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Assistance publique à Paris

 I. ORGANISATION GENERALE. — 1. Historique et régime actuel. — Après un essai infructueux de fusion avec les municipalités pendant la période révolutionnaire, la réunion des institutions entretenues par la charité privée forma l'administration générale de l'Assistance publique à Paris. Ainsi se réalisa le groupement déjà ébauché sous l'ancien régime (Hôtel-Dieu et ses annexes ; Hôpital général, comprenant plusieurs établissements ; Grand bureau des Pauvres, pour les secours à domicile) ; ce furent, sous l'administration du Conseil général créé le 17 janvier 1801, les « Hôpitaux et Hospices Civils et les Secours à domicile de Paris ». Ce Conseil général survécut longtemps au système des directoires exécutifs, dont il était une application ; mais il en avait eu tous les inconvénients, et, au lieu de délibérer et de décider en commun, ses membres se partagèrent les attributions ; chacun s'attribua une fraction des services. La loi du 10 janvier 1849 leur a substitué un directeur responsable ; pour contrôler sa gestion et suivre le service dans les établissements, aussi bien que pour réunir les compétences techniques nécessaires à la préparation des affaires, un Conseil de surveillance, composé aujourd'hui de 35 membres, a été placé auprès de lui, sans d'ailleurs partager sa responsabilité ni être investi d'un pouvoir propre de décider, comme les commissions administratives de province. Il semble bien qu'en fait, le voeu de la loi a été complètement réalisé : une collaboration étroite s'est établie avec les divers services administratifs, avec les bureaux de bienfaisance, avec les hôpitaux où des réunions mensuelles créées récemment permettent aux conseillers de surveiller, aux médecins, aux inspecteurs, aux directeurs, aux architectes, de discuter des intérêts de la maison ; bien que légalement le directeur ne soit pas lié par lés avis du Conseil, la part qu'il prend à toutes les discussions, l'association étroite de ces efforts communs ont donne, sans provoquer aucun conflit et sans nuire à l'unité de direction, le bienfait de l'expérience, des vues originales apportées par les représentants élus de divers corps, médecins, etc., des hôpitaux, administrateurs des bureaux de bienfaisance et médecins de l'Assistance à domicile, par les délégués de la Cour de cassation, du Conseil d'Etat, de la Chambre de commerce, des maires de Paris, les grands industriels, les législateurs, choisis en raison de leurs études spéciales ; et la haute autorité dont est investi le vice-président élu de cette assemblée (le préfet de la Seine est président de droit) est une preuve du rôle considérable joué par le Conseil de surveillance.

L'Assistance publique à Paris ne cesse pas pour cela d'être une administration municipale, tant à raison de la subvention municipale ordinaire, nécessaire pour parfaire les ressources du budget et à laquelle sont affectés de préférence les produits de l'octroi (loi du 27 vendémiaire an VII), qu'à cause des dispositions de la loi du 18 juillet 1837 prescrivant de soumettre au Conseil municipal les budgets des établissements de bienfaisance. Cette loi ne vise que 1' « avis » du Conseil municipal, et des discussions plus théoriques que pratiques se sont élevées sur l'extension à donner aux droits légaux de ce Conseil. En fait, cette extension ne modifierait pas la situation actuelle. La faculté de ne pas suivre ces « avis » n'est que virtuelle ; les délibérations relatives aux affaires de l'Assistance publique reçoivent leur exécution dans les conditions ordinaires, et il faudrait supposer une méconnaissance des traditions municipales peu conforme à l'esprit républicain pour que ce texte de loi devînt dangereux. Le Conseil municipal, qui délègue d'ailleurs dix membres au sein du Conseil de surveillance, exerce les droits les plus étendus sur l'Assistance publique, soit pour en contrôler les services (hôpitaux, hospices, fondations, bureaux de bienfaisance, assistance médicale à domicile, magasins généraux), soit pour l'élaboration des affaires ou du budget.

La loi de 1849, confirmée par la loi du 27 juin 1904, a investi le directeur de l'Assistance publique de la tutelle des Enfants assistés de la Seine ; il en administre le service, sous l'autorité du préfet de la Seine ; il est ainsi appelé devant le Conseil général, qui règle ce service, à en préparer les affaires ou à répondre de sa gestion.

C'est en vue de faciliter le contrôle de ces services que l'Assistance publique publie annuellement, outre le compte financier donnant l'exécution des services budgétaires, le compte moral et administratif prescrit aux établissements de bienfaisance par l'arrêté du 7 floréal an XIII et formé de tableaux ainsi que d'un texte exposant toutes les mesures administratives ; et, pour le service des Enfants assistés de la Seine, un compte moral spécial.

2. Caractère extensif de l'assistance à Paris ; l'assistance obligatoire. — Le Conseil municipal de Paris et le Conseil général de la Seine — par 1 association étroite et heureuse de l'Assistance publique et des assemblées délibérantes — ont donné à Paris aux services d'assistance un développement spécial. La création d'une administration publique, dès le début du dix-neuvième siècle, avait substitué à la charité individuelle d'autrefois la notion de l'assistance publique, assistance légalement facultative jusqu'en ces derniers temps. Cette aide — fait frappant à Paris — a été organisée de manière à ne jamais laisser le malheureux privé de tout secours. Sans doute ; il n'avait pas de recours ouvert contre un refus, mais l'organe chargé de secourir ne demeurait pas sans moyens pour le faire : les crédits nécessaires ont toujours figuré au budget de l'Assistance publique, et la restriction des secours ne s'est produite qu'à de rares occasions. Les bureaux de bienfaisance ont toujours été dotés ; les hôpitaux n'ont jamais fermé leur porte à un malade. Si la loi du 15 juillet 1893 n'est pas légalement appliquée à Paris, les hôpitaux admettent en fait tous les malades ayant besoin de soins, et souvent même des malades qui devraient être à la charge d'autres collectivités. Ce sont, notamment, les malades de province qui s'y introduisent frauduleusement, venant à Paris pour s'y faire opérer ; les enquêtes effectuées maintenant permettent d'adresser aux communes les plus utiles réclamations. Les maternités ont toujours été ouvertes largement et sans contrôle ; l'assistance à l'enfant a été sur tous les points développée, et il suffit de constater que, pour l'admission des enfants assistés, la restriction apportée par la nouvelle loi (enquête pour contrôler le domicile de secours, si l'enfanta plus de sept mois) n'est pas appliquée dans la Seine. Par une coïncidence digne de remarque, la nouvelle loi en faveur des vieillards, des infirmes et des incurables, du 14 juillet 1905, appliquée par le décret du 30 mars 1907 à Paris, n'apporte d'innovation à Paris que dans la faculté, pour les bureaux de bienfaisance, d'inscrire les pensionnaires sans limitation de crédit ; ce sont les mêmes enquêtes, le même taux de pension,

ou peu s'en faut (taux moyen à Paris, 26f, 445 en 1907 ; l'ancienne pension représentative de séjour à l'hospice était de 30 francs par mois) ; et alors que l'Assistance publique, assistant régulièrement 55 000 indigents, prévoyait l'inscription de 50000 d'entre eux à l'assistance obligatoire, en fait il ne s'est trouvé, lors de la seconde année d'application de la loi (1908), que 43000 pensionnaires ou administrés d'hospice. Il est permis de conclure que, à Paris, grâce à la générosité des élus, le principe de l'assistance obligatoire a été appliqué par avance, qu'il s'agisse des enfants, des malades ou des vieillards ; Paris a devancé la loi : dans le service des Enfants assistés avaient été appliquées depuis longtemps les principales réformes inscrites dans la loi du 27 juin 1904.

Cette extension donnée aux diverses catégories de secours s'est faite suivant un principe différent d'une tendance qui paraît aujourd'hui se manifester : ce serait une erreur dangereuse que d'envisager les assistés de ces nouvelles catégories comme devant être placés exclusivement à la charge de l'impôt, parce qu'ils ont un recours ouvert et un droit légal. Si cette solution doit un jour prévaloir, le législateur de 1905 n'en a pas moins prévu le concours des ressources propres des bureaux de bienfaisance et des hospices, et l'Assistance publique continue à compter, pour compléter dans son budget les ressources de la subvention municipale, sur les revenus de son domaine mobilier et immobilier, le produit des quêtes et des dons provenant de la bienfaisance privée. Il semble que le patrimoine des établissements de bienfaisance constitue une réserve indispensable pour alléger les charges fiscales de l'assistance.

