'instituteur et le sous-instituteur, ce dernier subordonné au premier dans une école à plusieurs classes ; dans les grandes communes, l'instituteur dirige l'école et porte le titre de directeur. La commune peut nommer un directeur de toutes les écoles ou un inspecteur communal ; elle peut nommer un comité scolaire, dont les membres ont le droit de visiter les classes, mais ne peuvent y faire aucun acte d'autorité, ni présenter aucune observation aux membres du personnel enseignant. L'échevin de l'instruction publique, qui est un conseiller communal élu par ses collègues, peut inspecter les classes, mais il n'est pas autorisé à interroger lui-même les élèves, et il ne peut faire d'observations au personnel enseignant ; il fait rapport au collège échevinal ou au conseil communal ; l'administration de la commune ne peut faire d'observations à l'instituteur, ni lui transmettre des ordres, des instructions ou un avertissement, autrement que par écrit.

L'école adoptée remplace l'école communale, mais conserve le caractère d'école privée, avec les privilèges de l'école publique. Elle est soumise à l'inspection de l'Etat et reçoit des subsides de l'Etat, de la commune, de la province. La moitié seulement de son personnel enseignant doit être diplômé. Le conseil communal n'a aucune autorité sur l'école adoptée ; il n'en nomme pas le personnel.

Le conseil communal arrête le programme de l'enseignement, le règlement scolaire ; le gouvernement, pour faciliter la tâche des communes, a fait publier un règlement et un programme à titre d'exemple : en général les petites communes les ont adoptés, tandis que les grandes communes ont rédigé des règlements et des programmes plus complets, plus pédagogiques, mieux appropriés au but.

L'instruction primaire comprend nécessairement: l'enseignement de la religion et de la morale, la lecture, l'écriture, le calcul, le système métrique, la langue française, la langue flamande ou la langue allemande (selon les besoins des localités), la géographie, l'histoire de Belgique, le dessin, l'hygiène, le chant et la gymnastique ; de plus, pour les filles, le travail à l'aiguille, et pour les garçons, dans les communes rurales, des notions d'agriculture. Les prescriptions relatives à l'enseignement religieux ont été données plus haut (loi de 1895). Le programme est arrête par le conseil communal ; le gouvernement recommande aux communes, mais sans les y obliger, de faire tenir par les maîtres un journal de classe et un cahier de roulement : dans le premier, les instituteurs inscrivent les leçons qu'ils donnent ; dans le dernier, les élèves transcrivent, à tour de rôle, les résumés des leçons et des devoirs d'application. Les leçons d'agriculture doivent être intuitives, basées sur les principes positifs des sciences naturelles, et s'appuyer dans une juste mesure sur l'expérimentation ; il est recommandé aux communes d'agrandir les jardins de moins de dix ares, ou de mettre a la disposition de l'instituteur une parcelle de quelques ares dans les environs de l'école ; le gouvernement a institué un concours annuel entre les instituteurs communaux et ceux des écoles adoptées ou subsidiées, et décerne, à ceux qui ont donné avec le plus de succès l'enseignement théorique et pratique de l'agriculture, douze prix de 150 francs, vingt-cinq prix de 100 francs et quarante mentions honorables.

Les livres employés pour l'enseignement de la religion et de la morale sont imposés par le chef du culte ; les autres manuels, ainsi que les livres destinés aux distributions de prix, sont désignés, sur l'avis de l'instituteur, par le conseil communal ; le gouvernement envoie aux communes le catalogue des livres adoptés par le Conseil de perfectionnement ; néanmoins elles peuvent désigner des livres en dehors de ce catalogue ; les inspecteurs de l'Etat ont le devoir de signaler au ministre les livres insuffisants ou mauvais, sous le rapport du fond, de la forme ou de la méthode.

L'épargne est organisée dans un grand nombre d'écoles ; les versements des élèves sont déposés par des soins de l'instituteur à la Caisse d'épargne ; il est recommandé aux instituteurs d'affilier les élèves à une société scolaire de mutualité et de retraite, placée sous la garantie de l'Etal, qui accorde à toute société un subside de premier établissement de 75 à 125 francs et alloue aux affiliés des primes de 20 à 25 % de leurs versements, ainsi que des primes annuelles d'encouragement (Circ. minist. des 27 décembre 1881, 29 mars 1883, 25 octobre 1886). Le gouvernement a engagé les instituteurs à organiser des cercles d'élèves protecteurs des animaux (Circ. minist. du 2 mars 1896). Le gouvernement et de nombreuses communes encouragent aussi l'enseignement anti-alcoolique, la formation de sociétés d'abstinents.

