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Assistés (enfants)

L'Assistance publique remplit, à l'égard des enfants, une fonction de jour en jour plus étendue.

Elle doit non-seulement faire acte d'assistance proprement dite, par l'attribution de secours matériels et de soins médicaux, mais exercer une action de tutelle et de régénération physique et morale. Cette action s'exerce avant tout sur les enfants sans famille (environ 140 000). La tendance de la législation moderne est de confier aussi à l'Assistance publique tous les mineurs qu'une mauvaise éducation a corrompus (actuellement 30 000 environ). La loi du 24 juillet 1889 sur la déchéance de la puissance paternelle, celle du 19 avril 1898 sur les enfants auteurs et sur les enfants victimes de délits et de crimes, celle du 11 avril 1908 sur les prostitués mineurs des deux sexes, sont caractéristiques de cette évolution. Divers projets ou propositions vont même jusqu'à supprimer la prison pour enfants, la maison de correction à caractère pénal, et à transformer les établissements pénitentiaires consacrés à l'enfance en établissements d'assistance.

Il appartient, d'autre part, à l'Assistance publique de protéger les enfants du premier âge contre tous les risques qui menacent leur existence. A ce point de vue, l'attribution principale de l'Assistance consiste à faire appliquer les prescriptions de la loi du 23 décembre 1874, connue sous le nom de loi Théophile Roussel. Accessoirement, elle s'occupe de la règlementation et de la surveillance des crèches publiques et privées, du contrôle des sociétés de charité maternelle, de l'organisation de consultations de nourrissons et de gouttes de lait. Elle encourage, par voie de subventions, les initiatives privées ayant le triple objet : d'aider la mère pendant la grossesse, de la soigner lors de l'accouchement et pendant les relevantes, de suivre l'enfant pendant les deux premières années de sa vie. L'Assistance publique, dans la lutte contre la mortalité infantile, agit surtout de façon indirecte: l'aide matérielle passe au second plan, pour laisser place à un vaste système d'éducation maternelle, de vulgarisation des principes de puériculture, d'influence à exercer sur les mères et sur les nourrices.

Le contrôle de l'Assistance n'est d'ailleurs pas limité aux oeuvres de la première enfance. Il s'étend, en principe, à toutes les organisations qui s'occupent d'enfants, et plus spécialement aux orphelinats et aux ouvroirs. Il consiste dans la surveillance du régime imposé à l'enfant, de l'éducation qui lui est donnée, de l'enseignement scolaire ou professionnel dont il doit bénéficier. Toutefois, en l'état actuel de la législation ; le droit d'intervention de l'Etat est limité (Avis du Conseil d'Etat, 14 janvier 1892). Il se trouve pratiquement restreint à deux catégories d'oeuvres : 1° celles à qui des mineurs ont été remis par application du titre II de la loi du 14 juillet 1889 (règlement d'administration publique du 12 avril 1907) ; 2° celles qui ont été reconnues comme établissements d'utilité publique. Un projet de loi sur la surveillance générale des établissements de bienfaisance privée est en discussion devant les Chambres.

Organisation du service. — Exception faite en ce qui concerne les prostitués mineurs, les diverses fonctions de l'Assistance publique vis-à-vis de l'enfance sont exercées par un double service qui, suivant les cas, prend le nom de service des Enfants assistés ou de service de la Protection du premier âge. Mais, à vrai dire, c'est un seul et même service qui ne se différencie guère qu'au point de vue de la répartition des dépenses. Les indications données en ce qui concerne le service proprement dit des Enfants assistés s'appliquent donc, par voie de conséquence, au service de la Protection.

Ainsi qu'il a été exposé à l'article Assistance publique, le service des Enfants assistés est un grand service national d'assistance obligatoire auquel collaborent les différentes personnes morales administratives.

L'Etat a la direction générale. Le droit d'initiative du ministre de l'intérieur en matière législative, son pouvoir règlementaire, son droit de nomination des préfets et du personnel de l'inspection départementale, les tournées de l'inspection générale des services administratifs, les avis du Comité des inspecteurs généraux et du Conseil supérieur de l'Assistance publique, lui permettent de montrer aux pouvoirs locaux les buts à atteindre, de coordonner leurs efforts, de répartir les ressources, de résoudre les difficultés survenant entre les départements dans la réalisation pratique de l'oeuvre d'assistance. La puissance effective du pouvoir central s'exprime également du côté financier : l'Etat fournit les deux cinquièmes des ressources nécessaires à la marche de chacun des services.