3. Coordination des modes d'assistance et contrôle exercé sur les assistés. — Le législateur, en préparant une loi sur la représentation des pauvres, a voulu, en ce sens, faciliter, dans la plus large mesure, l'affectation des libéralités faites aux institutions officielles d'assistance : à Paris, l'administration générale de l'Assistance publique, dotée de la personnalité civile, forme le type complet de l'établissement à compétence étendue, et il n'existe en dehors de ses services que quelques asiles de nuit, refuges-ouvroirs, ateliers d'infirmes entretenus par la ville de Paris, ou crèches subventionnées par elle et demeurées privées. La centralisation, outre qu'elle donne de grandes facilités pour les affectations du personnel, pour la comptabilité, réalise, par la coordination de tous les services, un contrôle caractéristique sur les assistés. Au bureau de bienfaisance, le soin d'effectuer toutes les enquêtes à domicile, non seulement pour les secours et les admissions à l'assistance obligatoire aux vieillards, mais pour le recouvrement des frais de séjour dans les hôpitaux, pour l'allocation de consultations gratuites, de bains, l'admission aux sanatoriums ; les secours départementaux aux filles-mères, en vue de prévenir ou de faire cesser les abandons, passent par les mêmes guichets que les secours municipaux ; le dossier des malheureux au bureau de bienfaisance mentionne les secours donnés par l'hôpital. Il y a ainsi une probabilité plus grande d'écarter les professionnels, ainsi qu'une tendance à cette unification si désirable pour l'allocation des secours ; et mentionnons la surveillance réciproque entre les services, visiteurs de l'administration centrale, enquêteurs départementaux, administrateurs et visiteurs des bureaux de bienfaisance, hôpitaux. A Paris, une semblable unité est indispensable, et les récentes décisions l'ont encore fortifiée en donnant à chacun son rôle logique : aux bureaux de bienfaisance l'assistance à domicile ; aux hôpitaux le traitement interne des malades.

4. Groupement économique réalisé à Paris ; les magasins généraux. — Cette unité administrative a entraîné l'unité économique et, par là, elle montre ses effets les plus intéressants. Toutes les fournitures nécessaires aux établissements sont centralisées par des magasins généraux qui fabriquent et produisent en régie (buanderies de secteur, boulangerie, pharmacie, régie de peinture), qui procèdent à des adjudications (cave, magasin central), qui achètent directement sur le marché (approvisionnement des halles, boucherie) ; les économes des hôpitaux n'ont qu'à leur

adresser leurs commandes sans être astreints à se préoccuper d'achats, leur maniement de fonds en est réduit ; pour les objets non mis en adjudication, des inspecteurs de la comptabilité en matière imposent aux fournisseurs de consentir des rabais uniformes. Le contrôle peut se faire aisément au moyen d'expertises régulières ; il est à peine besoin d'ajouter que les prix obtenus sont particulièrement favorables, puisqu'il s'agit d'un groupe de 38 000 personnes (32 000 hospitalisés, 6 000 agents nourris). Et comme consécration de ce système, l'agrégation de ces consommateurs, fort intéressants puisqu'ils sont à la charge de leurs concitoyens, s'augmente des oeuvres de bienfaisance privée, des établissements nationaux et départementaux qui sollicitent d'être autorisés à obtenir le bénéfice des fournitures en payant le tantième des frais généraux.

5. Les transformations récentes. — L'outillage hospitalier est en constante transformation, par suite des découvertes scientifiques, et il n'est pas de service plus exposé aux dépenses imprévues et inévitables. Deux profondes réformes avaient paru depuis longtemps essentielles, et on les discutait depuis plusieurs années. Le regretté M. Mourier, dans sa trop courte direction (1901-1902), n'eut pas le temps de les réaliser : le 3 mai 1903 était mise à exécution, par la fixation d'un nouveau règlement organique, la réforme du personnel hospitalier ; et le 7 avril 1903 était promulguée la loi autorisant les grands travaux hospitaliers pour une somme de 45 millions, dont 25 fournis par la Ville de Paris, 20 par le département. La réforme du personnel hospitalier devait demander plusieurs années de mesures de détail et d'application (7000 agents, dont 1200 surveillants et surveillantes, 5800 infirmières et filles de service, infirmiers et garçons). Elle comprenait l'amélioration générale des traitements, l'allocation de congés règlementaires annuels, des garanties en cas de suspension de service (paiement du traitement plein durant plusieurs mois, suivant les cas, pendant la maladie, la grossesse, les périodes militaires), la constitution de retraites en argent (au lieu de l'ancienne admission à l'hospice), des garanties morales (conseil de discipline). C'était la base de l'amélioration du recrutement ; dans cette situation nouvelle il fallait assurer la formation professionnelle et l'instruction (Voir plus loin, IV, l'enseignement pour le personnel) ; enfin, tous les ans, un effort nouveau de la Ville de Paris réalise un progrès spécial sur tel ou tel point. L'emprunt hospitalier a permis de reconstruire des hôpitaux entiers, la Pitié, Cochin, Claude Bernard (hôpital des maladies contagieuses), d'accroître de services importants des établissements actuels (Brévannes, pavillon des tuberculeux, pavillons des enfants convalescents ; Berck, Hendaye, enfants atteints de maladies chroniques), de construire des salles et des services annexes (Lariboisière, Saint-Antoine, Saint-Louis), de créer des usines (buanderies, usines d'électricité et de chauffage), d'élever à la Salpêtrière l'Ecole des infirmières (Voir plus loin, IV, 3), de faire dans nombre d'établissements de grosses réparations et des transformations impérieusement réclamées, notamment pour l'habitation du personnel. Il importait, étant donné que depuis de nombreuses années l'administration ne disposait que de crédits insuffisants, de remédier à l'état déplorable des bâtiments privés de réparations. Enfin, après de longues discussions, et grâce aux efforts de M. Léon Bourgeois, le Conseil de surveillance a établi un plan de campagne contre la tuberculose, au moyen de groupes hospitaliers comprenant à Paris un dispensaire et un service d'hôpital spécial pour les malades à maintenir à l'hôpital (en construction à Laënnec), et en dehors de Paris un sanatorium (asile de la Ville de Paris, prévu dans le grand emprunt de 1903 et non encore voté par le Conseil municipal ; quartier spécial construit à Brévannes). La réalisation de ce programme se heurte malheureusement à de nombreuses difficultés. Enfin, cédant aux instances du corps médical, le directeur de l'administration a fait transformer le régime alimentaire, pour les, malades comme pour le personnel, conformément aux données de la science.

Entre autres améliorations en faveur du personnel, il convient de noter l'arrêté du 1er août 1904 relatif au personnel enseignant de l'Assistance publique. Les institutrices de l'Assistance publique ont été recrutées dans le personnel hospitalier. Ce sont pour la plupart d'anciennes surveillantes, suppléantes ou infirmières, qui ont été chargées de cours et qui ont obtenu, en diverses circonstances, le titre d'institutrices. En 1904 elles ont bénéficié d'une transformation avantageuse qui les a définitivement séparées du personnel hospitalier ; mais si elles ont cessé de se considérer comme chargées de soins aux petits malades qui leur sont confiés, et si elles se renferment strictement dans leur rôle d'institutrices, elles demeurent essentiellement des hospitalières ; c'est parce qu'elles se sont formées aux traditions de l'Assistance publique qu'elles connaissent la pédagogie spéciale qui leur est nécessaire, et qui se rapproche de la mission de l'infirmière. Aussi est-ce à juste titre qu'à la Salpêtrière elles sont placées entièrement sous 1 autorité de la surveillante hospitalière. Les instituteurs et institutrices ne font pas partie de l'enseignement public. Leur traitement est de 1600 à 3300 francs, avec avancement tous les trois ans ; d'autre part, obligation pour eux de posséder le certificat d'aptitude pédagogique ; versements obligatoires à la caisse de retraites de l'Assistance publique, avec admission des services publics pour le calcul de la pension. Le cadre comprend 27 institutrices et 9 instituteurs, non compris l'Ecole d'Yzeure (Voir plus loin, II, 3, e) et les enfants assistés placés aux sanatoriums privés de Berck (Voir plus loin, II, 2).

