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Astronomie

L'astronomie est la science de l'univers. La terre que nous habitons, le soleil, la lune, les planètes, les étoiles, les comètes, en un mot tous les astres, c'est-à-dire tous les corps qui constituent l'univers, font l'objet de l'astronomie.

Autrefois, lorsque, trompés par les apparences, les hommes croyaient la terre fixe au centre du monde, l'astronomie pouvait être considérée comme une science ne s'occupant que des choses d'en haut, et à peu près inutile à ceux qui veulent se borner au tangible et au positif. Mais aujourd'hui qu'il est démontré que la terre est un astre comme la lune, tournant autour du soleil, voguant dans l'espace, isolé dans le vide, sans appui ni soutien d'aucune sorte ; aujourd'hui qu'il est démontré que cet astre sur lequel nous marchons est simplement la troisième planète du système solaire dans l'ordre des distances au soleil, que les autres planètes sont des terres comme la nôtre, et que celle-ci n'est, en un mot, qu'un des astres innombrables qui peuplent l'immensité, l'astronomie est devenue aussi la science de la terre et de l'humanité.

Elle seule peut nous apprendre où nous sommes, nous montrer comment cette boule tournante que nous habitons se soutient dans l'espace, par quelles combinaisons nous avons des années, des saisons, des jours et des nuits, en un mot nous faire connaître la vraie place que nous occupons dans l'univers ; c'est sur elle que la navigation est fondée ; c'est elle qui nous a fait connaître la vraie forme du globe terrestre ; c'est grâce à elle que tous les peuples de la terre sont aujourd'hui en communication les uns avec les autres, échangeant leurs produits et leurs idées ; elle nous instruit à la fois sur la terre et sur le ciel ; sans elle nous vivrions comme des aveugles, comme des animaux, comme des plantes, sans nous donner la peine (ou pour mieux dire le plaisir) de nous rendre compte de notre position.

Voilà la vérité toute franche. Et cependant, il faut bien le dire, il y a encore à l'heure présente au moins quatre-vingt-dix-neuf personnes sur cent qui se passent de cette science, et qui, de toute leur vie, n'ont pas songé un seul instant à se demander où elles sont ? Conçoit-on qu'une notion positive, qui devrait être la base primordiale de toute instruction sérieuse, soit encore aujourd'hui si généralement négligée? Conçoit-on qu'au lieu des éléments de la science de l'univers, qui pourraient être enseignés aux enfants dès l'âge le plus tendre, et qui répondent si heureusement à ce besoin de merveilleux qui leur est propre, on farcisse leur imagination d'histoires inutiles ou d'erreurs funestes dont ils auront plus tard la plus grande peine à se débarrasser?

Cependant ce ne serait pas une tâche bien lourde, et ce serait, au contraire, une oeuvre agréable et utile, que de donner à la jeunesse, dès le commencement de son éducation, ces notions si importantes. Que le maître lui-même soit bien convaincu de l'intérêt qui s'attache à l'étude, même élémentaire, de l'astronomie, convaincu aussi de l'utilité de cette connaissance pour l'ensemble des raisonnements qui doivent nous diriger dans la vie ; il n'en faut pas davantage pour donner de l'intérêt et du charme à son enseignement : tout en instruisant ses élèves, on peut dire à la lettre qu'il les amusera, car il se trouve que rien n'est aussi amusant que l'astronomie descriptive élémentaire, quoique rien peut-être ne soit aussi ardu et aussi sérieux que la pratique de la science.

Quoi de plus intéressant, par exemple, pour le père de famille, pour la mère, pour l'instituteur ou l'institutrice, que de montrer à l'enfant les plus brillantes étoiles du ciel, par une belle soirée d'été ou même d'hiver ? de lui apprendre à reconnaître immédiatement les sept étoiles célèbres du Chariot, à trouver l'étoile polaire à l'aide d'un simple alignement, et à s'orienter exactement, de telle sorte qu'en pleine nuit il se dirige sans peine? Quoi de plus facile que d'apprendre les noms et d'observer la position des étoiles et des constellations principales, de reconnaître le zodiaque et de trouver dans le ciel le chemin que le soleil parait suivre ?