Les punitions corporelles et celles qui sont de nature à décourager les enfants ou à les exposer à la risée ou au mépris de leurs condisciples sont défendues. Les récompenses autorisées sont les bons points, l'inscription au tableau d'honneur, les prix distribués solennellement, dans certaines écoles des voyages scolaires, des livrets de la caisse d'épargne, etc. En majorité les instituteurs se prononcent contre la distribution des prix et en faveur des voyages scolaires. Les enfants des familles indigentes ont droit à la gratuité, y compris les fournitures scolaires. Bien que la gratuité de l'enseignement n'existe légalement que pour certaines catégories d'élèves, elle s'est généralisée, et de nombreuses communes ne perçoivent aucun minerval et reçoivent dans leurs écoles tous les élèves qui se présentent.

La loi n'a rien organisé pour l'éducation des arriérés pédagogiques et des anormaux ; quelques communes (Bruxelles, Anvers, etc.) ont fondé des écoles ou des classes d'arriérés. Pour les sourds-muets et les aveugles, il existe une école publique (Berchem-Sainte-Agathe-lez-Bruxelles) et douze établissements privés : ils reçoivent les indigents dont les frais d'instruction et d'écolage sont payés par les bureaux de bienfaisance et les communes.

La loi n'impose pas aux communes l'obligation de nourrir ni de vêtir les élèves indigents ; ce service ressortit à la bienfaisance publique ; mais dans certaines localités des associations se sont fondées pour fournir à ces enfants un repas et des vêtements, et plusieurs {reçoivent des subsides votés par quelques conseils communaux.

Le choix de l'instituteur communal est fait par le conseil communal ; il est limité aux Belges porteurs de diplômes légaux ; l'instituteur en chef d'une école à plusieurs classes ne peut être choisi que parmi les membres du personnel comptant au moins cinq années de service ; les communes peuvent organiser des examens pour le choix des instituteurs et des directeurs à nommer dans leurs écoles. L'instituteur doit prêter serment de fidélité au roi, d'obéissance à la constitution et aux lois du peuple belge. Les traitements sont votés par le conseil communal ; ils ne peuvent être inférieurs au barême légal (voir p. 169).

La commune peut prononcer la suspension simple ou la suspension avec privation de traitement, la mise en disponibilité par mesure d'ordre et la révocation d'un instituteur ; la suspension de plus d'un mois et la suspension avec privation de traitement doivent être approuvées par la Députation permanente : la mise en disponibilité peut aussi être prononcée directement par le gouvernement ; l'instituteur frappé de cette peine conserve sa qualité et jouit d'un traitement d'attente ; la révocation prive le titulaire de sa qualité d'instituteur ; le conseil communal et le roi ont le droit de prononcer ces peines ; toutefois si c'est la commune qui prononce une peine, celle ci ne devient définitive qu'après approbation par la Députation permanente et, le cas échéant, par le roi. Bans tous les cas, l'instituteur doit avoir été entendu dans ses moyens de justification.

Une circulaire ministérielle défend aux instituteurs communaux de « se jeter dans la mêlée des partis » politiques, c'est-à-dire de faire ouvertement de la propagande électorale ou d'être candidats.

La construction et l'entretien des bâtiments scolaires incombent à la commune ; l'Etat et la province interviennent par des subsides pour les travaux de construction, d'amélioration, de réparation des locaux, et pour l'acquisition du mobilier. Cette intervention est facultative et subordonnée à certaines conditions ; le gouvernement a tracé en 1874 un programme déterminant les conditions hygiéniques et pédagogiques que doivent réunir les locaux scolaires.

Les communes peuvent créer des écoles primaires supérieures comprenant une ou plusieurs années d'études ; elles ne sont ni inspectées, ni subsidiées par l'Etat ; il en existe dans les grandes communes ; les unes sont du type technique, l'enseignement des travaux manuels est l'élément principal de leur programme (St-Gilles, Bruxelles, etc.) ; les autres ont le type commercial (Anvers, Bruxelles, etc.) ; d'autres préparent à l'enseignement normal (Bruxelles). En général, les communes choisissent pour ces écoles des instituteurs primaires ou des régents de l'enseignement moyen du degré inférieur.

Ecoles gardiennes. ? Les écoles gardiennes et les écoles d'adultes sont facultatives pour les communes, qui seules jugent s'il faut en créer, et dans ce cas elles en ont la direction sans partage. Aucune disposition légale ne fixe un minimum de traitement en faveur du personnel de ces écoles. En général, les écoles gardiennes reçoivent les enfants des deux sexes de trois à six ans ; on y applique la méthode des jardins d'enfants de Froebel ; les institutrices ne sont pas formées dans une école normale spéciale.

