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Assistance publique

On entend par Assistance publique l'ensemble des services de l'Etat, des départements, des communes et des établissements publics qui dépendent du ministère de l'intérieur (Direction de l'Assistance et de l'Hygiène publiques) et auxquels incombe une des fonctions qui, dans la conception moderne, relèvent de l'assistance : soit que ces services exercent directement ces fonctions par l'entremise de leurs agents ou par des organes hiérarchisés, soit qu'ils agissent indirectement sur l'action de la bienfaisance privée, par l'attribution de subventions à des oeuvres particulières, ou par le contrôle de ces oeuvres.

1. ? Pendant la plus grande partie du dix-neuvième siècle, ces services n'ont guère consisté qu'en une poussière d'organisations n'ayant avec l'administration générale du pays que des liens très lâches, exception faite pourtant des établissements nationaux de bienfaisance : Hospice national des Quinze-Vingts, Maison nationale de Charenton, Institution nationale des jeunes aveugles, Institution nationale des sourds-muets, Institution nationale des sourdes-muettes de Bordeaux, Institution nationale des sourds-muets de Chambéry, Asile national des convalescents de Saint-Maurice, Asile national du Vésinet, Asile national de Vacassy.

C'étaient principalement des hôpitaux (pour malades), des hospices (pour vieillards, infirmes ou enfants trouvés), c'est-à-dire des établissements publics jouissant de la personnalité morale, possédant un patrimoine, l'administrant eux-mêmes, ayant, en fait, une autonomie presque complète sous le contrôle, souvent nominal, de l'Etat.

Créés à la suite de libéralités, ils étaient nés sur différents points du territoire au gré des caprices individuels. Aucune idée générale n'avait présidé à leur constitution. Aucun lien n'existait entre eux. Chacun agissait isolément, et son action était limitée par l'acte même qui l'avait institué et par l'importance des revenus de la fondation. Peu nombreuses étaient les communes qui possédaient un de ces établissements hospitaliers (en 1899, sur 36, 121 communes, il y en avait 34, 910 sans établissement hospitalier). Dans les localités privilégiées où il s'en trouvait un, il n'y avait aucune commune mesure entre les besoins des populations et les ressources de l'établissement : ici des malades se voyaient refuser l'entrée de l'hôpital, faute de lits vacants ; là, au contraire, des lits restaient inoccupés, faute de malades. La proportion des lits inoccupés était environ de 40 %. Ainsi, le 30 juin 1892, sur 45 971 lits d'hôpital (Seine exceptée), il y en avait 28 856 occupés (62.7 %) et 16 935 vacants (37.3 %).

Défaut d'organisation, variété, autonomie, caractère facultatif des mesures prises, tels étaient dans le passé les caractères principaux de l'Assistance publique.

2. ? Cet état de choses était contraire aux principes posés par la Révolution.

La constitution du 24 juin 1793 avait déclaré l'assistance charge nationale, et reconnu le droit aux secours publics et le droit au travail ; le décret du 24 du premier mois de l'an 2e avait fixé, sous le nom de domicile de secours, le lieu où, pour chaque personne nécessiteuse, ce droit pouvait être exercé. Mais l'absence de ressources budgétaires ne permit pas une organisation d'ensemble de l'Assistance publique. La création des bureaux de bienfaisance par la loi du 7 frimaire an V resta une oeuvre fragmentaire.

3. ? Les premiers essais d'organisation furent limités à certaines parties du territoire et conservèrent le caractère spécifique de l'époque : l'autonomie.

A Lyon, on aboutit seulement en ce qui concerne les établissements hospitaliers (Ordonnance de 1845, qui crée le Conseil général des hospices de Lyon).

A Paris, la réforme réunit les hôpitaux, les bureaux de bienfaisance et les enfants assistés, sous la direction de l'administration générale de l'Assistance publique de Paris. La personnalité morale fut attribuée à cette administration qui, par suite, se trouva classée parmi les établissements publics. (Loi du 10 janvier 1849.)

4. ? Les lignes générales de l'organisa lion d'ensemble furent posées, en dehors de la loi de l'an V, par celles du 30 juin 1838 sur les aliénés ; du 7 août 1851 sur les hôpitaux et hospices ; du 5 mai 1869 sur les enfants assistés. Mais elles ne furent développées que par les lois récentes du 15 juillet 1893 sur l'assistance médicale gratuite ; du 27 juin 1904 sur le service des enfants assistés ; du 14 juillet 1905 sur l'assistance obligatoire aux vieillards, infirmes et incurables.

Les anciens établissements publics, auxquels la jurisprudence ne reconnaît que des compétences spéciales à l'objet pour lequel ils ont été créés, furent conservés, mais leur autonomie diminuée : notamment les hôpitaux, les hospices, l'administration spéciale de l'Assistance publique de Paris perdirent leur caractère original pour devenir de simples agents d'exécution des services créés. Par contre, l'Etat, les départements, les communes, qui possèdent, en matière d'assistance, une capacité générale, eurent désormais une activité prépondérante, tant dans la direction de ces services et leur organisation que dans les dépenses effectuées.