6. Le Domaine et la fortune de l'Assistance publique. — L'Assistance publique a recueilli les biens des anciens établissements de charité qui n'avaient pas été vendus pendant la Révolution, et son domaine est formé de fermes et terres, de maisons et de terrains dans Paris. Les craintes de disette faisaient préférer sous l'ancien régime les fermages en nature, et l'ancien Hôtel-Dieu possédait de nombreuses fermes, quelques-unes depuis un temps immémorial, si bien que l'Assistance publique n'en a d'autre titre de propriété que la possession. Il y avait également des terrains aux portes de l'ancien Paris, terrains qui aujourd'hui ont acquis une valeur considérable. Malheureusement le gouvernement a toujours incité les établissements de bienfaisance à transformer leurs immeubles en rentes sur l'Etat (notamment, pour Paris, circulaire du général Espinasse, 14 mai 1858), et d'importantes ventes ont eu lieu au cours du dix-neuvième siècle ; les terrains augmentaient de valeur, alors que la conversion réduisait automatiquement les revenus de l'Assistance publique. C'est ainsi que certaines fondations ont vu diminuer les revenus légués par le bienfaiteur pour leur fonctionnement, et se trouvent dans une situation embarrassée ; elles reçoivent une subvention sur les fonds propres de l'Assistance publique. Outre les rentes sur l'Etat figurant a son portefeuille, cette administration possède un certain nombre de valeurs industrielles ou même étrangères dont la vente serait désavantageuse, et qui, malgré la règle de' la transformation en rentes et malgré la jurisprudence du Conseil d'Etat, ont été conservées à la suite des legs dont elles proviennent. Il convient d'ajouter qu'en vue de parer à la baisse du taux de l'intérêt, l'Assistance capitalise un dixième du prix de vente des immeubles, ainsi qu'un dixième du revenu des fondations ; elle inscrit d'autre part à un compte spécial, en dehors des fonds budgétaires ordinaires, certains « capitaux » (produits de coupes de bois, arrérages des prix de vente d'immeubles ; pensions des maisons de retraites payantes, etc.) qui doivent être réemployés pour être restitués au patrimoine hospitalier. La gestion de ce patrimoine comprend ainsi une série de mesures des plus curieuses.

II. ASSISTANCE AUX ENFANTS ; LE DEVOIR D'INSTRUCTION. — 1. Hôpitaux [enfants atteints d'affections aiguës). — La législation sur l'enseignement primaire n'a envisagé l'instruction à donner aux petits malades que pour en prescrire la surveillance par les fonctionnaires de l'enseignement public (circulaire du 17 avril 1882, en conformité de nombreux textes antérieurs : loi du 28 juin 1833, ordonnance du 16 juillet 1833 ; Cour de cassation, 2 mars 1860 ; décisions du Conseil royal et du Conseil supérieur de 3'instruction publique des 26 juillet 1833, 30 octobre 1838, 15 juillet 1854) ; l'art. 50 de la loi du 15 mars 1850 prévoyait un modique crédit pour encourager les classes dans les hôpitaux. Cette organisation scolaire est avant tout une question médicale. Il appartient au chef de service de décider s'il y a lieu de faire à tels enfants, non pas un cours régulier, mais tout au moins des causeries instructives. L'expérience prouve que l'inaction pèse lourdement sur les enfants et nuit en quelque mesure à leur guérison. A Hérold, des cours ont lieu de 1 h. 1/2 à 4 h. 1/2 pour les petits tuberculeux ; à Trousseau, il y a classe de 2 à 4 h. pour les enfants du service de chirurgie qui peuvent se lever. Ces cours se heurtent à de nombreuses difficultés pratiques ; l'une des plus considérables est le danger très sérieux de la contagion par l'intermédiaire des livres. Aucune surveillance ne peut empêcher les livres de circuler. La désinfection aux vapeurs de formol, souvent décrite, donne une garantie relative que peut confirmer une aération convenable, avec exposition aux rayons du soleil. Mais il est préférable, et c'est la solution adoptée par l'Assistance publique de Paris, de s'abstenir de remettre des livres aux enfants malades, même à ceux dont l'affection n'est pas par elle-même transmissible. On sait, en effet, que tout enfant malade peut être soit en état d'incubation, soit en état de réceptivité contagieuse. Par contre on peut leur distribuer des périodiques illustrés, des livraisons dont la durée éphémère donnera toute certitude au médecin. Un essai ingénieux a été tenté à l'hôpital Bretonneau, à Paris, où des verrières représentant les principaux sujets des fables de La Fontaine ornent les fenêtres.

2. Sanatoriums, Maisons de convalescence, etc. (Enfants atteints de maladies chroniques). Orphelinats. — Si la durée toujours limitée de l'évolution d'une maladie aiguë permet de négliger, pendant leur séjour à l'hôpital, l'instruction des petits malades, il en est tout autrement des affections chroniques exigeant un séjour prolongé, de quelques années parfois, dans un sanatorium, dans une maison de convalescence. Citons, en premier lieu, l'Ecole Lailler (baptisée du nom du médecin créateur du service en 1886), installée à l'hôpital Saint-Louis pour l'hospitalisation des enfants pendant la durée du traitement de la teigne. L'application des rayons X permet désormais d'obtenir, au bout de quelques semaines ou de quelques mois, en laissant l'enfant dans sa famille, une guérison qui demandait autrefois dix-huit mois ou deux ans par le procédé ancien de l'épilation. L'Ecole Lailler a vu son effectif réduit de plus de moitié : elle comptait 9 institutrices et 1 instituteur. Autres établissements pourvus de cours primaires réguliers : Hôpital mari time de Berck (5 institutrices) ; Hospice des enfants assistés (1 instituteur, 5 institutrices) ; Salpêtrière (enfants arriérées : 4 institutrices) ; Bicêtre (enfants arriérés: 4 instituteurs) ; Ivry (1 instituteur) ; sanatorium de Hendaye (l institutrice ; les enfants y sont astreints à écrire mensuellement à leurs parents). Il existe, d'autre part, à Berck un instituteur et une institutrice spécialement chargés des enfants assistés placés dans deux sanatoriums privés. Aux termes de la loi du 27 juin 1904, les enfants dont les parents sont à l'hôpital, en prison, à l'asile d'aliénés, sont placés à la charge du service départemental des enfants assistés (ils. étaient auparavant à la charge de l'Assistance publique, et continuent à être reçus à l'hospice dépositaire qui leur assure l'instruction primaire).

L'enseignement est organisé d'une façon plus régulière dans les orphelinats où les enfants séjournent plusieurs années : à la fondation Fortin, à La Roche-Guyon, à Forges-les-Bains (1 institutrice pour les enfants envoyés en convalescence ; 1 instituteur pour les trois divisions formées avec les enfants des fondations Riboutté-Vitallis et Hartmann) ; à la fondation Parent-de-Rosan, où restent huit années 12 jeunes filles des 9e et 16e arrondissements (1 institutrice).

