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Bathélémy Saint-Hilaire

Jules Barthélémy, dit Barthélémy Saint-Hilaire, est né à Paris le 19 août 1805. Il fut d'abord employé au ministère des finances, ce qui ne l'empêcha pas de s'occuper de journalisme et de politique. II se consacra ensuite, à partir de 1832, à des travaux d'érudition, en particulier, sous les auspices de Victor Cousin, à une traduction d'Aristote, qui occupa quarante années de sa vie ; il fut nommé professeur au Collège de Fiance en 1838, et membre de l'Académie des sciences morales en 1839. Lorsque Cousin devint ministre de l'instruction publique en 1840, Barthélémy fut son chef de cabinet. En février 1848, il se rallia à la République, fut l'un des secrétaires du gouvernement provisoire, entra à l'Assemblée constituante comme député de Seine-et-Oise, et le 30 juin 1848 fut nommé membre de la Commission à laquelle l'Assemblée renvoya le projet de loi sur l'instruction primaire présenté par Hippolyte Carnot. La Commission, qui choisit Barthélémy Saint-Hilaire pour son président, n'admit qu'en partie les réformes proposées par Carnot, et, après plusieurs mois d'études, substitua au projet du ministre une proposition de loi en sept titres et cent et un articles ; mais elle n'eut pas le temps de la soumettre à la délibération de l'Assemblée, car le 4 janvier 1849 M. de Falloux retira le projet Carnot, et la Commission, dont ce retrait supprimait la raison d'être, fut dissoute.

Mais le président de la Commission ne put se résoudre à voir disparaître le fruit d'un travail de six mois. La proposition de loi était déjà imprimée (15 décembre) ; il ne restait qu'à en rédiger l'exposé des motifs. Ce rapport préliminaire fut écrit par Barthélémy, qui le fit paraître au Moniteur du 21 avril 1849, avec le texte de la proposition de loi. « La Commission — disait le rapporteur-président aux représentants — croit devoir à la confiance que vous aviez placée en elle de ne pas laisser son oeuvre imparfaite et stérile : elle l'achève autant qu'il dépend d'elle, en vous adressant ce travail qui peut vous intéresser, à la fois, et comme accomplissement d'une de vos résolutions, et comme document utile. Il ne serait pas bon que des études aussi profondes et aussi sérieuses fussent perdues, non pas seulement pour ceux qui les ont faites, mais aussi pour ceux qui, plus tard, ayant à traiter le même sujet, pourront profiter des recherches consciencieuses de leurs prédécesseurs. »

Voici les passages caractéristiques du rapport : ils permettent de juger de la différence qu'il y avait entre l'état d'esprit des républicains convaincus, qui, au lendemain des journées de Février, avaient essayé d'implanter pour la seconde fois la République en France, et celui des orléanistes ralliés qui voulaient continuer, sous la forme républicaine, les traditions des régimes précédents.

En quelques phrases préliminaires, Barthélémy Saint-Hilaire met en contraste la sagesse et la modération du plan de la Commission avec l'esprit de radicalisme du projet Carnot, qui avait voulu innover sans ménagement, et sans respect du passé monarchique :

« Nous sommes heureux de vous le dire, le projet que nous soumettons à vos méditations ne demandera point à l'Etat des dépenses exorbitantes. Bien plus, il ne vous proposera même point de grandes innovations, sauf une seule [l'obligation] qui, d'ailleurs, aura pour garantie l'exemple de plusieurs nations voisines. Grâce aux progrès de la liberté, qui n'ont pas cessé un seul jour (sic) dans notre pays, malgré les entraves de gouvernements trop peu bienveillants et trop peu sages [l'Empire et la Restauration], il a été fait beaucoup pour l'instruction populaire. La révolution de Juillet avait produit la loi de 1833, dont nous nous plaisons à reconnaître hautement les immenses bienfaits. L'esprit en était bon, les résultats en ont été heureux, quoiqu'ils doivent aujourd'hui nous paraître insuffisants. La République veut faire bien davantage pour ses enfants et pour les instituteurs qui les lui élèvent. Mais, au fond, elle ne fera que développer ce qui est ; et son nouvel édifice sera d'autant plus fort qu'il s'appuiera sur des fondements anciens et déjà éprouvés.