Mais l'assistance aux enfants n'est pas un service de l'Etat ; c'est au contraire un service décentralisé, en ce sens que les décisions individuelles visant tel ou tel enfant sont prises par l'autorité départementale, c'est-à-dire par des fonctionnaires ayant une compétence purement territoriale. Le service des Enfants assistés se trouve subdivisé en un certain nombre d'organisations quasi-autonomes, quatre-vingt-sept exactement, correspondant aux quatre-vingt-six départements et au territoire de Belfort. C'est le département qui est le centre d'activité et d'initiative du service. Les autorités départementales peuvent donner à leurs services une extension aussi grande qu'il leur plaît ; elles sont assurées qu'en aucun cas le concours financier de l'Etat et des communes ne leur manquera.

Par contre, elles ne peuvent se désintéresser de la marche du service, ni restreindre son action au-dessous du minimum imposé par la loi en faveur de l'enfance abandonnée. Il serait inadmissible que le devoir de haute solidarité édicté par la loi du 27 juin 1904 (Service des Enfants assistés) fût à la merci de tel ou tel Conseil général. Pour vaincre les résistances, le président de la République peut toujours employer la procédure de l'inscription d'office des crédits nécessaires, soit environ les deux-cinquièmes de la dépense totale.

La collaboration des communes est purement financière. Elle ne peut excéder un cinquième de la dépense totale effectuée dans le département. Leur contribution, comme celle du département, est obligatoire.

Enfin, certains hôpitaux peuvent être contraints de participer au fonctionnement du service. Ceux qui sont désignés comme hospices dépositaires sont tenus de recevoir les enfants assistés de leur département. Le prix de journée qui leur est alloué ne résulte pas d'une convention librement débattue, mais est fixé par voie d'autorité.

Personnel. — A la tête de chaque service départemental se trouve le préfet du département : pour le Haut-Rhin, l'administrateur du territoire de Belfort. Sous les ordres du préfet agit le personnel de l'inspection de l'Assistance publique, autrefois inspection des Enfants assistés. Ce personnel comprend : un inspecteur, un ou plusieurs sous inspecteurs, un ou plusieurs commis d'inspection. Exceptionnellement, dans le département de la Seine, il y a quatre inspecteurs, deux commis d'inspection ; il n'y a pas de sous-inspecteur.

Le personnel de l'inspection est nommé par le ministre de l'intérieur. Les candidats doivent présenter certaines garanties prévues par le règlement d'administration publique du 28 juillet 1906, et notamment être titulaires d'un brevet d'aptitude spéciale. Le programme de l'examen (dont la transformation en concours est sur le point de s'accomplir) est conçu de manière à s'assurer que les postulants possèdent bien non seulement l'ensemble des connaissances nécessaires pour l'exercice des attributions si complexes et si délicates de l'inspection, mais aussi qu'ils seront en mesure d'accomplir auprès des municipalités et des populations rurales, avec lesquelles leurs fonctions les mettront journellement en contact, une oeuvre de vulgarisation des principes élémentaires de l'hygiène générale et de l'hygiène infantile.

L'oeuvre d'éducation populaire qui leur incombe de ce fait est précisée par M. Mirman, directeur de l'Assistance et de l'Hygiène publique au ministère de l'intérieur, dans le rapport du 8 novembre 1906 qui précède le texte de l'arrêté ministériel règlementant l'examen d'aptitude. « Dans un programme de ce genre, — y est-il dit —, les notions d'hygiène devaient trouver place. Les inspecteurs sont chargés de placer nos pupilles et de veiller sur eux ; ils doivent prendre soin des conditions matérielles et morales dans lesquelles ces enfants sont élevés. Sans doute, il ne sauraient se substituer aux médecins, dont le rôle est nettement défini ; mais ils doivent posséder, comme tout père de famille soucieux de sa responsabilité, les notions essentielles de l'hygiène infantile ; il leur faut connaître, afin de les prévenir, les principales causes de la mortalité infantile ; il faut qu'ils soient compétents pour lutter contre les préjugés, trop nombreux encore, qui, chaque année, sont causes d'une véritable hécatombe de nourrissons. Il y a plus : nos inspecteurs, de par leurs fonctions, circulent dans les départements, visitent les familles dans les plus petites communes rurales ; ils peuvent donc travailler utilement à la diffusion des connaissances essentielles touchant à la propagation des maladies contagieuses.