Ecoles d'adultes. ? Les écoles d'adultes sont ou des cours élémentaires pour illettrés ou quasi-illettrés, ou des cours de répétition et de perfectionnement des études primaires, ou des cours spéciaux de langues modernes, de sciences, de mathématiques, de comptabilité, d'agriculture, etc. ; l'âge minimum d'admission est douze ans. Le gouvernement subventionne les cours d'adultes et les écoles gardiennes communales ou adoptées.

Inspection. ? Le gouvernement s'assure de l'application de la loi par un système d'inspection civile, comprenant des inspecteurs principaux et des inspecteurs cantonaux, qui sont essentiellement des agents d'information du gouvernement, et qui ne peuvent procéder par voie d'autorité à l'égard des communes et des instituteurs, mais seulement par voie de conseil. Les inspecteurs civils visitent les écoles primaires, les écoles gardiennes, les cours d'adultes, font rapport au gouvernement et aux administrations communales ; ils ne peuvent pas abuser de leur autorité pour imposer ou même recommander aux instituteurs des écoles qu'ils visitent l'emploi de manuels publiés par eux. Le gouvernement choisit les inspecteurs parmi les instituteurs primaires ayant au moins dix années de pratique et ayant obtenu, après examen devant un jury de l'Etat, un diplôme spécial (arrêté royal du 1er février 1896). Traitements : 5000 à 7500 fr. (inspecteurs principaux), 3000 à 4500 fr. (inspecteurs cantonaux), plus des frais de route.

L'article 5 de la loi de 1895 a établi une inspection ecclésiastique ; les inspecteurs diocésains sont nommés par le gouvernement sur la proposition des chefs des cultes ; les inspecteurs principaux ont un traitement de 4200 francs ; les inspecteurs diocésains touchent 3300 francs, sans frais de route.

Conférences d'instituteurs. ? Des conférences trimestrielles obligatoires sont organisées par les inspecteurs civils dans chaque ressort d'inspection, dans le but d'assurer le progrès de l'enseignement primaire par l'examen des méthodes, des livres, des moyens matériels d'enseignement, par des exercices didactiques suivis de discussions. Dans une des écoles communales de chaque cercle de conférences est établie une bibliothèque à l'usage du personnel enseignant des écoles communales adoptées et subsidiées.

Ecoles normales. ? Les instituteurs primaires sont préparés à leurs fonctions dans les écoles normales de l'Etat ou dans des écoles normales agréées par le gouvernement ; ces dernières sont fondées par les provinces, les communes ou les particuliers ; elles sont inspectées et peuvent être subsidiées par l'Etat ; les diplômes qu'elles délivrent sont légaux. Les écoles normales ont quatre années d'études (minimum d'âge pour l'admission : quinze ans). Un programme de connaissances générales : littéraires (deux langues obligatoires, le français, le flamand ou l'allemand selon la région ; une ou plusieurs langues facultatives), scientifiques (mathématiques, sciences naturelles, hygiène, agriculture, droit, histoire, géographie), artistiques (dessin, musique) ; un programme de sciences pédagogiques (psychologie, notions de logique, méthodologie ; exercices didactiques et pratiques dans une école primaire d'application annexée à l'école normale) ; la gymnastique est obligatoire ; la religion et la morale aussi, mais les parents peuvent dispenser de ce cours leurs enfants mineurs ; les élèves majeurs ont le droit de dispense. Les écoles normales agréées sont soumises à un règlement général arrêté par le ministre, mais elles ont la latitude la plus large dans la rédaction du programme des matières d'enseignement, la détermination des méthodes, etc. La commune de Bruxelles a, la première en Belgique, introduit dans ses écoles normales l'enseignement de la psycho-physique, de la pédagogie des anormaux (1900), et de la pédologie ou science de l'enfant (1905) ; le gouvernement provincial du Hainaut a aussi inscrit ces branches dans ses écoles normales de Mons et de Charleroi (1906). Ces écoles ont en outre donné une large extension aux excursions et voyages scolaires, à l'enseignement expérimental, à l'exposé critique de l'histoire des doctrines pédagogiques, à la gymnastique d'après les principes de Ling, à la natation et aux exercices sportifs.