3. Les Enfants assistés de la Seine. a) L'assistance aux enfants. — L'assistance aux enfants, sous toutes ses formes, depuis la « puériculture » et la surveillance des nourrissons, jusqu'à l'éducation tout entière confiée à l'administration devenue responsable de l'avenir de l'enfant, peut être étudiée dans le service départemental des Enfants assistés de la Seine : assistance à la mère abandonnée, secours pour prévenir ou faire cesser les abandons (secours mensuel aux enfants élevés par la mère, jusqu'à deux ans, secours d'orphelins), consultations de nourrissons et distribution de lait stérilisé, de berceaux et de layettes, et parallèlement secours des bureaux de bienfaisance en cas de grossesse, en vue de l'allaitement, etc. Tous ces secours n'arrivent point à empêcher 1' « abandon » de l'enfant, la rupture définitive des liens de la famille naturelle. Parfois le Conseil général autorise, dans des cas exceptionnels, l'administration à prendre des enfants à sa charge sans qu'ils soient abandonnés, sous le nom de « Temporairement recueillis » ; mais c'est là une aide qui n'est point prévue par la loi du 27 juin 1904 qui règle le service, aide qui ne tendrait à rien de moins qu'à mettre les frais d'entretien d'un nombre illimité d'enfants à la charge du budget, dans le même sens que l' « Internat primaire » (entretien concédé de six à treize ans par la Ville ou le département dans une institution privée, soit gratuitement, soit moyennant un paiement mensuel de 10 francs ou de 20 francs). Tout au contraire, le service des Enfants assistés implique de la part des parents un acte d'abandon, si déplorable, au reste, que, lors de l'admission à l'hospice dépositaire, la surveillante offre séance tenante un secours en argent dit de mise en nourrice (35 francs) pour inciter la mère à ne pas abandonner la charge de son enfant. Si elle persiste, pour une raison ou pour une autre, l'enfant est « immatriculé ». Désormais les parents n'en obtiendront de nouvelles que tous les trois mois et seulement pour savoir s'il est vivant ou mort. Il lui sera donné une autre famille, un foyer, un village, et, le jour où les parents naturels viennent demander la remise de l'enfant confié dix ou quinze ans auparavant à l'Assistance publique, leur demande se heurte à un fait brutal : l'enfant est enraciné dans un autre milieu.

b) Organisation résumée du service. — Les enfants ne séjournent à l'hospice dépositaire qu'en cas de maladie : dès le lendemain de leur admission, ils sont confiés à l'un des convois de nourrices qui sont envoyés journellement par les 51 agences du service ; demain ils seront implantés dans une nouvelle région. Là, pendant leurs premières années, ils seront l'objet d'une surveillance particulièrement étroite. Chaque directeur d'agence, assisté d'un commis, est chargé de la surveillance d'un millier d'enfants en moyenne, et il a une circonscription de 20 à 25 kilomètres de rayon. Au siège de l'agence, un médecin contrevisiteur attend le convoi des nourrissons venant de Paris ; l'agence est partagée en plusieurs circonscriptions ayant chacune un médecin. Visités tous les dix jours tout d'abord jusqu'à quatre mois, puis à intervalles plus éloignés (de deux à quatre ans : tous les trois mois ; de quatre à six ans : tous les six mois) par le médecin du service ; visités au moins tous les trois mois par le directeur de l'agence, représentant du tuteur, leur protecteur attitré ; enfin inspectés à des dates irrégulières par l'inspecteur principal de l'administration, ils jouissent, en fait, d'une sauvegarde particulière en raison de ces contrôles permanents exercés sur les nourriciers, du taux élevé des primes et pensions (30 fr. par mois, puis 15 fr. de quatre à treize ans ; prime de 30 fr. quand l'enfant a atteint deux ans ; prime de 50 fr. pour le certificat d'études ; prime de 50 fr. à treize ans si l'enfant est resté dix ans dans la famille), en raison aussi de la considération attachée aux nourriciers, et de la menace d'un retrait: le directeur a choisi ces nourriciers parmi les petits fermiers, comme il y en a tant dans le Centre et l'Ouest de la France, de manière à ce que l'enfant puisse être maintenu plus tard à la ferme comme domestique avec gages. Il doit y être traité comme l'enfant de la maison, et bénéficier, dit le règlement, « de la protection et de la vigilance affectueuses du père et de la mère de famille ». Il a droit à un berceau ou un lit spécial ; quand il grandit, il trouve la cheminée protégée par un garde-feu ; aucune punition corporelle ni privation de nourriture ne doit lui être infligée. Il se considère comme faisant partie de la maison ; lorsque dix, quinze ans se sont écoulés, il ne connaît plus que ses parents adoptifs ; un lien s'est créé: l'enfant est fixé de nouveau, mais, cette fois, dans un milieu sain, sous une tutelle vigilante ; il pourra se développer sans souffrir.

c) L'avenir de l'enfant ; la fréquentation scolaire. — Le placement familial et rural, suivant la formule adoptée par les hommes de la Révolution pour ceux qu'ils appelaient « les enfants de la Patrie », est le principe absolu du service : ces êtres chétifs, nés dans les pires conditions, retrouvent la vie à l'air pur et sous l'action bienfaisante des habitudes campagnardes. Les nourriciers s'engagent à assurer la fréquentation scolaire de six à treize ans (art. 193 du règlement), « à envoyer régulièrement l'enfant à l'école communale publique, à lui faire suivre assidûment les leçons de cette école, et à y envoyer eux-mêmes leurs propres enfants ».Dans des circonstances exceptionnelles, on laisse l'enfant aller à l'école privée pour ne pas le séparer de ses frères et soeurs adoptifs. Alors commence pour lui une nouvelle surveillance, la surveillance de l'instituteur (les présences sont pointées sur un état envoyé mensuellement au directeur de l'agence). Au livret matricule, destiné à demeurer au lieu même du placement, figurent les obligations des nourriciers, les vaccination et contre-visite à l'arrivée, les vêtures annuelles, récemment rendues conformes au type de chaque région, les placements, les paiements faits aux nourriciers, les placements à gages avec leurs conditions, le compte de la caisse d'épargne, les visites de surveillance réunies au livret médical (destiné à être déposé à l'âge de treize ans au bureau de l'agence, pour recevoir ensuite l'examen médical annuel de treize à vingt et un ans), le procès-verbal de rupture du collier à six ans (ce collier est maintenu en toutes circonstances pour éviter toute erreur d'identité) ; y figure aussi le certificat d'études : ce certificat est l'occasion de primes, 50 francs aux nourriciers, 10 francs à l'enfant, 40 francs à l'instituteur. Au cas où l'école a un directeur et plusieurs adjoints, la répartition de cette dernière prime a donné lieu à des difficultés : l'Assistance publique s'est toujours refusée à les trancher, et diverses solutions ont été adoptées par les préfets, sur l'avis de l'inspecteur d'académie : les uns attribuent l'indemnité au seul instituteur ayant présenté l'élève à l'examen ; d'autres la partagent entre le directeur et l'instituteur ; d'autres enfin, au cas de plusieurs instituteurs s'étant succédé dans la même classe, la répartissent au prorata du temps passé à la tête de la classe. Cette indemnité peut en certains cas devenir assez importante. Les fournitures scolaires sont délivrées neuves aux pupilles de l'Assistance publique par les instituteurs, qui sont payés sur mémoire fourni tous les trois mois (et non à la fin de l'année) ; ces mémoires sont vérifiés par les directeurs d'agence (dépense en 1906 : 220 000 fr.). Ces fournitures ont donné lieu à des difficultés entre directeurs et adjoints ; mais l'art. 12 du règlement modèle des écoles primaires est formel, et l'administration, s'en tenant à ses termes, autorise les adjoints à faire ces fournitures pour leur classe. Enfin ii s'est trouvé que la commune a pris à sa charge les fournitures scolaires aux enfants indigents ; en ce cas l'administration n'a pas réclamé le bénéfice de cette disposition, bien que la qualité d'indigent soit légalement reconnue aux enfants assistés.

C'est assez dire que l'Assistance publique attache un grand prix au concours donné par les instituteurs à son service ; ce sont eux souvent qui informent le directeur de l'agence de faits intéressants ; les médecins, les inspecteurs demandent parfois à s'assurer de la présence et de la tenue des pupilles à l'école. Les relations sont d'autant plus aisées que beaucoup de directeurs d'agence ont été recrutés, à la suite du double concours de commis et de directeur, dans le corps des instituteurs. Partout, les instituteurs ont tenu à prendre à coeur les intérêts de nos petits pupilles, pupilles auxquels la société doit une réparation, et leur dévouement, leurs longs services leur ont fait décerner à maintes reprises la médaille créée par le département de la Seine pour ses collaborateurs. Sur un total de 53 123 enfants assistés existant à la campagne en 1907, on en comptait 21 935 âgés de six à treize ans ; et 1180 certificats d'études ont été obtenus ; 170 élèves seulement ont été dispensés de l'obligation scolaire en raison de leur état de santé et de leurs infirmités ; par contre, 37 ont été retirés aux nourriciers pour défaut de fréquentation scolaire. Signalons que 1668 enfants ont suivi les classes avant l'âge de six ans, 682 après treize ans.