L'inspection départementale de l'Assistance publique, dont les membres appartiennent au cadre des fonctionnaires de l'Etat, est secondée dans sa tâche par des fonctionnaires du cadre départemental dont le nombre varie suivant les régions. Dans certains départements, ce sont simplement quelques employés qui sont affectés à l'inspection ; dans d'autres, c'est un personnel important, réparti en bureaux, qui est placé sous la direction de l'inspecteur. Dans les départements comme le Rhône, la Gironde, les Bouches-du-Rhône, la Seine-Inférieure, Seine-et-Oise, où le trop grand nombre des pupilles nécessite leur placement au dehors, il est créé, au moyen d'employés départementaux, des agences de placement dont le personnel agit également sous les ordres de l'inspection.

Catégories d'enfants. — On peut répartir les enfants assistés en deux grandes catégories, en tenant compte de la nature des fonctions exercées à leur égard par l'Assistance publique.

Aux uns, elle donne purement et simplement une aide matérielle. Ce sont : les enfants en dépôt, les enfants de familles nombreuses, les enfants secourus temporairement.

Envers les autres, elle fait oeuvre d'éducation, et il lui est attribué, pour lui permettre de mener à bien son oeuvre de pédagogie, tout un ensemble de droits de puissance paternelle ou de tutelle. Ce sont : les pupilles, les enfants en garde (loi de 1898), les prostitués mineurs (loi de 1908).

ENFANTS EN DEPOT. — Quand leurs parents malades entrent à l'hôpital, certains enfants risqueraient de se trouver à l'abandon, s'ils n'étaient recueillis. L'Assistance publique les admet à titre temporaire. Elle les garde à l'hospice dépositaire. Exceptionnellement, quand l'hospitalisation des père ou mère doit être de longue durée, elle les place dans des conditions analogues à celles de ses pupilles, soit à la campagne, soit dans des établissements spéciaux.

Sont aussi considérés comme enfants en dépôt ceux qui sont séparés de leurs parents par suite de l'incarcération de ces derniers. C'est surtout en ce qui les concerne que le séjour à l'hospice dépositaire est de courte durée.

ENFANTS DE FAMILLES NOMBREUSES. — L'assistance aux enfants de familles nombreuses n'existe, pour l'instant, que dans certains départements, notamment en Seine-et-Oise. Mais son organisation est sur le point d'être généralisée par le vote de l'amendement Argeliès. Deux conditions principales paraissent devoir être exigées pour donner droit à cette assistance : 1° l'indigence spéciale créée par les charges de famille ; 2° l'existence de quatre enfants de moins de treize ans.

L'assistance aux enfants de familles nombreuses, qui, jusqu'à présent, était une des attributions des autorités communales, spécialement des bureaux de bienfaisance, va changer de caractère. A l'avenir, elle dépendra du département, ou, plus exactement, du service des Enfants assistés.

ENFANTS SECOURUS TEMPORAIREMENT. — Les secours temporaires portent aussi le titre de « secours préventifs d'abandon ». Ces derniers mots en indiquent la véritable portée.

Il ne s agit pas d'une simple aide matérielle qui, par sa nature, relèverait de l'assistance communale, mais d'une organisation d'ensemble, destinée à empêcher la rupture du lien familial, et qui, à ce point de vue, a des rapports intimes avec le service des Enfants assistés.

Le législateur a voulu que l'abandon ne pût être causé par la seule indigence des parents. Il a rendu obligatoire pour le service la charge de ces secours, et des tarifs minima, établis par zone, doivent figurer périodiquement dans la loi de finances.

Les secours sont donnés en général jusqu'à l'âge de deux ans. Ils sont payés directement soit à la mère, soit à la nourrice que la mère a choisie.

PUPILLES DE L'ASSISTANCE, — Sont pupilles de l'Assistance : les orphelins pauvres ; les enfants trouvés ; les enfants moralement abandonnés (loi du 24 juillet 1889, titre I"), ou enfants de parents déchus de leurs droits de puissance paternelle. En un mot, tous les mineurs qui, se trouvant, légalement, sans parents, sont l'objet d'une admission à l'Assistance publique.

Cette admission a des conséquences matérielles et des conséquences juridiques.