Le gouvernement peut subsidier les écoles normales agréées ; il fait tous les frais des écoles normales de l'Etat ; il fait inspecter toutes les écoles normales par deux inspecteurs généraux et par des inspecteurs spéciaux de gymnastique, de musique, de dessin. Pensions de retraite. ? Les professeurs, les instituteurs, les institutrices attachés aux écoles normales et primaires de l'Etat ou des communes ont droit à une pension de retraite, pour laquelle ils n'ont aucun versement à effectuer et qui est à la charge de l'Etat pour 2/5, de la commune pour 2/5, et de la province pour 1/5 ; cette pension peut être accordée après trente années de service à l'âge de 50 ans révolus ; le gouvernement peut mettre à la pension par mesure d'office à l'âge de 60 ans après quinze années de service ; la pension est calculée en prenant pour base la moyenne du traitement, casuel et émoluments compris, des cinq dernières années d'activité ; elle est liquidée pour chaque année de services rendus à l'enseignement public, à raison de 1/55 de cette moyenne, avec maximum de 5000 francs ; la possession de diplômes spéciaux compte pour une à quatre années de service.

La loi du 16 mai 1876 a institué une caisse de pensions pour les veuves et les orphelins des membres du corps enseignant de l'Etat et des communes ; des retenues sont faites sur les traitements pour alimenter cette caisse.

Statistique. ? La population de la Belgique s'élève à 7 160 547 habitants (3 558 105 hommes, 3 602 442 femmes) ; la population en âge d'école primaire, de 6 à 14 ans, forme le 16 % de ce total, soit environ 1 150 000(1905).

Il y a 13 écoles normales de l'Etat (7 d'instituteurs, 6 d'institutrices) ; 2 écoles normales communales agréées (Bruxelles) ; 2 écoles normales provinciales (Hainaut) ; 39 écoles normales privées agréées (épiscopat et congrégations) ; 2241 élèves-instituteurs et 2693 élèves-institutrices, dont 580 et 531 respectivement dans les écoles de l'Etat. En 1905, 115 instituteurs, 126 institutrices des écoles de l'Etat, 286 instituteurs, 452 institutrices des écoles agréées, ont été diplômés. Pendant la période triennale 1900-1902, le jury central a, en outre, délivré 665 diplômes à 191 instituteurs et à 474 institutrices, en majorité à des congréganistes.

Les écoles primaires communales comptaient, en 1905, 6616 instituteurs et sous-instituteurs, dont 4 religieux ; 4183 institutrices et sous-institutrices, dont 347 religieuses ; 232 directeurs et directrices ; 86 suppléants et suppléantes: au total 11 117.

Les écoles primaires adoptées, les écoles privées tenant lieu d'écoles communales, et les écoles privées subsidiées, comptaient 1949 instituteurs, dont 667 religieux ; 5478 institutrices, dont 4559 religieuses ; 248 directeurs et directrices ; 4 suppléants et suppléantes ; au total 7679.

Le corps enseignant primaire comprenait donc au total 18796 instituteurs et institutrices, dont 5577 religieux et 12 649 laïques.

La population des écoles primaires comprenait, en 1905, 869 811 enfants de 6 à 14 ans, dont: 441 115 garçons (314 695 dans les écoles communales, 68900 dans les écoles adoptées, 57520 dans les écoles privées inspectées et subsidiées) et 428 696 filles (186 330 dans les écoles communales, 138 129 dans les écoles adoptées, 104 237 dans les écoles privées inspectées et subsidiées). Ces élèves étaient répartis dans 7144 écoles, dont 1392 communales pour garçons, 1250 communales pour filles, 1891 communales mixtes : au total 4533 écoles communales ; 579 adoptées ou privées inspectées de garçons, 1333 de filles, 699 mixtes : au total 2611 écoles adoptées ou privées inspectées.

Dans les écoles communales, il y avait 819 660 élèves non payants et 50 151 payants.

Pour les écoles d'adultes, on comptait : 1° écoles d'adultes communales : 1785 pour garçons, 286 pour filles, 8 mixtes : au total 2079 ; 2° écoles adoptées et privées inspectées: 798 pour garçons, 1 190 pour filles, 10 mixtes ; au total 1998. En tout 4077 écoles d'adultes, ayant une population de 201 061 élèves, dont 114 934 garçons et 85 127 filles.

Les écoles gardiennes comprenaient 899 écoles communales, dont 891 mixtes ; 1872 écoles adoptées ou privées inspectées: en tout 2771 écoles, comptant 258 149 élèves.