Aux instituteurs incombe la tâche délicate de signaler à l'administration les esprits exceptionnellement doués auxquels convient une instruction plus complète. Des bourses sont obtenues chaque année ; la fondation Leconte (1902) permet d'entretenir un enfant au collège Chaptal ; en 1907, 16 élèves se trouvaient dans des établissements divers d'enseignement (écoles primaires supérieures, écoles normales).

d) Mutualisation des pupilles de l'Assistance publique. — Conformément à la circulaire du 29 juillet 1901 de M. le président du Conseil, ministre de l'intérieur, l'administration, poursuivant l'application du principe d'assimilation des enfants du service aux enfants du pays, a réalisé, au prix de nombreuses difficultés, mais avec le concours des fonctionnaires de l'instruction publique et en particulier de M. Ed. Petit, inspecteur général, la « mutualisation » de ses pupilles ; 349 seulement des 2376 communes comprises dans les limites des agences sont en dehors de l'action des sociétés mutualistes. Les pupilles de l'Assistance publique, assurés des soins médicaux jusqu'à vingt et un ans, ne pouvaient que cotiser en vue de la retraite et faire de l'assurance à long terme ; il était nécessaire de réaliser l'entente avec 165 sociétés, qui avaient à ajouter à leurs statuts un chapitre spécial aux enfants assistés de la Seine. La cotisation étant maintenue à 5 fr. 20, 4 francs sont réservés à capital aliéné au livret individuel, le surplus (1 fr. 20) étant porté au fonds commun et représentant sensiblement le disponible laissé par la caisse-maladie. Il était indispensable, à raison des mutations dans les placements, que le droit fût reconnu, aux enfants passant dans une nouvelle société, d'être admis sans stage. Par de patientes négociations, où les instituteurs ont joué un rôle décisif, l'entente s'est faite dans la plupart des communes. Il fallait, d'autre part, créer une société centrale pour les pupilles, au nombre de 4500, placés dans des régions dépourvues de groupements mutualistes scolaires, pour les pupilles admis après treize ans, ou pour ceux dont les sociétés scolaires se séparent à treize ans. Cette association, qui conservera un caractère complémentaire et transitoire, a pour but de prendre pour chaque membre un livret de la Caisse nationale de retraite à capital aliéné (cotisation de 4 fr.), de constituer un fonds de secours et de prévoyance (cotisation de 1 fr.20), destiné à acquitter les premières cotisations dans les sociétés d'adultes, à accorder des secours aux membres nécessiteux en vue de la continuité de leur épargne pour la retraite. La dépense prévue pour ce double service comporte un crédit de 100 000 francs pour les mutualités scolaires (20 000 élèves à 5 fr. 20), et de 30 000 francs pour les enfants placés dans les écoles professionnelles. Des calculs approximatifs permettent de penser qu'un pupille, inscrit à six ans, jouira à cinquante-cinq ans d'une rente de 55 fr. 18 (dont 17 fr. 89 fournis par la subvention de l'Assistance publique de six à quatorze ans), provenant du livret de la Caisse nationale de retraites, et d'une rente de 52 fr. 60 (dont 8 fr. 38 fournis par la subvention de l'Assistance publique de six à quatorze ans, et 31 fr. 76 par la subvention de l'Etat de six à cinquante-cinq ans), provenant du fonds commun (cotisation de 1 fr. 20 et subvention de 1 fr. 80 de l'Etat) ; soit au total une rente de 107 fr. 78 (non compris les majorations éventuelles). — Ce projet a été approuvé par délibération du Conseil général du 11 juillet 1907, et il permettra aux pupilles de la Seine de prendre une garantie pour l'avenir et surtout de faire leur « instruction mutualiste ». Signalons qu'en 1906 il y avait 246 enfants affiliés spontanément.

e) L'enseignement professionnel. — Un certain nombre de pupilles ne peuvent s'habituer aux travaux des champs : à ceux-là sont réservés d'autres placements, soit dans le Nord et le Pas-de-Calais, comme mineurs, faïenciers, etc., soit aux verreries de Vierzon, de Bar-sur-Seine. Mais ce sont là les seuls groupes industriels qu'a organisés l'Assistance publique, malgré les nombreuses sollicitations. Le Conseil général a créé trois écoles professionnelles : pour les filles, l'école professionnelle et ménagère Henri Mathé à Yzeure (Allier), près de Moulins (lingerie, broderie, confections, fabrication de corsets, 260 élèves), qui comporte, avec 5 maîtresses d'atelier, 5 institutrices recrutées parmi les admissibles au concours de la Seine et ne faisant à cet établissement qu'un stage limité ; pour les garçons, l'école Le Nôtre, à Villepreux près Versailles (école de jardinage, 60 élèves ; les candidats proposés par les directeurs d'agence doivent être pourvus du certificat d'études): l'école d'Alembert, à Montévrain (Seine-et-Marne), près de Lagny (99 élèves, ébénisterie et typographie). Dans ces deux derniers établissements, 1 instituteur communal est chargé d'un cours complémentaire, et vient trois fois par semaine à l'école. En Algérie, l'école fondée à Ben-Chicao par l'abbé Roudil est destinée à former de jeunes colons. Enfin, l'enseignement agricole est donné à des boursiers à l'école pratique de Genouillac, dans le Lot (10 élèves).

III. LES ENFANTS ARRIERES ET IDIOTS. — 1. Anormaux d'école et anormaux d'hospice. — Peu de problèmes sont aussi troublants que 1 assistance à donner aux enfants arriérés et idiots, que l'enseignement à donner à ces êtres « anormaux ». Des efforts ont été faits récemment pour rechercher les solutions économiques du problème : elles ont été envisagées du point de vue social. L'Assistance publique se devait de n'oublier point la question médicale, et c'est en effet à un médecin, M. le Dr Bourneville, qu'elle est redevable du premier service organisé en 1890, à l'hospice de Bicêtre, pour recevoir ces petits déshérités ; grâce à ses efforts persévérants, grâce à son insistance heureuse, ont été construits six pavillons qui répondent parfaitement à leur destination, et ont été instituées des méthodes intéressantes. Dans les écoles ordinaires, des classes spécialement organisées avec des méthodes appropriées pourront résoudre la question des anormaux simples, présentant seulement un défaut de développement intellectuel, un retard dans les facultés mentales. Mais, à côté d'eux, d'autres enfants réclament des soins : rien n'est plus difficile que le départ entre ces catégories d'enfants, et les critériums proposés jusqu'ici n'ont pas encore de base scientifique précise. Il est peut-être prématuré de confier exclusivement aux instituteurs le soin de faire ce départ, et le concours des médecins ne sera pas inutile ; à côté des « anormaux d'école » subsisteront toujours des a anormaux d'hospice ». A ceux-là sera nécessaire l'hospitalisation, que leur famille soit incapable, moralement ou matériellement, de leur assurer le traitement nécessaire ; que leur état se complique de troubles pathologiques (épilepsie, aliénation), ou qu'il y ait intérêt à exercer sur eux une surveillance spéciale.

Et précisément à l'égard de ceux-là, l'oeuvre d'assistance ne devra pas se mesurer à l'intérêt social et au « rendement » probable. S'il est juste, pour les demi-anormaux, pour les retardataires, de considérer les charges financières résultant de cette assistance pédagogique, il convient, à mesure que le cas devient plus grave et se rapproche de l'état pathologique, d'appliquer la règle inverse, tirée des traditions hospitalières. L'enfant devient un malade, et, à ce titre, réserve faite de la répartition de la charge de son traitement, il a droit aux soins indépendamment du résultat éventuel. Les malades sont soignés sans considération de la guérison ou de l'amélioration à obtenir ; ceux mêmes qui réclament les soins les plus compliqués et les plus coûteux n'ont point de chance, le plus souvent, de restituer à la société aucune unité active. C'est la tradition hospitalière, qui est si ancienne dans l'Assistance publique, à Bicêtre, à la Salpêtrière où le nom de Mlle Nicolle, surveillante du service des arriérées de 1850 à 1891, est le synonyme de dévouement éclairé.