« Pour notre part, nous nous sommes gardés de répudier l'expérience des quinze dernières années. Nous pouvons avoir la juste prétention de faire mieux que nos devanciers en nous aidant de leurs travaux ; nous n'avons pas la témérité de quitter une route qui les a si bien conduits, et nous avons voulu y marcher sur leurs traces, tout en les dépassant.

« De plus, à côté de la loi de 1833, avant elle comme après elle, des actes administratifs de tout genre, décrets, ordonnances, arrêtés, décisions, avaient essayé de porter l'ordre et la discipline dans diverses branches de l'instruction primaire, qu'avait fait naître la charité sociale. Ainsi les salles d'asile, auxquelles se rattachent les noms modestes et glorieux de Louise Scheppler, de Mme de Pastoret et de M. Cochin ; les écoles des filles, primaires, supérieures et normales, les écoles d'apprentis, les classes d'adultes, les ouvroirs, les écoles même des hospices, etc., établissements qui tous méritent la sérieuse attention du législateur, ont été compris dans notre projet. Nous y avons fait entrer aussi l'utile usage des conférences entre les instituteurs, afin de leur donner à la fois plus d'importance et plus de fixité. En un mot, nous avons voulu faire une sorte de code de l'instruction primaire. »

En ce qui concerne la liberté de l'enseignement, la proposition de loi se plaçait sur le même terrain que le projet Carnot. C'était surtout à propos de la liberté de l'enseignement secondaire que des débats passionnés s'étaient élevés dans les dernières années de la monarchie de Juillet. Mais dans le domaine de l'enseignement primaire, la loi de 1833 avait déjà consacré la liberté d'enseignement et lui avait fait une large part. « Nous avons pu l'accroître encore, disait le rapporteur, sans enlever à l'Etat et à la société les garanties qu'il importe avant tout d'exiger de quiconque prétend à la délicate mission de former l'âme et l'intelligence des enfants. »

Pour la gratuité, la Commission n'en voulait pas. « Votre Commission a repoussé la gratuité absolue telle que l'admettait M. Carnot. Elle s'en est tenue au système actuel en l'améliorant. Ce système est une sorte de demi-gratuité qui cherche à satisfaire tous les justes besoins, qui donne au pauvre ce qu'il ne peut payer, et qui fait contribuer le riche dans une équitable proportion. Mais les partisans de la gratuité absolue veulent davantage : l'Etat, suivant eux, doit donner à tous une instruction qui est peut-être plus encore dans son intérêt propre que dans l'intérêt des citoyens qui la reçoivent. La paix publique et la prospérité nationale sont à ce prix ; l'ignorance ne peut enfanter que désordre et misère. L'Etat a donc le droit d'imposer l'instruction ; mais il doit payer le maître qu'il impose. A ces arguments en faveur de la gratuité absolue, on répond par des objections non moins fortes. Oui, si la gratuité absolue était juste, elle serait nécessaire ; et, quelque coûteuse qu'elle fût, l'Etat devrait la placer parmi ses dépenses les plus urgentes et les plus obligatoires. Mais l'Etat ne doit point l'instruction aux citoyens. L'instruction de l'enfance est le devoir sacré de la famille. C'est à elle d'élever les générations nouvelles, même au prix des plus pénibles sacrifices. Ce sont ces sacrifices mêmes qui rendent plus étroits les liens d'affection et de reconnaissance qui sont la vie sainte de la famille et son indestructible garantie. L'Etat, en se substituant aux parents, commettrait une déplorable usurpation, qui tournerait bientôt contre lui en ébranlant ses plus solides fondements. Loin de chercher à étendre la gratuité, l'Etat doit, au contraire, tout faire pour la restreindre, non pas en la refusant à ceux qui ne peuvent s'en passer, mais en accroissant, par les moyens généraux dont il dispose, l'aisance qui permet de n'y point recourir.

« S'il est un fait constant, c'est que l'on tient fort peu à ce qu'on reçoit de la munificence publique... La gratuité absolue irait, selon toute apparence, contre le but même qu'on se propose. Loin de contribuer à propager l'instruction, elle lui nuirait. Aujourd'hui, les familles indigentes à qui on l'accorde sont celles qui mettent le plus de négligence à l'employer. Elles n'envoient pas leurs enfants à l'école qui ne leur coûte rien.