L'enseignement primaire se donnait, en outre, dans 16 instituts de sourds-muets, dans 41 écoles d'hospices d'orphelins, d'enfants trouvés, etc., 11 écoles de bienfaisance de l'Etat, 24 écoles de prisons et de maisons spéciales de réforme, plus l'institut royal de Messine, à une population totale de 7814 élèves des deux sexes (4855 garçons, 2959 filles).

Les dépenses totales pour l'enseignement primaire se sont élevées en 1903 (dernière année dont le rapport ait été publié) à 43 867 450 fr. (6 fr. en moyenne par habitant). Ces dépenses comprennent les rétributions scolaires (1 751 132 fr.), les fondations et libéralités (211 421 fr.), les ressources des bureaux de bienfaisance (289 549 fr.), les budgets communaux (21 625 237 fr.), les budgets provinciaux (2 258 650 fr.), le budget de l'Etat (17 295 047 francs) ; il y a eu un excédent de 436 414 francs.

Degré d'instruction des miliciens. ? Voici les résultats de 1905 : 1° examen en langue flamande: sur 5762 incorporés et examinés, 812 illettrés (14, 09 %), 245 sachant seulement lire, 1350 sachant lire et écrire, 2944 sachant lire, écrire et calculer, 411 possédant l'instruction primaire ou plus (7 %) ; 2° examen en langue française : 4484 incorporés et examinés, 424 illettrés (9, 46%), 197 sachant seulement lire, 914 sachant lire et écrire, 2368 sachant lire, écrire et calculer, 581 possédant l'instruction primaire ou plus (13%). La supériorité au point de vue de l'instruction du contingent de langue française (wallon) sur le contingent de langue flamande s'explique par l'état économique meilleur dans la région wallonne, une plus solide organisation de l'enseignement, une fréquentation plus régulière et plus prolongée, un plus grand nombre d'écoles d'adultes, d'écoles primaires supérieures, etc. ; dans la région flamande, 48, 22 % de la population scolaire fréquente les écoles adoptées ou libres épiscopales et congréganistes, tandis que dans la région de langue française 26, 75 % seulement de cette population fréquente les écoles de cette catégorie. Il est à noter que le recrutement de l'armée se fait par le tirage au sort, et que les miliciens peuvent se faire remplacer en versant une somme de 1600 francs à l'Etat : le résultat des examens ne représente donc pas exactement l'instruction moyenne de tous les jeunes gens de vingt ans. Le recensement général décennal pour 1900 indique 69, 44 % d'hommes et 66, 69 % de femmes sachant lire et écrire ; la proportion des lettrés, déduction faite des enfants de moins de huit ans, est de 80, 88% ; ce recensement est fait sur déclaration des habitants sans contrôle officiel.

ENSEIGNEMENT MOYEN. ? A partir de 1830 et jusqu'en 1850, l'Etat se désintéressa de l'enseignement moyen ; en 1835, il ne subventionnait plus que douze athénées et écoles moyennes, des quarante-cinq qui existaient sous le régime hollandais ; les autres étaient à la charge de quelques communes ou avaient passé au clergé ou à des particuliers. Les universités, fondées en 1835, signalaient que le recrutement d'élèves bien préparés était devenu difficile. M. Ch. Rogier (ministre libéral) présenta un projet de loi organique qui fut voté le 1er juin 1850. Il créait deux enseignements moyens de l'Etat : le degré supérieur, représenté par les athénées, préparant aux facultés universitaires et aux écoles spéciales ; le degré inférieur, comprenant les écoles moyennes, préparant aux emplois du commerce, de l'industrie, etc. La question religieuse fut résolue en ces termes ; « L'enseignement moyen comprend l'enseignement religieux. Les ministres des cultes sont invités à donner ou à surveiller cet enseignement dans les établissements soumis au régime de la loi. Ils seront aussi invités à communiquer au Conseil de perfectionnement leurs observations concernant l'enseignement religieux. » Ce texte suscita de nombreuses difficultés d'application. Le clergé catholique refusa sa collaboration à l'Etat. Depuis 1884 (ministère clérical), l'enseignement de la religion et de la morale a été rendu obligatoire dans tous les établissements de l'Etat ; le chef de famille peut dispenser son fils de suivre cet enseignement ; 1 enseignement religieux et moral est donné par un ministre du culte nommé par le gouvernement sur la proposition du chef du culte ; ce ministre jouit d'un traitement sur les fonds de l'État et d'une part du minerval au même titre que les autres professeurs.

Pour la formation du personnel enseignant des athénées, une école normale des humanités, avec section spéciale des langues modernes, fut fondée à Liège, une autre pour les sciences fut établie à Gand ; elles ont été supprimées en 1890. Depuis, les professeurs sont recrutés parmi les docteurs des universités (faculté de philosophie et lettres et faculté des sciences).