2. Difficultés administratives pour l'assistance des arriérés. — Il s'en faut de beaucoup que la catégorisation administrative et les conditions de recrutement de ces services répondent au programme d'assistance tracé. Même dans le département de la Seine, où la générosité du Conseil général n'a jamais été sollicitée en vain, le traitement de ces enfants présente des difficultés particulières. Ces services n'ont pu être créés qu'en annexe aux services d'aliénés, et régulièrement les enfants n'y sont admis qu'après examen et inscription à l'asile clinique. Or une part de ces enfants sont des épileptiques simples, des rachitiques, des idiots sans aucun signe d'aliénation mentale, et on aperçoit les inconvénients de cette admission aux aliénés, c'est-à-dire dans une catégorie faite pour effrayer les parents, admission destinée à être une tare par elle-même D'ailleurs ce n'est pas le médecin traitant qui règle ces admissions, et on a pu penser que des animosités d'école dirigeaient sur tel asile les sujets intéressants pour réserver à d'autres les non-valeurs. On en est venu, dans une polémique récente, à cette accusation, étrange sous la plume de celui qui précisément faisait ces choix, de ne point compter dans un service assez de sujets améliorés ou améliorables.

3. Services de Bicêtre (43 garçons) et de la fondation Vallée (200 filles) ; service de la Salpêtrière (146 filles). — Le service créé par M. Bourneville à Bicêtre, et la fondation Vallée (créée par M. Vallée, instituteur de 1843 à 1862, qui s'adonna, ainsi que Seguin, spécialement à cette pédagogie), comprennent a la fois la simple garderie (avec tentatives méthodiques pour apprendre à l'enfant en bas âge l'usage de l'eau, etc.), une série de classes pour chaque catégorie, des ateliers de serrurerie, d'imprimerie, de menuiserie, de vannerie, enfin une installation propre aux exercices physiques, 'gymnastique suédoise, aux cours de chant, etc. Il en est de même à la Salpêtrière, où les filles sont exercées au brochage, à la fabrication de fleurs artificielles, à la buanderie, et où elles travaillent sous la direction d'institutrices. Ainsi qu'il a été expliqué plus haut, ces institutrices (d'ailleurs trop nombreuses, puisqu'on a pu en supprimer trois à la Salpêtrière sans inconvénient), en se renfermant dans leur mission pédagogique, ont montré le rôle décisif joué par le personnel hospitalier dans ces services : il ne s'agit pas d'inculquer plus ou moins heureusement aux enfants des notions que leur pauvre intelligence refuse de retenir, mais surtout d'exercer sur ces enfants une direction morale, une action permanente, une surveillance efficace : seuls les renseignements fournis par la surveillante, par l'infirmier, pourront guider le médecin, soit pour le traitement médical, soit pour l'indication pédagogique. Ce sont des services hospitaliers, non des « écoles ». Et les observations les plus utiles sont recueillies, non dans la discipline plus ou moins régulière de la classe, mais à la récréation, au dortoir, où l'enfant, moins tenu en attention, s'abandonne à sa nature. De là la nécessité de former pour ces services des employés hospitaliers spéciaux, avec la méthode personnelle du médecin dont ils sont les auxiliaires immédiats. Est-ce à dire que des progrès ne sont pas habituellement obtenus dans les classes d'enseignement? non ; mais ce sont seulement des résultats à interpréter et qui n'ont qu'une valeur relative, étant donnée l'infinie variété des cas et l'impossibilité d'établir des catégories. Il convient de se garder d'établir des pourcentages sur le nombre d'enfants améliorés, guéris ou demeurés à titre de non-valeurs. Ces statistiques n'ont pas de sens précis. Elles nous amènent seulement à conclure que si l'hospitalisation des anormaux (prix de la journée à Bicêtre : 2 fr. 20, et à la Salpêtrière : 2 fr. 09) est un mode fort onéreux, c'est un mode d'assistance médicale ; devront seuls lui être réservés les cas exigeant une séparation de la famille ou comportant des manifestations pathologiques ; mais il est indéniable que ces cas ne disparaîtront pas, et qu'il y aura des « anormaux d'hospice » à recueillir et à traiter.

IV. L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ET L'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL ORGANISES POUR LE PERSONNEL HOSPITALIER.

— 1. Cours primaires. — L'Assistance publique s'est préoccupée de donner à son personnel le moyen de parfaire, sinon de recevoir, l'instruction primaire : ainsi en 1835 un commis aux vivres de la Salpêtrière fut autorisé à faire un cours aux filles de service. Mais les cours réguliers sont tout récents, comme les cours professionnels : pour suivre utilement ces derniers, les élèves doivent posséder quelques connaissances, et sans doute doit-on considérer les cours primaires comme leurs annexes, plutôt que comme un effort pour le développement général de l'instruction, au moins au début. Ils existent à la Pitié (1898), à Lariboisière, à Tenon, où ils sont faits par des surveillantes pourvues de diplômes, moyennant une légère indemnité annuelle (125 à 200 francs) ; à la Salpêtrière, à Bicêtre, à Berck, à Ivry, où ils sont confiés aux institutrices de l'établissement. Ils comprennent généralement plusieurs divisions, dont l'une préparatoire au certificat d'études, et ont lieu le soir, quand les agents ont terminé leur service. Des créations récentes, dont il sera parlé plus loin, ont été laites : à Saint-Louis (1906) ; à Bretonneau (1907), avec un cours spécial pour les agents de veille ; à Brévannes, établissement éloigné de Paris (1907). Sauf dans les grands établissements, le recrutement varie avec les cadres du personnel, et aussi avec l'action exercée par le directeur pour amener ses agents à cet effort supplémentaire, qui, le bénéfice de l'instruction acquise étant peu aisément apprécié, ne comporte d'autre récompense immédiate que le livret de caisse d'épargne de 10 ou 20 francs remis avec le certificat d'études obtenu ; ces cours sont parfois gênés par les nécessités du service, les congés, les mutations, et, malgré les précautions prises, présentent quelque caractère discontinu. Les résultats du certificat d'études sont d'ailleurs satisfaisants (45 en 1907-1908 ; 893 depuis la fondation), et surtout il est assez convaincant de voir parfois de vieux serviteurs, même sur le point de prendre leur retraite, s'inscrire à ces cours et donner un méritoire exemple. Quelques cours sont organisés en septembre, en vue du petit examen d'admission aux écoles professionnelles. Il existe malheureusement trop d'agents indifférents, parfois rebelles, aux exhortations, et qu'il n'y a aucun moyen de contraindre.

2. Ecoles municipales d'infirmiers et d'infirmières. — Il n'en est pas de même pour le diplôme professionnel qu'une décision récente (arrêté des 6-19 juillet 1906) rend nécessaire pour être promu aux grades de suppléante et de surveillante. L'organisation des écoles municipales coïncide avec les premières tentatives pour la laïcisation ; les partisans des congréganistes, oubliant qu'elles n'avaient aucun enseignement organisé, parlaient de l'absence de personnel expérimenté pour les remplacer. Argument non sans apparence de fondement au début, mais applicable également aux religieuses.