Matériellement, elle rend définitive la rupture des liens existant entre l'enfant et ses parents. Le père ou la mère n'est plus libre de reprendre son enfant. Pour qu'il puisse l'avoir à nouveau, il faut que le tuteur et le conseil de famille consentent à le lui rendre ; et ceux-ci ne prendront une décision de ce genre que s'il leur est bien prouvé que tel est l'intérêt de l'enfant. D'autre part, du jour de l'admission, toute communication cesse entre l'enfant et ses auteurs. La règle du secret du placement, qui est à la base même du service, permet de rendre effectif l'abandon consommé. S'il était dérogé à ce principe, il n'y aurait plus de frein réel aux abandons. Rien ne serait plus aisé que de mettre ses enfants en pension, aux frais de la nation, pendant les années où ils coûtent, pour les reprendre dès qu'ils ont atteint l'âge où ils peuvent, par leur travail, devenir une source de revenus. Ce serait particulièrement grave dans notre législation où, par suite de l'existence des secours temporaires préventifs d'abandon, l'abandon n'est pas légitimé par la seule indigence et révèle toujours, plus ou moins, le désir de se débarrasser de l'enfant.

Juridiquement, l'admission a pour effet de donner naissance aux droits de l'Assistance et, par là même, de mettre fin à ceux des parents. Les père et mère sont dessaisis de leurs prérogatives qu'ils ont volontairement abandonnées : une décision administrative, l'immatriculation de l'enfant, suffit en pareil cas.

Quand, au contraire, par la déchéance, il s'agit d'enlever de force aux parents leur puissance paternelle, une décision judiciaire est indispensable. L'arrêté d'immatriculation n'emporte alors aucune conséquence juridique : il n'est que la suite d'une situation légale créée par les tribunaux au profit de l'Assistance publique.

L'admission est prononcée par arrêté préfectoral sur la proposition de l'inspecteur de l'Assistance publique. Dans la Seine, la proposition est faite par le directeur de l'administration générale de l'Assistance publique de Paris.

L'enfant admis est envoyé à l'hospice dépositaire en attendant son placement.

L'Assistance publique facilite les admissions dans certains cas. Dans le but d'éviter des avortements ou des infanticides, elle assure le secret, soit dans ses maternités, soit au Bureau d'admission, aux femmes en couches et aux jeunes mères à qui il importe de cacher une faute.

I. — Nature et étendue des droits de l'Assistance. Tutelle ou puissance paternelle. — Nous arrivons ainsi à l'étude de la fonction la plus originale des services d'assistance : la main-mise de l'Etat sur certains droits de famille enlevés aux parents naturels ou abandonnés par eux. Comme l'a dit un des rédacteurs du Code civil, la loi du 15 pluviôse an XIII, qui pour la première fois a réglé cette question, a voulu organiser une paternité sociale à la place de la paternité naturelle absente.

L'Assistance publique possède en effet sur ses pupilles des droits très étendus. Notre législation a fait d'elle plus qu'un tuteur. Elle l'a mise entièrement aux lieu et place du père de famille en lui conférant non-seulement les droits de garde, de correction, et d'éducation sur la personne de l'enfant, et le droit d'administration légale sur ses biens, mais aussi en lui imposant l'obligation d'entretenir de ses deniers propres l'enfant privé de ressources et en lui attribuant par contre le droit de jouissance légale sur les biens du mineur qui possède une fortune personnelle. Elle lui a donné d'autre part le droit de consentir au mariage, à l'émancipation, à l'engagement militaire.

Sous le nom de tutelle, ce sont donc bien des droits de puissance paternelle dont l'Assistance publique a la jouissance.

II. — Organisation et fonctionnement de la tutelle. — La tutelle des enfants assistés est organisée d'après les mêmes principes que celle des enfants de famille. Il y a un tuteur et un conseil de famille : par contre, il n'y a pas de subrogé-tuteur.

Le tuteur, c'est le chef du service des Enfants assistés : le préfet. Toutefois, dans la Seine, par suite de raisons historiques, il s'est fait un dédoublement : le préfet est le chef du service ; le directeur de l'administration générale de l'Assistance publique de Paris est le tuteur des enfants.

Par dérogation aux principes généraux, le préfet-tuteur peut déléguer ses droits à l'inspecteur de l'Assistance publique. Ce droit de délégation a permis la constitution d'un organisme analogue à celui de la haute-tutelle du droit allemand, dont l'attribution principale est de veiller à l'éducation des enfants qui lui sont confiés. Les attributions du tuteur et le fonctionnement de la tutelle sont régis par les dispositions du Code civil (titre De la puissance paternelle et titre De la tutelle) : des textes spéciaux tiennent compte des différences résultant de la nature des choses. Ainsi, c'est le département, ou plus exactement le service, et non le préfet, qui pourvoit aux dépenses des enfants ; c'est lui qui bénéficie de l'usufruit des biens appartenant à certains pupilles ; c'est le trésorier-payeur général, comptable des deniers pupillaires, dont le total est d'environ dix millions, et non le tuteur, sous les ordres de qui il agit, qui est responsable pécuniairement de la gestion de ces deniers (Voir le Règlement d'administration publique de la gestion des deniers pupillaires). D'autres différences sont à noter en ce qui concerne le droit du tuteur sur la personne des enfants. Nous les indiquerons en exposant le mode d'éducation des pupilles.