« L'objection la plus grave contre la gratuité, c'est son évidente iniquité. On peut soutenir, au nom des principes les plus nobles et les plus sages, que l'Etat doit donner gratuitement l'instruction à qui ne peut pas la payer. Mais la donner, sans aucune rémunération, à qui peut en supporter les frais, c'est une munificence injustifiable, que l'Etat ne doit pas offrir, que les citoyens ne peuvent accepter. »

Barthélémy Saint-Hilaire fait valoir aussi, avec une sollicitude pour les intérêts de l'enseignement privé qu'on s'étonne de trouver chez un partisan aussi résolu des droits de l'Université, que la gratuité des écoles publiques serait préjudiciable aux écoles particulières : « La gratuité serait nuisible encore à l'enseignement sous un autre rapport qui n'est pas moins grave. Il est évident qu'elle détruirait presque entièrement les écoles libres. Celles de l'Etat seraient bientôt les seules, parce que la concurrence ne serait point possible contre lui. Dès lors il perdrait l'utile émulation que provoquent des écoles rivales. » Le rapporteur répond enfin à ceux qui prétendent qu'il serait injuste d'établir l'obligation sans lui donner la gratuité comme corollaire : « On a soutenu, en faveur de la gratuité, qu'elle devait être une conséquence de l'obligation que l'Etat comptait imposer à toutes les familles. Ce dernier argument ne nous a point paru avoir la force qu'on lui attribue. L'Etat peut exiger que tous les enfants soient instruits ; il peut décerner des peines contre les parents négligents ; il n'est pas tenu pour cela de payer lui-même l'instruction qu'il commande. Il y a mille injonctions de la loi qui sont onéreuses pour les citoyens. L'obligation en sera une nouvelle, et, nous l'espérons, une des plus bienfaisantes et des plus sages. »

Pour la quotité de la rétribution scolaire, et la forme de sa perception, le rapport dit : « Nous avons transporté des conseils municipaux au Conseil général le soin de fixer le taux de la rétribution scolaire annuelle ; et nous avons décidé que, dans aucun cas, ce taux ne pourrait être au-dessous d'un minimum de six francs. La rétribution sera perçue, comme elle l'est actuellement, par douzième, de mois en mois ; elle le sera d'avance. Les dégrèvements seront demandés avec les formalités ordinaires. Mais nous avons limité les cas où ils seraient accordés. Chaque année le conseil municipal arrêtera la liste des parents qui pourront acquitter la rétribution scolaire. »

Passant ensuite à l'obligation, le rapporteur s'exprime ainsi :

« L'obligation est une grave innovation, sans doute ; mais cette innovation a pour elle tant de motifs sérieux, les exemples qui nous la recommandent sont si décisifs, et les conséquences en seront si fécondes, le principe en est si juste, et l'application si facile, que nous n'avons point hésité à vous la proposer, et que vous n'hésiterez pas davantage à l'accueillir. Déjà en 1833 l'illustre rapporteur de la Chambre des pairs [Cousin] la réclamait avec énergie, et il en démontrait l'utilité. M. Carnot a eu le courage de la mettre dans son projet de loi ; nous l'en félicitons hautement ; et nous n'avons fait que l'imiter et le suivre….

« Il n'y a qu'une seule objection contre l'obligation Elle porte, dit-on, atteinte à la liberté des pères de famille. Mais il faut bien s'entendre : la liberté des pères de famille ne peut consister à nuire à leurs enfants : et le mal le plus grand qu'ils puissent leur faire, tout le monde en convient, n'est-ce pas de leur ravir les lumières de l'intelligence? Déjà la loi dispose en faveur des mineurs contre le désordre et l'incurie des parents. En principe, nous croyons que la loi serait mille fois plus autorisée à défendre le patrimoine moral, sans lequel tous les autres sont à peu près sans valeur. La loi, qui garantit les biens matériels, doit, à plus forte raison, garantir, si elle le peut, les biens de l'esprit, tout autrement précieux et utiles.