Il a fallu trente ans pour qu'on reconnût la nécessité, pour la profession d'infirmière, d'un apprentissage long et délicat, dirigé par un enseignement théorique et pratique complet. La question de l'enseignement professionnel n'avait avec la laïcisation que le rapport occasionnel tiré d'une polémique, et il est déplorable qu'au lieu de recevoir l'encouragement de tous, — l'enseignement professionnel n'a rien d'antireligieux, — le Dr Bourneville ait été obligé de déployer son zèle infatigable pour créer ces écoles auxquelles il a attaché son nom, et pour organiser un enseignement professionnel régulier. Après les écoles ouvertes à la Salpêtrière et à Bicêtre en 1878, il en ouvrit d'autres à la Pitié (1881) et à Lariboisière (1894), ainsi que dans les asiles de la Seine. Elles sont destinées au personnel hospitalier, et suivies concurremment avec le service journalier (cours théoriques le soir trois fois par semaine, exercices pratiques et stage dans les salles). Sous réserve de subir le petit examen d'admission comme les agents du personnel, des élèves externes, hommes et femmes, y sont admis gratuitement et reçoivent, après l'année d'études, le diplôme ainsi que des prix, tout comme le personnel. La discipline a été rendue récemment plus stricte, les élèves astreints à une assiduité continue, la moitié des points exigée dans chaque matière avec obligation de recommencer intégralement le cours d'études si une matière est insuffisante. L'administration rembourse, d'ailleurs, les frais de transport des agents qui n'appartiennent pas à l'hôpital-école. En 1908 ont été créés des cours spéciaux pour les agents de veille, à des heures compatibles avec leur service de nuit. La fréquentation en 1907-1908 a été la suivante :

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Des cours pratiques à Cochin, à Necker, à Tenon et à la Charité complètent cet enseignement, qui comprend des cours d'anatomie et de physiologie ; d'hygiène ; de pansements ; d'administration ; de petite pharmacie ; de soins aux femmes en couches et aux nouveau-nés ; de massage. En 1907 a été créé à Saint-Louis un ensemble de cours pratiques et de cours primaires en vue de donner à un personnel intéressant (on accepte à Saint-Louis, dans le personnel, des malheureux ayant la figure déformée par un lupus ou une autre infirmité non contagieuse) le moyen de se préparer au diplôme ; en 1908 s'est ouverte à Brévannes, à raison de son éloignement de Paris, une autre école.

Tous ces cours sont organisés au moyen d'une subvention municipale de 31 350 francs, qui n'a pas été augmentée depuis la création. C'est le premier groupe de cours donnant au personnel en fonctions, masculin ou féminin, l'enseignement primaire et professionnel.

3. L'école des infirmières de l'Assistance publique à la Salpêtrière. — Suivant une autre méthode, l'école des infirmières, d'ailleurs légèrement différente des écoles anglaises de « nurses », si justement réputées, est destinée à devenir un centre de recrutement où, sous le régime de l'internat et avec les garanties que donne l'instruction propre à une « école », les futures surveillantes demeureront deux ans à titre d'élèves, dégagées de la préoccupation du service courant et consacrant tous leurs efforts à l'exécution d'un programme pédagogique. En une première année, les élèves vont le matin faire le service en médecine, en chirurgie, etc., à l'hôpital, mais en surnombre et sans faire partie du personnel régulier ; l'après-midi est employé aux cours, formant l'ensemble complet des matières (anatomie et physiologie ; hygiène ; administration hospitalière ; pharmacie ; soins à donner aux malades de médecine ; aux malades de chirurgie ; aux enfants ; aux femmes en couches et aux nouveau-nés ; aux contagieux, aliénés et vieillards ; massage). La seconde année comprend des cours de perfectionnement et le service régulier dans les salles. A leur sortie, les élèves sont nommées infirmières de 2e classe. La discipline est particulièrement stricte dans une maison où les plus sérieuses qualités morales sont exigées, où les élèves ont à se pénétrer de l'« esprit de l'école», des traditions de la noble profession d'infirmière, pour se former à l' « étiquette », à cette aptitude morale qui fait la supériorité des nurses anglaises et qui correspond à un ensemble de qualités nombreuses et difficiles à acquérir. Les élèves, au nombre de 150, procèdent, à l'intérieur de l'école, aux travaux domestiques, nettoyage, cuisine, qu'elles auront plus tard à ordonner comme surveillantes. Par contre, l'administration n'a rien négligé pour leur assurer le confortable nécessaire, qui puisse satisfaire les plus difficiles : chambres avec armoire à glace et lavabos à eau courante ; salles de réunion et de jeux ; bibliothèque ; promenades le dimanche pour celles qui n'ont point leur famille à Paris. Des conférences de philosophie leur sont faites par un inspecteur général de l'Université. Des projections lumineuses, l'outillage ordinaire de l'enseignement professionnel (tableaux d'anatomie, homme démontable d'Auzoux, mannequins à pansement, squelettes et collections d'os, d'instruments et d'appareils), facilitent l'enseignement, ainsi que les répétitions faites par les surveillantes de l'école, recrutées exclusivement parmi des « hospitalières ». Cet enseignement, basé sur le principe de la préparation exclusive aux fonctions d'infirmière d'hôpital, revêt un caractère démocratique, puisque les élèves n'ont aucun frais de pension à payer et reçoivent une légère rétribution mensuelle, étant nourries, logées, habillées, blanchies, etc., sous réserve de l'engagement à signer de servir pendant trois ans dans les établissements de l'Assistance publique. Conditions d'admission : âge de dix-huit à vingt-cinq ans ; santé robuste ; dictée ; narration ; problèmes (force du certificat d'études) ; épreuve de couture.

Parallèlement à cette école destinée à former des infirmières et de futures surveillantes, l'administration va ouvrir pour les filles de service, et conformément à l'un des principes essentiels du règlement de 1903 (distinction du personnel soignant et du personnel servant), une école pour la préparation des filles de service qui, au lieu d'être placées directement dans les services, feront un stage de trois mois sous la direction de surveillantes chargées de les dresser à leurs fonctions, de leur apprendre les procédés en usage dans les hôpitaux, l'usage de l'outillage spécial des salles des malades, de leur donner des notions sur les prescriptions règlementaires, sur l'hygiène, de s'assurer de leurs connaissances primaires ainsi que de leur moralité.

4. L'oeuvre d'instruction générale et spéciale. — Le recrutement et l'accession aux grades de la hiérarchie hospitalière se feront donc par une double voie : soit par le recrutement direct, ouvert à tous, et par le diplôme acquis en cours de service aux écoles municipales ; soit par l'intermédiaire de deux écoles, l'une pour le personnel servant, l'autre pour le personnel soignant. Il est à peine besoin d'ajouter que l'école des infirmières, pour laquelle aucun diplôme n'est exigé, est ouverte aux filles de service en fonctions aussi bien qu'aux candidates de l'extérieur et particulièrement aux jeunes filles de province, qui sont reçues gratuitement pendant la durée de l'examen d'entrée et qui trouvent là le moyen de s'assurer une carrière honorable. Sans doute aucune école spéciale n'a été prévue pour le personnel masculin, qui dispose seulement des cours des écoles municipales ; mais le règlement de 1903 a posé en principe la féminisation des services, et cet inconvénient est moindre. Il y a lieu de penser que des hommes ne se plieraient guère, étant donné l'âge d'admission dans le personnel hospitalier (dix-huit à trente-cinq ans), à la discipline d'une école.

L'école des infirmières de l'Assistance publique a été ouverte en novembre 1907, et il est à prévoir que son brevet acquerra une valeur reconnue ; parallèlement, le diplôme des écoles municipales, grâce aux mesures prises récemment pour relever le niveau des études, verra son autorité s'affirmer ; déjà, des écoles privées ont sollicité pour leurs élèves de se présenter aux examens de l'école des infirmières de l'Assistance publique, et, si l'on considère les efforts faits par les « nurses » à l'étranger, en Angleterre, en Amérique, — où elles ont partiellement réussi, — pour obtenir un contrôle officiel leur permettant de posséder un diplôme reconnu et « qualifié », il n'est pas douteux que, sous une forme ou sous une autre, l'enseignement professionnel des infirmières devra recevoir à bref délai une organisation définitive ; l'Assistance publique, qui ne néglige aucun effort pour le mettre à la portée de son personnel, a ouvert libéralement le stage hospitalier aux élèves des écoles privées, qui ne sauraient se passer de son concours ; et elle continuera à aider à la création, sinon au relèvement, de la profession d'infirmière en France. Ainsi se trouvera satisfait le voeu qu'exprimait M. E. Combes, ministre de l'intérieur, par sa circulaire du 28 octobre 1902.