III. — Education familiale. — 1° Jusqu'à treize ans. — Le principe, consacré par une longue expérience qui date de l'arrêté du 30 ventôse an V, est de placer tous les enfants sous le régime de l'éducation familiale.

Deux raisons dictent la conduite de l'administration. La première, ce sont les inconvénients des internats, notamment des orphelinats, « où l'illusion du foyer domestique n'est donnée à personne. L'éducation collective place l'enfant dans des conditions de milieu toutes différentes de celles où il sera appelé un jour à lutter. Même adolescent, il ne voit guère que ses maîtres, ses camarades, les serviteurs de la maison ; il ne prend que rarement et superficiellement contact avec les choses du dehors ; il vit dans un monde fermé, de même qu'il respire une atmosphère confinée, et lorsque, sans expérience pratique de la vie, il sort de l'établissement, il est seul.» (Circulaire du 18 mai 1900.)

La seconde raison est le désir de faire prendre racine à l'enfant dans une nouvelle famille. C'est là l'objectif principal poursuivi par l'administration. Pour faciliter l'adoption de son pupille par la famille où elle l'a mis, 1 administration tient la main à ce qu'il soit sur le pied d'égalité avec les autres enfants de la maison, et elle veille à ce que rien, de son fait, ne puisse les différencier les uns des autres. Ainsi le choix de la conduite à tenir en matière religieuse est laissé au père adoptif, qui traite son pupille comme ses propres enfants.

Cette pratique donne les meilleurs résultats. Pour s'en assurer, il suffit de parcourir les 500 pages du fascicule 48 des travaux du Conseil supérieur de l'Assistance publique (Enquête de 1894), qui vise une époque où pourtant le service des Enfants assistés fonctionnait dans des conditions moins heureuses que maintenant. On peut dire que, d'une façon générale, des liens étroits et durables sont établis entre les pupilles et leurs nouvelles familles : cette dernière continue à veiller sur eux quand ils sont en place, et les suit dans toutes les circonstances heureuses ou malheureuses de leur vie.

L'article Assistance publique de Paris donnant, à propos des enfants du département de la Seine, des renseignements très étendus sur l'oeuvre d'éducation de l'Assistance publique, il suffit d'y renvoyer.

2° De treize à vingt et un ans. — A partir de treize ans, le contrat passé par l'inspecteur au nom de l'enfant change de nature. L'administration ne paie plus un prix de pension au nourricier ; c'est le patron de l'enfant qui verse à ce dernier un salaire. Ce salaire, d'abord peu élevé, pendant la période d'apprentissage, augmente peu à peu. Il en est fait trois parts : l'une affectée à la vêture ; une autre placée à la caisse d'épargne par les soins du trésorier-payeur général ; une troisième qui, comme argent de poche, est remise à l'enfant. C'est sur cette dernière part que le pupille économise, s'il veut faire acte de prévoyance et continuer aux mutualités et à la Caisse nationale des retraites, à l'expiration de sa treizième année, les versements que le service a faits en son nom.

IV. — Modes divers d'éducation. — 1° Sujets d'élite. — Un certain nombre d'enfants font des études assez élevées, soit qu'ils se préparent à l'école normale d'instituteurs ou d'institutrices, soit qu'ils entrent dans une école professionnelle d'art et métiers, soit même qu'ils suivent les cours de l'enseignement secondaire ou supérieur. — Voir Assistance publique de Paris.

2° Infirmes, incurables, etc. —Voir Assistance publique de Paris.

3° Pupilles difficiles. Anormaux d'école et anormaux d'hospice. — Les pupilles difficiles sont pour la plupart des anormaux. Ils sont affligés de tares dues à l'hérédité ou à l'éducation, qui les rendent impropres au placement familial.

La loi du 28 juin 1904 a prévu, pour eux, la création d'établissements spéciaux dits « écoles professionnelles pour l'éducation des pupilles difficiles de l'Assistance publique ». Certains départements ont déjà exécuté sur ce point les prescriptions de la loi. Le service des Enfants assistés de Seine-et-Oise vient d'ouvrir une école près de Versailles, à Saint-Cyr. Les Hautes-Pyrénées, la Seine et la Seine-Inférieure se préparent à suivre cet exemple.