La loi n'a pas fondé d'enseignement moyen supérieur pour les jeunes filles. La ville de Bruxelles a établi pour elles un cours d'humanités anciennes de trois années en vue de leur préparation à l'université ; depuis, un certain nombre de jeunes filles se présentent devant le jury central, suivent les cours de l'université et y obtiennent des diplômes de docteur en droit, en médecine, en sciences, etc. Des écoles moyennes pour jeunes filles ont été créées par l'Etat, par les communes, par des particuliers.

Jusqu'en 1883, la langue française fut la langue de l'enseignement moyen. La loi du 15 juin 1883 (ministère libéral) modifia cette situation : dans la région flamande, les cours de la section préparatoire des écoles moyennes doivent se donner en néerlandais, et le français doit y être enseigné de manière à préparer les élèves à suivre les cours donnés en français dans la section moyenne ; dans celle-ci et dans les athénées, les cours d'allemand et d'anglais sont donnés d'abord en néerlandais, ensuite directement dans ces langues mêmes ; deux cours au moins (l'histoire et la géographie, considérées comme formant un seul cours, et les sciences naturelles) doivent être donnés en langue néerlandaise ; ces prescriptions sont applicables aux athénées ; à Bruxelles, deux régimes, l'un français, l'autre néerlandais, coexistent ; le double régime est applicable dans la région flamande sur la proposition du bureau administratif.

La loi de 1890 sur l'enseignement supérieur admet dans les universités, sans examen, les jeunes gens qui possèdent un certificat d'études complètes d'enseignement moyen supérieur, délivré par les athénées royaux ou les collèges privés, certificat qui doit être entériné par une commission spéciale. Les collèges privés ne sont soumis ni à l'inspection de l'Etat, ni aux prescriptions relatives au néerlandais. En 1907, la Chambre des représentants fut saisie d'un projet de loi visant à obliger indirectement les collèges privés à organiser des sections flamandes ; l'épiscopat protesta contre cette ingérence, au nom de la liberté de l'enseignement ; un grand nombre de journaux catholiques et libéraux combattirent le projet, la discussion de la loi fut agitée et confuse, des votes contradictoires furent émis, et le projet fut finalement renvoyé à une commission spéciale.

Depuis 1887, les athénées réorganisés comprennent trois sections : 1° les humanités gréco-latines ; 2° les humanités latines (sans grec et avec un programme scientifique plus étendu) ; ces deux sections préparent aux facultés de philosophie et lettres, de sciences naturelles, et par conséquent à celles de droit et de médecine ; 3° les humanités modernes (sans langues mortes, mais avec un programme plus étendu de sciences et de langues modernes) ; cette section prépare à l'école militaire, aux écoles techniques supérieures, à l'industrie, au commerce, etc. Les écoles moyennes ont subi une réforme profonde par la création de sections spéciales : section commerciale, section agricole, section industrielle, suivant les besoins des localités.

Pendant la première période, l'enseignement moyen supérieur eut pour base l'étude des langues anciennes, du français, des mathématiques ; il a évolué dans le sens de l'extension des sciences et des langues modernes. Les tendances actuelles sont favorables à l'établissement d'un système rendant équivalents pour l'admission dans les universités les certificats d'humanités anciennes et d'humanités modernes. Une autre réforme est en voie de réalisation : l'éducation physique était complètement négligée jadis ; en 1873 elle fut insuffisamment organisée ; actuellement on réclame pour la jeunesse un horaire hebdomadaire moins chargé, plus de récréations libres, une extension sérieuse des cours de gymnastique complétés par la natation et les sports ; les principes de la méthode de gymnastique de Ling (dite suédoise) tendent à se substituer à ceux de la méthode belge (Docx, Happel), dérivée de la méthode allemande de Guthsmuths-Jahn-Spiess et de la méthode française d'Amoros.

Statistique. ? Enseignement moyen du degré supérieur : 7673 garçons fréquentant les 20 athénées royaux (6028), les 7 collèges communaux (681) et les 8 collèges patronnés (964). ? Enseignement moyen du degré inférieur : 17 655 garçons fréquentant 78 écoles moyennes de l'Etat (14 531), 5 écoles moyennes communales (2360), 5 écoles moyennes patronnées (764), et 7824 filles fréquentant 34 écoles moyennes de l'Etat (5854) et 5 écoles moyennes communales (1970). ? Le nombre d'élèves fréquentant les instituts privés n'est pas indiqué dans l'annuaire statistique.