« Tout ceci est évident, et au fond l'objection n'est pas sérieuse. Mais l'application de ce principe incontestable peut rencontrer des obstacles, uniquement parce qu'elle n'a jamais été tentée [Barthélémy semble ignorer les décrets de la Convention]. C'est donc un essai que nous vous proposons. La Prusse, la Saxe, la Hollande appliquent depuis plusieurs siècles l'obligation, et elles en obtiennent de faciles et excellents résultats. On ne peut pas dire que ce sont là des Etats despotiques. On se tromperait, si l'on pensait que chez nous la liberté ne supportera pas aussi tranquillement ces justes devoirs et ces entraves.

« L'obligation, qu'on appliquerait dès que l'enfant aurait dix ans, atteindrait les familles jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de quatorze. Elle ne concernerait, d'ailleurs, que les écoles primaires élémentaires ; elle ne s'étendrait ni aux salles d'asile ni aux écoles supérieures. »

Tandis que, dans le projet Carnot, il n'y avait qu'un seul degré d'enseignement primaire, avec un programme beaucoup plus étendu, la Commission revenait aux deux degrés, élémentaire et supérieur, qu'avait admis la loi de 1833. Dans le programme d'enseignement, elle avait rétabli, « à l'unanimité et sans discussion », l'instruction morale et religieuse ; le projet Carnot l'avait supprimée, parce que, avait dit le ministre, « l'enseignement religieux n'est pas du ressort des écoles ». H. Carnot était bien loin d'être hostile à la religion, dans laquelle il voyait, au contraire, « la base la plus solide à l'amour des hommes » : mais il pensait que si l'enseignement religieux devait « se joindre » à l'enseignement primaire, les deux enseignements devaient rester distincts, et que c'était aux ministres des différents cultes à parler aux enfants « de l'amour de Dieu » : Voir Carnot (Lazare-Hippolyte). Le traducteur d'Aristote morigène sur ce point l'ancien saint-simonien, en disant, avec l'assurance que donne le savoir : « La République aurait tort, en ce délicat sujet, d'entrer dans une voie nouvelle que peuvent conseiller sans doute de graves motifs, mais qui, au fond, n'est pas la bonne ». Le projet Carnot avait remis au ministre la nomination des instituteurs, qui cessaient ainsi de dépendre des influences locales ; la Commission ne voulut pas que l'instituteur devînt un fonctionnaire d'Etat, attendu que, dans son système, le traitement du personnel enseignant primaire ne devait pas être uniquement payé par l'Etat : « Avec la loi de 1833, nous laissons la" nomination des instituteurs au Comité d'arrondissement ».

Au sujet des écoles normales, le rapport disait : « La loi de 1833 avait décidé que chaque département serait obligé d'entretenir une école normale primaire. Mais elle avait permis que plusieurs départements se réunissent pour avoir une école normale en commun. Il est résulté de cette faculté laissée par la loi qu'après quinze ans et plus il n'existe aujourd'hui que 76 écoles normales au lieu de 86. Nous voulons que chaque département ait son école normale [d'instituteurs]. Nous avons donc retranché de notre loi la modification qu'avait admise celle de 1833. » Quant aux écoles normales d'institutrices, elles restaient facultatives : « Si les départements ont des ressources suffisantes, ils pourront établir des écoles normales de filles : mais nous ne leur en faisons pas une stricte obligation ».

En résumé, le projet Carnot plaçait tout l'enseignement primaire public dans la main de l'Etat ; le projet Barthélémy Saint-Hilaire conservait les bases établies par la loi de 1833 : « Nous avons voulu que l'instruction primaire, dans toutes ses parties diverses, salles d'asile, écoles de tout ordre, classes d'adultes, etc., restât communale. Nous aurions redouté de lui enlever ce caractère essentiel, en la remettant tout entière aux mains de l'Etat. Entre l'instruction primaire et l'instruction secondaire, il y a cette grande différence, que la première doit rester aussi près que possible des familles, tandis que l'autre peut en être éloignée sans danger et même avec un grand avantage. »