V. L'ASSISTANCE PUBLIQUE ET L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR. — L'internat et le stage hospitalier. Les cliniques. — L'association si étroite entre l'Assistance publique de Paris et la Faculté de médecine, le champ d'application offert par ses hôpitaux à la science médicale, ne permettent pas d'omettre la part prise par elle dans l'organisation de cette partie de l'enseignement supérieur. Le concours de l'externat (accessible aux étudiants pourvus de quatre inscriptions) et le concours de l'internat (accessible aux externes en fonction depuis un an) ouvrent les services hospitaliers à une élite d'étudiants qui, soit en participant chaque matin à la visite, aux pansements, aux consultations (externes), soit en assurant le service médical sous la direction du chef de service pendant son absence, durant les trois ou quatre années d'internat, acquièrent une expérience consommée. L'Assistance publique, si attachée à l'institution de l'internat créée en 1802, donne son concours non seulement aux cliniques installées dans ses locaux par la Faculté, mais encore à l'enseignement libre fait par la plupart des chefs de service, aux recherches scientifiques faites dans les laboratoires (subvention municipale spéciale). Les cliniques sont placées sous le régime du décret du 23 novembre 1893, et les étudiants en médecine doivent y faire un stage de trois années ; outre les cliniques, la Faculté a créé des « cours de stagiaires » confiés à des médecins et chirurgiens des hôpitaux désignés par une commission mixte. Les titulaires des chaires de clinique hospitalière doivent faire partie du corps médical des hôpitaux, recruté au concours.

2. Etablissements hospitaliers d'enseignement : l'Amphithéâtre d'anatomie et l'Ecole d'accouchement à la Maternité. — L'Assistance publique possède d'ailleurs deux établissements en dehors de l'action de la Faculté et spécialement consacrés à l'enseignement. L'amphithéâtre d'anatomie, plus connu sous le nom de Clamart, du nom de l'ancien cimetière dont il occupe l'emplacement rue du Fer-à-Moulin, est dirigé par un chirurgien des hôpitaux, assisté de prosecteurs et d'aides nommés au concours ; cet établissement est destiné aux internes et externes des hôpitaux, mais reçoit également les autres catégories d'étudiants, qui, moyennant des droits modiques, y pratiquent la dissection et y suivent des cours d'anatomie, de pathologie ; c'est un foyer d'enseignement des plus actifs. L'Ecole de la Maternité, dont les études durent deux ans et dont le régime est l'internat, a été fondée par Chaptal, en 1801, et a acquis rapidement, par la valeur clinique de ses élèves, une réputation brillante. Les sages-femmes qu'elle forme ont assisté en effet, au cours de leurs études, aux cas les plus divers, et possèdent une expérience que ne peuvent acquérir des élèves externes, comme celles de l'école de la Faculté, à Beaujon. L'enseignement leur est donné par l'accoucheur en chef assisté de l'accoucheur adjoint de la Maternité, par la sage-femme en chef, par le pharmacien et par le chef de laboratoire. Elles subissent d'ailleurs l'examen règlementaire devant un jury d'Etat ; elles sont seulement dispensées à l'entrée de présenter le brevet élémentaire, et doivent satisfaire à un examen passé avec le concours d'une inspectrice de l'enseignement primaire. C'est ce qui a permis à nombre de départements d'envoyer à l'Ecole des pensionnaires à leurs frais, avec obligation de venir exercer dans tel arrondissement dépourvu de praticiennes: le département de la Seine entretient des boursières, les autres élèves paient leur pension (2200 fr. pour les deux années).

Statistique (1908). — Nombre total des lits : 31 709 (dont 15 584 pour les malades, 11 422 pour les vieillards, 1824 dans les fondations, 1969 pour les aliénés, 910 pour les enfants assistés). — Nombre total des journées des administrés de toutes catégories : 10 717 346 (dont 5 376 000 dans les hôpitaux). — Prix moyen de la journée en 1907 : hôpitaux généraux : 4fr, 4389 ; hôpitaux spéciaux : 5fr, 1979 ; hôpitaux d'enfants, 3fr, 8029 ; hôpitaux de toutes catégories : 4fr, 4634 ; hospices : 2fr, 3794. — Durée moyenne du séjour dans les hôpitaux d'adultes : 23 jours ; dans les hôpitaux d'enfants : 39 jours. — Assistés secourus à domicile en 1907 :149 313 (dont 92 505 ont reçu des secours irréguliers, 15878 des mensualités de 5 ou de 10 fr., 40 930 les pensions de l'assistance obligatoire, de 26fr, 445 en moyenne par mois). — Secours donnés en faveur de 23 163 enfants à des filles-mères, à des veufs, à des orphelins, 1456214 francs. — Enfants assistés sous la tutelle de l'Assistance publique : 54 357, dont 53 123 placés dans les agences du service extérieur.

Dépenses totales du service propre (hôpitaux et hospices) : 44 987 195 fr. ; des bureaux de bienfaisance : 3 952 054 fr. ; des fondations : 2 942 299 fr. ; de l'assistance obligatoire aux vieillards : 22 millions ; du service des Enfants assistés : 15 224 000 francs. Subvention municipale (hôpitaux et bureaux de bienfaisance) : 23 483 950 fr. ; Subvention départementale pour les enfants assistés: 6 381 000 fr. ; Subvention municipale pour l'assistance obligatoire à Paris : 11 556 276 fr. ; Subvention départementale pour l'assistance obligatoire à Paris : 2 686 000 fr. ; Subventions de l'Etat pour l'assistance obligatoire à Paris : 3 674 000 fr. ; pour les enfants assistés de la Seine, 5 225000 francs. Part des dépenses de l'assistance obligatoire à Paris à la charge des ressources propres de l'Assistance publique à Paris : 3474 000 francs.

Bibliographie. Législation spéciale à l'administration générale de l'Assistance publique à Paris : Lettres patentes de Blois du 11 avril et arrêt du Parlement du 5 mai 1505 ; lettres patentes du 4 mai 1656 et arrêt du Parlement du 18 avril 1657 ; lettres patentes du 7 novembre 1544 ; arrêté des consuls des 27 nivôse et 15 pluviôse an IX ; loi du 10 janvier 1849 et arrêté règlementaire du 24 avril 18i9 ; décrets du 25 septembre 1870 et du 18 février 1871 ; décret du 18 mars 1899 ; décret du 17 juillet 1902 ; décret du 7 février 1809 ; décret du 22 février 1875 ; décret du 11 juin 1881 ; loi du 14 juillet 1905 ; décrets des 14 avril 1906, 30 mars 1907, 8 mai 1908 ; loi du 27 juin 1904 ; loi du 19 avril 1893.

Ouvrages et documents divers : Comptes financiers et comptes moraux de l'administration générale de l'Assistance publique à Paris: compte moral du service des Enfants assistés (publications annuelles). — DEROUIN, GORY et WORMS, Traité d'assistance publique (Paris, Larose, 1902, 2 forts vol., 824 et 649 pages). — PARTURIER, L'Assistance publique à Paris sous l'ancien régime et sous la Révolution (Paris, Larose, 1897). — MUENSTERBERG, président de la direction générale de l'Assistance publique à Berlin, L'Assistance (trad. Raoul Bompard, Paris, Larose, 1902). — C. BLOCH, L'Assistance et l'Etat en France à la veille de la Révolution (Paris, Picard, 1908). — BOUCHET, L'Assistance publique en France pendant la Révolution (Paris, Jouve, 190s). — BONDE, Le domaine des hospices de Paris (Paris, Berger-Levrault, 1907) ; L'Assistance publique en 1900 (Paris, Berger-Levrault, 1900, 1 fort vol. in-4). — HUSSON, Etude sur les hôpitaux de Paris (Paris, Hénon, 1862). — A. MESUREUR, L'oeuvre de l'Assistance publique contre la tuberculose (Paris, Berger-Levrault, 1905). — BENOIT ET CHATELAIN, Application de la loi du 14 juillet 1905 à Paris (Paris, Berger-Levrault, 1908). — GRILLET, Mémento des secours publics et des établissements de bienfaisance à Paris (Paris, Berger-Levrault, 1908). — La Bibliothèque de l'administration générale de l'Assistance publique, 3, avenue Victoria, Paris, est ouverte au public.

André Mesureur