ENSEIGNEMENT SUPERIEUR. ? La loi du 27 septembre 1835 créa deux universités de l'Etat, à Liège et à Gand. Les évêques, appuyés par le pape Grégoire XVI, avaient fondé, le 18 mai 1834, 1 université catholique de Malines, transférée l'année suivante dans les locaux de l'ancienne université de Louvain. « Lutter pour défendre la religion, maintenir les saines doctrines, dévoiler les hérésies et les erreurs, résister aux novateurs, accueillir toutes les doctrines émanant du Saint-Siège, répudier les doctrines contraires, » tel était le but des fondateurs. Le parti libéral répondit, sous l'inspiration de Th. Verhaegen, en fondant, le 20 novembre 1834, l'université libre de Belgique (devenue, en 1842, l'université libre de Bruxelles), destinée à donner « un asile à la science pure, à la science libre, à la science qui ne relève que d'elle-même, qui n'accepte de mot d'ordre de personne, qui ne poursuit qu'une chose : la vérité, la certitude. L'université libre proclame avant tout l'indépendance du penseur, elle défend les droits de la raison. » (L. VAN DER KINDERE, Notice historique sur l'Université libre.)

En 1893, MM. Ed. Picard, Elisée Reclus, G. De Greef, E. Vandervelde, L. De Brouckère, Dejongh, etc., fondèrent à Bruxelles l'Université nouvelle et l'institut des hautes-études. Le gouvernement a refusé d'entériner les diplômes délivrés par cette université.

A l'université de Gand est annexée une école du génie civil et des arts et manufactures ; à celle de Liège, une faculté technique et des écoles spéciales (mines, arts et manufactures, mécaniciens, électriciens). Bruxelles possède, outre les quatre facultés, une école polytechnique, une école de sciences politiques et sociales, une école de commerce. Louvain a les quatre facultés légales, plus une faculté de théologie, des écoles spéciales (génie civil, mines, agriculture) et un collège papal (chaire de philosophie thomiste).

La dépense annuelle moyenne pour les deux universités de l'Etat s'élève à 3 200 000 fr. ; elle est supportée par le trésor public. Les universités libres doivent vivre de leurs propres ressources, l'Etat ne les subventionne pas ; mais la commune de Bruxelles et celle de Louvain mettent des locaux à la disposition de l'Université libre et de l'Université catholique. Les deux universités de Bruxelles (Université libre et Université nouvelle) reçoivent des subsides de la province de Brabant et de plusieurs communes.

Jusqu'en 1849, la collation des grades universitaires se lit par un jury central composé de sept membres dont la majorité était nommée par les Chambres: « l'enseignement que le Congrès national avait voulu rendre libre devenait, en réalité, esclave ; il était asservi aux majorités parlementaires » (Nypels). La loi du 15 juillet 1849 établit un examen universitaire pour l'admission aux premiers grades et remplaça le jury central par un jury combiné, nommé par le gouvernement et composé d'un nombre égal de professeurs de l'Etat et de professeurs des établissements libres. Ce système dura vingt-sept ans (de 1849 à 1876). En 1855 la suppression de l'examen d'élève universitaire, en 1857 la création de cours à certificats, eurent des effets fâcheux, le niveau des études baissa. Le gouvernement remédia à la situation en 1861 en établissant l'examen de gradué en lettres, que devait passer avec succès tout élève se destinant aux études universitaires. Cette réforme fut vivement critiquée ; on lui reprochait de réduire la préparation à quelques branches classiques, langues anciennes et mathématiques, les autres étant négligées ; les jurys étaient trop indulgents. Le graduat fut supprimé (20 mai 1876). Les universités ont, depuis, le droit de conférer elles-mêmes les diplômes, d'après un programme fixé par la loi ; les diplômes, pour être légaux, doivent être entérinés par une commission gouvernementale ; les cours à certificats sont abolis.

La liberté de la collation des grades académiques donna pendant quatorze années des résultats qui furent jugés satisfaisants ; la loi de 1890 consacra le système et établit une barrière à l'entrée des universités : pour se présenter à une épreuve, il faut posséder un certificat d'études moyennes supérieures complètes, délivré par un athénée royal ou par un collège privé qui réponde à des conditions déterminées ; à défaut de ce certificat, l'élève doit subir un examen d'admission devant la faculté sur des matières fixées par la loi. Pour les aspirants au grade de candidat-ingénieur, cet examen d'admission est obligatoire.