Les enfants mêmes se plairont à voir les étoiles se lever à l'orient, arriver à leur point de culmination, qui représente le méridien de chaque lieu, à les voir descendre à l'occident, et ce sera l'occasion de les faire réfléchir au mouvement de rotation de la terre, auquel toutes ces apparences sont dues. Un leur fera chercher les planètes se mouvant le long du zodiaque, et, à l'aide d'une petite lunette, on leur montrera les satellites de Jupiter, l'anneau de Saturne, les phases de Vénus.

N'est-ce pas une heure agréablement passée que celle que 1 on consacrera, si l'on dispose d'un télescope, même de faible puissance, à examiner les échancrures étranges produites sur le bord de la lune par la lumière solaire à l'époque du premier quartier, broderies charmantes qui paraissent alors suspendues dans l'azur céleste comme de l'argent fluide, irrégularités lumineuses dont on ne tarde pas à reconnaître la forme et la cause? Ce seul coup d'oeil nous transporte sur les terrains si bouleversés de ce monde voisin, et nous montre de profonds cratères blancs remplis d'ombre, d'immenses cirques aux talus démantelés, de vastes plaines obliquement éclairées par l'astre du jour et offrant l'aspect de nappes de velours gris. Peu à peu la lumière s'élève, et l'on assiste au lever du soleil sur ces Alpes lointaines, à son élévation d'heure en heure et à l'éclairement successif des divers méridiens lunaires. A défaut de télescope, l'observation de la lumière cendrée dans l'intérieur du croissant lunaire, les premiers soirs de la lunaison, se fait à l'oeil nu et peut servir d'utile sujet de réflexion, si l'on veut se rendre compte de la cause de * cette clarté secondaire, chercher comment elle est produite par la lumière que notre terre reçoit du soleil et réfléchit dans l'espace, trouver quelles sont les contrées de la terre qui sont alors tournées vers la lune et qui envoient le « clair de terre ». Une éclipse de soleil ou de lune ne devrait jamais se passer sans qu'on en profitât pour se rendre compte du mouvement de la lune autour de la terre et du cône d'ombre qui accompagne tout globe éclairé. C'est ainsi que pour celui qui veut s'instruire, et surtout, instruire l'enfant toujours avide de leçons nouvelles, toute chose est un objet de curiosité et d'explication.

Les mouvements de la terre, l'inclinaison de son axe, la cause productrice des saisons, la variation de la durée du jour et de la nuit, le changement de hauteur du soleil, peuvent être le plus facilement expliqués sur un globe terrestre incliné comme il doit l'être ; et un tel mode d'enseignement direct par les yeux a de plus l'avantage d'affranchir immédiatement l'esprit de l'illusion des sens et de l'erreur vulgaire qui nous fait naître et grandir dans la conviction de l'immobilité de la terre au bas du monde, car il montre l'isolement du globe terrestre dans l'espace, sa situation relativement au soleil, et la manière dont il tourne pour présenter successivement tous ses méridiens à l'astre radieux et produire la succession des jours, des nuits, des saisons et des années. Quelques tableaux clairs et précis, et de simples expériences bien comprises, peuvent être plus utiles au progrès de l'élève que de longues leçons souvent fastidieuses. Ajoutons enfin que, parmi les sujets de lectures à haute voix, il est facile de faire une large part aux ouvrages ou aux extraits d'ouvrages qui traitent de la nature, de l'ordre et de la grandeur de l'univers, de la beauté du ciel, de l'organisation des mondes, vastes et nobles sujets qui élèvent l'âme en même temps qu'ils agrandissent l'esprit.

C'est surtout dans l'école normale primaire qu'une étude sommaire, mais bien dirigée, des éléments de l'astronomie descriptive devrait faire partie du programme, ne fût-ce que comme annexe des cours de géographie, qui impliquent nécessairement des notions de cosmographie. Les jeunes gens qui y auraient pris goût à 1 école normale ne manqueraient pas dans la suite d'en transmettre quelque chose à leurs élèves d'école primaire ; et ainsi se propageraient peu à peu des connaissances qui remplaceraient avec avantage maint préjugé populaire, depuis les vieux restes de superstition astrologique jusqu'à la croyance à la signification prophétique des comètes.

Camille Flammarion