Les autorités scolaires étaient le comité local, avec le maire et le curé comme membres de droit, et le Comité d'arrondissement, dans lequel devaient siéger le curé et un ministre de chacun des cultes reconnus. « Les attributions que nous avons accordées au Comité d'arrondissement sont considérables, disait le rapport ; elles sont aujourd'hui nécessaires, parce qu'on ne peut point les transporter à des autorités dont la circonscription serait plus étroite. Certes, nous eussions désiré pouvoir constituer des Comités cantonaux ; ils eussent été plus rapprochés des écoles que ne le sont les Comités d'arrondissement. En 1816, on avait tenté d'organiser des Comités cantonaux dans le pays entier : cet essai échoua, non pas tant à cause du système lui-même que par suite de l'état où était alors l'instruction primaire. Mais on peut le dire avec pleine assurance, les progrès de l'instruction primaire se mesureront à l'accroissement même qu'on pourra donner successivement aux attributions des comités locaux. »

Barthélémy Saint-Hilaire termine son rapport en adressant aux instituteurs une mercuriale menaçante, dont le ton contraste singulièrement avec celui des circulaires de Carnot. Pendant les premiers jours de la République de Février, on avait cherché à exalter chez les instituteurs le sentiment démocratique, à « allumer en eux une ambition généreuse », on les avait appelés à « contribuer pour leur part à fonder la République ». Maintenant on se défie d'eux, on voit en eux bien moins les soutiens de la liberté républicaine que les propagandistes du socialisme, et le moment allait bientôt venir où la réaction devait sévir sans ménagement contre tous ceux d'entre eux qui ne se feraient pas humbles et dociles. Le langage de Barthélémy annonce clairement ce changement d'attitude :

« Les instituteurs — dit le rapporteur — devront se pénétrer de plus en plus de la sainteté de leur mission. Dans une nation où règne le suffrage universel, ceux qui sont chargés d'instruire le peuple sont responsables de ses destinées. Ils seraient bien coupables si, à la place des saines doctrines qu'ils lui doivent, ils lui donnaient ces doctrines perverses qui peuvent corrompre et perdre la société. Ce serait un crime s'ils en infectaient les générations confiées à leurs soins. Mais ces doctrines, si malheureusement elles ont rencontré quelques prosélytes parmi les instituteurs, ne prévaudront pas. Nous en avons pour garants et la surveillance de l'Etat et le bon sens des instituteurs eux-mêmes. Ils ne cèderont pas à ces excitations aveugles qui ont parfois essayé d'éveiller en eux une déraisonnable ambition. L'esprit qui doit animer leur enseignement est l'esprit même des lois nationales. Tout ce qui sort du cercle de ces lois, tout ce qui leur est contraire est interdit. C'est une sorte de consigne que l'instituteur doit fidèlement remplir. II ne doit suivre, il ne doit connaître qu'elle. Tels sont les principes dont les instituteurs doivent toujours être profondément pénétrés. Ils ont été rarement méconnus, quoi qu'on en puisse dire. L'Etat est sûr du succès, s'il sait joindre à la fermeté, qui réprime, la vigilance, qui épargne la répression même, parce qu'elle a su prévenir les fautes en les prévoyant. »

La proposition de loi et le rapport élaborés par Barthélémy Saint-Hilaire et ses collègues, malgré l'esprit qui les animait, ne devaient pas trouver grâce devant la coalition du bonapartisme et de l'Eglise. Ace moment même, une autre commission nommée par M. de Falloux préparait un projet nouveau, que le ministre de l'instruction publique du cabinet Odilon Barrot devait présenter le 18 juin suivant, et qui allait devenir la loi du 15 mars 1850.

Réélu à l'Assemblée législative, Barthélémy Saint-Hilaire y combattit vivement la loi Falloux. Après le 2 décembre, il refusa le serment et quitta sa chaire du Collège de France. Jusqu'à l'avant-dernière année du second Empire, il se renferma de nouveau dans ses travaux d'érudition. Aux élections générales de 1869, il fut élu au Corps législatif par le département de Seine-et-Oise ; et ce même département, en février 1871, l'envoya siéger à la nouvelle Assemblée. Il remplit auprès de Thiers, devenu chef du pouvoir exécutif, les fonctions de chef de cabinet, jusqu'au 24 mai 1873. En décembre 1875, il fut nommé sénateur inamovible par l'Assemblée. Du 23 septembre 1880 au 10 novembre 1881, il fut ministre des affaires étrangères dans le premier cabinet Jules Ferry. Il est mort en 1895.