Ce sont donc bien les organismes anciens qui sont devenus les différents rouages du système actuel, mais après s'être hiérarchisés et avoir coordonné leur action.

5. ? Assistance obligatoire. ? La caractéristique de la nouvelle législation est de créer de grands services nationaux ayant pour objet de secourir tout individu qui se trouve dans l'impossibilité physique de pourvoir aux nécessités de la vie, et d'obliger les diverses personnes morales administratives, ci-dessus mentionnées, à prêter leur concours à ces organisations.

Les principaux cas d'incapacité physique ainsi reconnus sont actuellement : l'enfance, la maladie, l'aliénation mentale, l'infirmité, la vieillesse. Pour chacun d'eux existe donc un service d'assistance basé sur la solidarité.

Cette solidarité s'exerce :

1° De la société à l'individu. La loi impose aux personnes morales administratives, en faveur de l'individu, une obligation solidaire d'intervention. D'autre part, elle a fini par reconnaître à l'intéressé un véritable droit aux secours, sanctionné par des actions judiciaires et par des recours administratifs ;

2° D'un groupe à un autre groupe. Chaque collectivité est chargée de concourir financièrement aux dépenses occasionnées par chaque indigent, suivant une quote-part qui tend à devenir proportionnelle à sa fortune personnelle (Loi de 1905). Ainsi les communes riches viennent au secours des communes pauvres, les départements riches au secours des départements pauvres La contribution la plus importante est versée par l'Etat.

6. ? Des lois spéciales fixent les attributions administratives qui incombent à l'Etat, au département, à la commune, aux hôpitaux, aux hospices, à l'administration générale de l'Assistance publique de Paris, etc., dans l'organisation et le fonctionnement de chacun de ces services.

Comme tendance générale, on peut indiquer que la détermination individuelle des assistés appartient habituellement aux autorités communales (bureau d'assistance, conseil municipal, etc.), seules à même de connaître la situation des bénéficiaires ; tandis que l'organisation locale du service et la centralisation des opérations appartiennent aux autorités départementales. L'impulsion d'ensemble est donnée par l'Etat, qui, entre autres attributions, doit établir l'unité de vues pour tout le territoire, combattre les abus qui consistent, suivant les localités, à assister soit trop, soit trop peu.

L'action de l'Etat est aménagée par la Direction de l'Assistance et de l'Hygiène publiques, au ministère de l'intérieur, et réalisée localement par ses agents, les préfets, sous-préfets et inspecteurs de l'Assistance publique.

Le Conseil supérieur de l'Assistance publique et l'Inspection générale des services administratifs concourent à cette action, comme corps consultatif et comme organe de contrôle.

7. ? Assistance facultative. ? L'assistance facultative a son domaine limité par le champ d'action de l'assistance obligatoire.

Elle peut s'exercer: 1° à l'égard des bénéficiaires des grandes lois d'assistance, ? et les mesures prises dans ce cas sont appelées à compléter utilement celles qui sont prises en exécution de la loi ; 2° à l'égard des non-bénéficiaires, ? et son action a ainsi pour effet de combler les lacunes de notre législation d'assistance. L'initiative des organes locaux reste entière à ce point de vue, mais leur action y est minime comparée à l'étendue de la tâche qui leur est imposée par l'assistance obligatoire.

Toutefois, une certaine diversité naît entre eux, de ce fait. Des départements, des villes, des hôpitaux, des asiles ont fait des créations intéressantes. Ce Dictionnaire ne peut leur consacrer à chacun une monographie séparée ; mais, sous le titre Assistance publique à Paris, il réserve un article spécial à l'action du Département de la Seine, de la Ville de Paris et de l'administration générale de l'Assistance publique de Paris, tant au point de vue de l'assistance facultative que de l'assistance obligatoire.

8. ? Restreinte d'abord aux indigents, l'assistance publique, facultative ou obligatoire, s'est étendue peu à peu aux personnes qui, temporairement ou définitivement, se trouvent privées de ressources.

Cette évolution, par voie de conséquence, a entraîné une modification dans la notion même des fonctions qui incombent à l'Assistance publique. Ces fonctions se sont multipliées et compliquées. On peut, à l'heure actuelle, les ramener à deux principales:

1° Une fonction d'assistance proprement dite, consistant en l'allocation de secours, en argent ou en nature, et de soins médicaux ;

2° Une fonction d'éducation, de tutelle et de régénération physique et morale. ? Voir, en ce qui con cerne cette seconde catégorie, l'article Assistés (Enfants).

Emile Alcindor