Le règlement d'administration publique qui doit régir ces établissements est, à l'heure actuelle (1908), soumis à l'examen du Conseil d'Etat.

Le programme de l'éducation médico-pédagogique qui doit y être donnée a été arrêté par une Commission technique constituée au ministère de l'intérieur sous la présidence de M. Coulon, vice-président du Conseil d'Etat.

Au point de vue pédagogique, indiquons brièvement que chaque enfant doit avoir un dossier médico-pédagogique dont la composition a été arrêtée par la Commission : une pièce contenant des renseignements généraux ; les graphiques types de la taille et du poids ; le graphique du diamètre du thorax ; les graphiques relatifs au travail et à la conduite ; une notice explicative sur la constitution et l'emploi du dossier ; une feuille de renseignements sur le passé de l'enfant (renseignements médicaux, renseignements pédagogiques, renseignements des patrons et nourriciers, renseignements fournis par l'inspecteur] ; des fiches périodiques sur l'examen médical physique, examen mental et moral, examen de l'instruction scolaire ou pédagogique.

Voir aussi, sur les enfants arriérés et idiots, l'article Assistance publique à Paris.

4° Pupilles vicieux. — Le préfet-tuteur peut, comme tout père de famille, exercer le droit de correction paternelle inscrit dans le Code civil et faire interner ses pupilles dans un établissement pénitentiaire.

L'article 2 de la loi du 28 juin 1904 a créé de plus à son profit un droit spécial de correction qui correspond mieux aux nécessités pratiques. Avec l'agrément du tribunal civil, il remet l'enfant vicieux à l'administration pénitentiaire. La durée de l'internement, dans ce cas, est illimitée, sans pouvoir toutefois dépasser l'âge de la majorité. Le jour où il estime que le pupille est amendé, le préfet le fait élargir de sa propre volonté, sans avoir recours aux tribunaux.

ENFANTS EN GARDE. — Il existe deux catégories très distinctes d'enfants sur lesquels l'Assistance publique possède seulement un des attributs de la puissance paternelle, le droit de garde : 1° les enfants de la loi du 19 avril 1898 ; 2° les enfants de la loi du 14 avril 1908.

1° Enfants en garde proprement dits (loi du 19 avril 1898). — Ce sont des moralement abandonnés. Ils comprennent : 1° les enfants auteurs de délits et de crimes, qui sont arrivés à commettre des actes blâmables par suite, soit des mauvais exemples reçus de leurs parents, soit du défaut d'éducation et de surveillance familiale ; 2° les enfants victimes de délits ou de crimes commis sur leur personne par leurs auteurs.

Juridiquement, c'est le droit de garde seul qui est enlevé aux parents et remis à l'Assistance publique. Il y a là une anomalie regrettable. Des parents indignes peuvent s'autoriser des prérogatives qu'ils continuent à posséder pour commettre, au détriment de leurs enfants, de véritables abus.

En fait, ces enfants sont assimilés aux pupilles. Le service des Enfants assistés exerce à leur égard toutes les attributions de la puissance paternelle, y compris le droit spécial de correction institué par l'article 2 de la loi du 28 juin 1904.

2° Enfants de la loi du 14 avril 1908. — Ce sont les prostitués mineurs, dont il va être question.

PROSTITUES MINEURS. — Aux termes de la loi du 14 avril 1908, tout mineur de dix-huit ans qui se livre habituellement à la prostitution est appelé, sur la demande des personnes intéressées, à comparaître devant le tribunal civil, en chambre du Conseil, qui décide s'il doit être placé dans un établissement public spécialement organisé, pour y être retenu jusqu'à sa majorité ou jusqu'à son mariage. Cette loi ne sera applicable qu'un an après sa promulgation.

D'après les intentions de l'administration, les mineurs dont il s'agit seront confiés à un service d'Etat. La direction de l'Assistance et de l'Hygiène publique au ministère de l'intérieur se propose, pour les débuts de l'application de la loi, d'ouvrir quatre établissements : un à Paris et trois en province. Les enfants seront mis en observation à Paris ; suivant les résultats, ils seront placés dans un des quatre établissements.

Pour ce qui concerne la lutte contre la mortalité infantile (service de la Protection du premier âge), Voir Protégés (Enfants).

Emile Alcindor