Pendant la dernière période triennale (1901-1903), la population des universités s'est élevée aux chiffres suivants : Gand (Etat), 2433 étudiants ; Liège (Etat), 5014 ; sur ces 7447 étudiants, 2119 appartiennent à la faculté des sciences ; 2784 à la faculté technique ; 1065 à la médecine ; 978 au droit ; 501 à la faculté de philosophie et lettres ; ? Bruxelles (université libre), 3067 étudiants (médecine 870 ; sciences 576 ; écoles spéciales 575 ; philosophie et lettres 290) ; ? Louvain (université catholique), 6042 étudiants (médecine 1222 ; sciences 798 ; écoles spéciales 1310 ; droit 1146 ; philosophie et lettres 780 ; école d'agriculture 418 ; faculté de théologie 369): Au total 16 556 étudiants en trois ans ; moyenne annuelle, 5518. La proportion des étudiants étrangers est d'environ 15 %. ? Quant à l'Université nouvelle de Bruxelles, elle ne figure pas dans les statistiques officielles.

Il existe en Belgique, ressortissant à d'autres ministères que celui des sciences et des arts, les écoles suivantes :

À. Ministère de l'industrie et du travail (1904-1905) : Ecoles et cours professionnels et commerciaux, 51 cours communaux, comptant 3859 élèves et recevant 180 548 fr. de l'Etat, 89 181 fr. de la province et 180 750 fr. de la commune ; 148 écoles et cours libres avec 15 884 élèves, recevant de l'Etat 404 033 fr., de la province 104 541 fr., de la commune 92 841 francs. ? Ecoles industrielles : 80 écoles communales, avec 22064 élèves, recevant 447 221 fr. de l'Etat, 297 367 fr. de la province, 443 936 fr. de la commune ; 7 écoles libres, avec 1511 élèves, recevant 21 523 fr. de l'Etat, 4866 fr. de la province, 6727 fr. de la commune ; plus des instituts supérieurs de commerce, de brasserie, des écoles de hautes études commerciales et consulaires, une école des mines du Hainaut, des écoles des arts et métiers et des textiles, un navire-école, en tout 13 établissements avec 1702 élèves ; ces écoles sont subsidiées par l'Etat, la province et les communes. Il y a en outre 26 écoles ménagères communales et 62 libres ; 82 classes ménagères communales, 4 adoptées, 115 libres ; au total 289, comptant 9976 élèves et recevant de l'Etat 161481 fr., des provinces 48 423 fr. et des communes 73 279 francs.

B. Ministère de l'agriculture : Un institut agricole de l'Etat (Gembloux) ; 3 écoles moyennes d'horticulture et d'agriculture de l'Etat (Vilvorde, Gand, Huy) ; une école vétérinaire de l'Etat (Anderlecht) ; des cours agricoles pour adultes ; des cours d'horticulture, d'arboriculture, de culture maraîchère, de laiterie ; 26 agronomes de l'Etat vulgarisant les notions et les procédés de la science agronomique par des conférences, etc. ? L'enseignement des arts du dessin se donne dans 84 académies et écoles de dessin à 15 736 élèves (en 1905).? La musique s'enseigne dans 4 conservatoires (Anvers, Bruxelles, Gand, Liège) à 4978 élèves, dont 2640 hommes et 2338 femmes, et dans 62 écoles de musique qui comptent 13 926 élèves, dont 7051 hommes et 6875 femmes.

C. Ministère de la guerre : Ce ministère dirige une école de pupilles de l'armée, des cours pour soldats illettrés, des écoles régimentaires, des cours du soir, un cours central de préparation à l'école militaire, une école de cadets, une école militaire et une école de guerre.

Eglise catholique. ? Les écoles de l'Eglise catholique sont : une université (déjà nommée) à Louvain, 16 séminaires et petits séminaires, 59 collèges et instituts épiscopaux. Les évêques et les congrégations religieuses ont fondé, en outre, un grand nombre de collèges et d'écoles primaires, moyennes, normales.

Ecoles étrangères. ? La colonie allemande a fondé à Bruxelles une école primaire avec section d'enseignement secondaire. La Chambre de commerce française vient d'inaugurer (1908) un lycée à Anderlecht (faubourg de Bruxelles).

Bibliographie. ? Rapports triennaux, publiés par le gouvernement, sur l'état de l'instruction primaire, moyenne, supérieure. ? Annuaire statistique du royaume de Belgique. ? Lois sur l'enseignement primaire, moyen, supérieur.

[A. SLUYS, Directeur de l'Ecole normale de Bruxelles, Vice-Président de la Ligue de l'Enseignement.]

Pour le Congo belge, voir Congo belge.